La signification de l’Édit de Nantes

L’Édit de Nantes est promulgué le 13 avril 1598. Il a fallu deux années de négociation pour arriver un texte acceptable ou tout au moins relativement gérable par le pouvoir royal, aux dépens des factions catholique et protestante.

Trente années de troubles provoqués par d’incessantes guerres de religion et d’influences extérieures imposaient au pouvoir royal, pour se maintenir, de stabiliser à tout prix la situation, au moins pour un temps. La dimension nationale l’emporterait : en pratique, c’est sur la bourgeoisie que mise la monarchie absolue.

L’Édit de Nantes est donc censé être « perpétuel et irrévocable » : en pratique il est évidemment un simple moment de stabilisation des rapports de force.

Il consiste en 95 articles publics, 56 articles secrets, ainsi que deux brevets. L’Édit de Nantes ne reconnaît en pratique que le catholicisme comme religion officielle, le protestantisme est désigné par l’expression catholique de « religion prétendument réformée ».

Les protestants sont ainsi seulement tolérés et ils doivent payer la dîme. Afin de les pousser à accepter l’Édit, des acquis sociaux leur sont fournis, comme l’accession théorique à tous les emplois, des postes d’officiers dans certains parlements lorsqu’il est traité des protestants.

L’Édit de Nantes 

On a là un aboutissement d’un processus ayant consisté en la multiplication d’Édits. On a un mouvement de balancier : à l’acceptation suit un recul puis une interdiction, le tout recommençant. Encore s’agit-il des décisions officielles, plus ou moins inappliquées.

Le premier Édit, celui de Saint-Germain en janvier 1562, permettait la liberté de conscience et la liberté de culte en dehors des villes closes. En avril 1562 le tout est suspendu, puis rétabli à ceci près que l’Édit d’Amboise en mars 1563 limitera ensuite énormément la liberté de culte.

En mars 1568 la paix de Longjumeau ramène une marge de manœuvre pour les protestants, mais l’Édit de Saint-Mauren septembre 1568 rétablit la répression. En août 1570 la paix de Saint-Germain est favorable au protestantisme, mais on va alors vers la Saint-Barthélemy en 1572.

À ce moment-là, la question militaire s’associe à celle de la liberté de culte. Les protestants obtinrent à partir de là des « places de sûreté », par exemple avec l’Édit de Boulogne en 1573. Elles furent toujours au nombre de quatre : La Rochelle et Montauban, ainsi que Cognac et La Charité, puis Nîmes et Sancerre.

Par la suite, la « paix de Monsieur » en mai 1576, avec l’Édit de Beaulieu, leur nombre passa à huit.

La situation était celle d’une formidable avancée pour les protestants : la liberté de culte était générale sauf à Paris et dans les résidences royales, liberté de conscience, réhabilitation et indemnisation des victimes de la Saint-Barthélemy, accession possible à tous les emplois y compris militaires, chambres à parties égales pour garantir l’équité dans la justice, grâces et faveurs pour les chefs protestants. Dès octobre 1577 toutefois, l’Édit de Poitiers restreint la liberté de culte prévue.

Le traité de Nérac en février 1579 maintient le statu quo, mais le nombre de places de sûreté passe à 16, pour six mois. La Paix de Fleix, en novembre 1580, prolonge ce traité de six ans.

Avec l’Édit de Nantes, les protestants voient leur culte autorisé de manière relative : seulement là où il était pratiqué à la fin d’août 1597, ainsi que dans deux villes par bailliage et chez les seigneurs hauts justiciers.

Afin de gagner la direction protestante, les synodes provinciaux et nationaux sont reconnus, et les accords secrets accordent des garanties militaires. 150 lieux de refuges sont reconnus, dont 51 places de sûreté, avec des garnisons et des gouverneurs protestants payés par le roi.

Ces accords secrets sont d’ailleurs accordés par le roi lui-même et ainsi non pas soumis à l’enregistrement des cours souveraines.

L’évolution de la situation à la fin du XVIe siècle,
par le Musée Virtuel du Protestantisme

Militairement, la sécurité des protestants semblait enfin relativement assurée. Cependant, l’approche est d’une certaine manière une erreur grossière. Ce qui semble un avantage est en effet ici problématique, car cela signifie qu’on est là dans une logique pragmatique, qui contourne l’opinion publique.

La bataille pour celle-ci est à la base même oubliée. Les protestants se posent comme force à la marge, négociant des avantages spécifiques, avec à l’esprit seulement les questions pratiques à court terme : politiquement c’est un désavantage.

D’ailleurs, Henri IV va mettre deux années pour que chaque parlement existant en France finisse par reconnaître l’Édit. Les assemblées du clergé ne cesseront, année après année, d’appeler à supprimer «l’hérésie ». Quant à la monarchie absolue, elle prend les choses comme elles sont, et si le catholicisme est majoritaire et que le pape lâche du lest, alors le choix est rapidement fait.

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La dernière conversion d’Henri IV

Ayant installé son gouvernement en Touraine après l’échec de la prise de Paris, Henri IV parvient à lancer une offensive militaire et à écraser la Ligue à Ivry en mars 1590. La question nationale, permise dans son existence même par la monarchie absolue, va alors se poser dans toute son ampleur.

Henri IV dans les années 1590

Le soutien espagnol provoque un trouble certain sur le plan de la conscience nationale, qui saisit que l’éventuel succès de la Ligue renforcerait l’Espagne aux dépens de la France, voire briserait la France, en renforçant la féodalité de type médiéval.

Joue ici un rôle important la publication d’un accord secret signé à Joinville, dit de la « Sainte Ligue », entre l’Espagne et la Ligue, et la révélation que le roi d’Espagne avait tenté de placer sur le trône français plusieurs personnes : sa propre fille, son frère qui était un archiduc autrichien, le cardinal de Bourbon (oncle de Henri IV), etc.

La Ligue elle-même en arrive à se diviser en deux, le comité gérant Paris étant décapité au bout d’un affrontement entre une tendance catholique ultra et une tendance bourgeoise plus mesurée.

Dans ce contexte d’enjeu national, les parlements existant en France alors se divisent de plus en plus et Henri IV obtient un appui toujours plus grand, dans la mesure où il relève de l’option nationale. C’est précisément à ce moment là que Henri IV fait annoncer par l’archevêque de Bourges qu’il va devenir catholique.

C’est une option pragmatique qui fait littéralement basculer dans le camp de la monarchie absolue des pans entiers du catholicisme, justement en raison de la base nationale.

Henri IV abjure le protestantisme en juillet 1593, lors d’une cérémonie publique à Saint-Denis. Il rentre dans l’église, l’archevêque lui demande qui il est, Henri IV répond « Je suis le roi ! »

S’ensuit le dialogue suivant, Henri IV s’agenouillant sur un carreau présenté par le cardinal :

« – Que demandez-vous ?

– Je demande être reçu au giron de l’Eglise catholique, apostolique et romaine.

– Le voulez-vous ?

– Oui, je le veux et je le désire. Je proteste et jure, devant la face du Dieu tout puissant, de vivre et mourir en la religion catholique, apostolique et romaine, de la protéger et défendre envers tous, au péril de mon sang et de ma vie, renonçant à toutes hérésies contraires à ladite Église. »

Nicolas Baullery  (–1630),
L’abjuration d’Henri IV, le 25 juillet 1593,
en la basilique de Saint-Denis

Henri IV est couronné Roi de France en février 1594 à Chartres, à défaut d’avoir pu aller à Reims qui était sous le contrôle de la Ligue catholique. Enfin, le pape Clément lui accorde l’absolution au bout d’un certain temps, en novembre 1595. Henri III fut alors le dernier de la maison des Valois, Henri IV le premier de la maison des Bourbons.

Armoiries du roi Henri IV

Henri IV apparaît donc comme quelqu’un possédant la légitimité générale et il rassemble au fur et à mesure des troupes pour vaincre la présence espagnole : d’abord lors de la bataille de Fontaine-Française qui libère la Bourgogne, en juin 1595, ensuite et surtout dans le siège d’Amiens qui dura six mois avec également une contre-offensive espagnole, en 1597.

L’Espagne est alors battue, étant également à bout de ressources (elle n’a par ailleurs que 8 millions d’habitants, contre 20 pour la France) ; le traité de paix franco-espagnol est signé à Vervins en mai 1598 et la France retrouve ses frontières de 1559, revenant au premier plan.

Restent les problèmes franco-français, liés à l’influence espagnole et au catholicisme ultra. Henri IV engage des négociations avec les trente villes de la Ligue, avec qui furent faits des accords un par un.

Portrait équestre de Henri IV (1553-1610),
roi de France, XVIe siècle

Bordeaux, par exemple, vit ses privilèges renouvelés en 1591 : le maire et les jurats disposent de la garde et des clefs de la ville, ainsi que des tours aux portes de celle-ci. On trouve la même question des tours dans le traité concernant la ville de Lyon, où l’on peut lire : « Que le Roy ne batiroit jamais de citadelles en leur ville, que dans leurs coeurs et bonnes volontez ».

La ville de Lyon obtient de ne pas avoir à entretenir de garnison royale, de conserver ses privilèges pour les foires, les manufactures de soie et de draps d’or et d’argent, d’être exemptée de tailles, de bans et d’arrière-bans, etc.

Mais surtout, Henri IV procède à la corruption, qui a un coût massif : 32 millions de livres, pas moins d’une année d’impôts ! Et encore s’agit-il d’un chiffre qui ne tient pas compte des articles secrets, ni de la distribution de postes richement rémunérés.

L’entrée à Paris fut par exemple achetée 1 million 695 mille livres et une charge de maréchal au comte de Brissac. Le marquis de Vitry fut acheté 168 890 livres, à quoi s’ajoutent une charge de capitaine des gardes et le gouvernement de Meaux, le duc de Mercoeur fut acheté deux millions de livres !

Et c’est justement en se rendant à Nantes au printemps 1598 pour signer l’accord avec le duc de Mercoeur que Henri IV va pouvoir alors officialiser le fameux Édit. Il lui fallait en effet trouver un terrain d’entente avec les protestants.

Il avait fait un premier pas, extrêmement restreint, en juillet 1591, avec l’Édit de Mantes rétablissant l’Édit de Poitiers de 1577, accordant de faibles droits aux protestants. Il fallait cette fois à Henri IV aller plus loin.

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Catholicismes pro-espagnol et politique au moment de l’Édit de Nantes

Successeur de Henri III, Henri de Navarre procède par étapes. Tout d’abord, il lui faut trouver un terrain d’entente avec le pape et les catholiques, tout en contournant la faction catholique française alliée au roi d’Espagne. C’est la seule possibilité de rétablir une stabilité politique et économique relative, et par là relancer le processus de monarchie absolue.

Cela passe par l’écrasement immédiat des forces royalistes partisanes d’une option catholique, commandées par Anne de Joyeuse (1560-1587) et battues à la bataille de Coutras, en octobre 1587.

Anne, duc de Joyeuse (1560-1587), tiré de Portraits dessinés de la Cour de France, XVIe siècle

Pour montrer les rapports étroits entre toutes ces figures, une anecdote est ici assez exemplaire. Il s’avère que Henri III avait confisqué une bague avec un diamant et un rubis rouge à Marguerite de Valois, la future femme d’Henri IV. La raison en fut que celle-ci accusait Anne de Joyeuse d’interférence dans la politique royale. La bague fut remis Anne de Joyeuse, le plus important des « mignons ».

Ce terme désigne des personnes extrêmement proches du roi, des « favoris », qui ont le droit de s’habiller comme lui, voire de coucher dans la même chambre ou encore le même lit. On a là un « raffinement » en fait décadent : les courtisans autour du roi se poudrent, se frisent les cheveux, portent des boucles d’oreille, de la dentelle, de grandes fraises. 

Le peintre romantique Charles Durupt les présente, de manière provocatrice, en les montrant regarder dédaigneusement le cadavre du duc de Guise, chef des catholiques, assassiné.

Représentation du 19e siècle de la mort de Henri de Guise : Charles Durupt (1804-1838), Henri III poussant du pied le cadavre du duc de Guise

On a ici des mœurs décadentes – rejetées tant par les factions catholique que protestante – qui montrent bien à quel point la monarchie était à un tournant.

Avec ce statut de « mignon », Anne de Joyeuse était le gardien des chambres royales : il avait le droit de porter les couleurs royales. Lui-même était marié avec Marguerite de Lorraine, une demi-soeur de la reine, le couple recevant à l’occasion du mariage 300 000 écus et Anne de Joyeuse la seigneurie de Limours, alors que le vicomté de Joyeuse fut érigé en duché-pairie avec préséance sur tous les autres ducs et pairs excepté les princes du sang.

Par la suite – il n’a alors que 21 ans – il devient grand-amiral de France. Partisan acharné de la cause catholique – il est ainsi notamment à l’origine du « massacre de Saint-Eloi » coûtant la vie à 800 protestants en 1587 à La Mothe-Saint-Héray – il représentait un tendance monarchiste catholique relativement légitimiste.

Tentant de renforcer la faction catholique ainsi que la faction catholique royale, il se lance dans la bataille anti-protestante. Capturé lors de la bataille de Coutras, il est exécuté en punition du massacre de Saint-Eloi, malgré sa proposition d’une rançon de 100 000 écus.

Bataille de Coutras, gravure coloriée de Frans Hogenberg (1535-1590)

Politiquement, c’était une figure importante qui était éliminée. Sa défaite était capitale pour Henri IV, sa disparition un avantage indéniable.

Cela forçait le camp catholique à se présenter comme tel, hors continuité monarchique directe, et cela donnait de l’espace à ceux qui furent alors appelés les « politiques ».

Il s’agissait d’une fraction catholique légitimiste, maintenant l’accent sur le pouvoir royal et la stabilité étatique, portée notamment le duc d’Alençon, le prince de Condé, le maréchal de Montmorency, avec comme principal théoricien Jean Bodin, auteur en 1576 des Six livres de la République.

Elle profitait d’un large courant d’idée appelant à se focaliser sur l’État plus que sur la religion. Telle était la démarche du chancelier Michel de L’Hospital, l’avocat au Parlement de Paris Étienne Pasquier auteur en 1561 de l’Exhortation aux princes (1561), le juriste Guy Coquille, l’avocat général au Parlement de Toulouse Pierre de Belloy, les protestants François de La Noue et Guillaume du Bartas.

Une œuvre représentative de ce courant fut celle signée d’un collectif de bons citoyens « demeurés français en politique et gallicans en religion », la Satyre Ménippée : de la Vertu du Catholicon d’Espaigne et de la tenuë des estats de Paris, en 1583.

De la Vertu du Catholicon d’Espaigne et de la tenuë des estats de Paris, dans une édition tardive (1711)

Le courant catholique légitimiste représentait donc pour Henri IV un souci, mais nullement une priorité. Il fallait battre surtout la Ligue catholique, commandée par le duc de Mayenne qui avait succédé aux Guise assassinés. Celui-ci mène immédiatement une campagne militaire pour écraser Henri IV, mais ce dernier parvient à lui échapper, puis à obtenir une première victoire à Arques en septembre 1589.

Il tente alors de prendre Paris, mais échoue : des troupes espagnoles aident les villes de Paris et de Rouen (qui est à ce moment le premier port français) à faire face aux sièges menés par Henri IV.

C’est là un moment clef, le tournant. Henri IV va profiter de la base formée par la monarchie absolue pour réaliser sa propre mise en valeur en tant que dirigeant de la bataille anti-espagnole, forçant de larges courants catholiques à basculer dans son camp, à faire de l’unité française une priorité, au-delà de la question religieuse.

