La nomenklatura en URSS social-impérialiste

La couche dominante de l’URSS social-impérialiste tient en une « nomenklatura » (du latin nomenclatura signifiant « liste de noms), dont les rouages internes sont les apparatchiks (les cadres de l’appareil).

Son vecteur, c’est le Parti Communiste d’Union Soviétique ; ses moyens, ce sont toutes les institutions, depuis les différentes industries jusqu’aux médias, en passant par le gouvernement, l’armée, les diverses administrations, l’école et la police, etc.

Le terme de nomenklatura s’est imposé, car les élections à chaque niveau passaient par des listes de candidats dûment sélectionnés au préalable, que ce soit du côté du Parti pour le comité de district, le comité municipal, le comité régional, l’appareil, mais aussi du côté des institutions et de l’armée.

À l’époque de Staline, c’est la ligne politique qui décide de la nomination par l’appareil du Parti ; si l’idéologie est mise à l’arrière-plan, il était nécessaire de s’aligner sur les décisions effectuées par le Parti en termes stratégiques et tactiques dans le pays en construction.

Avec la prise du pouvoir des révisionnistes dans le Parti, ce qui compte ce n’est plus la ligne politique que le soutien fervent au régime et à sa stabilité. Nikita Khrouchtchev avait essayé de promouvoir au début une certaine exigence d’engagement, mais l’absence de croissance « spontanée » de l’économie fit s’échouer une telle exigence.

C’est qu’installés dans les rouages du Parti, de l’État et de l’armée, les révisionnistes tendaient immanquablement à se comporter de plus en plus comme des bureaucrates cherchant à profiter de la moindre faille pour pratiquer le népotisme et la corruption.

Initialement, les cadres disposaient bien d’avantages matériels : il s’agissait de faire en sorte qu’ils puissent vivre bien, afin que leurs activités si importantes puissent être réalisées en profitant d’un cadre adéquat.

Avec le révisionnisme, ces avantages sont devenus des privilèges et une séparation complète s’est réalisée sur le plan du mode de vie entre la population et la couche dominante.

Il y a ainsi déjà le rapport hiérarchique. Ce sont les membres de cette nomenklatura qui disposent d’un téléphone et qui sont en mesure de faire passer de bons « conseils », afin que les choses se déroulent plutôt d’une manière que d’une autre.

Il y a ensuite la séparation matérielle. La nomenklatura disposait de lieux d’achats lui étant réservés, avec des biens non disponibles ailleurs et avec un approvisionnement toujours assuré.

C’était ici un détournement des services d’approvisionnement des travailleurs des grandes entreprises, qui existaient parallèlement aux magasins d’État. Et plus l’économie du social-impérialisme soviétique s’enlisait, plus la différence entre la consommation des masses et celle de la nomenklatura devenait marquante.

Cela devint d’autant plus vrai que la nomenklatura avait accès à des logements spécifiques, que des services de santé lui étaient réservés, qu’il y avait accès à l’achat d’automobiles du type berline (à une époque où les voitures étaient elles-mêmes un luxe, de par le prix et la difficulté d’accès).

L’un des aspects les plus ignobles fut le rôle de la chaîne de magasins Beryozka, présents dans les grandes villes et les zones de villégiatures, où l’on payait en devises étrangères. C’était l’irruption des dollars comme moyen de paiement et un exemple de lieu de consommation relevant d’une approche oligarchique.

Et pour contribuer d’autant plus à la capacité à utiliser ces devises étrangères par la nomenklatura, d’innombrables voyages à l’étranger étaient financés au nom de différents organismes, comme le Fonds de défense de la paix, avec à chaque fois des sommes remises aux participants.

Un magasin Beryozka

Quelle était la dimension numérique de la couche dominante s’érigeant en classe dominante du capitalisme monopoliste d’État ?

Pendant la période socialiste, les chiffres étaient les suivants. En 1925, le Parti disposait d’une nomenklatura de 6 000 personnes. En 1953, celle-ci tenait à 53 000 personnes pour la liste du Comité Central, à 350 000 personnes pour les comités du Parti.

Notons ici que les retraites des membres de la nomenklatura de l’époque socialiste étaient inférieures à celles des métallurgistes, des géologues, des cheminots, des ouvriers du secteur pétrolier, des médecins, des enseignants, des travailleurs des stations rurales de machines et de tracteurs, des marins.

Puis vient, donc, le révisionnisme, qui récupère le pouvoir sur les listes et instaure le nouveau régime. Au départ, les proportions sont les mêmes : 400 000 personnes à l’époque de Nikita Khrouchtchev, puis 750 000 personnes pour la période de Léonid Brejnev.

