Le matérialisme dialectiqueetle nexus de la contradictioncomme point de transitiondu mouvement en spirale et ses cycles

La question de la transition est d’une extrême difficulté dans le matérialisme dialectique. En effet, puisque le mouvement et le statique s’opposent dialectiquement, comment considérer qu’ils établissent un rapport « constructif », « productif », pour permettre de franchir un cap ?

La difficulté est telle que cela a largement servi le révisionnisme, qui a prétendu avoir résolu le problème en affirmant que, dans les moments « créatifs », ce n’est pas un qui devient deux, mais deux qui deviennent un. Il y aurait une « unification » des contraires afin de faire avancer les choses, les phénomènes.

Lorsque les choses avanceraient, c’est qu’elles auraient « uni » leurs forces. Il y aurait annulation des différences afin de permettre d’avoir suffisamment d’énergie, d’appui, pour s’élancer.

C’est naturellement un piège anti-dialectique, qui derrière le mot d’ordre « l’union fait la force », sert à effacer les nuances, les différences, à neutraliser les contradictions, et cela au nom d’une hypothétique période intermédiaire, « productive », utile, nécessaire, etc.

A contrario du révisionnisme qui falsifie la vision communiste du monde, le matérialisme dialectique ne conçoit pas une « transition » comme une « réconciliation » de deux pôles contradictoires. Il considère la transition comme l’expression d’une contradiction et donc comme une séparation.

Au sens strict, la transition n’est qu’un aspect de l’affrontement entre le nouveau et l’ancien. Cela se produit à un niveau particulier, qui est d’une importance essentielle, qui établit l’aspect principal pour toute la chose, tout le phénomène.

C’est en ce sens qu’on peut parler de « transition ». Mais il existe pas de transition comme sas, moment isolé et séparé. En ce sens, le fameux propos de l’intellectuel italien Antonio Gramsci, figure majeure du communisme en Italie, est totalement erroné, anti-dialectique :

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. »

C’est là l’hypothèse d’une « transition » comme moment d’annulation des contradictions, comme on en trouve chez tous ceux qui rejettent le matérialisme dialectique et ne savent donc pas « lire » les contradictions. C’est cette même conception qui propose des « transitions » passer du capitalisme au socialisme en s’appuyant sur des moyens « magiques » comme l’éducation, les élections, le syndicalisme, les grèves, etc.

Comment faut-il voir les choses ? Quelle est cette contradiction qui exprime ce qu’est réellement une transition ?

Posons les choses.

Un mouvement est par définition à la fois continu et non-continu, autrement dit il n’y a pas de « moment » précis, statique, unilatéral où on sait qu’on passe d’une chose à une autre, d’une étape à une autre.

Or, il y a bien transformation : transformation d’un rapport sexuel entre un homme et une femme en enfant à naître, transformation du capitalisme en socialisme, transformation de la nourriture en éléments chimiques pour faire fonctionner le corps, etc.

On peut bien arbitrairement définir un moment clef pour annoncer un passage d’une étape à une autre, cependant cela n’aurait qu’une portée descriptive. On notera ici un aspect très important : une telle démarche arbitraire est la base de ce qu’on appelle la perversion.

Quelqu’un qui mange, mais se fait vomir immédiatement afin de ne pas grossir, a dans son imaginaire le fétiche que, puisque la nourriture est mangée, elle a été assimilée pour vivre, et qu’on peut donc s’en débarrasser en « trichant ».

Les hommes fascinés par les adolescents ou les adolescentes ont comme fétiche la transformation en adulte, considérée comme un « potentiel », une réalisation réalisée sans être réalisée encore. En ce sens, une société où les enfants et les adolescents s’habillent comme des adultes contribue à la confusion et laisse tendanciellement la porte ouverte aux fétiches.

Tout manquement à la compréhension matérialiste dialectique des choses, des phénomènes, aboutit en fait inévitablement à des fétiches, à des lectures « statiques », à une conception bornée.

Pour échapper à une telle erreur, il faut se tourner vers le mouvement en spirale.

Il est bien connu que le matérialisme dialectique souligne le mouvement en spirale, mais qu’entend-on précisément par là ? En effet, le concept a ici surtout été descriptif, pour indiquer que les choses ne vont pas en ligne droite.

Lénine utilise le concept de spirale de la manière suivante, en 1915, dans ses notes sur la question de la dialectique.

Il dit que si on regarde les choses avec une vision « immédiate », on s’imagine que les choses progressent en ligne droite. Mais en réalité, le progrès avance par bonds, avec des ruptures, des décrochages. Aussi vaut-il mieux parler de spirale.