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Avec Henri IV, Une équipe de protestants pour la modernisation du pays

La question n’est donc nullement le simple rapport catholicisme – protestantisme. Il faut bien avoir à l’esprit qu’on est déjà dans une situation où la féodalité de l’ancien Moyen-Âge disparaît. La monarchie absolue est déjà présente en grande partie. C’est la raison pour laquelle les états généraux n’ont pas été convoqués de 1484 à 1560.

Le régime est déjà centralisé, et se forge un appareil d’État qu’il lui faut assumer. La création de postes administratifs rémunérés mais exigeant un prix d’entrée provoque une explosion des salaires à payer : on passe de 1,2 millions de livres par an à cinq millions en 1585.

Si l’on met de côté le protestantisme de la partie sud de la France qui est lié pour beaucoup aux notables ayant des velléités d’autonomie, les protestants apparaissent ici comme l’expression la plus moderne, la plus intellectuelle du courant culturel porté par la monarchie absolue. Le protestantisme est une religion de gens cultivés, de bourgeois c’est-à-dire de marchands et de commerçants dont l’activité a donné naissance aux bourgs, ainsi que d’artistes et d’intellectuels.

Au départ du protestantisme français, on ne trouve peu ou pas de gentilshommes, même si Catherine de Bourbon, sœur du roi, fait partie initialement des protestants, avant son mariage forcé avec un prince lorrain ultra catholique.

La force du protestantisme tient véritablement aux figures les plus cultivées, les plus intellectuelles du pays. Pour cela il faut regarder ce qui se passe à Paris, car elles ont réussi à se lier au pouvoir royal qui, quittant la féodalité du Moyen-Âge, se modernise, formant les bases de l’État moderne.

Les 15 000 protestants parisiens ne forment que 1/20 de la population, mais ils sont très liés au pouvoir royal. Il y a même des cérémonies religieuses de 1500 personnes dans la salle des Cariatides du Louvre, avant que ne s’installent des temples à la périphérie parisienne : à Grigny, puis à Ablon et enfin à Charenton, toujours plus proche de la capitale, dans le dernier cas, la Seine servant de moyen de transport.

Les protestants parisiens sont souvent fonctionnaires royaux, ou bien fournisseurs royaux. On les retrouve dans l’entourage le plus proche du roi, le plus connu d’entre eux étant le duc de Sully, Maximilien de Béthune, lors du règne d’Henri IV. Mais on a également le secrétaire de la Chambre des finances Nicolas de Rambouillet, le trésorier général de France Claude Hérouard, le trésorier général de la cavalerie légère Jean du Jon, le trésorier général de la Maison de Navarre (et par ailleurs banquier) Gédéon Tallemant, le contrôleur général du commerce Barthélemy Laffemas.

On retrouve ici un aspect économique évident et il est significatif qu’un catholique important qui se convertisse soit Gilles de Maupeou, l’intendant des finances (et grand-père de Nicolas Fouquet). On retrouve des cas similaires avec le maître des comptes Antoine Le Maistre ou encore le maître de forges et auteur du Traité de l’économie politique Antoine de Montchrestien.

Les arts et techniques sont également largement présents. Le peintre Jacob Bunel décora les Tuileries, dont la galerie fut terminée par l’architecte Jacques Androuet du Cerceau. Le neveu de celui-ci, Salomon de Brosse, fut également architecte et il est notamment à l’origine du palais du Luxembourg, du Collège de France, de la grande salle du Palais de Justice.

Parmi les autres figures artistiques, on a les poètes Théodore Agrippa d’Aubigné et Guillaume du Bartas, les sculpteurs Ligier Richier et Jean Goujon, le céramiste Bernard Palissy,

On a aussi le musicien Claude Goudimel, l’ingénieur Jean Erard qui travailla dans les fortifications, Salomon de Caus qui fut hydraulicien (auteur de Raison des forces mouvantes), s’occupa des jardins de Louis XIII et travailla à installer à Paris des fontaines et à enlever les boues, alors que le médailleur Philippe Danfrie et Guillaume Dupré furent directeurs de la monnaie et s’occupaient des effigies royales.

L’orgue automatique hydraulique de Salomon de Caus, d’après le Hortus Palatinus (1621)

Ce protestantisme est d’un haut niveau intellectuel, la monarchie absolue ne peut pas se passer de lui. Toutefois, ce protestantisme est faible numériquement, alors que le catholicisme est majoritaire et agressif au possible. Telle est la situation à laquelle fait face Henri IV.

Il a besoin d’une équipe de protestants pour la modernisation du pays, mais le pays n’est pas prêt à l’admettre. L’Édit de Nantes va être un moyen politique de dépasser cette contradiction – aux dépens historiquement du protestantisme, et privant la France ici d’une grande partie de sa dimension progressiste.

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Henri III et Henri IV

Le matérialisme dialectique enseigne non seulement que le moteur d’un phénomène est sa contradiction interne, mais également qu’il y a plusieurs aspects, dont un seul est le principal. Bien entendu, l’aspect principal peut changer, et le saisir est la clef pour comprendre le phénomène.

Saisir les événements en rapport à l’Édit de Nantes demande donc une grande précision, car il ne s’agit nullement de voir les choses comme un simple affrontement entre catholiques et protestants.

Si Paris s’était soulevé contre Henri III, c’était sous l’effet de l’action de la Ligue, la faction catholique. Elle était pour l’écrasement des protestants et l’alliance ouverte avec l’Espagne : elle se méfiait de la faction royale et de Henri III qu’elle considérait logiquement comme enclin au compromis en raison d’une démarche pragmatique servant en priorité la systématisation de la monarchie absolue.

C’était d’autant plus vrai que Henri III n’avait pas d’enfant et que son successeur était Henri de Navarre, un protestant lié à la famille royale.

François II Bunel (1522-1599), Procession de la Ligue dans l’Ile de la Cité

Henri de Navarre était né d’un père catholique, Antoine de Bourbon, qui était le descendant du roi Louis IX, et d’une mère protestante, Jeanne d’Albret, reine de Navarre.

Il fut baptisé catholique, mais son éducation resta influencée par le calvinisme, qui prédominait en Navarre. À neuf an, il a déjà changé trois fois de religion ; au total, il en changera six fois.

Henri de Navarre se retrouva au coeur de la Saint-Barthélemy, et le fait qu’il ait survécu témoigne de son importance dans la famille royale. Le grand massacre eut lieu justement alors que les principaux responsables protestants venaient à Paris assister à son propre mariage avec la soeur du roi Charles IX, Marguerite de Valois. Celle-ci étant est catholique, le mariage est célébré sur le parvis de Notre-Dame, Henri de Navarre refusant d’entrer dans l’église.

La Saint-Barthélemy se déroule quelques jours après, mais il fut protégé par son statut de prince de sang : il se reconvertit alors au catholicisme afin de sauver sa situation.

Médaille commémorative de 1572, à l’effigie du pape Grégoire XIII, avec le revers une présentation du massacre de la Saint-Barthélemy.

Au bout de divers pérégrinations, il est accepté mais passe tout de même 39 mois otage à la cour. Il oscille ensuite dans son parcours, préservant systématiquement l’option devant faire de lui un roi, au-delà de l’opposition entre catholiques et protestants.

Il mène également une vie décadente typique de la royauté de l’époque de François Ier, avec la chasse, les jeux, les coucheries mêlées de galanterie et d’esprit de courtisans. Il se situe impeccablement dans le courant de la royauté sur le plan culturel.

Quelle serait donc la position réelle de la monarchie tendant à devenir absolue, par rapport à cet éventuel roi marqué par le protestantisme ? L’Eglise catholique n’avait pas une entière confiance en les priorités royales, loin de là.

Une alliance temporaire se fit donc entre la Ligue et Henri III, sur une base précaire. La Ligue cherchait à bloquer la faction royale dans le camp catholique, tandis que Henri III n’était pas assez puissant pour progresser seul.

Henri de Navarre se vit déchu de ses droits ; Henri de Guise, chef de la Ligue, battit des troupes étrangères pro-protestantes venues d’Allemagne et de Suisse, se faisant acclamer à Paris, exigeant pour lui la Picardie et exerçant une pression énorme sur le roi, obligé alors de fuir à Blois.

Henri de Guise était prêt à renverser le roi, grâce à l’appui du roi d’Espagne, qui avec l’invincible armada avait même tenté d’attaquer l’Angleterre.

Henri III eut alors comme réponse d’organiser l’assassinat de Henri de Guise et de son frère, afin de faire triompher la faction royale et de battre la Ligue. Dans ce cadre, Henri III se rapprocha également du futur Henri IV, dont il avait besoin. C’était un renversement d’alliance, mais maintenant toujours la monarchie au centre politique.

Henri III fut alors lui-même assassiné par un moine en représailles, un acte d’une portée telle – le régicide étant le crime absolu – qu’on voit le degré d’antagonisme existant.

Henri de Navarre devait alors logiquement lui succéder; Henri III le désigna même sur son lit de mort.

Tapisserie du XVIe siècle :
Henri III sur son lit de mort désigne Henri Navarre comme son successeur

Mais Henri de Navarre était lié au protestantisme et la faction royaliste se méfiait de lui, tandis que la Ligue catholique entendait tout faire pour le refuser.

L’Édit de Nantes va se produire comme compromis historique. Aucune faction n’arrivant à l’emporter, les compromis étaient paradoxalement inévitables… et temporaires.

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La situation du protestantisme au moment de l’Édit de Nantes

Au moment de l’Édit de Nantes, le pouvoir royal dispose d’une base nationale permise par la naissance d’un marché mis en place par le capitalisme naissant. Il s’élance dans la monarchie absolue par la synthèse nationale, à travers l’administration et l’armée.

Toutefois, autant le catholicisme semble une force sociale toujours plus faible, autant le protestantisme a une base problématique pour la monarchie absolue, dans le cadre français.

Au moment de l’Édit de Nantes, en 1598, la population française est d’à peu près une vingtaine de millions de personnes ; c’est le pays le plus peuplé en Europe. Le français s’impose comme langue nationale : si à Paris 90% des livres étaient écrits en latin en 1501, dès 1550 le français a l’hégémonie dans les publications.

L’affirmation de la langue nationale est d’ailleurs exactement contemporaine de l’émergence du protestantisme en France.

Toutefois, le protestantisme n’a acquis à sa cause qu’un peu plus d’un million de personnes, et ce n’est pas tout : les ¾ se situent au sud de la Loire. En 1670, les bastions protestants sont les « généralités » de Montpellier (202 000 personnes) et de Bordeaux (pratiquement 100 000 personnes), ainsi que de La Rochelle (presque 90 000 personnes), de Grenoble (50 000 personnes) et de Poitiers (50 000 personnes).

Suivent ensuite celles de Montauban (près de 40 000 personnes), de Pau (30 000 personnes), de Toulouse (pratiquement 30 000 personnes), d’Aix (près de 25 000 personnes) et de Limoges (presque 20 000 personnes).

Cela ne rentre pas du tout dans la perspective monarchique, qui voit bien qu’il y a ici une localisation lui étant fort désagréable, puisqu’on a ici une zone protestante dans l’ancien « pays d’Oc » justement subjugué par le pouvoir royal basé dans le « pays d’Oil ».

Les puissances féodales locales restent fortes dans ce pays d’Oc. La petite noblesse est avide de parasiter le pouvoir royal et la bourgeoisie naissante sait se servir des opportunités pour arracher des prérogatives dans le pouvoir local marqué par une forte dynamique urbaine, alors que les masses paysannes restent le plus souvent à l’écart du mouvement.

C’est la grande différence, et d’une importance capitale, avec la révolte hussite, la tempête taborite, la guerre des paysans de Münzer, en Bohème et dans les pays allemands.

Le pouvoir urbain local de la partie sud de la France, marqué par le protestantisme, est ainsi, plus que soumis au roi, dans les mains de la noblesse locale et des magistrats, en étroite relation avec les marchands, les négociants, la noblesse dite de robe, les avocats et les notaires, les médecins et les apothicaires.

Cela explique pourquoi François Ier, puis son fils Henri II, mirent en place une sanglante répression, afin d’écraser à tout prix un mouvement allant dans un sens décentralisateur, justement au moment où la centralisation-unification était mise en place. Il est parlant que la quasi totalité des châteaux construits au XVIe siècle le soit au niveau de la Loire ou dans la partie nord de la France, évitant le sud rebelle.

Le Massacre de la Saint-Barthélemy, par François Dubois (1529-1584)

La répression culmina dans l’épisode de la Saint-Barthélemy, en 1572, mais elle échoua et amena en fait les zones urbaines protestantes du sud à s’unifier en tant que « Provinces-Unies du Midi », aboutissant pratiquement à couper la jeune France en deux.

Ce processus amena, logiquement, l’implosion de l’hégémonie royale fondée sur le principe de centralisation-unification : les villes s’émancipèrent toujours plus, y compris lorsqu’elles sont catholiques. C’est le cas d’Amiens, Troyes, Rennes, Rouen, Auxerre, Lyon, Nantes, Bourges, etc.

Cette tendance désintégratrice culmina dans l’insurrection catholique de la ville de Paris qui passa sous le contrôle du comité des « seize », membres d’une « ligue » catholique s’étant formée avec l’appui de l’Espagne.

Procession armée de la Ligue catholique à Paris en 1590

La réponse du roi Henri III fut, outre de fuir Paris, de procéder à l’assassinat de deux principaux membres de la famille aristocratique des Guise, qui étaient les chefs de la Ligue catholique en question, en étroit rapport avec l’Espagne catholique et les personnages clefs du massacre de la Saint-Barthélemy.

Henri III est alors lui-même assassiné par un catholique, Jacques Clément. L’arrivée au pouvoir du roi Henri IV va donner naissance à l’Édit de Nantes, compromis général entre les factions catholique, protestante et royale.

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Les trois factions lors de l’Édit de Nantes

L’Édit de Nantes est un épisode historique d’une très grande importance dans l’histoire de notre peuple. La France a connu de multiples épisodes de guerres de religion entre catholiques et protestants, et cet édit a été un moment de vivre ensemble particulièrement notable, avant que le protestantisme ne soit ensuite pratiquement définitivement pourchassé et anéanti dans notre pays.

Toutefois, la connaissance de cet épisode historique capital pour le développement culturel de la France exige également de comprendre l’importance de la monarchie absolue, qui s’élance précisément avec François Ier, se développe à travers Henri IV et son Édit de Nantes, pour culminer avec Louis XIV.

Ces trois figures royales sont d’ailleurs et fort logiquement les personnages clefs pour l’Édit de Nantes, puisque celui-ci est un compromis établi en 1598, entre non pas deux forces, mais bien trois forces : à la faction catholique et à la faction protestante, il faut associer la faction royale.

François Quesnel  (1542–1619), Portrait dessiné du roi Henri IV, 1602

Le problème de l’Édit de Nantes est, en effet, qu’il se situe à la croisée des chemins de forces sociales connaissant des développements fondamentalement différents.

Ainsi, l’Église catholique était alors décadente, voire moribonde dans certains secteurs. La corruption généralisée de ses cadres et le manque de niveau culturel ne lui laissaient apparemment pas la possibilité de se maintenir.

À cela s’ajoute qu’un roi français ne pourrait que vouloir s’émanciper de l’influence papale et privilégier une religion s’inscrivant uniquement dans un cadre national. C’est ce qui s’est passé en Angleterre avec l’instauration de l’anglicanisme comme religion officielle.

Les protestants savaient tout cela et espéraient que, rapidement et à travers l’Édit de Nantes, ils obtiendraient d’abord l’hégémonie et ensuite la main-mise générale.