Il faut ajouter la famille proche et on parle donc d’environ 4 millions de personnes, pour une population totale de 255 millions. C’est exemplaire d’une situation relevant du capitalisme monopoliste d’État.

La part de la Russie dans cette nomenklatura était bien entendu très importante ; il y a un retour du chauvinisme grand-russe parallèlement au triomphe du révisionnisme. En 1972, il y a seulement 3 376 personnes relevant de la nomenklatura en Biélorussie, sur une population de 9 millions d’habitants.

Et au sein de la nomenklatura, il y a différents degrés. La nomenklatura relevant du Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique formait bien entendu l’élite, avec 22 500 personnes en 1980. On a ici la tête du capitalisme monopoliste d’État.

Les autres degrés relèvent des différents niveaux de décision du Parti, avec les comités centraux, les comités régionaux, les comités municipaux… qui se conjuguent, différemment selon les situations mais tendanciellement de manière obligatoire, avec les organes de décision de l’armée et de l’économie.

On trouve ici les directeurs des entreprises, les ingénieurs en chef, les experts-comptables, les chefs des bureaux, les hauts responsables syndicaux, les cadres du service diplomatique, le haut personnel militaire, les cadres des services spéciaux du type KGB, etc.

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L’URSS capitaliste monopoliste d’État

L’URSS était socialiste, mais pas seulement en raison de la propriété collective des moyens de production. Cet aspect concerne le mode de production, mais tant qu’on n’est pas à un certain niveau de développement des forces productives, il y a encore la lutte des classes, et elle s’exprime par la planification.

Loin de consister en des décisions simplement administratives, la planification socialiste répond à des exigences historiques de transformation décidées par le Parti. Lorsque les choix sont mauvais, le camp du prolétariat est affaibli : le développement des forces productives se fait de manière chaotique et donc hostile pour lui, l’idéologie socialiste dominante se voit être attaquée.

Les deux titans, Mao Zedong et Staline, à Moscou

Mao Zedong a reproché à Staline d’avoir une lecture trop mécanique du développement des forces productives, de sous-estimer la question de la lutte des classes. Cela est juste, Staline considérant de manière erronée que le socialisme avait triomphé et qu’un retour en arrière ne serait plus possible.

C’est pourquoi il portait toute son attention sur la question du mode de production seulement, y voyant bien que les luttes de classe pourtant censées être non existantes y apparaissaient, mais sans comprendre de quelle manière précisément, d’où ses décisions de type administratives-répressives surtout.

C’est cette erreur de sous-estimation de l’idéologie et de la culture qui a abouti à la défaite du socialisme en URSS, avec l’appareil du Parti et de l’État s’alignant sur le révisionnisme, sur l’accaparement des richesses en se fondant sur une installation corrompue dans les rouages politico-administratifs et militaires.

Comme la planification est portée par un appareil administratif, forcément le triomphe des révisionnistes dans le Parti et l’État implique celui-ci également. Et comme dans le socialisme, cet appareil est porté par la subjectivité révolutionnaire, alors forcément la victoire de l’opportunisme et du carriérisme empêche tout fonctionnement correct.

La planification devient une coquille vide sur le plan du contenu subjectif. Cela devient une bureaucratie – et une bureaucratie au pouvoir, puisque la propriété est collective et administrée par l’État.

C’est ainsi un capitalisme monopoliste d’État. Les monopoles de type socialiste restent des monopoles, mais leur gestion subjective révolutionnaire passe aux mains de révisionnistes, qui l’utilisent pour en tirer profit.

Comme l’aspect principal est la lutte de classe, le mode de production se modifie en fonction de celle-ci, afin d’asseoir, de renforcer et de développer l’appropriation par la petite couche privilégiée.

En URSS, dans les années 1950-1960, cela consiste en la mise en place d’un complexe militaro-industriel qui ne va plus cesser de grandir, jusqu’à représenter dans les années 1980 une immense part de l’économie – autour de 40 %.

L’URSS pratique alors un régime intérieur littéralement terroriste. Même si la couche dominante ne le voulait pas – et au début, elle ne le voulait pas, d’où la prise du pouvoir de Nikita Khrouchtchev – l’existence même d’une base sociale monopoliste implique la logique d’écrasement.

La couche sociale dominante, de par sa position, devenait immédiatement une grande bourgeoisie, aux commandes de monopoles. Mao Zedong résuma donc fort justement la situation de l’URSS social-impérialiste en disant que :

« En URSS aujourd’hui, c’est la dictature de la bourgeoisie, la dictature de la grande bourgeoisie, c’est une dictature de type fasciste allemand, une dictature hitlérienne. »

Une base militaire en Mongolie où les soldats soviétiques sont avertis de la présence des « sauvages Chinois » à six kilomètres

Il faut bien saisir la différence avec Léon Trotsky, qui fut le premier grand dénonciateur de l’URSS. Celui-ci considérait que l’URSS était un « État ouvrier dégénéré ». Il ne comprenait pas ce qu’est la politique, aussi se contentait-il de regarder de manière formelle les titres de propriété.