Ce sont ceux qui ont intérêt à ce qu’on ait une vision bornée des choses qui insistent sur le concept de « ligne droite », afin de donner naissance à des fétiches auxquels on doit s’accrocher, afin que rien ne change, que tout reste pareil.

« La connaissance humaine n’est pas (ou ne décrit pas) une ligne droite, mais une ligne courbe qui se rapproche indéfiniment d’une série de cercles, d’une spirale.

Tout segment, tronçon, morceau de cette courbe peut être changé (changé unilatéralement) en une ligne droite indépendante, entière, qui (si on ne voit pas la forêt derrière les arbres) conduit alors dans le marais, à la bondieuserie (où elle est fixée par l’intérêt de classe des classes dominantes).

Démarche rectiligne et unilatéralité, raideur de bois et ossification, subjectivisme et cécité subjective, voilà les racines gnoséologiques de l’idéalisme.

Et la bondieuserie (=idéalisme philosophique) a, naturellement, des racines gnoséologiques, elle n’est pas dépourvue de fondement ; c’est une fleur stérile, c’est incontestable, mais une fleur stérile qui pousse sur l’arbre vivant de la vivante, féconde, vraie, vigoureuse, toute-puissante, objective, absolue connaissance humaine. »

Regardons ce concept de spirale et voyons comment on peut en profiter de manière formidable. Une spirale, c’est une courbe qui s’enroule autour d’un axe. Cependant, une spirale cela peut également être une courbe qui s’enroule autour d’un axe… en s’éloignant ou en se rapprochant de cet axe, et ce à l’infini.

Dans ce dernier cas, une spirale est un mouvement en courbe où on se rapproche ou s’éloigne toujours plus d’un point fixe, d’un axe, et ce à l’infini.

Voici une représentation dessinée par le graveur Jost Amman et conçue par l’orfèvre humaniste allemand Wenzel Jamnitzer, pour l’ouvrage de 1568 Perspectiva corporum regularium (Perspective des corps réguliers).

La représentation a ici un seul souci : la spirale en trois dimensions parvient à un bout, à une extrémité. Il faut enlever ce bout, sans quoi on aurait une fin, et il faudrait un début, ce qui s’opposerait au principe de l’infini et on retomberait au « borné ».

Pourquoi ce mouvement en spirale est-il correct, dans son principe, pour représenter le mouvement ?

Il y a une série de points très complexes.

1. Le mouvement en spirale présente, entre ses différents niveaux de courbes, une différence de degrés. Plus on avance plus les courbes deviennent plus « petites », plus ramassées. C’est conforme à l’évolution quantitative. Il y a alourdissement, accélération, approfondissement, etc.

L’inverse est vraie : des courbes qui deviennent plus larges, plus grandes, représentent la dilatation, l’étalement, le développement, etc.

C’est la contradiction entre la qualité et la qualité qui s’exprime ici.

2. Le mouvement en spirale témoigne d’un processus en cours. Lorsqu’on se rapproche, ou bien lorsqu’on s’éloigne de l’axe, on le fait au fur et à mesure. Ce au fur et à mesure est ce qu’on appelle le temps ; le temps est produit par l’espace, par la matière infinie, qui est partout, qui est tout, et qui se transforme.

La notation de cette transformation, par contraste d’une transformation par rapport à une autre, est ce qu’on appelle le temps.

3. Le mouvement en spirale tend autour d’un point fixe, sans jamais l’atteindre. D’une part, c’est conforme au mouvement de chaque phénomène, qui est d’un côté fixe (comme le point), de l’autre en mouvement (comme la spirale).

Les contraires s’interpénètrent toujours ; il n’y a jamais de « réconciliation ». Rien n’est jamais statique, uni, unifié, unique, il n’y a jamais d’assimilation possible de la courbe et du point statique.

Le mouvement prime toujours sur la dimension statique – et la dimension statique est le squelette de la réalité, sans qui rien n’existerait, se dispersant dans le mouvement. C’est la matière qui est dialectique, pas la dialectique qui est matérielle.

En quoi ces points abordés aident-t-ils pour la question de la transition ?

Eh bien, si on raisonne sans le mouvement en spirale, on va bien saisir les deux pôles d’une contradiction. Cependant il y a un risque majeur : celui de basculer dans la dualité et non la dialectique.

C’est là où se situe précisément l’erreur à ne pas commettre. C’est l’erreur finalement inverse du révisionnisme. Le révisionnisme dit que deux deviennent un, qu’il y a réconciliation des contraires. La dualité est l’erreur qui fétichise les deux contraires dans leur pure opposition.