Ils n’avaient pas pensé alors, ce qui fut une grossière erreur, que le pouvoir royal pouvait tout autant asseoir son pouvoir national en procédant à la liquidation des protestants, s’émancipant paradoxalement du pouvoir papal dans la mesure où il systématise son intervention en ce domaine, prenant les commandes des mesures religieuses.

Le pouvoir du pape était forcément mis de côté pour toute une période si le pouvoir du roi prenait l’initiative religieuse, même si c’était en faveur du catholicisme. C’était là un renversement dialectique tout à fait cohérent.

Jacob Bunel  (1585–1614),
Portait d’Henri IV en Mars, vers 1605-1606

À cela s’ajoute que la monarchie absolue était justement une tendance historique d’une grande signification en France, disposant de toute une série de leviers, notamment avec la formation par la bourgeoisie d’un marché unique significatif et donc d’un cadre national, que l’administration royale s’est empressée d’encadrer à tous les niveaux. La bourgeoisie naissante profitait de cela et était liée organiquement à la monarchie absolue en développement.

Du côté protestant, la menace ne venait donc pas tant du catholicisme que du roi. Le problème ici est que l’Eglise catholique l’avait quant à elle compris, et elle a systématiquement protégé le roi d’une éventuelle emprise protestante. L’Église catholique française a associé son destin à lui.

La monarchie absolue française se développant coûte que coûte, le catholicisme accepta une mise sous tutelle qu’elle considérait comme un compromis historique et temporaire.

C’est particulièrement visible dans les polémiques et disputes qui changèrent de ton du côté catholique au moment de l’Édit de Nantes : les protestants n’étaient plus insultés, mais présentés comme étant à plaindre, le père jésuite Cotton appelant même Jean Calvin « monsieur », le tout permettant aux jésuites qui profitaient de leur décennie d’études dans des écoles de haut niveau de vaincre sans coup férir des pasteurs formés à la va-vite, notamment en les attirant sur le terrain peu connu par eux des textes des Pères de l’Église.

Jean Calvin

Puis, dès la mort de Henri IV, qui avait instauré l’Édit de Nantes, le processus de guerre de religion pouvait se réenclencher de manière toujours plus ouverte, la monarchie ayant finalement fait un choix simplement pragmatique.

Il n’y avait alors pour l’Eglise qu’à attendre la fin de ce cycle et, de fait, elle fut totalement gagnante lorsque la monarchie absolue rentra en décadence, vers la fin du régime de Louis XIV. Un historien bourgeois a ici bien résumé ce qui s’est déroulé avec l’Édit de Nantes :

« La situation, qui fut fixée désormais aux réformés français, acheva leur défaite: l’Edit de Nantes se referma sur eux comme un tombeau.

À la faveur de cet Édit s’établirent des conditions politiques et sociales, des moeurs, une politesse, une mondanité, un culte monarchique et des goûts intellectuels qui tuèrent une seconde fois, mieux que ne le feront les impuissantes dragonnades, l’âme d’Anne du Bourg, le Martyr, et l’esprit de Calvin, le Maître. »

Fortunat Strowski, Pascal et son temps

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UJC (ml) : A propos de la dissolution (1968)

[13 juin 1968.]

A la Sorbonne hier, c’était la grande dissolution. Pour certains, c’était de toute évidence la dissolution… finale.

Ceux-là, en pliant bagages fiévreusement, ils avaient l’air tout à fait dissous; on voyait bien qu’ils se sentaient disparaître comme un morceau de sucre sous le jet d’eau du ministre de l’intérieur. Adieu, donc, les dissous…

Mais pour d’autres dissous, le décret magique ne semblait pas faire beaucoup d’effet, sinon de les rendre plus confiants et plus optimistes que jamais :

«- Qui êtes-vous?

– Nous, on est les ex-Union des Jeunesses marxistes-léninistes

– Mais vous êtes dissous aussi, et c’est tout ce que ça vous fait?

– Eh oui!

– …?

– C’est pas compliqué : est-ce que le décret peut dissoudre la pensée de Mao Zedong? les masses laborieuses? Le mouvement de révolte des ouvriers, des paysans et de la jeunesse? Est-ce que le décret peut dissoudre la ligne prolétarienne de lutte de la jeunesse avec les luttes révolutionnaires du peuple français? Il peut faire ça le décret?

– Ben… non, évidemment!

– Juste. C’est ce qu’on pense aussi.

Le décret dissout une organisation. Mai sune organisation, c’est simplement un outil au service de la ligne politique.

C’est la ligne politique qui pénètre chaque jour les masses laborieuses de notre pays, c’est la pensée du camarade Mao Zedong à l’oeuvre qui arme chaque jour plus d’ouvriers pour le combat commun; alors des organisations, le peuple peut s’en fabriquer des quantités, tous les jours; et il s’en fabrique tous les jours.

Alors pourquoi s’affoler? Ce qui compte, c’est que chaque jour, le Parti Communiste Révolutionnaire Prolétarien s’édifie dans la lutte, et ça, le décret, il n’y peut rien. »     

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UJC (ml) : Les paysans et le capitalisme (1968)

[13 juin 1968.]

1. LE PROGRES TECHNIQUE ET LA CONCENTRATION CAPITALISTE

La question du progrès technique en agriculture sert souvent à masquer les conséquences désastreuses du développement du capitalisme.

Au nom du progrès technique que la bourgeoisie a érigé en valeur, on justifie le chômage, la ruine et la « migration » de milliers de petits paysans, et lorsqu’ils s’y opposent, il est alors facile de les traiter d’obscurantistes, de rétrogrades, etc.

La première bataille à mener, c’est de montrer que le progrès technique n’est pas une chose en soi, indépendant du type d’économie dans laquelle elle s’insère.

Il y a pour l’instant un progrès technique au service de la bourgeoisie capitaliste.

Il pourrait y avoir un progrès technique au service des travailleurs.

D’autre part, le progrès technique actuel ne peut être, à la campagne comme ailleurs, utilisé que par les capitalistes qui peuvent investir dans l’achat de machines le surplus de richesses produites par les salariés qu’ils emploient.

Ces machines coûtent de plus en plus cher et seuls les plus riches peuvent se les procurer.

Cela veut dire que le progrès technique exige la concentration (toujours plus de terre, toujours plus de machines et toujours moins de main-d’oeuvre).

Par ailleurs, le progrès technique à la campagne ne rapporte pas qu’aux paysans capitalistes, mais aussi aux industriels.

Le plus bel exemple est celui du tracteur. La mécanisation de la traction des outils a commencé à se faire en France après la deuxième guerre mondiale. Les premiers tracteurs vendus étaient lourds, puissants et chers.

C’était une nouveauté qui supprimait tant de fatigues que tous les paysans en voulaient.

Mais ces tracteurs étaient bien trop chers pour les paysans travailleurs, leurs économies n’y suffisaient pas. Mais comme il y avait là un marché potentiel, les firmes ont trouvé la solution : on a« miniaturisé » les tracteurs, c’est-à-dire qu’on a construit des tracteurs plus petits, plus faibles et moins chers.

Ainsi chacun pouvait avoir le sien. Mais ils se révélèrent fragiles, incapables de faire certains gros travaux : les petits paysans avaient été bernés. Les firmes constructrices empochaient les bénéfices.

Le progrès n’est pas ce dieu pur et bon devant lequel tout le monde doit s’incliner.

Mais cette idée fausse est tellement ancrée qu’elle arrive à passer pour naturelle. De tous côtés, on dit au paysan travailleur :« Il y a trop de monde sur les terres, trop de bras, pas assez de machines. Il faut beaucoup de terres, beaucoup de machines et peu d’hommes. Le progrès technique remplace l’homme par la machine et ceux qui parlent de ruine des petits paysans sont des communistes ou de vieux réactionnaires. En fait, c’est le progrès et vous feriez mieux de vous reconvertir. L’Etat accepte de vous aider en ce sens…»

Ces déclarations sont approuvées par les idéologues de l’économie, répandues par tous les moyens d’information, soutenues par les organisations professionnelles, etc.

Que peut faire contre ce flot le paysan travailleur ? Il peut au moins se poser deux questions :

1. Pourquoi nous ? Nous sommes d’accord qu’il faut produire davantage et mieux. C’est l’évidence même. Mais c’est nous qui travaillons la terre, qui produisons, et pas les gros agrariens. Ceux-ci ne sont pas vus souvent sur leurs exploitations.

Ils sont plus volontiers à la caisse des crédits, chez le directeur départemental des services de l’Agriculture, ou auprès d’hommes politiques locaux… Alors, si quelqu’un doit partir, pourquoi nous, et pas eux ?

2. Pour aller où ? Les ouvriers, les anciens paysans qui sont partis avant nous nous disent qu’à la ville aussi on leur dit de s’en aller. Pour les mêmes raisons : les exigences du progrès technique. Eux non plus ne peuvent pas trouver de travail.

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce progrès.

Les économistes savants souriront à la naïveté de telles phrases, mais en les poussant dans leurs derniers retranchements, ils seront bien obligés de reconnaître :

– que le progrès technique s’achète et se vend comme une marchandise et que le but qu’on attend de lui est le maximum de profit et non la satisfaction des travailleurs ;

– que les centres de diffusion du progrès (écoles, centres d’études techniques agricoles, groupements de vulgarisation) ne font pas beaucoup d’efforts pour apprendre les techniques nouvelles à tous les paysans et réservent leurs soins aux gros et moyens paysans « intelligents » et à leur enfants ;

– que les diffuseurs du progrès (ingénieurs, techniciens, etc.) n’ont que mépris pour les paysans travailleurs et réservent leurs lumières à ceux qui les paient et se les sont ainsi attachés.

En fait, il est indéniable que la connaissance et l’utilisation du progrès sont réservées aux capitalistes de la campagne. En cela, ils accentuent leur opposition aux paysans travailleurs.

Ces derniers découvrent dans leur propre situation qu’il faut mettre à bas un système qui provoque et garantit de telles injustices et chercher ailleurs le véritable progrès.

2. ANALYSE DES CLASSES DANS L’AGRICULTURE

Chaque année, des dizaines de milliers de paysans ruinés sont obligés de quitter leur exploitation.

Chaque année des milliers de paysans pauvres vont s’embaucher pour quelques mois soit chez de gros exploitants, soit dans des industries saisonnières. Enfin, des milliers de paysans (ou leurs femmes) sont déjà ouvriers à plein temps dans une usine et cultivent leur lopin.

En face de ceux-là, une minorité de gros exploitants se développe, se modernise, accroît ses terres, empoche des bénéfices.

Ceci n’est pas un hasard. C’est notre système économique qui impose la ruine des faibles et favorise la prospérité des gros. La société où nous vivons est une société capitaliste.

Cela signifie que partout, dans l’industrie comme dans l’agriculture, une minorité s’enrichit sur le dos des travailleurs qu’elle exploite.

Cette minorité, à la ville comme à la campagne, domine les autres classes. Elle est leur ennemie.

1. La bourgeoisie agricole :

a) Les exploitants capitalistes. Ils emploient plusieurs ouvriers permanents et, pour les gros travaux, des ouvriers saisonniers. On ne les voit guère sur leurs champs.

Quand ils y sont, c’est pour diriger. Ils ont de grandes exploitations. Ce qui ne veut pas dire que la superficie cultivée soit énorme (20 hectares de vigne ou 7 hectares de « maraîchage » peuvent représenter plus que 200 hectares d’autres terres).

Ils sont de gros exploitants parce qu’ils livrent de grandes quantités de produits et en tirent un gros bénéfice.

Leur richesse vient de l’exploitation des ouvriers agricoles (allongement des journées, intensification du travail, maintien de bas salaires…). Ils dominent le marché, accaparent les terres, accumulent les machines modernes…

b) Les paysans riches.

Ils n’emploient qu’un ou deux ouvriers permanents (parfois même aucun). Ils font appel à une main-d’oeuvre temporaire ou saisonnière.

Ils ont des fermes importantes et « modernes ». Ils travaillent eux-mêmes la terre et en cela font illusion.

Ils paraissent n’exploiter personne. Mais bien souvent c’est après avoir, dans un premier temps, exploité des ouvriers agricoles qu’ils ont pu se moderniser.

Dans la plupart des cas encore, en tant que gros adhérents de coopératives, ils exploitent indirectement les salariés de celle-ci. Comme les exploitants capitalistes, ils se développent.

Exploitants capitalistes et paysans riches appartiennent en fait à la bourgeoisie. Ce sont par nature des profiteurs. Ils profitent du départ de paysans ruinés pour agrandir leurs fermes.

Ils profitent des besoins de ceux qui restent pour les embaucher saisonnièrement. Ils profitent de la misère des autres pour réclamer des mesures d’aide, des subventions, des hausses de prix, etc.

Ils profitent de leur notoriété pour prendre en main les organisations professionnelles et les mettre à leur service. Ils sont les ennemis du peuple des campagnes.

2. Les paysans travailleurs :

Ils travaillent eux-mêmes le sol. Ils ne tirent aucun revenu de l’exploitation directe d’ouvriers agricoles. Ils ressemblent :l ces petits artisans des villes et des villages que le capitalisme industriel a ruiné au siècle passé.

Certains, de par les moyens qu’ils possèdent, résistent mieux à la concurrence que les autres. Ils peuvent espérer tenir le coup. D’autres n’ont pour avenir immédiat que de glisser vers le prolétariat.

Ils ne constituent donc pas une classe bourgeoise, on trouve parmi eux des paysans moyens, des paysans pauvres et des semi-prolétaires.

a) Les paysans moyens ont eu – ou ont encore – les moyens de s’équiper en matériel, souvent en contractant de lourdes dettes. Comme ils possèdent un certain capital fixe qu’il faut rembourser ou amortir, ils doivent gérer leur ferme comme une entreprise. Pour rentabiliser le capital, ils ont tendance à intensifier leur production.

Ils s’imposent donc – à eux et à leur famille – des conditions de travail très dures. Pour eux, donc, deux issues : ou s’accroître comme de petits capitalistes ou être éliminés. Donc, deux couches sociales :

Les petits patrons dynamiques, paysans moyens qui arrivent à équilibrer leur budget et à s’équiper. Certaines circonstances les ont aidés (meilleures terres, meilleures conditions de vente, bénéfice d’un héritage, etc).

Leur équilibre relatif n’est que provisoire et ils doivent faire de lourds efforts pour le conserver.

Seulement, ils gardent l’espoir de s’en tirer et psychologiquement leur condition de « petit patron » est dominante.

Ils militent et entraînent les autres paysans sans moyens dans des revendications pour des réformes facilitant l’accès aux capitaux et à la terre.

Ils ne sont qu’une minorité et, parmi eux, seul un petit nombre parviendra à devenir des « paysans riches ».

La bourgeoisie peut donc se servir d’eux pour canaliser la colère des paysans équipés et ruinés.

Mais ils peuvent, aussi bien, participer à un mouvement populaire dirigé contre la bourgeoisie. Les paysans équipés et ruinés.

C’est la grande masse des paysans moyens. Depuis quelques années, ils ont suivi les conseils modernistes du C.N.J.A.

Ils se sont équipés (tracteur, machine s’y adaptant, machines de récolte).

Ils ont fait des emprunts. Pour rembourser et amortir leur matériel ils ont dû produire davantage. Ce qui les a amenés à acheter de plus en plus d’engrais et de produits de traitement. Pour cela aussi ils ont dû s’endetter.

Ils sont maintenant criblés de dettes. Les échéances sont chaque fois plus difficiles.