D’où sa conception aberrante d’un État à la fois socialiste et capitaliste, comme ici dans La révolution trahie, publiée en 1936.

« Les normes bourgeoises de répartition, en hâtant la croissance de la puissance matérielle, doivent servir à des fins socialistes.

Mais l’État acquiert immédiatement un double caractère : socialiste dans la mesure où il défend la propriété collective des moyens de production ; bourgeois dans la mesure où la répartition des biens a lieu d’après des étalons capitalistes de valeur, avec toutes les conséquences découlant de ce fait. »

D’où, selon Léon Trotsky, soit une « révolution » pour chasser la bureaucratie parasitaire, soit une restauration du capitalisme :

« L’U.R.S.S. est une société intermédiaire entre le capitalisme et le socialisme, dans laquelle :

a) les forces productives sont encore trop insuffisantes pour donner à la propriété d’État un caractère socialiste ;

b) le penchant à l’accumulation primitive, né du besoin, se manifeste à travers tous les pores de l’économie planifiée ;

c) les normes de répartition, de nature bourgeoise, sont à la base de la différenciation sociale ;

d) le développement économique, tout en améliorant lentement la condition des travailleurs, contribue à former rapidement une couche de privilégiés ;

e) la bureaucratie, exploitant les antagonismes sociaux, est devenue une caste incontrôlée, étrangère au socialisme ;

f) la révolution sociale, trahie par le parti gouvernant, vit encore dans les rapports de propriété et dans la conscience des travailleurs ;

g) l’évolution des contradictions accumulées peut aboutir au socialisme ou rejeter la société vers le capitalisme ;

h) la contre-révolution en marche vers le capitalisme devra briser la résistance des ouvriers ;

i) les ouvriers marchant vers le socialisme devront renverser la bureaucratie. La question sera tranchée en définitive par la lutte de deux forces vives sur les terrains national et international. »

Léon Trotsky n’avait rien compris à ce qu’est le capitalisme dans sa version monopoliste, d’où d’ailleurs son incompréhension du fascisme, qu’il s’imaginait être porté par des aventuriers, des gangsters et des déclassés. Il n’a pas compris ce qu’est la grande bourgeoisie.

Le fétichisme du droit par Léon Trotsky est tout à fait emblématique du problème. Le capitalisme monopoliste d’État est par nature parasitaire, c’est une force pratiquant l’exploitation tellement de manière ultra-capitaliste qu’elle se retourne en son contraire et retourne pratiquement au féodalisme.

C’est pourquoi la couche dominante n’est plus à s’ennuyer avec des titres de propriété, une accumulation personnelle de capital. Tout devient fondamentalement impersonnel, bureaucratique.

On s’imagine bien que dans le cadre d’un tel régime, la crise interne est perpétuelle, en raison du manque de développement possible, tout étant figé.

C’est le sens précisément de la seule opposition possible en l’absence de compréhension matérialiste dialectique : la « dissidence », qui oscille entre socialisme humaniste et appel au libéralisme, pour justement en finir avec les blocages bureaucratiques permanents.

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La « réforme » de 1965 en URSS dans ce qu’elle reflète

Devant l’incapacité de Nikita Khrouchtchev à assurer le succès de l’économie planifiée sans planification du type de celle de Staline, c’est Léonid Brejnev qui se retrouve à la tête de l’URSS en 1964 et, immédiatement, on a une vaste réforme dès 1965, due à l’économiste Evseï Liberman (1897-1961).

Celui-ci a été mis en avant par Alexeï Roumiantsev (1905-1993), un économiste membre du Comité Central et notamment rédacteur en chef de 1955 à 1958 de la revue du Comité Central « Kommunist » (qui s’appelait « Bolchevik » avant le 19e congrès de 1952). Il fut également le rédacteur en chef de la Pravda en 1964-1965.

C’est justement lorsque Alexeï Roumiantsev fut rédacteur en chef de « Kommunist » qu’y parurent plusieurs articles d’Evseï Liberman, ce qui pava la voie à la publication par la Pravda la publication d’un long article de lui, le 9 septembre 1962 : « Le Plan, le profit, la prime ».

Evseï Liberman

L’article est alors mis en avant, il est appelé à le lire, à l’étudier, à en discuter. C’est une opération idéologique, avec une présentation en ce sens de la Pravda.