La dualité aboutit, somme toute, à concevoir que les contraires ne peuvent pas se convertir l’un en l’autre. Le reproche que fait finalement Mao Zedong à Staline, c’est précisément de remplacer parfois la dialectique par la dualité, et d’aboutir à des solutions mécanistes ou administratives.

C’est là que cela va aider pour mieux comprendre ce qu’est une transition. Si on part du principe que les contraires peuvent se convertir l’un en l’autre, alors, de par le développement inégal, il va nécessairement y avoir un aspect qui va devenir principal, par rapport aux autres aspects qui eux sont secondaires.
Rappelons ici que le développement inégal ne désigne pas du tout l’opposé du mouvement linéaire ; faire une telle erreur témoignerait d’une incompréhension complète du matérialisme dialectique. Le développement inégal concerne toujours plusieurs choses, plusieurs aspects, plusieurs phénomènes.

On ne peut donc pas dire d’une chose qu’elle connaît un « développement inégal ». Ce qu’elle connaît, c’est un mouvement non linéaire. C’est en son sein que se déroule le développement inégal, avec ses différents aspects. C’est également dans le rapport aux autres choses qu’il y a une situation de développement inégal.

C’est très important ici, car sinon on nierait le principe de différence. Le développement inégal est l’expression de la nuance, de la différence. C’est un rapport entre des choses – et ce n’est pas ce qu’on cherche ici, puisqu’on veut connaître la transition, qui se pose comme « non rapport » entre les choses, période intermédiaire.

Autrement dit, ce qu’on cherche ici, c’est de savoir comment déterminer une transition au sein du mouvement, mouvement que le matérialisme dialectique analyse comme ininterrompu et infini.

Comment alors trouver du fini dans l’infini, du statique dans le mouvement ? Et cela doit être un fini qui aille à l’infini, le statique qui aille au mouvement, car la transition aboutit à la chose suivant en venant de la chose précédente.

Il faut poser les choses comme suit. Dans la contradiction, les contraires se convertissent par moments l’un en l’autre.

Ce qu’on peut appeler alors « nexus », c’est le lieu où cette conversion s’exprime de la manière la plus marquée, où elle joue le rôle le plus avancé.

C’est le nexus qui est, dans une transformation, l’expression de la transition.

Et ce nexus est le point « statique » du mouvement en spirale, que le mouvement en spirale n’atteint jamais.

Ou bien, dit différemment : le nexus, c’est l’aspect d’une contradiction où, à la fois, on s’éloigne et on se rapproche le plus et le moins à la fois de l’ancien et du nouveau.

Prenons quelques exemples pour y voir clair.

a) Un homme et une femme se rencontrent et des sentiments naissent en eux. Ils vont former un couple. La transition entre leur position de célibataires avec des sentiments et le couple, c’est leur premier baiser.

La tension de cette transition du premier baiser expose parfaitement le nexus, où on s’éloigne et on s’approche de manière contradictoire à la fois du passé et de l’avenir.

Aller vers l’autre personne est une négation de soi, puisqu’on doit changer, et en même temps une affirmation car on va vers celui qu’on va être désormais.

Mais le mouvement amoureux s’appuie également sur une affirmation de soi, puisque c’est l’ancien soi qui éprouve un manque, ce qui aboutit à une négation puisqu’on va nier le manque en le faisant disparaître par la présence auprès de l’être aimé.

b) On a faim, c’est l’expression d’un besoin nutritionnel, qui s’exprime par une gêne corporelle. On mange pour répondre à cette contradiction qui est le besoin opposé au manque.

Quand on mange, on comble le manque. Le mouvement en spirale tend à satisfaire le besoin. Mais il ne pourra jamais le combler, car le besoin même satisfait redeviendra manque. Une fois qu’on a mangé, on sera obligé de manger de nouveau plus tard. Il y a conversion des contraires l’un en l’autre.

On mange pour éloigner la faim, mais en mangeant, on maintient le corps en fonctionnement et on va en même temps se rapprocher de la faim.

Et cette contradiction est le nexus de tout le système biologique humain. Sans alimentation, tout le reste du fonctionnement ne peut pas avoir lieu. La transition entre les différents moments de l’être humain a comme marqueur le repas. Cela explique au passage l’importance historique de ce moment particulier.