Il n’est pas question de se replier et de vivre sur les produits de la ferme. Cela ne paye pas les dettes. L’aventure moderniste dans laquelle les ont entraînés les petits patrons dynamiques du C.N.J.A. ne les a conduits qu’à une impasse. Lorsqu’ils se révoltent, les organisations professionnelles s’emploient à leur faire croire que quelque nouvelle réforme leur permettra de se moderniser plus encore, de devenir « compétitifs ».

Cependant, ils sont de plus en plus nombreux, ceux qui se rendent compte que ces paroles d’apaisement ne sont que des tromperies, que leur colère est exploitée pour obtenir des réformes qui ne profiteront qu’aux riches.

Ils sont donc prêts (et ils l’ont montré dans l’Ouest) à participer à un mouvement populaire.

Plus seront dénoncées les illusions que les organisations professionnelles et le gouvernement tentent d’implanter chez ces paysans, plus leur aspect de travailleur opprimé l’emportera sur leur aspect de petit producteur capitaliste.

b) Les paysans pauvres.

Ce sont ceux qui n’ont pas eu les moyens de s’équiper. Ils se trouvent en général sur de petites surfaces. Il n’est pas pauvre de la même façon que le paysan équipé et ruiné. Il a moins de dettes mais aussi moins d’argent.

En général, il s’endette le moins possible, tant pour cultiver que pour survivre. Sa production est plus faible, son bétail moins bien nourri, sa terre moins bien cultivée.

Il produit essentiellement pour nourrir sa famille et vend le surplus pour avoir un peu d’argent. Plus les autres paysans plus riches augmentent leur production, plus les paysans pauvres doivent travailler pour simplement vivre.

Quand ils ne parviennent plus à s’en tirer, même en restreignant leurs dépenses de consommation, ils cherchent à s’employer chez les autres ou à y placer leurs enfants.

Chaque fois qu’elle a besoin de l’appui de tous les paysans, la bourgeoisie fait croire aux paysans pauvres qu’avec l’accord du gouvernement elle est prête à les aider en relevant les prix ou en leur donnant des primes.

En période calme, on tente de les décourager en leur disant que de toute façon il n’y a plus de place pour ce genre d’agriculture dans une société moderne.

Plus les paysans pauvres comprennent que les mesures d’aide ne profitent qu’aux riches, plus ils se rendent compte qu’ils sont condamnés par notre société à la ruine et à la misère, plus ils sont prêts à s’engager dans cette lutte populaire contre les exploiteurs.

Dans cette lutte, ils peuvent découvrir comment sera construite une nouvelle société où ils auront leur place comme travailleurs de la terre, solidaires des autres travailleurs.

c) Les semi-prolétaires. Ceux qui n’ont plus assez d’argent, qui ne peuvent rembourser leurs dettes, sont obligés de trouver un emploi salarié.

Bon nombre d’entre eux n’ayant pas d’autre métier que celui de paysan et voulant, malgré tout, rester sur leur ferme, deviennent des semi-prolétaires.

Ils sont ainsi doublement exploités, comme paysans dans une situation de misère et comme salariés.

Parce que le salaire n’est pour eux qu’un appoint et parce qu’il leur faut absolument trouver du travail sur place, les patrons en profitent pour les embaucher à bon compte. Toujours ils donnent un salaire plus faible que le salaire moyen.

[Il convient cependant de ne pas se tromper ; tout paysan qui travaille à l’extérieur n’est pas obligatoirement un semi- prolétaire.

Des paysans riches ou de petits patrons dynamiques vont parfois travailler « à l’entreprise » pour rentabiliser leur matériel.

Dans certaines régions on trouve des paysans-ouvriers qui en tant que paysans sont de petits patrons dynamiques. Il s’agit cependant d’une exception. La majorité des paysans ouvriers sont des paysans pauvres.]

Il y a divers types de semi-prolétaires :

D’abord, les semi-prolétaires occasionnels, ou saisonniers. Ceux qui vont travailler chez des gros producteurs dès qu’on a besoin d’eux et souvent pour de gros travaux.

Certains doivent même émi grer et trouver du travail dans d’autres régions, pour démarier la betterave, faire la moisson ou les vendanges.

Parmi ces semi- prolétaires saisonniers, on rencontre les paysans et les femmes de paysans qui vont travailler dans certaines industries qui ne fonctionnent qu’une partie de l’année : conserveries, sucreries, etc.

Pour ces saisonniers ou occasionnels, il n’y a aucune sécurité d’emploi, dès que l’embaucheur n’a plus besoin d’eux, il les renvoie sur leur ferme où ils se retrouvent isolés et attendent la prochaine occasion de trouver du travail.

L’embaucheur en profite pour leur donner un salaire dérisoire et pour briser en eux toute tentative de révolte.

Ensuite, on rencontre des semi-prolétaires à temps partiel qui travaillent une partie de la journée seulement ou bien un jour sur deux, mais qui ont un emploi permanent dans une usine ou une grande ferme et tentent de vivre mieux en faisant des heures supplémentaires sur leur lopin de terre.

Suivant le temps qu’ils passent à travailler comme ouvriers, suivant l’importance de leur salaire dans la vie de la famille, les semi-prolétaires sont plus proches des paysans travailleurs ruinés ou plus proches des ouvriers.

Ainsi, par leur situation même, les semi-prolétaires sont les travailleurs les mieux placés pour expliquer au peuple des campagnes la lutte des ouvriers. Ils forment le maillon essentiel de l’unité du peuple.

3. Les ouvriers agricoles :

Les ouvriers agricoles travaillent dans les grandes exploitations capitalistes et chez les paysans riches.

Parce qu’ils sont généralement peu nombreux sur la même ferme, parce qu’ils sont isolés et peu organisés, ils subissent une exploitation plus dure encore que les ouvriers d’industrie.

On rencontre trois types d’ouvriers agricoles, les permanents, les journaliers et les saisonniers.

Les permanents ont un emploi relativement stable, cela ne veut pas dire qu’ils ne craignent pas le chômage, bien au contraire : l’ouvrier permanent travaille toute l’année sur la même ferme tant que son patron a besoin de lui, mais dès que son patron peut le remplacer avec profit par une machine il ne se prive pas de le mettre à la porte et l’ouvrier « permanent » est devenu chômeur.

Les journaliers sont en général des paysans pauvres ou des retraités qui ont besoin de s’embaucher pour vivre.

Les patrons de l’agriculture ne les emploient donc et ne les paient que lorsqu’ils ont besoin d’eux.

Ils profitent du fait que le salaire du journalier n’est souvent qu’un appoint pour payer mal ce travailleur.

Les saisonniers ne travaillent dans les grandes exploitations que pour les gros travaux. Que font-ils entre-temps? Sont-ils au chômage, dans la misère ?…

La plupart des saisonniers sont ainsi importés comme du bétail, logés et nourris dans les pires conditions, surveillés constamment, mal payés, renvoyés dès la fin des travaux permanents, journaliers et saisonniers sont les ouvriers de la terre.

Plus leur misère est grande, plus dures sont leurs de travail, plus grande est la richesse des exploitants capitalistes.

3. LES MYTHES.

L’augmentation des prix : Une façon de ruiner petits et moyens agriculteurs.

« Augmentez nos prix. Les prix sont nos salaires ». Ce slogan, souvent le principal mot d’ordre de bien des manifestations paysannes, correspond hélas à revendiquer la disparité entre la grosse et la petite ou moyenne agriculture.

a) L’exemple du blé.

Lorsque, l’an dernier, les céréaliers ont obtenu, par le truchement de l’Europe, une augmentation du prix du blé d’environ 12 F le quintal, pour un producteur de 1000 quintaux (soit 20 hectares dans les riches plaines), le surplus de gain était de 12 000 F (1200 000 anciens francs), de quoi rembourser un prêt de jeune agriculteur contracté il y a cinq ans, ou un tracteur de force moyenne.

Pour un petit producteur du Centre ou du Sud-Ouest, où les rendement atteignent rarement 40 quintaux à l’hectare, le surplus de gain annuel a le plus souvent oscillé aux environs de 400 F.

Si, dans l’immédiat, pour un paysan âgé qui n’a pas d’emprunt à rembourser, ce surcroît de revenu a apporté, pour un temps, un tout petit mieux-être, pour un jeune qui a contracté des emprunts cette augmentation n’a pratiquement rien apporté, si ce n’est le paiement des intérêts de l’emprunt.

Mais si l’on regarde l’avenir <+ plus long terme, cette augmentation plus avantageuse encore pour les gros producteurs, du fait de la suppression du quantum, a contribué pour une large part à enfoncer davantage et plus vite lus paysans pauvres et les jeunes qui ont investi.

En effet, avec le surcroît d’argent que les gros producteurs vont amasser ces années-ci, ils vont pouvoir investir soit pour s’agrandir, pour se moderniser, donc pour moins souffrir d’une stagnation ou d’une stabilisation des prix, soit pour se lancer dans des productions industrielles : la viande, les légumes (petits pois, haricots verts), l’aviculture, etc.

b) Celui de la viande.

On pourrait nous reprocher de n’avoir pris pour exemple que le prix du blé et nous dire qu’une augmentation des prix des produits d’origines animales, notamment de la viande et du lait, apporterait un réel accroissement du revenu de la masse des petits et moyens agriculteurs.

Pour la viande de boeuf, en 1967, les six pays de la C.E.E. ont connu un déficit de 500 000 tonnes. On estime qu’en 1970 ce déficit atteindra 1 million de tonnes.

Mais on préfère acheter de la viande à d’autres pays, par exemple à l’Argentine, à 3,30 F le kilo, même si de telles pratiques mercantiles contribuent à exploiter les paysans et travailleurs de ces pays dont certains ne gagnent que 30 000 anciens francs par an et même si, dans le même temps, « l’Europe », par la voix autorisée de Mansholt, a osé envisager de subventionner l’abattage des vaches des étables de moins de cinq vaches (soit, pour les régions d’élevage, réduire la reproduction annuelle de veaux d’environ 30 %).

c) Celui du lait.

Quant au lait, il n’a augmenté en 1968 que de 2,2 %, soit moins que le coût général de la vie et remarquons aussi que la viande n’a cessé de baisser : 11 % pour le porc, 1 % pour le boeuf, en un an. La priorité accordée à l’augmentation des prix des céréales (et de la betterave) n’est pas un hasard.

Elle montre que les représentants de ces producteurs sont ceux qui infléchissent, dominent la politique agricole de la C.E.E.

Elle est la preuve que, non satisfaits d’une politique égalitaire de hausse des prix, les gros producteurs (qui sont jusqu’à ce jour, en France, surtout céréaliers) accordent ou font accorder à leurs productions principales la priorité, voire l’exclusivité d’une hausse des prix.

Bien sûr, pour « expliquer » cette politique très sélective et bien cohérente, la propagande des forces au pouvoir ne manque pas d’avancer des raisons, notamment la surproduction de lait. Voyons au juste ce qu’il en est.

d) La surproduction ou le repli sur l’hexagone. Pour le lait, au 31 décembre 1967, l’Europe le stockait, transformé en beurre (environ 100 000 tonnes).

Mais, tandis que l’Europe des six produit par an autour de 980 000 tonnes de beurre, elle consomme 5 millions de tonnes de matières grasses dont la moitié d’origine animale.

Ainsi, si les six pays d’Europe produisent 10 % de beurre de plus qu’ils n’en consomment, il faut souligner que ces 10 % de beurre en « surproduction » ne représentent que 4 % des matières grasses animales consommées et 2 % des matières grasses totales.

Enfin, ce surplus de lait et de beurre, sous forme de poudre pour le premier et d’huile déshydratée pour le second, pourrait facilement être exploité sans aucune installation frigorifique, en vue d’être reconstitué n’importe quand, sous toutes les latitudes du globe, en lait, fromages, beurre, etc.

Mais voilà ! Les pays acheteurs qui ont faim ne sont pas solvables.

Les vendeurs ne représentent qu’un agglomérat de petits producteurs dont les intérêts à défendre ne sont pas « suffisamment importants » pour qu’on subventionne l’exportation de leur produit, ou lorsqu’on le fait, on l’orchestre d’une tapageuse propagande « de subvention d’assistance » qui sert d’appui à une politique de suppression des petits producteurs.

Les choses vont différemment quand les subventions jouent dans des secteurs privilégiés (celui des gros céréaliers par exemple).

En effet, pour le blé, les excédents de l’Europe s’élèvent à 30 millions de quintaux par an. On estime qu’ils atteindront 50 millions de quintaux au cours des prochaines années, mais personne n’a fait état de ces chiffres lors des augmentations décidées par l’Europe verte.

e) Lutter contre ce qui attribue un tel pouvoir.

On s’aperçoit donc qu’une augmentation uniforme du prix d’un produit accentue le décalage qui existe entre les agriculteurs pauvres et les agriculteurs riches.

De plus, sont augmentés en priorité les prix des producteurs riches. Ceux-ci ont donc plus de pouvoir économique et politique.

Un changement réel ne peut donc s’établir qu’en modifiant ce pouvoir économique et politique, c’est- à-dire en luttant non seulement contre ceux qui détiennent ce pouvoir, mais aussi contre ce qui le leur attribue : la propriété de l’appareil de production.

L’unité paysanne.

Sûrement, l’un des mythes les mieux utilisés par les gros agrariens et leurs alliés pour décourager la lutte autonome des paysans pauvres.

Par lui, on essaie de faire croire que les intérêts de toutes les catégories d’agriculteurs sont identiques et que la meilleure défense de ces intérêts dépend de l’unité des paysans dans leurs organisations, notamment syndicales.

L’autre aspect du mythe consiste à remuer dans un chaudron idéologique toutes les sottises « paysannistes » sur le bon sens paysan, la vie au contact de la nature, l’individualisme terrien, la peur du désordre, etc.

On retrouve là-dedans des thèmes réactionnaires, voire fascisants (Dorgères, Pétain) et des thèmes directement issus de l’idéologie religieuse catholique qui servent à protéger les paysans de la contamination urbaine et communiste et à les faire servir de masses de manoeuvre à toutes les droites réactionnaires et bourgeoises.

Le mythe pèse particulièrement dans les organisations professionnelles.

Sur ce sujet, il faut lire le livre de G. Wright qui rappelle comment, dans certains congrès du syndicalisme, les positions de classe des grands propriétaires du Bassin parisien étaient défendues par des petits exploitants de l’Ouest.

Depuis quelques années, ce mythe a été mis en cause ici ou là.

On peut analyser les débuts du C.N.J.A. comme une tentative de quitter le mythe, dans la mesure où le C.N.J.A. représentait au début les intérêts de certaines catégories de petits et moyens paysans. De même, le slogan actuel sur les trois agricultures.

Mais on voit où tout cela conduit : le ministère de l’Agriculture reprend ces idées à son compte pour proposer la distinction suprême entre une « agriculture économique » et une « agriculture sociale », la première devant être économiquement aidée pour qu’elle groupe plus d’argent, la seconde devant être socialement soutenue pour qu’elle ne fasse pas trop de bruit.

Les distinctions nouvelles qui vont apparemment contre le mythe de l’unité paysanne correspondent à un stade du développement des forces productives dans l’agriculture.

On est prêt aujourd’hui à déclarer publiquement qu’il faut lâcher une catégorie de paysans car c’est la seule solution pour maintenir les profits des autres catégories, mais s’il s’avère à nouveau que le mythe peut servir, on n’hésite pas à le « ressortir » (exemple : la bataille pour le prix du lait à Bruxelles).

Le mensonge ne peut donc être détruit qu’en mettant en pleine lumière l’idéologie de laquelle il se nourrit.

La fin de l’« unité paysanne », c’est l’affrontement des intérêts des différentes catégories d’agriculteurs et non la distinction dans la collaboration.