« Les documents publiés dans la Pravda sur l’amélioration de la gestion et de la planification économiques suscitent un grand intérêt du public. Des questions importantes et fondamentales sont soulevées dans l’article publié aujourd’hui par le docteur en économie E. Lieberman.

La rédaction de la Pravda, attachant une grande importance à ces questions, invite les économistes universitaires, les travailleurs de l’industrie, les autorités de la planification et de l’économie à exprimer leurs opinions sur les propositions concrètes de l’auteur de l’article. »

Que dit l’article ? Il présente comme essentielle la tâche suivante :

« Construire un système de planification et d’évaluation du travail des entreprises afin qu’elles s’intéressent d’une manière vitale au les objectifs les plus élevés prévus, dans l’introduction de nouvelles technologies et l’amélioration de la qualité des produits, en un mot, dans la plus grande efficacité de production. »

Evseï Liberman explique alors la chose suivante : il faut permettre aux entreprises de disposer de leur propre plan de production, d’élaborer leur propre rentabilité et de les pousser à aller en ce sens avec des incitations financières.

Cela ne coûterait rien du tout à l’État, car les incitations seraient le reflet de la hausse de la rentabilité seulement.

« Il n’y a aucun danger pour les recettes budgétaires : au contraire, il y a lieu de s’attendre à une augmentation significative des recettes de l’État sous l’influence du fort intérêt matériel des entreprises à une augmentation générale des bénéfices. »

Ces incitations seront fournies non pas selon le résultat seulement, mais également sur le résultat prévu. Evseï Liberman considère que l’incitation doit être au milieu de ce qui a été prévu par l’entreprise et ce qui a été réalisé vraiment (en considérant que la réalisation est meilleure que ce qui a été prévu).

Le but étant bien sûr ici de pousser les entreprises à viser haut, pour disposer d’incitations plus grandes en retour une fois le travail accompli. Il s’agit de casser leur tendance à surestimer les coûts des matériaux, des outils, de l’énergie, etc. pour demander des fonds à l’État.

Peut-alors encore parler d’économie planifiée depuis un centre ? Evseï Liberman affirme que oui :

« Une question naturelle se pose : le principe centralisé de notre planification sera-t-il préservé et renforcé ?

On peut affirmer avec raison que la procédure proposée libérera la planification centralisée de la supervision mesquine des entreprises, des tentatives coûteuses d’influencer la production non pas par des mesures économiques, mais par des mesures administratives.

Les réserves sont mieux connues et ne peuvent être révélées que par l’entreprise elle-même. Mais pour ce faire, il ne faut pas craindre que son bon travail se mette dans une position difficile l’année prochaine.

Tous les principaux leviers de la planification centralisée : les prix, les finances, le budget, la comptabilité, les gros investissements en capital et enfin, tous les coûts, la main-d’œuvre et les indicateurs naturels les plus importants des tarifs, des proportions dans la sphère de la production, de la distribution et de la consommation seront entièrement déterminés depuis le centre. »

Evseï Liberman propose donc une décentralisation : on indique aux entreprises quoi faire et on leur donne les moyens de faire comme elles l’entendent, avec des primes quand ça fonctionne bien.

Or, on voit tout de suite la dimension capitaliste, dans la mesure où l’entreprise fait des bénéfices sous la forme de primes. Mais il dit que comme le reste de l’économie est encadrée, ce n’est pas vraiment du capitalisme.

« Le système proposé repose sur le principe : ce qui est bénéfique à la société doit l’être à chaque entreprise. Et, à l’inverse, ce qui n’est pas rentable pour la société doit être extrêmement désavantageux pour l’équipe de toute entreprise.

Certains économistes disent qu’il ne faut pas trop insister sur le profit, qu’il s’agit d’un indicateur capitaliste. Ce n’est pas vrai ! Notre profit n’a rien de commun avec le profit capitaliste.

L’essence de catégories telles que le profit, le prix et l’argent est complètement différente dans notre pays et elles servent avec succès la construction du communisme.

Notre profit, compte tenu des prix planifiés des produits du travail et utilisant le revenu net au profit de l’ensemble de la société, est le résultat et en même temps un indicateur (sous forme monétaire) de l’efficacité réelle des coûts de main-d’œuvre. »

Et Evseï Liberman de proposer les mesures suivantes :

« Alors, que propose-t-on exactement pour améliorer les choses ?

1. Établir que les plans des entreprises, après coordination et approbation du programme de nomenclature volumétrique, sont entièrement élaborés par les entreprises elles-mêmes.