On notera qu’on découvre ici au passage le concept de cycles. Chaque cycle de l’alimentation se répète, mais il y a des nuances, des différences ; on ne mange pas pareillement bébé, enfant, adolescent, adulte ou comme personne âgée.

c) Un être humain passe de l’adolescence à l’âge adulte. Si on prend le mouvement en spirale, on ne peut pas réellement voir de frontière, de marquage de séparation.

Par les contradictions, on peut cependant en voir les contours fondamentaux : on passe à une certaine maturité, la croissance corporelle a cessé, l’ensemble des facteurs biologiques (notamment hormonaux) se sont stabilisés.

Dans ce faisceau de contradictions, il y a un point qui va être le nexus, car c’est en lui que la conversion des contraires l’un en l’autre est le plus marqué.

Quelles sont ces deux contraires ? Eh bien, c’est d’un côté le regard complété sur soi-même et de l’autre la reconnaissance du reste de la société qu’on intègre. C’est par l’insertion de l’être complet dans la société des adultes que la transition est complétée : c’est là le nexus.

Une cérémonie de la citoyenneté apparaît inévitable comme reconnaissance du processus ; en France, c’est traditionnellement le bac qui a joué ce rôle dans la seconde moitié du 20e siècle.

d) On distingue habituellement quatre saisons, avec le printemps auquel succède l’été, puis l’automne à laquelle succède l’hiver. Il n’y a pourtant, naturellement, pas véritablement cette succession mécanique, mais plutôt une contradiction entre la saison plutôt froide et la saison plutôt chaude.

Et comment se voit la transition de l’une à l’autre ? Par la durée des journées.

Celles-ci sont courtes en hiver et longues en été. C’est ainsi que la végétation, en général, sait comment se comporter, car elle interprète la durée de l’ensoleillement.

Pourtant, le changement n’est pas linéaire, mais se fait en spirale. Si le soleil se « couche » formellement plus tard un certain jour que la veille, il se peut très bien que ce jour les nuages obstruent la luminosité, alors que par contre la veille il y ait fait beau, et donc qu’il y a eu une durée véritablement plus longue de la journée.

Il y a pourtant un mouvement général, allant de plus de jour à moins de jour, puis inversement de moins de jour à plus de jour. On comprend évidemment que le nexus, la transition, se produit autour du 21 juin pour l’été et du 21 décembre pour l’hiver.

C’est le moment où se concentre la transition, passant d’un mouvement à l’autre, se transformant en son contraire. Le nexus est très facile à voir, de par le calendrier, avec véritablement cette sensation d’une fixation « statique », et d’un retournement.

C’est ce qui explique la place majeure accordée par l’humanité, dans les différentes parties du monde, au-delà des parcours différents, aux solstices d’été et d’hiver.

e) Une entorse de la cheville est une blessure. Au cœur de la contradiction entre la cheville et l’accident provoquant la blessure, le nexus est le processus inflammatoire : il est le moment de la transition entre la cheville blessée et sa guérison, l’expression de la phase de réparation.

L’inflammation, c’est la manière dont le corps humain apporte à un endroit précis les éléments nutritifs dont il a besoin pour se réparer. C’est la reconnaissance de la blessure, pour s’en éloigner ; on se rapproche et on s’éloigne de la blessure, en même temps.

On voit ici d’ailleurs combien la prescription d’anti-inflammatoires ne correspond pas à la compréhension du processus dialectique de la blessure puisque ces derniers visent à lutter contre un phénomène interne à la contradiction à la base même de la réparation.

Il est bien plus correct d’aider avec de la glace la circulation sanguine, accompagnant dans un premier temps l’apport des nutriments pris en charge par l’inflammation.

f) La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne représente une saisie de la question de la transition, parce qu’elle se fonde sur la compréhension que l’articulation générale des éléments composant la tradition s’appuie sur un aspect principal.

Toutes les phases de la GRCP tiennent à des combats portant précisément sur le nexus, qui varie selon les moments et qu’il s’agit de retrouver pour agir à bon escient. La GRCP commence ainsi par une critique théâtrale, pour porter ensuite sur les universités, la division du travail, la cosmologie, les mathématiques, le prétendu culte du génie, etc.

Les succès ont tenu à l’identification du nexus et au calibrage adéquat pour œuvrer à ce niveau.

g) Lorsque le mode de production capitaliste s’est élancé en Europe occidentale, la vision du monde féodale en a été ébranlée jusque dans ses fondements. La bourgeoisie a entamé une lutte à mort avec le féodalisme et l’aristocratie qui le portait, et donc avec la vision du monde féodale, dont la religion catholique romaine était l’expression la plus aboutie.