La compétitivité.

On en parle de plus en plus aux agriculteurs : il faut être compétitifs dans le Marché commun, nous devons être compétitifs par rapport aux autres producteurs, etc.

La façon dont on présente cette compétitivité est révélatrice : « Il faut… », « On doit… ».

C’est une nécessité qui découle « naturellement » de l’ordre des choses… bref, le tour de passe- passe classique et habituel de l’économie politique bourgeoise qui veut faire croire à tout prix que les règles de fonctionnement du capitalisme sont des lois naturelles et éternelles devant lesquelles tout le monde doit s’incliner.

Cette notion, par ailleurs très floue, de compétitivité véhicule dans ses implications idéologiques et économiques pas mal de traits essentiels au capitalisme.

La compétitivité implique, entre les entrepreneurs, sur un marché, une concurrence à l’issue de laquelle le ou les quelques « meilleurs », (c’est-à-dire ceux qui produisent les meilleurs produits au meilleur prix, c’est-à-dire encore ceux qui savent le mieux exploiter les machines et les hommes…) sortiront vainqueurs de la mêlée (c’est-à-dire s’assureront sur le marché une position profitable.)

On voit que la compétitivité exige une utilisation la plus rationnelle possible des capitaux et du travail humain, utilisation qui est permise seulement aux chefs d’entreprise possédant déjà une exploitation de taille et des structures importantes.

La compétitivité est un critère du développement économique que l’on aime à présenter comme un régulateur de l’économie alors qu’il ne s’agit que de la sanction des « bons capitalistes », que de la marque du profit.

En disant cela, on n’est pas retardataire pour autant et on ne cherche pas la régression.

Mais on voudrait essayer de montrer que le développement économique peut obéir à une autre rationalité que celle de la compétition et de l’individualisme et qu’on peut chercher la satisfaction des besoins du peuple autrement que par le moteur du profit.

4. LES FAUSSES SOLUTIONS.

La coopération

Par ce terme de coopération on entend généralement dans l’agriculture toute forme de propriété collective des moyens de production, que celle-ci implique ou non une coopération dans le travail lui-même.

Cette définition générale conduit à ranger dans la coopération des associations de type différent.

On peut les classer en deux grandes catégories :

– Les coopératives d’approvisionnement, de vente ou de transformation des produits agricoles qui sont des associations de producteurs indépendants.

Les coopérateurs sont alors codétenteurs des capitaux d’une entreprise qui se trouve en aval et en amont de leur exploitation. Cette entreprise peut utiliser du travail salarié.

– Les coopératives de production, qui ont été officialisées par le pouvoir sous le nom de G.A.E.C. (groupement agricole d’exploitation en commun) et qui sont des associations de producteurs utilisant en commun les moyens de production pour mettre en valeur leur propre travail.

Il y a là combinaison entre la propriété commune des moyens de production et le travail coopératif.

Il convient donc de distinguer ces deux types de coopératives, associations de producteurs ou associations de détenteurs de capitaux (qui ne sont que des formes juridiques particulières des sociétés par actions).

A. – Les coopératives : associations de détenteurs de capitaux. Ce sont des associations d’agriculteurs, regroupant à la fois de gros paysans riches, des agriculteurs moyens et des paysans pauvres, qui gèrent une entreprise dont ils possèdent en commun le capital.

Cette entreprise a pour fonction d’acheter des moyens de production (coopératives d’approvisionnement, C.U.M.A. (coopérative d’utilisation de matériel agricole ) ou bien de collecter, stocker, transformer et vendre leurs produits (exemples : coopératives laitières, caves coopératives, coopératives de stockage de céréales, etc.).

Tout en permettant l’achat et la vente dans de meilleures conditions, ainsi qu’une répartition entre les adhérents de ses bénéfices commerciaux ou de ses profits industriels, la coopérative de ce type augmente les échanges entre les associés et le marché.

Pour le gros agriculteur, être coopérateur revient à posséder une part sociale dans une entreprise qui lui fournira des conditions de vente ou d’achat favorables.

Comme les profits sont répartis au prorata des opérations et qu’il travaille plus avec la coopérative que les agriculteurs moyens ou pauvres qui lui sont associés, c’est donc à lui que reviendra la plus grande part du profit de l’entreprise coopérative.

Comme il est, en tant que capitaliste, meilleur gestionnaire que ses associés paysans, et comme il dispose de plus de temps libre parce qu’il a de la main-d’oeuvre salariée, c’est lui qui « gérera démocratiquement » la coopérative.

Si la coopérative permet aux petits et moyens agriculteurs une légère protection et un allongement de leur survie (en leur offrant des conditions d’achat et de vente plus favorables et en leur distribuant des miettes de profit), on voit qu’elle sert également très bien, et nettement mieux, les intérêts de l’agriculteur capitaliste.

Une des meilleures preuves, c’est que l’implantation coopérative est aussi avancée, sinon plus, dans les régions de grosse culture, et au niveau des productions des grosses exploitations capitalistes.

Sur le marché, la coopérative va se trouver en concurrence avec des firmes privées.

Pour ne pas faire faillite, elle devra avoir la même gestion que celle de ces firmes afin d’être compétitive ; c’est-à-dire pression sur les salaires de ses employés, accroissement de la productivité en augmentant les cadences de travail par exemple, détournement d’une partie importante de la plus-value apportée par le travail pour la consacrer à la prospection des marchés, à la publicité, etc.

Ainsi, des paysans pauvres et moyens, des agriculteurs capitalistes sont associés dans les coopératives en tant que détenteurs de capitaux d’une entreprise capitaliste qui utilise parfois des moyens de production très puissants, emploie des salariés, distribue les profits qu’elle réalise.

Il s’agit bien d’une forme particulière de « société par actions », mais d’une forme particulièrement bien adaptée à sa fonction dans la domination du capitalisme dans la production agricole.

Ne pouvant que se conformer aux lois du marché, les coopératives ne peuvent que contribuer à l’élimination progressive des plus faibles par les plus forts (même si, en un certain temps, elles peuvent freiner ce processus).

En même temps, elles réalisent une « intégration » des petits et moyens agriculteurs au mode de production capitaliste : en favorisant leur participation au marché, en mobilisant leur épargne pour constituer le capital d’une entreprise.

Enfin, par l’association dans la même entreprise des différentes catégories d’agriculteurs, par la participation de tous à la marche de l’entreprise, par le relais de l’idéologie coopératiste (qui contribue à masquer les luttes d’intérêt au sein de l’agriculture) le mouvement coopératif va constituer un « instrument d’encadrement politique » efficace.

B. – Les coopératives : associations de producteurs. Elles sont actuellement peu nombreuses et souvent limitées à la gestion commune d’un atelier.

Il s’agit donc là d’associations d’anciens producteurs indépendants qui mettent en commun tout ou partie de leurs moyens de production et mettent en oeuvre un processus de travail coopératif.

Il en résulte une diminution des coûts de production.

La formation d’une association se traduit donc par un renforcement de la position économique des adhérents et ceci d’autant plus que l’Etat fournit des conditions de crédit plus avantageuses.

Mais la coopérative de production est souvent présentée comme un moyen pour les petits et moyens agriculteurs d’échapper à leur élimination, de développer les forces productives sur un monde non capitaliste.

Or il y a vente sur le marché et concurrence et elle est ainsi conduite à une gestion capitaliste.

Elle ne pourra être rentable qu’en investissant davantage, qu’en accroissant ses terres, qu’en libérant de la main-d’oeuvre.

Elle devra donc, sous peine de faillite, reproduire le processus de décomposition de l’agriculture, soit en accroissant ses terres, c’est-à-dire en bénéficiant de l’expropriation des paysans pauvres, soit en expropriant ses propres adhérents.

Cette brève analyse nous démontre le caractère illusoire de la possibilité d’une agriculture non capitaliste fondée sur le développement des coopératives de production, dans un pays où les rapports de production sont des rapports capitalistes.

C. – Que penser de la voie de l’intégration coopérative de la production?

Face à la domination croissante des monopoles industriels sur l’agriculture sous la forme de l’intégration de la production, certains économistes suivis par des dirigeants syndicaux proposent la voie de l’intégration coopérative.

Puisque l’intégration est un mode d’organisation efficace, il suffit de l’utiliser tout en évitant l’exploitation des monopoles : les coopératives doivent donc elles-mêmes intégrer la production agricole, défendre les agriculteurs contre la domination des firmes, assurer le développement des forces productives et maintenir cependant une démocratie économique.

Cette argumentation oublie tout simplement une chose : que dans un pays capitaliste, les rapports de productions capitalistes sont dominants et qu’ils reproduisent dans tous les secteurs de la production les conditions de leur domination.

Les coopératives intégrantes, si démocratiques soient-elles, vont se trouver sur le marché en concurrence avec d’autres entreprises privées (mais aussi avec les autres coopératives).

Elles ne pourront survivre qu’en jouant le jeu de ce marché, qu’en s’agrandissant au détriment des producteurs plus faibles, qu’en participant elles-mêmes, comme toutes les entreprises, au processus général de la concentration monopoliste.

Le coopérateur intégré devra donc se soumettre à une discipline de production que l’on qualifiera de discipline technique, qui correspond en fait à celle qui lui serait imposée par un intégrateur privé.

Pour soutenir la concurrence, la coopérative devra, sous peine de faillite, réduire la part de revenus distribuée aux adhérents, faire pression sur les salaires et les conditions de travail des employés.

La voie de l’intégration coopérative n’est alors qu’une variante de cette forme de domination capitaliste par les monopoles que constitue l’intégration.

Une différence cependant : le cadre coopératif, la participation des coopérateurs au capital de l’entreprise qui les intègre sont des conditions favorables au maintien de l’alliance politique entre la bourgeoisie et les couches « intégrées » de la paysannerie.

Ce n’est pas un hasard si M. Pisani proposait un programme de réorganisation du marché par le développement des coopératives « dynamiques » à qui il conseillait cependant de mener une « concurrence au couteau » avec les firmes privées. Ce n’est pas un hasard si la majorité des gros agriculteurs du Bassin parisien et d’ailleurs ne combattent pas cette voie et s’y engagent même assez résolument.

La politique des structures.

L’industrialisation de l’agriculture et sa participation au marché impliquent une nationalisation des unités de production existant dans le cadre du système économique dominant.

En particulier, il convient d’agir sur les structures des exploitations agricoles de telle sorte qu’elles atteignent le plus rapidement possible la taille requise par le développement des autres forces de production.

Tel est le but assigné à la « politique des structures » et qui s’exprime ainsi dans la loi d’orientation du 5 août 1960 : mettre l’agriculture « et plus spécialement l’exploitation familiale en mesure de compenser les désavantages naturels et économiques auxquels elle reste soumise comparativement aux autres secteurs de l’économie ».

Pour cela, l’Etat va créer une série d’organismes ou d’institutions, ayant pour objet d’agrandir des exploitations considérées comme pouvant devenir rentables et de « dégager » les petits paysans âgés pour « libérer » des terres qui serviront à l’agrandissement des autres.

Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural ont pour « but d’améliorer les structures agraires, d’accroître la superficie de certaines exploitations agricoles et de faciliter la mise en culture du sol et l’installation d’agriculteurs à la terre ».

Dotées d’un droit de préemption qui leur permet d’intervenir prioritairement dans certaines transactions foncières, les S.A.F.E.R. achètent des terres, constituent des exploitations « viables », les aménagent ou améliorent celles qui existent et les rétrocèdent à des agriculteurs.

Depuis leur création jusqu’à la fin de 1966 elles ont acheté 167 465 hectares et en ont rétrocédé 88 583. Pour l’année 1966, les acquisitions des S.A.F.E.R. représentent 16,5 % de la part du marché foncier qui leur est accessible et 9,3 % du marché foncier global.

La moitié des rétrocessions constituent des agrandissements d’exploitations de l’ordre de 6 hectares ; et le quart, des créations d’exploitations nouvelles d’une superficie moyenne de 38 hectares.

Ces actions, même si elles restent relativement mineures par rapport à l’ensemble des transactions foncières, jouent en faveur des paysans moyens qui y trouvent un moyen d’agrandir leur exploitation individuelle ou de s’installer sur une meilleure exploitation.

L’indemnité viagère de départ (I.V.D.) qui fait partie de la politique de structures joue dans le même sens. Elle consiste à attribuer une certaine somme annuelle (de 1200 F à 2 500 F) à un agriculteur âgé (en général 65 ans) qui cédera sa terre à un agriculteur exploitant ou à la S.A.F.E.R.

Mais, depuis avril 1968, l’I.V.D. est plus importante pour l’agriculteur qui cède au moins 5 hectares à un agriculteur qui, par cet achat, franchira le minimum de 3 fois la surface de référence (c’est-à-dire à peu près 30 hectares).

C’est donc une incitation avantageuse pour les moyens paysans.

Ces deux exemples rapides montrent que la politique des structures tend à renforcer la propriété individuelle des paysans moyens au préjudice de la propriété parcellaire des petits paysans. L’actuelle politique des structures ne trouble pas le problème capitaliste à la campagne, elle en améliore seulement le fonctionnement.

La régionalisation capitaliste aggrave l’oppression des travailleurs.

La régionalisation, tout le monde en parle. A juste titre, bien des travailleurs la souhaitent.

Mais elle est un mythe dans le système de marché que nous vivons.

On pourrait sans doute expliquer théoriquement que les capitalistes concentrent leurs investissements dans les régions ou sur les axes qui facilitent leurs échanges, donc leurs profits. Mais pourquoi vouloir démontrer par un raisonnement théorique ce que la constatation des faits nous enseigne à l’évidence.

Dans l’Ouest, trois périodes, trois échecs.

Pour des régions comme l’Ouest, ce que l’on a appelé la décentralisation peut se classer en trois périodes. La première, celle des années 50, où l’agriculture a commencé à perdre massivement des bras alors que l’accroissement des emplois n’augmentait par an que de 1 % environ.

Ainsi, par exemple, dans la Basse-Normandie, le recensement de 1962 révélait qu’un jeune sur trois arrivant à l’âge de travailler trouvait un emploi dans la région tandis que les deux autres devaient s’expatrier.

C’est dans cette période que, dans une région comme l’Auvergne et les départements du Centre, les jeunes ont quasiment tous déserté les villages.

Au cours d’une seconde période qui s’est globalement située entre 1955 et 1964, pour les pays de Loire et de Bretagne, et entre 1960 et 1964 pour la Basse-Normandie, une certaine invitation à la décentralisation a produit quelques effets (l’arrivée entre autres à Rennes de Citroën, à Caen de la S.A.V.I.E.M.).

Mais il faut dénoncer ce genre de décentralisation. Il n’a rien apporté à ces régions, si ce n’est une très grande prolétarisation, qui risque de devenir rapidement une sous-prolétarisation quasi générale.

En effet, dans la grande période de cette décentralisation (en BasseNormandie par exemple, le taux de croissance de nouveaux emplois a atteint jusqu’à 13 % par an en 1962-1963), ce que l’on a vu arriver dans l’Ouest, ce ne sont pas des entreprises, mais des ateliers de fabrication ou, pire, de montage.

Le résultat ? Dans les usines décentralisées, la proportion d’O.S. est au moins d’un tiers supérieure (73 %) à la moyenne des usines françaises (52 %), tandis que la proportion d’employés, de techniciens et d’ingénieurs est près de la moitié inférieure à celle de la moyenne des usines françaises.

Ainsi, dans ces régions, les jeunes ou les paysans mutants qui ont appris un métier ne trouvent qu’un emploi d’O.S. et toujours dans une spécialité différente de la leur.