2. Afin de garantir l’intégrité de l’État et l’intérêt des entreprises à une efficacité de production maximale, créer un fonds unique pour tous les types d’incitations matérielles en fonction de la rentabilité (du bénéfice en pourcentage des fonds de production).

3. Approuver de manière centralisée comme normes à long terme des barèmes d’incitation en fonction de la rentabilité pour diverses industries et groupes d’entreprises situés à peu près dans les mêmes conditions naturelles et techniques.

4. Renforcer et améliorer la planification centralisée en confiant les tâches obligatoires (chiffres de contrôle) uniquement aux conseils économiques (comités exécutifs, départements). Éliminer la pratique consistant à répartir les tâches des conseils économiques entre les entreprises en fonction du « niveau atteint ». Obliger les conseils économiques, sur la base de l’analyse économique, à vérifier, évaluer et améliorer les plans élaborés de manière indépendante par les entreprises sans modifier les échelles de rentabilité comme base pour encourager les entreprises.

5. Élaborer une procédure d’utilisation des fonds d’incitation unifiés provenant des bénéfices des entreprises, en gardant à l’esprit l’élargissement des droits des entreprises à dépenser des fonds pour les besoins d’incitations collectives et personnelles.

6. Établir le principe et la procédure de tarification flexible des nouveaux produits de manière à ce que des produits plus efficaces soient rentables tant pour les producteurs que pour les consommateurs, c’est-à-dire pour l’économie nationale dans son ensemble. »

Il faut ici être dialectique. Il est absolument erroné de considérer que les révisionnistes « pensent » et organisent rationnellement un retour du capitalisme en URSS. Paradoxalement, les critiques du révisionnisme ont pourtant toujours considéré la réforme de 1965 comme l’exemple même du choix du retour au capitalisme effectué par les révisionnistes.

En réalité, la réforme de 1965 n’est pas à lire comme une possibilité dans le futur proche, mais comme le reflet d’une transformation ayant déjà eu lieu. La réforme n’est là que pour servir de reconnaissance juridique à une situation déjà existante.

En l’absence d’exercice du pouvoir sur une ligne socialiste, chaque élément des institutions et de l’État s’est transformé en zones de captation de la richesse nationale. Chaque entreprise est, en ce sens, devenu un « royaume indépendant ».

La réforme de Lieberman dit en fait : il faut que l’appropriation des richesses par les couches dirigeantes ne soit plus menée sur le tas, par en bas, localement, mais passe par un système ouvert et officiel de redistribution.

Cela implique que les entreprises comme « royaumes indépendants » s’alignent sur des exigences non plus simplement parasitaires, mais capitalistes concurrentiels, tout en restant couvertes de toutes façons par l’État.

C’est que nous sommes dans une URSS capitaliste monopoliste d’État.

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La crise de 1964 du social-impérialisme soviétique

Les grandes réformes des salaires de 1956 ouvraient la voie à une forme standardisée de salariat. Il ne restait plus qu’à formaliser l’envers – la capacité de chaque unité productive à agir elle-même de manière capitaliste.

Il ne faut nullement considérer cela, comme c’est malheureusement tout le temps le cas, comme un « choix » de la part des révisionnistes. Il est parlé de restauration du capitalisme, comme si c’était un objectif rationnel, conçu en pleine conscience.

Ce n’est pas le cas, ni objectivement, ni même subjectivement, car même si l’opportunisme et le carriérisme cynique prenaient toujours davantage le dessus, c’est en toute sincérité, mêlée de toujours plus de corruption, qu’agissaient les grandes figures à la tête de l’URSS.

C’est d’ailleurs pour cela que l’URSS pouvait fonctionner jusqu’au milieu des années 1980, portée par une génération passée par les années 1920-1940 et leurs immenses exigences sur le plan de l’initiative et de l’organisation.

Pour cette raison, la réforme de 1967 n’est pas un choix, mais une obligation de la part du révisionnisme qui a pris les commandes en URSS et qui s’installe comme classe dominante depuis la superstructure étatique.

Quel est le processus ?

Nikita Khrouchtchev avait modifié le rapport aux salaires et procédé à une vague de décentralisation créant de multiples organismes à différentes échelles. Son idée était que la croissance due à la planification fonctionnerait dans tous les cas, mais qu’il fallait supprimer la centralisation « stalinienne ».

D’où la mise en place de régions économiques administratives et de Conseils de l’économie nationale au niveau local : c’en était fini de la gestion par en haut et par secteurs.

Et afin d’asseoir cette réorganisation économique, une modification générale des divisions administratives soviétiques fut également menée. D’un côté, le nombre de districts a été considérablement réduit (de 3 421 à 1 711), de l’autre il y a eu une division entre districts industriels et districts ruraux.