Mais en France, de par l’échec du calvinisme, la transformation est passée par un détour, celui de la monarchie absolue, du rationalisme des Lumières, de l’adaptation du catholicisme (dissidence augustiniste encore a appelée jansénistes, catholicisme social, etc.).

Le paradoxe historique est que ni l’aristocratie, ni l’Église catholique n’ont été réellement éliminés, avec leur survie au-delà de la période historique où leur rôle était central. Cela a joué de manière significative, par la perversion de certains éléments allant dans le sens du progrès bourgeois.

D’où l’impression parfois d’une époque embrouillée où l’on ne sait pas où sont les éléments décadents et où sont les éléments progressistes. Tel religieux catholique a pu apparaître très à l’avant-gardiste pour son époque, tel penseur des Lumières peut apparaître d’une totale décadence sur certains points en particulier.

Autrement dit, parce que historiquement, la tendance va à l’écrasement du féodalisme et donc des forces qui le portent, mais qu’en même temps, chacun des éléments de la société française d’alors se place à tout moment dans le nexus plus ou moins en alignement sur cette tendance, qui allait inévitablement à la Révolution.

La tension entre l’implacabilité du mouvement historique sur le plan de la matière et l’extrême diversité des éléments composant la société humaine et l’instabilité de leur trajectoire, en raison des différences de développement de la conscience, rend la compréhension du processus à la fois tendanciellement net, mais circonstanciellement buissonnant et presque illisible en apparence.

Tous ces exemples indiquent bien que c’est la question de la vision du monde qui est ici centrale. Elle découle fondamentalement de l’assimilation de cette notion de nexus, dans le sens où la vision du monde est produite par le nexus et permet de saisir le prochain.

Le matérialisme dialectique accomplit une transition absolument fondamentale, un pas vers un alignement de sa conscience avec le Cosmos comme matière éternelle en mouvement.

Cette compréhension heurte paradoxalement précisément la conscience humaine dans son mouvement même au sein de la matière. La conscience humaine est en effet finie, par opposition à l’univers, qui lui est infini.

C’est ce qu’on appelle l’Histoire qui se trouve ici bouleversée de manière fascinante et même vertigineuse : cela ouvre ni plus ni moins que la question du rapport relatif de la conscience humaine au temps, en termes de perception sensible.

La compréhension bourgeoisie de l’Histoire, désormais dépassée, se focalise sur le foisonnement circonstanciel, pour tenter de mettre en avant un pseudo-aspect imprévisible de l’Histoire, où la volonté humaine aurait un espace, exprimé par des acteurs plus ou moins conscients de leur rôle. La compréhension bourgeoise se résume ainsi en matière d’Histoire très logiquement à des séries d’explication de problèmes bien circonstanciés.

La compréhension prolétarienne de l’Histoire met à l’opposé la compréhension face à l’explication elle-même, en affirmant le caractère central de la transformation. Le matérialisme dialectique se fixe sur la tendance générale, avant d’aborder la déclinaison particulière.

En même temps, il affirme qu’il y a dans la déclinaison particulière une affirmation de la tendance générale – mais il n’en fait pas un fétiche, ayant connaissance du développement inégal des choses, des phénomènes au sein d’un processus général.

Les nexus dans le développement historique de l’Humanité peuvent être en fait plus ou moins longs, plus ou moins denses, plus ou moins localisés ou circonscrits, et donc s’inscrire dans la suite d’une séquence plus ou moins marquante, imprimant par écho le rapport au nexus lui-même et déterminant la capacité à le percevoir. C’est là que se forme l’avant-garde.

De la même manière dans toutes les sciences en général, la compréhension du nexus est fondamentale pour saisir l’affrontement entre l’ancien et le nouveau, leur jonction et leur affrontement, leur combinaison et leur séparation.

En ce sens, on peut affirmer que la Révolution, c’est la mise à jour, ou mieux l’éducation au sens strict de l’élévation, que l’Humanité engage pour se réaligner sur la réalité matérielle et son mouvement.

Comprendre le nexus c’est saisir la transition comme point le plus proche et le plus éloigné allant de l’ancien au nouveau ; c’est là où la contradiction exprime sa tension la plus grande.

C’est ce qui explique la situation traumatisée de l’humanité actuelle, engagée profondément dans le nexus qui doit réaligner l’Histoire de l’Humanité avec le mouvement du Cosmos, et pourtant sans compréhension encore des nécessités historiques, alors que ce nous vivons, c’est la fin de l’Histoire de l’Humanité et le début de la Compréhension du Cosmos, en tant que composante active de celui-ci.