Le corollaire de cette forme de décentralisation c’est la déqualification, c’est l’embauche et la débauche permanentes.

La troisième période de cette décentralisation, c’est celle que nous connaissons depuis 1964. Les industriels ne se « décentralisent » plus. Les raisons en sont multiples : l’Europe, c’est-à-dire leur nouveau marché, les attire plutôt vers l’Est ; le plan Delouvrier leur a montré que le Bassin parisien, plus avantageux pour eux, pouvait être aménagé en harmonie avec leurs intérêts ; les premiers essais de décentralisation les ont déçus.

Si la main-d’oeuvre est nombreuse et donc bon marché, elle n’est pas pour autant docile. Les conflits les plus durs de ces dernières années ont tous eu pour foyer ces « genres d’usines décentralisées ».

Développement régional et liberté du capital sont incompatibles. Dans ce contexte, les agriculteurs travailleurs des régions périphériques n’ont rien à attendre d’une quelconque régionalisation toujours dépendante de la liberté du capital.

Ainsi, les industries alimentaires liées à l’agriculture, mais aux mains des capitalistes, quittent les régions excentriques pour s’installer dans le Bassin parisien.

Tous les capitalistes, ceux qui tendent à intégrer l’agriculture, comme ceux de la métallurgie ou de l’électronique, ont des intérêts qui sont de plus en plus européens, c’est-à-dire situés géographiquement sur certains axes : Rhône, Rhin, Rhur. Dans ce processus, les capitalistes ne sont intéressés par les régions excentriques qu’en tant que réservoirs de main-d’oeuvre à exploiter.

Mais ils préfèrent la déporter vers « leurs » régions de plus grands profits plutôt que d’accroître leurs charges en allant vers les travailleurs.

Il est illusoire de penser qu’un pouvoir politique qui préserve la liberté du capital, lui reconnaît son pouvoir économique, puisse obliger ces capitalistes à faire d’autres choix que ceux guidés par leurs intérêts, que ceux nécessités par l’expansion de leur entreprise de capitalisation.

Parallèlement, parce qu’obligés de se soumettre aux lois de la gestion rentable imposée par le marché capitaliste, les coopératives existantes ne peuvent pas grand-chose pour le développement harmonieux des régions.

Dans le meilleur des cas, si leurs dirigeants s’engageaient à essayer quelque chose dans ce sens, elles supporteraient mal la concurrence des firmes capitalistes et elles seraient rapidement menacées de faillite.

Enfin, dans tous les cas, en revendiquant la création d’emplois nouveaux dans une région sans mettre en cause la liberté du capital, les agriculteurs risquent de se battre pour peu de résultat, au mieux pour aboutir à ce que l’industrialisation de leur région signifie exploitation plus grande des ouvriers : bas salaires, déqualification, accélération des cadences, oppression dans les conditions de travail, c’est-à-dire qu’ils aboutiront au renforcement de la dictature du capital.

Bien sûr, avec les ouvriers, ils auront à dénoncer le sous développement de leur région dont ils sont victimes, mais pour une prise de conscience et une mobilisation des masses et non par des travaux en « commissions ministérielles » et préparés par dossiers, ce qui serait alors une complète mystification et une complicité avec le pouvoir de l’oppression.

La participation au pouvoir économique.

La participation au pouvoir économique est l’un des grands objectifs des syndicats agricoles.

« Investissons toutes les autres organisations professionnelles et économiques (coopératives, groupements de producteurs, etc.) et nous pourrons y faire appliquer la politique que nous préconisons », disent-ils. Que représente le pouvoir économique ? Qu’implique une participation à ce pouvoir ? Où cette participation peut-elle conduire ?

1. La véritable notion du pouvoir économique.

On appelle « pouvoir économique » les possibilités d’action et de résistance que donnent aux grandes entreprises et aux banques leur dimension, leurs réserves financières, etc. Ces interventions ont lieu sur le terrain économique, mais aussi dans le domaine politique (ex. : « Ce qui est bon pour la General Motors est bon pour les Etats-Unis. »).

Cette définition exhaustive nous est donnée par le Dictionnaire économique et social des Editions ouvrières.

Elle nous indique clairement que le pouvoir économique correspond au pouvoir exercé par les puissances financières sur l’économie et la politique.

Elle nous confirme ce que nous constatons tous les jours dans notre région économique : que le capital, représenté par les riches propriétaires, banquiers, industriels, etc., contrôle lui-même l’économie et la politique à son profit. Le pouvoir économique, dont l’expression elle-même indique que l’économie confère le pouvoir, donne ainsi au plus riche, au plus fort, le droit d’exploiter le plus faible, le salarié, l’artisan, le paysan inoffensif.

2. La participation au pouvoir économique et ce qu’elle implique.

Participer au pouvoir économique implique nécessairement que l’on gère les intérêts du capital.

En effet, un réel pouvoir économique ne peut exister que lorsque le poids économique représenté est assez important, en face des concurrents. Pour qui ne le détient pas encore, il s’acquiert par l’accroissement de son capital.

Ainsi, par exemple, lorsqu’une coopérative laitière voudra représenter un poids important en face de ses concurrents, elle devra avoir, d’abord, une dimension suffisante, puis se donner aussi, autant que possible, un taux d’accroissement plus grand que le concurrent.

Ceci demandera une très bonne gestion des capitaux investis et cette gestion nécessitera, entre autres, que la coopérative refuse d’effectuer la collecte trop coûteuse des producteurs ayant moins de 10 ou 15 vaches.

Pour être plus concurrentielle, la coopératice devra encore employer dans des mauvaises conditions ses propres ouvriers, leur refusant les augmentations de salaire, etc.

Assez récemment, tous les syndicalistes agricoles se sont félicités de ce que la coopérative d’Ancenis prenait le pouvoir dans la société Amieux.

Pourtant, aujourd’hui, les ouvriers contrôlés par la coopérative d’Ancenis sont les moins payés dans la région nantaise.

S’exerçant donc au détriment des petits paysans comme au détriment des ouvriers, le pouvoir économique, dans les coopératives elles- mêmes, est en fait détenu le plus souvent par les agriculteurs les plus riches.

Et ceux-ci, consciemment ou non, en gérant les intérêts du capital, organisent la ruine des paysans pauvres et l’exploitation des ouvriers.

La participation au pouvoir économique implique aussi une intégration à la logique de la gestion.

Or cette logique ne coïncide aucunement avec les véritables besoins des travailleurs. Elle ne consiste qu’à accroître les revenus et les profits du capital.

Ainsi, une coopérative laitière, tout comme l’industriel, devra consacrer une part relativement importante de son budget à un secteur qu’elle pourra appeler « promotion des ventes ».

Ce secteur servira, par exemple, à étudier la couleur, la forme et la résistance des pots de yaourt qui provoqueront le mieux le désir d’achat des consommateurs.

Ne pourrait-on pas envisager un autre régime où l’argent dépensé à la rechercher publicitaire serait utilisé pour rendre des services réels aux travailleurs (construction de logements, équipements sociaux, etc.) ?

Cet exemple nous prouve encore que la logique de la gestion ne peut être que la logique des intérêts du capital.

La gestion n’intéresse pas les travailleurs au niveau du calcul de rentabilité et du profit.

Elle ne peut les intéresser qu’au niveau des choix globaux, des choix politiques dans une société à leur service.

Contribuer à la gestion des intérêts du capital conduit les responsables agricoles à se trouver pieds et poings liés à son service et contre les intérêts des travailleurs les plus pauvres de l’agriculture et de l’industrie.

3. Où peut conduire la participation au pouvoir économique ? Et si les agriculteurs qui le cherchent obtiennent quelquefois le pouvoir économique qui les attire, qu’en font-ils ?

Devenus alors très riches ou gérants d’un capital important, ils ne pourront l’utiliser qu’à l’encontre des plus faibles qu’eux.

Ils commenceront d’abord, comme ils le font déjà dans les coopératives, par exploiter de la main-d’oeuvre salariée.

Ils accentueront ensuite, sous prétexte de constituer des exploitations viables, le processus de ruine des paysans pauvres.

Ils pourront enfin mener leur politique de patrons bien établis, organisés et puissants, mais dont la « puissance économique ne reposera que sur l’exploitation du prolétariat ».

De la part des syndicats, mobiliser tous les agriculteurs pour la conquête du pouvoir économique, c’est les bercer d’illusions, parce que celui- ci n’est accessible qu’aux plus riches et que les plus petits ne pourront jamais y parvenir qu’à condition de devenir gros.

Les Bretons, par exemple, savent très bien que, malgré tous leurs efforts, la production avicole leur est enlevée par de très gros producteurs du Bassin parisien.

C’est encore donner des illusions aux agriculteurs, parce que la participation au pouvoir économique ne peut que les intégrer à la défense de la politique du capital. Ainsi leur fait-on implicitement accepter la notion de domination économique des riches sur les pauvres, en les faisant aspirer à devenir riches pour exercer cette domination.

La participation au pouvoir économique ne peut en rien satisfaire les aspirations légitimes des travailleurs les plus pauvres, ci c’est en cela essentiellement qu’elle est un mythe.

La force du pouvoir populaire ne réside pas dans le pouvoir économique, mais bien plutôt dans la possibilité qu’il a d’accentuer les contradictions que met en relief le pouvoir économique, le pouvoir du capital.

On ne peut pas, comme le prétend le C.D.J.A. de Loire-Atlantique dans le rapport d’orientation de sa dernière assemblée générale, lutter contre le libéralisme de notre société avec les mêmes armes que lui : l’efficacité et la productivité économique.

On ne peut lutter contre le libéralisme qu’en neutralisant les représentants du capital, en leur arrachant le pouvoir pour instaurer celui des travailleurs qui est de nature différente. 

=>Retour au dossier sur l’UJC (ml)

UJC (ml) : Sochaux: le lion est mort ! (1968)

[13 juin 1968.]

Les accords de trahison de Grenelle ont été conclu.

A SOCHAUX comme partout ailleurs, les travailleurs n’ont rien obtenu. PEUGEOT veut leur faire rattraper le temps perdu.

20 voitures de plus par jour, récupération du prêt patronal le samedi.

5000 ouvriers ont voté la reprise à 100 voix près seulement. Les ouvriers occupent l’usine à nouveau pour lutter contre les cadences infernales et obtenir l’indemnisation à 100% non récupérable. Les membres du comité de grève jurent partout avoir arraché au préfet la promesse que les CRS n’interviendraient pas.

Ce prétendu pacte de non agression est en fait l’arme dont ils vont jouer pour démobiliser au maximum : les piquets sont dégarnis, seulement 6 gars à certaines portes, et puis, sous prétexte de ne pas les fatiguer, ils manigancent un décalage d’horaires de une heure pour la relève.

Inutile de dire que ce sera le moment choisi pour l’attaque des CRS. Il faut dire que chez PEUGEOT, la CFDT est majoritaire, les délégués sont un peu spéciaux.

Ici, le délégué s’occupe directement du flicage dans l’usine. Il pointe lui-même le dimanche les ouvriers qui vont à l’église.

Pour la CGT, ce n’est pas mieux, puisque les délégués actuels sont les rescapés de l’épuration du 1965 (23 ouvriers et 5 délégués CGT licenciés); ce sont ceux qui ont accepté de travailler main dans la main avec le patron.

A 3 heures moins dix, les CRS passent à l’attaque. Les jeunes travailleurs du piquet les attendent de pied ferme.

De puissantes lances à incendie sont mises en action, balayant les entrées. Les délégués du comité de grève s’affolent : ils n’avaient pas prévu le coup.

Ils craignent les provocations (!), ils décident donc de fermer les vannes d’alimentation d’eau. Les palabres ne suffisaient plus pour briser les luttes, ils n’ont pas hésité à poignarder les travailleurs dans le dos…

Les ouvriers se replient sur SOCHAUX et MONTBELIARD le long de la route et dans l’usine.

Entre 6h et 9h du matin, le combat atteint son paroxysme.

Les CRS ont investi les ateliers des pièces détachées; ils sont planqués derrière les portes metalliques et balancent par dessus des grenades au chlore, offensives, lacrymogènes.

Mais les travailleurs parviennent à enfoncer la porte. Les CRS, terrorisés, se ruent vers leurs commands-cars pour s’y mettre à l’abri.

L’un d’eux, abandonné, abat sauvagement d’une balle de PM un jeune travailleur de 23 ans qui se baissait pour ramasser une pierre.

Quant à l’autre, tombé tout seul d’un mur selon la presse du mensonge, il a été projeté par une grenade et tué. Les grévistes renversent un command-car, y mettent le feu et s’emparent des armes et des munitions.

Les combattants se replient vers MONTBELIARD. Dès qu’ils pénètrent dans la ville, la situation change.

Les CRS sont obligés de distendre leur front, de se disperser dans les rues qu’ils ne connaissent pas et où la population soutient les grévistes et participe au combat.

Sous le pont de chemin de fer de MONTBELIARD, la résistance s’organise.

Des bobines de câble sont couchées, un camion est mis en travers et incendié, on commence à dépaver.

Du haut de la voie ferrée, les combattants harcèlent les CRS, avec les cailloux du ballast. Les frondes entrent en action, les vitrines d’exposition de PEUGEOT volent en éclats, les CRS s’effondrent.

Finalement, sous la pression des masses, le préfet de BESANCON demande aux CRS de se retirer. Bonne aubaine pour les municipalités des socialos et les pontes de l’UD, qui tentent de rafler quelques voix de plus aux élections législatives, en se présentant comme les sauveurs du peuple.

Dare dare, le PCF édite un tract de calomnies signé Serge PAGANELLI, membre du CC.

Selon lui, comme à Flins, sans doute certains éléments provocateurs, étrangers au mouvement, ont accentué le climat provocateur ».

les ouvriers ont compris, ils font des petits morceaux avec le tract et se remplissent les poches de cailloux…

Vers 3h, les CRS commencent à se replier.

Ils reculent en troupeaux, la tête basse, sous les huées et les sifflets de la population de MONTBELIARD qui les raccompagne. De temps en temps, un caillou fait tinter un casque.

Ils s’amassent maintenant le long de la voie ferrée par petits groupes confus.

Ils ne sont pas fiers vus de près, les CRS, encombrés de tout leur attirail de boucliers, sacs à grenades et rembourrages, eux qu’un caillou anéantit à 50 mètres!

Ouvriers et ouvrières, enfants et vieux, les fixent sans crainte; eux ils baissent le regard ou bien font volte face.

Il sont maintenant complètement noyés dans la foule qui scande « CRS = SS ».

Une femme se détache, elle vient sous leur nez, les pointe du doigt, se retourne pour prendre les masses à témoin; elle explique sa haine pour ceux qui retournent leurs armes contre le peuple.

L’un d’eux, un ancien mineur, tout gauche, tente de se disculper : « ce n’est pas de notre faute, on nous paye pour cela; c’est comme vous, on vous paye pour construire des voitures ».

Un ouvrier leur donnera la clef du problème : « A SOCHAUX, c’est des coriaces, laisse tomber tes armes et ton barda, rentre chez toi et cherche- toi un autre boulot ».

Soumis à la critique des larges masses, et vu le rapport de forces qui leur est défavorable, certains CRS sont réellement ébranlés. Mais un supérieur, d’un geste, coupe court au dialogue.

Les combats ont recommencé. De grandes lueurs, suivies d’explosions violentes, trouent la nuit.

Au cours de l’ultime vague d’assaut, les CRS lanceront 600 grenades offensives.

Mais les travailleurs ne se laissent pas intimider : ils savent que ces grenades sont peu efficaces contre des combattants disséminés.