C’était, bien évidemment, pour renforcer le pouvoir local de l’administration révisionniste, en la faisant se coller aux unités de production. Les révisionnistes installés confortablement dans le Parti et l’administration devaient profiter tranquillement du développement général de l’économie, en se comportant comme les dirigeants de royaumes indépendants.

Ils pouvaient vivre en privilégiés tout en s’imaginant servir le processus général de « construction du socialisme ». Surtout que le plan devenu septennal en 1956 prévoyait une croissance de 80 % !

Toutefois, immanquablement, en cassant la centralisation autant que possible afin d’empêcher une expression « stalinienne », l’économie soviétique a été de fait désorganisée.

L’exemple le plus significatif touche la conquête spatiale, un thème qui fut absolument essentielle en URSS socialiste, dès les années 1930.

Profitant des acquis socialistes, l’URSS révisionniste parvint à une série de grands succès. L’ère spatiale de l’humanité s’ouvre avec l’envoi dans l’espace, en orbite, du satellite Spoutnik-1 le 4 octobre 1957.

Suivent l’envoi du premier homme dans l’espace, Youri Gagarine, le 12 avril 1961, et de la première femme dans l’espace, Valentina Terechkova, le 16 juin 1963.

Le premier être vivant dans l’espace fut également soviétique, c’est la chienne Laïka, 3 novembre 1957, dont la mort fut par contre programmée à la base, ce qui provoqua alors une véritable avalance de critiques, en URSS et à l’étranger. Par contre, les chiennes Belka et Strelka sont revenus de leur voyage forcé consistant en 17 orbites complètes autour de la Terre, le 19 août 1960.

Youri Gagarine

Mais l’URSS étant ce qu’elle était, la premièce place dans la conquête spatiale fut perdue au profit de la superpuissance américaine. Si l’URSS restait une puissance de premier ordre sur le plan scientifique dans le domaine spatial, elle resta toujours à la traîne désormais, n’ayant plus les moyens de suivre technologiquement.

Cela est vrai tant pour le voyage sur la lune, réalisé par des Américains le 21 juillet 1969, que pour la mise en place de navettes spatiales (l’URSS mit en place une navette également, le Bourane, seulement en 1988 et pour un seul voyage, le tout dans le cadre d’un véritable gouffre économique).

L’URSS révisionniste, c’est ainsi une histoire d’épuisement et de tentative de contrer cet épuisement.

Valentina Terechkova

Que fit donc Nikita Khrouchtchev lorsqu’il a compris que ce qu’il espérait ne se produirait pas ?

Il a essayé alors de réorganiser les régions économiques administratives mises en place, mais le projet fut abandonné, et avec lui le rêve éveillé d’un socialisme se construisant tout seul par la magie d’une économie en croissance automatisée.

Pour en arriver là et à l’éviction de Nikita Khrouchtchev en octobre 1964, il a fallu passer par de nombreuses épreuves. La première, ce fut la gestion d’une masse de gens relevant désormais des villes, mais sans qu’il n’y ait de place pour eux.

On parle ici de sans domicile fixe, de criminels, d’intellectuels désœuvrés éventuellement contestataires. Contre eux, le 4 mai 1961, fut promulguée une loi « sur l’intensification de la lutte contre les personnes qui évitent le travail socialement utile et mènent un mode de vie parasite anti-social ». Rien qu’en République socialiste de Russie, 130 000 personnes furent la même année visées par cette loi, et 34 000 exilées.

La seconde épreuve, ce fut le drame de juin 1962, lorsque une terrible hausse des prix, de 30 % pour les produits carnés, provoqua un mécontentement en URSS (Moscou, Leningrad, Kiev, Dnipropetrovsk, Donetsk…) et parmi les nombreuses agitations dans les entreprises, il y eut les ouvriers de l’usine de locomotives de Novotcherkassk, près de Rostov, qui se mirent en grève.

Cela déboucha sur une émeute réprimée dans le sang, avec 29 morts et 83 blessés, quatorze condamnations à mort, des exils en Sibérie, le tout dans une opacité totale, le secret-défense étant décrété.

Dans ce contexte, le régime mit directement en place un nouvel article (numéro 70) au nouveau code pénal instauré en 1960 pour réprimer « l’agitation et la propagande antisoviétiques ».

Pour faire face également à ce nouveau contexte, le Comité Central demanda en juillet 1962 à tous les responsables de la sécurité dans le pays de :

« prendre des mesures pour renforcer de manière décisive le renseignement et le travail opérationnel afin d’identifier et de réprimer les actions hostiles des éléments antisoviétiques à l’intérieur du pays ».

De là date le « premier département », avec des agents des services de sécurités détachés dans les grandes entreprises, les universités, les instituts de recherche, etc.