Du grand arrière de MONTBELIARD, la population afflue. Les vieux travailleurs qui se sont battus ici-même en 1936, viennent voir avec leurs femmes comment l’attaque se déroule.

Certains d’entre eux parlaient ce matin, avant l’ordre de retrait des CRS, d’aller chercher leur fusil.

Une milice de trente travailleurs était déjà prévue pour réquisitionner l’armurerie locale. Les vieux conseillent les jeunes et renforcent leur résolution. Certains ont leur fils ou leur fille en première ligne et ils en sont fiers.

La première ligne est mouvante et s’adapte très rapidement aux circonstances et au terrain qu’elle connaît.

Dans la bouche de tous les travailleurs, les CRS sont comparés aux yankees brutaux et stupides du Vietnam.

Les 5.000 travailleurs sont déterminés à opposer la lutte des masses jusqu’au bout contre la violence réactionnaire.

La situation devient intolérable pour les CRS maintenant, ils reculent et tout le monde sait que ce n’est pas grâce à l’ordre du préfet.

Sous les coups des frondes, les CRS s’écroulent, ils doivent se replier sur l’hôtel PEUGEOT où se trouve installé leur QG.

Ils commencent à vider les lieux en vitesse dans leur commands- cars.

Terrorisés, les CRS des trois derniers cars font pleuvoir sur la foule leurs dernières grenades.

Ils se rendent ainsi coupables d’un nouveau crime : un enfant a eu la jambe arrachée par une grenade.

La presse bourgeoise commente à sa façon la prise de l’hotel par les grévistes; elle parle de pillages, de dévastation… évidemment, elle n’expliquera jamais la signification du combat, de sa conclusion, lorsque les travailleurs seront passés maîtres du repaire à la vermine d’espions et de cadres fascistes.

PEUGEOT vole à chaque ouvrier environ 1.200.000 francs anciens de profits par ans.

Aussi les ouvriers n’ont pas été demander la permission pour se servir dans les caves, regorgeant de foie gras et de mousseux pour les banquets des patrons, de même, ils ne lui présenteront pas leurs excuses pour avoir sali les moquettes.

Maintenant que le front a fait la place nette, les arrières-lignes se rapprochent.

Les combattants organisent une chaîne ininterrompue de bouteilles qu’ils passent à l’extérieur par les soupiraux des caves.

En un temps record, des milliers de litres sont ramenés sur MONTBELIARD, dans un grand climat de liesse. La révolution populaire, c’est la fête des opprimés.

Sur un mur de l’usine, des travailleurs ont peint en lettres gigantesques : « LE LION EST MORT »     

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UJC (ml) : Un camarade est mort [Gilles Tautin] (1968)

[11 juin 1968.]

Un camarade est mort. Un jeune lycéen, Gilles TAUTIN du lycée Mallarmé. Un militant du mouvement de soutien aux luttes du Peuple. Un militant de l’Union des Jeunesses Communistes (marxiste- léniniste).

Il est mort à FLINS. Il est mort matraqué par les flics, noyé. D’autres camarades ne sont pas encore revenus. Des centaines de jeunes toute la journée ont été pourchassés, traqués, arrêtés.

Et le prolétaire de FLINS, oui ou non a-t-il été tué? Nous le saurons. Des centaines de prolétaires blessés. Gilles témoigne pour tous.

Qui a tué notre camarade ?

Les flics, la dictature Gaulliste. Ce gouvernement d’assassins fait horreur a peuple. Fondé de pouvoir des exploiteurs, ce gouvernement est honni par les ouvriers, les paysans, les intellectuels, par toute la population laborieuse.

Notre Peuple s’est soulevé contre ce gouvernement. La force des millions de prolétaires se rendant maîtres des usines a ébranlé le pouvoir des exploiteurs : les capitalistes ont tremblé.

Aujourd’hui leur gouvernement voudrait faire payer le peuple, lui faire oublier qu’il est une force invincible, il voudrait le diviser, le réprimer. Il ne le pourra pas.

Le gouvernement gaulliste espérait que tout rentrerait dans « l’ordre », N’avait-il pas promis des élections législatives ? Oui, des élections pour que la travail reprenne. Pour que le travail reprenne avant LA SATISFACTION DES REVENDICATIONS OUVRIERES.

Des élections pour que les ouvriers rentrant dans leurs usines sous la pression des jaunes, des flics, des C.D.R.

Des élections pour vaincre le peuple. Et quand les ouvriers résistent comme à CITROEN, à RENAULT, le gouvernement d’assassins envoie ses C.R.S..

Mais comme tous les réactionnaires, le gouvernement gaulliste sous- estime la force du peuple : la classe ouvrière résiste et le jeunesse, la population, soutiennent les bastions de la résistance prolétarienne.

A FLINS, ouvriers, étudiants, et toute la population sont unis, unis pour la victoire d’une même cause, le cause du peuple. Qui a aidé le gouvernement dans sa besogne de division et de répression? Les politiciens anti-ouvriers et anti-populaires.

Les larges masses de notre pays les ont vus à l’oeuvre : la direction de FO, léchant les bottes des ministres, la direction de le CFDT., qui signait tous les accords de capitulation et trouvait le moyen, quand la classe ouvrière se battait pour la satisfaction de toutes ses revendications et pour un gouvernement populaire, de présenter SON candidat, un politicien anti-communiste à la retraite, MENDES-FRANCE.

Enfin, la DIRECTION CONFEDERALE de le CGT, et la clique de politiciens du PCF. L’attitude de le direction confédérale de la CGT a été IGNOBLE.

Elle a appelé è la reprise du travail à coups de votes à bulletins secrets et de mensonges.

Elle a saboté l’auto-défense des usines.

Elle a ouvert les portes de FLINS aux CRS POUR QUE LES ELECTIONS se DEROULENT, ELLE A DESARME LA CLASSE OUVRIERE. ET ELLE A ARME LES BRAS DES ASSASSINS à FLINS.

Que disait le bureau confédéral de la CGT et l’HUMANITE, le 7 Juin 1968 ? « Le gouvernement a omis de désigner les véritables fauteurs de troubles et de provocations dont les agissements, y compris contre la reprise du traveil, sont couverts par une singulière complaisance du pouvoir ».

Le gouvernement a répondu à cet appel il a tué notre camarade. Notre camarade est mort.

Les responsables de son assassinat sont le gouvernement gaulliste et SES COMPLICES DU BUREAU COFFEDERAL de la CGT et de le DIRECTION du PCF.

Notre camarade est mort pour SERVIR LE PEUPLE.

Pour l’Union du Mouvement de le Jeunesse et du Mouvement Ouvrier. Il est allé à FLINS se mettre sous l’autorité des travailleurs et des syndicalistes prolétariens de la CGT.

Perce qu’il faisait partie d’une organisation politique qui naît au coeur des masses ouvrières.

L’organisation est fière de compter parmi ses membres les défenseurs de la CGT des prolétaires.

C’était un jeune militant qui défendait la cause ouvrière et la cause de la grande CGT de lutte de classes, indissolublement liées.

Il ne confondait pas les traîtres du bureau confédéral et les centaines de milliers de militants cégétistes ardents défenseurs de la cause ouvrière.

Il faut savoir POUR QUOI, POUR QUI, il est mort : POUR LA CLASSE OUVRIERE, POUR LA C.G.T. de LUTTE DE CLASSES, POUR LE PARTI des REVOLUTIONNAIRES PROLETARIENS qu’il aidait à édifier, POUR LE PEUPLE.

Dans son esprit il avait gravé l’instruction du grand guide de le Révolution mondiale, le camarade Mao Tsé-toung : SERVIR LE PEUPLE.

CAMARADE, ton nom est désarmais inséparable de la révolution populaire, du printemps de notre peuple !

Nous te faisons le serment de suivre la voie que tu as tracée de ton sang.

Le sang des prolétaires, le sang de notre camarade lycéen, de ceux qui sont morts SANS QUE LE PEUPLE LE SACHE, est pour nous tous LE SANG des MARTYRS.

Des martyrs de la REVOLUTION POPULAIRE. Il soulève notre haine qui est immense, à la mesure des souffrances infligées au peuple par ses exploiteurs.

Camarades, autour du drapeau rouge de le résistance prolétarienne, de le Révolution Populaire, du communisme, UNIS JUSOU’A LA VICTOIRE!

– Syndicalistes prolétariens C.G.T.
– Mouvement de Soutien aux Luttes du Peuple.
– Union des Jeunesses Communistes (marxiste-léniniste) et Organisations sur la ligne de SERVIR LE PEUPLE.             

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UJC (ml) : En avant pour la longue marche de la jeunesse (1968)

La première étape de la révolution populaire a eu deux caractéristiques principales à partir de la révolte étudiante, le développement d’un puissant mouvement gréviste de masse; autour de le classe ouvrière, l’unité du peuple dans la solidarité avec les grévistes, dans le combat contre le régime du grand capital et des assassins,

Cette immense vague de fond a balayé tous les capitulards, tous les défaitistes, tous les révolutionnaires en chambre ou en paroles.

Les multiples sabotages et trahisons du PCF, s’appuyant sur la direction confédérale de la CGT, les manoeuvres des dirigeants sociaux-démocrates, le chantage et le répression du régime gaulliste, n’ont pas entamé la volonté populaire de lutte: un million de grévistes organise la résistance prolétarienne et ceux qui, trahis, ont repris, se préparent à nouveau pour la lutte; la population cas villes et des campagnes, est toute unie autour des ouvriers.

Nul ne pourra plus arrêter la marche de la révolution populaire, quels qu’en soient les détours.

Mais le pouvoir du capital et ses complices du PCF tentant de briser le flot populaire.

Leurs armes : la matraque et le fusil d’un côté, la duperie électorale et les manoeuvres de l’autre. Ils cherchent pour cela à s’appuyer sur les fractions du peuple qui ne sont pas encore entrées dans la lutte, sur les masses encore hésitantes.

La paysannerie pauvre et moyenne ne s’est pas encore soulevée; certaines fractions du prolétariat, non mobilisées en raison de la trahison des directions syndicales bureaucratiques, n’ont pas participé activement à la grève; une partie de la petite bourgeoisie des villes est restée dans l’expectative.

Qui gagnera à sa cause les masses non encore engagées? La bourgeoisie ou le prolétariat ? à coup sûr, ce sera le prolétariat car l’immense mouvement qui a dressé la peuple a montré que les 90 % de la population peuvent et doivent être unis, et que les réactionnaires ne sont qu’une poignée.

La jeunesse a pour cela un grand rôle à jouer. Les étudiants ont dans leur grande masse montré leur désir de se lier au peuple, de SERVIR le PEUPLE.

Ils ont par leur action, contribué à unir le peuple autour de la classe ouvrière.

Las tâches de la jeunesse sont claires :

1° – SOUTENIR LES BASTIONS de la RESISTANCE PROLETARIENNE, comme RENAULT, CITROEN, PEUGEOT;

2° – Aider le peuple à s’organiser dans les quartiers et les villages.

La masse des jeunes est prête à accomplir ces tâches. Beaucoup se sont déjà mis au travail.

Mais la jeunesse progressiste reste encore apparemment divisée en plusieurs mouvements et organisations, divisée par des disputes de chapelle.

La jeunesse progressiste a besoin d’être unie pour participer au combat du peuple.

Or tous les éléments de cette unité sont là.

Au cours de la lutte de ces dernières semaines, les principales idées justes issues de l’expérience d’un siècle de lutte du prolétariat et des peuples opprimés ont pénétré massivement dans la jeunesse, et sont devenues une puissante force matérielle.

Les diviseurs ont été balayés; l’arrogance de l’intellectuel bourgeois a été fortement ébranlée.

SERVIR le PEUPLE, s’unir au peuple, sont aujourd’hui des idées maîtresses du mouvement de la jeunesse qu’il fait siennes à travers l’expérience de plusieurs semaines de luttes.

Quel est ce bien commun de le jeunesse progressiste, qui permet et exige son unité ?

1. La jeunesse a joué et peut jouer encore, le rôle de pionnier donnent le signal de l’ébranlement de l’ordre ancien

2. Les étudiants ne se sont pas battus pour améliorer une université de privilégiés, pour quelques réformes de structures.

Ils ont attaqué le système universitaire qui forme les continuateurs de la cause bourgeoise et les cadres de l’exploitation capitaliste.

3. La jeunesse intellectuelle a compris qu’elle n’était qu’une petite partie de l’armée de le révolution, et qu’il lui fallait fusionner avec les forces principales.

Elle a compris qu’il lui fallait pour cela se lier aux masses laborieuses, qu’il lui lui fallait SOUTENIR les LUTTES du PEUPLE. Et elle l’a mise en pratique, même au prix de son sang, comme à FLINS.

4. La jeunesse a su reconnaître ses amis et ses ennemis. La clique dinguante du PCF et de le CGT a tout fait pour s’opposer à la fusion des étudiants et des travailleurs, elle a employé les calomnies les plus ignobles et a armé le bras des assassins.

Aujourd’hui, la jeunesse comprend que le meilleur allié du capital, ce sont les politiciens bourgeois infiltrés dans la classe ouvrière.

5. La jeunesse a u déjouer les manoeuvres de ceux qui voulaient utiliser sa révolte au profit d’une solution de rechange du grand capital. L’opération de « Combat » et le meeting de Charlety, les sourires de le CFDT pour mettre à l’avant-scène un MENDES FRANCE, ont fait long feu.

6. La jeunesse a balayé tous les donneurs de leçons à la classe ouvrière, tous eux qui voulaient faire du prolétariat une simple force d’appoint.

Elles s’est placée sous la direction de la masse des travailleurs, elle a su faire la distinction entre les directions syndicales de trahison et les militants syndicaux à la pointe du combat, avec à leur tête les syndicalistes prolétariens de la CGT.

7. La jeunesse a rejeté massivement la farce électorale; le mot d’ordre « Elections = trahison » a été repris massivement.

Elle sait qu’un gouvernement populaire doit naître de la masse des travailleurs, et non d’élections truquées et d’accords parlementaires entre partis bourgeois.

Sur tous ces points, le jeunesse est unie.

Cette unité doit aujourd’hui se concrétiser. Les bases, on l’a vu, sont claires et saines. Sur elles, un de mouvement de masse uni, puissant, doit s’édifier le plus vite possible mettant de côté les querelles. A cette condition, la jeunesse pourra faire sien ce mot d’ordre :

« S’UNIR AU PEUPLE »

« UNIR LE PEUPLE ».

Déjà les étudiants se sont lié aux travailleurs. Déjà ils ont, par leur action, aidé toutes les couches de la population à resserrer les rangs contre le capital. La longue marche de le jeunesse a déjà commencé.

Elle doit se poursuivre et s’intensifier. Vers les usines, les quartiers, les campagnes.

Vers les usines pour soutenir les bastions de la résistance prolétarienne. Vers les quartiers pour faire de chaque meeting électoral un meeting populaire de dénonciation du régime et des élections.

Vers les campagnes, pour expliquer massivement aux paysans pauvres et moyens la lutte des ouvriers et des étudiants, pour se mettre eu service de la paysannerie laborieuse et l’aider à entrer massivement dans le grand combat populaire.

La révolution populaire sera une lutte prolongée, celle-là même qui unira progressivement dans la lutte 90 % de la population contre la poignée d’exploiteurs, L’expérience de la revolution chinoise balaie les théories du « Grand soir », de la « minorité agissante prenant le pouvoir par surprise ».

Notre révolution ne sera pas le fruit d’un hasard heureux.

Mais d’une lutte âpre, sans merci et prolongée.

Elle ne sera pas l’oeuvre soudaine d’une minorité, mais le ralliement progressif, par étapes, des larges masses de notre pays. On ne fait pas le révolution pour le compte des masses, ce sont elles qui la font.

La tâche de la jeunesse : LA LONGUE MARCHE VERS LE PEUPLE, VERS CES 90 % de la POPULATION QUI ONT COMMENCE, AUTOUR DU PROLETARIAT, LA REVOLUTION POPULAIRE.

Nous balaierons aisément les courants négatifs qui freinent ou dévoient le mouvement étudiant : la routine de la violence stérile des barricades, le style de travail petit bourgeois et décadent, les manoeuvres de groupuscules.

Pour cela, l’unité de la jeunesse intellectuelle et de la jeunesse ouvrière est indispensable.

Les jeunes travailleurs qui sont une partie active et enthousiaste du prolétariat, aideront les étudiants à s’unir au peuple et à unir le Peuple.

EN AVANT POUR LA LONGUE MARCHE DE LA JEUNESSE.     

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UJC (ml) : A bas le régime gaulliste anti-populaire ! (1968)

[Mai 1968.]

La répression policière s’est abattue sur les étudiante ces derniers jours les étudiants y ont répondu courageusement par la violence.

Les ouvriers, eux, connaissent cette répression depuis longtemps.

Tous les jours, c’est la lutte contre le chômage, contre les salaires de nisère, contre les conditions de travail de plus en plus dures.

Pour la réprimer les patrons font appel à l’état bourgeois, leur fidèle serviteur : ce sont les méthodes de répression fasciste des CRS à Redon, à Caen, à la Rhodia de Lyon, etc …

Redon, Caen, La Rhodia ce sont des coups très durs portés par les ouvriers, les paysans pauvres au grand capital, au Règne gaulliste.

Les travail- leurs savent que ce sont leurs coups toujours plus forts, toujours plus déterminés qui mettront à bas le régime d’oppression du peuple. Les étudiants aussi ont porté des coups à ce régime de répression.

Mais les politiciens socialistes, les nouveaux arrivistes de la gauche, utilisent à fond les confusions et les inconséquences d’un mouvement petit bourgeois.

Ils font tout pour dévoyer la lutte des étu- diante, l’enrôler sous leur bannière : ils veulent uti- liser le mouvement étudiant pour arracher au prolétariat la direction de la lutte.

Comment ?

En appelant les ou- vriers à soutenir les revendications petites bourgeoises sur l’Université des fils à papa.

C’est le contraire qui est juste.

Les étudiants progressistes doivent se mettre au service de la lutte ouvrière et populaire contre le chômage, la misère, pour la liberté.

La direction opportuniste du PCF et de la CGT a d’abord attaqué de manière ignoble la lutte des étudiants.

Ensuite, face au développement de la situation, elle a tourné casaque : et elle appelle à cautionner la manœuvre social-démocrate, elle appelle au soutien entier, à la grève, sur la base des mots d’ordre petit bourgeois ; manœuvres et capitulations des directions opportunistes ne résisteront pas au courant de révolte ouvrière qui monte.

En masse les ouvriers ae aaiaissent du drapeau de la lutte contre le gaullisme.

En masse dans la CGT, ils vont renverser les bureaucraties réformiste», ils édifient le parti du pro- létariat dans les luttes de masse contre le chômage et la misère capitaliste.

En masse les étudiants progressistes se lèvent pour Servir le Peuple.

BRISONS LE CONTRE-COURANT SOCIAL-DÉMOCRATE 

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UJC (ml) : Brisons le contre-courant social-démocrate (1968)

[13 mai 1968.]

Nous entrons dans la grande époque de l’effondrement de l’impérialisme, de la victoire du prolétariat et des peuples, de la pensée de Mao Zedong!

Depuis plus d’une semaine, les événements politiques en France et dans le monde se précipitent.

En France, les manifestations des étudiants, de la jeunesse ont intéressé des centaines de milliers d’ouvriers, de paysans, de jeunes : la violence des forces répressives du gouvernement gaulliste et la riposte de milliers de jeunes ont donné à la lutte pour le pouvoir que mènent différentes forces politiques, une force nouvelle.

La réaction des larges masses populaires est claire et simple : tout ce qui tend à précipiter la chute du régime de chômage et de misère est une bonne chose.

Mais le prolétariat SAIT QU’IL EST LE SEUL CAPABLE DE DIRIGER EFFECTIVEMENT LA LUTTE CONTRE LE GAULLISME, POUR L’AVENEMENT D’UN REGIME DEMOCRATIQUE AU SERVICE DU PEUPLE.

Comment combattre le régime de chômage?

En unissant les ouvriers et les chômeurs pour briser net l’offensive du grand capital; en faisant payer aux riches le prix de la crise, des fermetures d’usine, des concentrations.

Comment combattre le régime de misère?

En unissant les ouvriers dans la bataille contre les salaires de misère, en unissant les ouvriers et les paysans travailleurs qui aspirent à s’organiser ensemble pour vaincre ou mourir comme l’ont crié les paysans de l’ouest.

Comment combattre le régime policier?

En unissant les ouvriers, les paysans pauvres, les étudiants progressistes, les larges masses populaires contre la répression de tous les jours, contre les flics et les vendus dans les usines, contre les méthodes fascistes des patrons, contre les mairies racistes.

LES COUPS MORTELS CONTRE LE REGIME GAULLISTE, LE POUVOIR POLICIER DE CHOMAGE ET DE MISERE, CE SONT LES MASSES POPULAIRES QUI PEUVENT LES PORTER.

Les ouvriers, les paysans pauvres, les étudiants progressistes qui se mettent au service de leurs luttes, tous ceux qui se mettent dans le camp du peuple sont la force immense capable de renverser le pouvoir anti populaire du grand capital.

Dans le camp des ennemis du peuple : il y a le pouvoir gaulliste et tous les politiciens bourgeois qui veulent profiter du combat des ouvriers et des paysans contre le chômage et la misère, du combat des jeunes progressistes en révolte contre l’université bourgeoise et les flics du gaullisme pour SE FAUFILER AU POUVOIR.

UN ENNEMI PERFIDE, LA SOCIAL-DEMOCRATIE

Le prolétariat français connaît bien cet ennemi.

Dans le passé, il a su éventer tous les complots des politiciens bourgeois de la social- démocratie.

En 1936, la marée ouvrière allait emporter le régime de chômage et de misère, la social-démocratie brisa le mouvement populaire.

En 1945, les forces populaires, les armes à la main, allaient conquérir définitivement la liberté.

La social-démocratie s’interposa et la bourgeoisie vola au peuple les fruits de la victoire.

En 1958, grâce à la participation active de la social- démocratie, le pouvoir du grand capital, ébranlé par sa défaite en Algérie, a été renforcé, le gaullisme instauré.

Mai 68 : après dix années de pouvoir gaulliste, de division des forces populaires provoquées par la social-démocratie, le peuple reconstitue ses forces, conquiert pas à pas son unité et prépare la chute du régime du grand capital.

Aujourd’hui comme hier, la social- démocratie regroupe ses forces pour comploter à nouveau contre le peuple.

Elle cherche de nouvelles forces, parce que les vieux politiciens, les massacreurs d’ouvriers, les J.Moch et Cie ne sont plus présentables.

Elle cherche désespérément à se constituer une base de masse qui lui permette d’exploiter le mécontentement du peuple envers l’équipe gaulliste, de duper les masses populaires, et de PERPETUER COMME ELLE L’A TOUJOURS FAIT, LE REGNE DU GRAND CAPITAL.

La social-démocratie a besoin de se renouveler, de se moderniser vite, PARCE QU’ELLE SENT SOUS SES PIEDS LE TERRAIN GLISSER. SUR LE DECLIN…

Depuis 1945, elle a lié son sort à l’impérialisme américain, CONFIANTE dans les forces agressives des USA.

Or aujourd’hui le colosse américain est ébranlé et entre dans une ère de déclin irréversible sous les coups de l’héroïque peuple vietnamien, de la lutte des Noirs et de toutes les victimes de son agression et de son exploitation.

La Chine rouge des ouvriers, des paysans, des peuples du monde entier, à la tête du front de tous les exploités qui partent à la conquête de l’émancipation, montre par la pratique que l’époque de l’impérialisme agonisant est l’époque du socialisme triomphant de la pensée de Mao Zedong.

La bête impérialiste saigne de toutes parts : l’agression à coups de dollars, de napalm, de B52, de corruption, ne paie plus; sur les champs de bataille du Vietnam, les patriotes en ont donné la preuve.

Un représentant qualifié de la grosse banque américaine, Rockefeller, a déclaré hier que les USA étaient acculés, qu’ils devaient être prêts à accepter au Sud Vietnam le gouvernement populaire pour lequel le peuple vietnamien les armes à la main a combattu.

LA SOCIAL-DEMOCRATIE NE PEUT PLUS S’APPUYER SUR LES FORCES AGRESSIVES DE L’IMPERIALISME AMERICAIN COMME ELLE LE FAISAIT HIER. SA DERNIERE CHANCE

Sa dernière chance, la social-démocratie la trouve dans le contre- courant révisionniste international qui a divisé le mouvement communiste.

La chance de la social-démocratie, c’est l’usurpation du pouvoir populaire en URSS, dans les démocraties populaires.

En 1956, elle s’était ruée à l’assaut des forces populaires, dans le camp de la contre-révolution en Pologne, en Hongrie.

Mais elle avait encore rencontré la résistance des forces prolétariennes. Le Parti Communiste en France avait encore tenu tête à l’assaut de la réaction, du Figaro aux trotskystes.

La manifestation contre-révolutionnaire contre le siège du Parti en 1956 n’avait pas effrayé le prolétariat; il avait su répondre fermement aux criailleries de la petite-bourgeoisie dupée par le complot impérialiste et social-démocrate.

MAIS AUJOURD’HUI LE CONTRE-COURANT REVISIONNISTE s’est renforcé : en Tchécoslovaquie de Dubcek, les ouvriers connaissent à nouveau le chômage, le blocage des salaires, les cadences infernales, la dictature des bureaucrates, des experts et des intellectuels bourgeois.

Ce contre-courant balaie l’Europe, il s’appuie sur une partie de la jeunesse intellectuelle pour développer son offensive.

En France, la social-démocratie déploie toutes les forces qui lui restent pour fusionner avec ce contre-courant. Le déclin de l’impérialisme américain exige ce renouvellement de la social- démocratie.

Elle a assimilé les leçons de 1956 et les leçons actuelles de la Tchécoslovaquie.

IL LUI FAUT UNE BASE DE MASSE DANS LA JEUNESSE INTELLECTUELLE POUR DEMOLIR LA DIRECTION PROLETARIENNE DES LUTTES DE MASSE EN FRANCE. La révolte de la jeunesse intellectuelle contre l’université bourgeoise et les flics du pouvoir a constitué L’OCCASION REVEE.

Elle a lancé dans l’opération les trotskystes, les jeunes arrivistes de la gauche pour diriger le mouvement étudiant et duper une grande partie de la jeunesse intellectuelle, toujours hésitante.

Dans le même temps, elle a lancé un ultimatum aux dirigeants du PCF et de la CGT, pour qu’ils fassent la preuve de leur bonne volonté.

Ensemble, sociaux-démocrates et dirigeants du PCF, ont signé sur le papier des accords communs.

Mais, prudente, la social-démocratie exige des actes concrets.

Si le PCF voulait vraiment la « Démocratie véritable » avec les sociaux-démocrates, il fallait appeler la classe ouvrière à servir de force d’appoint au mouvement étudiant manipulé par la social-démocratie.

LA DIRECTION OPPORTUNISTE DU PCF et de la CGT A REPONDU à l’appel de la social-démocratie.

Seguy a appelé les ouvriers à se mettre à la remorque des revendications étudiantes.

Le PCF et la direction opportuniste de la CGT ont montré qu’ils acceptaient de jouer jusqu’au bout le jeu des sociaux-démocrates : faire de la classe ouvrière une force d’appoint à la coalition petite-bourgeoise dirigée par la fraction social-démocrate du grand capital.

Ce que depuis 1966 la CFDT, instrument de la social-démocratie rénovée n’arrivait pas à obtenir, le Bureau National de l’UNEF, soutenu par la social-démocratie, essaie de l’obtenir : ligoter le prolétariat, dévoyer son combat contre le chômage et la misère.

C’EST UN EVENEMENT DE LA PLUS GRANDE IMPORTANCE, NATIONALE ET INTERNATIONALE

Et de très larges couches ouvrières le sentent.

Elles voient s’affirmer le nouveau complot de la social-démocratie. Pour beaucoup, malgré les inquiétudes suscitées par l’unité avec les politiciens corrompus Mitterrand-Mollet, la démocratie véritable devait couronner la lutte des prolétaires contre le chômage, les salaires de misère, la répression anti-démocratique.

Maintenant, ils peuvent voir que la « Démocratie véritable » couronnera la lutte de la petite-bourgeoisie dirigée par une fraction de la bourgeoisie des monopoles en alliance avec les fractions dupées du peuple.

Qu’est-ce qui leur permettra d’arriver à cette conclusion?

L’analyse de ce simple fait : le prolétariat, les paysans travailleurs combattent; on sabote leur combat au nom de la démocratie véritable.

Au nom de l’unité de la gauche, on brise les grèves, on interdit les grèves illimitées, on refuse le combat prolétarien contre le chômage, on interdit aux ouvriers et aux paysans unis par la misère capitaliste, de créer des organisations populaires de combat, comme c’est le cas dans l’ouest, on hurle à l’aventurisme quand les ouvriers et les paysans opposent leur violence de classe à la violence contre-révolutionnaires des forces répressives du patronat et du gaullisme.

Et quand une partie de la jeunesse, manipulée par la social- démocratie, se bat, ON EXALTE SA RESOLUTION.

Face aux fusils des patrons il y a les ouvriers, les paysans, les intellectuels révolutionnaires unis aux ouvriers et aux paysans. Sur les barricades du quartier latin, il y a des jeunes pleins de résolution et les aventuriers nécessaires à la réussite de l’opération social-démocrate.

Les dirigeants opportunistes du PCF et de la CGT ont montré aux yeux de milliers d’ouvriers dans quel camp ils se trouvaient.

A REDON, les permanents révisionnistes empêchaient les ouvriers d’aller manifester en masse leur soutien aux ouvriers d’une usine qui commençaient une grève illimitée sous prétexte que c’était une provocation; à Paris, le même jour, ils appelaient à soutenir les étudiants qui se heurtent à la police. La liaison entre ces faits est tout à fait significative.

Les Marxistes-Léninistes, sur les positions du journal « SERVIR LE PEUPLE », sont aujourd’hui les seuls à résister au contre-courant social-démocrate et révisionniste.

Ils relèvent le drapeau du Parti du Prolétariat et vont partout, dans toutes les usines, expliquer à la masse des ouvriers, qu’aujourd’hui LE PROLETARIAT COMBAT et que sous la bannière de la Démocratie véritable, LA BOURGEOISIE ESSAIE DE SE FAUFILER.

PARTOUT AU SEIN DES MASSES POPULAIRES, la jeunesse armée de la pensée de Mao Zedong se met au service du prolétariat et du peuple. PARTOUT ELLE DENONCE LE NOUVEAU COMPLOT DE LA SOCIAL-DEMOCRATIE.

PARTOUT, les ouvriers unis dans des groupes de travail communiste, arment leurs frères de classe pour l’assaut à venir contre le régime antipopulaire de chômage et de misère.

UN PARTI COMMUNISTE DE L’EPOQUE DE LA PENSEE DE MAO ZEDONG s’édifie au coeur des masses populaires.

Vive la lutte du peuple contre ses exploiteurs.      

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