Et cela allait, nécessairement, avec la tentative de réimpulser l’économie. Comme la planification ne fonctionnait plus sans l’État de Staline, alors il fallait soit le réinstaller, soit modifier l’économie elle-même.

Les intérêts de classe des révisionnistes installés dans le Parti et l’administration impliquaient bien évidemment la restauration du capitalisme… Qui avait, dans les faits, déjà eu lieu.

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La grande réforme du salariat en 1956 en URSS

La passivité petite-bourgeoise ne consiste pas en une classe et n’explique pas en soi le renversement du socialisme en URSS. D’ailleurs, les protagonistes ne sont rapidement plus là.

70 % des membres du Comité Central du 19e congrès de 1952 vont en sortir d’ici 1962. C’est significatif : les gens ayant porté la fin de la ligne de Staline ne sont pas ceux qui vont prendre les commandes de la nouvelle situation.

Ce n’est pas tout. Si on prend le 20e congrès comme tournant du révisionnisme ouvert, on peut voir que la moitié de son Comité Central n’est plus présent en 1962. Le rêve éveillé de Nikita Khrouchtchev n’aura pas duré longtemps.

C’est pourquoi est erronée, au début du 21e siècle, la position des révisionnistes pro-URSS qui s’arrêtent à Nikita Khrouchtchev et disent que l’URSS était restée socialiste jusqu’à la fin de son existence, avec des gens « installés » confortablement aux commandes, ce qui aurait abouti à une catastrophe.

C’est là s’arrêter en 1962, et même en 1956. C’est ne pas voir que les révisionnistes ayant pris le pouvoir ne se sont pas contentés de maintenir leur confort, ils l’ont ancré dans la société soviétique. Ils ont modifié l’économie, en modifiant le rapport au travail d’une part, l’organisation du travail, d’autre part.

Le propre d’une direction du Parti cherchant le confort, c’est de ne pas dépendre du peuple, de quelque manière que ce soit. La gestion des choses se doit d’être avec le moins de risques possibles.

Pour cette raison, la modification de la politique des salaires est véritablement emblématique du changement de régime. C’est l’irruption des normes capitalistes dans la production, avec la suppression de toute la dimension subjective propre au travail.

Dans le cadre de l’industrialisation du pays, et étant donné qu’il s’agissait de se fonder sur l’esprit d’initiative des travailleurs, dès que possible, la rémunération se faisait à la pièce. Cette démarche date du premier plan quinquennal, commencé en 1928.

Les deux figures sont ici l’oudarnik, le travailleur de choc, qui s’investit personnellement pour travailler davantage en termes de quantité, et le stakhanoviste, qui modifie l’organisation du travail pour obtenir un rendement meilleur.

Les primes étaient, dans ce cadre, exponentielles, leur taux d’augmentation devenant toujours plus grands au fur et à mesure d’un travail plus intense.

Dans le cadre du révisionnisme dominant, cette approche fut rejetée. Il fut affirmé qu’elle aboutissait à la précipitation, la shturmovshchina. L’idée était que la planification ne permettait pas une allocation correcte des ressources, et que donc les unités de production fonctionnaient de manière fondamentalement déséquilibrée.

Il fut dit que tout d’abord il y aurait eu une sorte d’hibernation (spiachka) en l’absence d’encadrement et de matériel, puis ensuite une mise au travail (raskachka) plus ou moins organisée, et enfin une fièvre d’activités (goriachka) où il s’agit de terminer ce qui a été commencé à temps, coûte que coûte et donc n’importe comment.

Cette dénonciation de la planification comme forcément bureaucratisée aboutit aux réformes de 1956.

Cela commença par la mise en place d’un Comité d’État du travail des salaires en mai 1955, puis le mois d’après le Président du Conseil des ministres de l’URSS Nikolaï Boulganine annonce les réforme.

Celles-ci sont mises en place dans le cadre du sixième plan quinquennal, qui concerne la période 1956-1960.

La première réforme consiste à geler les primes qu’il était possible d’obtenir. On obtient une prime si on dépasse un certain quota, mais il n’est plus possible de s’engager à fond dans son travail et d’obtenir une hausse significative de son salaire.

La seconde réforme consiste en la réduction de la part d’ouvriers payés à la pièce. Leur part est de 75 % en 1956, elle va être de 60,5 % en 1962, mais surtout même le fait d’être payé à la pièce est relativisée, puisqu’il y a un salaire minimum formant les 3/4 des revenus.

Le rapport à la production est ici doublement modifiée. D’une part, l’engagement des travailleurs dans la production, avec tout l’arrière-plan idéologique dans l’esprit socialiste de mobilisation, est stoppé net.

D’autre part, les travailleurs sont désormais placés dans la dépendance des gestionnaires : leur rémunération est fixe dans une très grande mesure et pour d’éventuelles primes, c’est du ressort des chefs.

Ce second aspect est d’autant plus vrai que les salaires les plus élevés des travailleurs sont gelés. Cela bloque les possibilités d’aller travailler ailleurs et cela renforce la mise en place d’unités de production « indépendantes ».

Le processus de réformes se réalisa initialement en trois temps : d’abord, dans la production de charbon, avec comme on le sait les mineurs représentant des troupes de choc du communisme, et dont l’esprit d’initiative est ici éteint. En 1960, les réformes touchèrent toutes les principales branches productives. Enfin, elles furent généralisées en 1962.

Une nouvelle vague de réformes s’ensuivit immédiatement, en 1970, procédant à une simplification massive de la grille des salaires. Auparavant, les salaires à la pièce étaient modulés selon les domaines de production et les emplacements géographiques, permettant à la planification de pousser les travailleurs dans certains secteurs et certains endroits.

C’en était désormais terminé, avec une uniformisation relative des salaires, qui dépendaient alors du poste et du niveau d’exigence requis pour lui.

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Le rêve éveillé de Nikita Khrouchtchev

Le 20e congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique représente le triomphe du révisionnisme : Staline y a été présenté comme un personnage odieux, criminel. Partant de là, toutes les réformes sont justifiées, puisqu’il s’agit de sortir d’une situation considérée comme bloquée en raison de la prépondérance des conceptions « staliniennes ».

Les réformes de Nikita Khrouchtchev ne sont cependant pas tant actives, que passives. La ligne est celle du laisser-faire, du laisser-aller. La position est celle du désengagement de l’État de la vie politique, scientifique, sociale et culturelle, et cela passe par la décentralisation, engagée à tous les niveaux.

Nikita Khrouchtchev

C’est que Nikita Khrouchtchev représente une ligne opportuniste de gauche, ce qui n’a pas été compris à l’époque. Comme il prônait la coexistence pacifique et le parlementarisme, les anti-révisionnistes considéraient qu’il reflétait une ligne de droite.

En réalité, Nikita Khrouchtchev représentait une ligne de droite sous la forme de l’opportunisme de gauche, ce qui est bien différent. Ses propos étaient, en effet, à la fois ambitieux et euphoriques, témoignages d’une ligne délirante ; au 22e congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, il expliquait ainsi que :

« Nous sommes strictement guidés par des calculs scientifiques. Et les calculs montrent que dans 20 ans, nous construirons une société fondamentalement communiste. »

Au même congrès fut adopté un nouveau programme (les anciens datant de 1930 et 1939), et on y lit :

« La tâche économique principale du parti et du peuple soviétique est de créer la base matérielle et technique du communisme dans un délai de deux décennies. »

Plus précisément :

« Le PCUS, en tant que parti du communisme scientifique, pose et résout les problèmes de la construction communiste dans la mesure où les conditions matérielles et spirituelles sont préparées et mûries, guidés par l’impossibilité de franchir les étapes nécessaires du développement, ainsi que de s’attarder sur ce qui a été réalisé et de freiner le mouvement en avant.

La solution aux problèmes de la construction du communisme s’effectue par étapes successives.

Au cours de la prochaine décennie (1961-1970), l’Union soviétique, créant la base matérielle et technique du communisme, dépassera le pays capitaliste le plus puissant et le plus riche, les États-Unis, en termes de production par habitant ; le bien-être matériel et le niveau culturel et technique des travailleurs augmenteront considérablement et chacun bénéficiera d’une prospérité matérielle ; toutes les fermes collectives et d’État se transformeront en fermes hautement productives et très rentables ; les besoins du peuple soviétique en matière de logement confortable seront fondamentalement satisfaits ; le dur travail physique disparaîtra; l’URSS deviendra le pays où la journée de travail est la plus courte.

À la suite de la deuxième décennie (1971-1980), la base matérielle et technique du communisme sera créée, apportant une abondance d’avantages matériels et culturels à l’ensemble de la population ; la société soviétique sera sur le point de mettre en œuvre le principe de répartition selon les besoins et il y aura une transition progressive vers une propriété nationale unique.

Ainsi, une société communiste sera essentiellement construite en URSS. La construction d’une société communiste sera pleinement achevée dans la période suivante. »

Les trois dernières phrases du programme disent par conséquent :

« Sous la direction prouvée du Parti Communiste, sous la bannière du marxisme-léninisme, le peuple soviétique a construit le socialisme.

Sous la direction du Parti, sous la bannière du marxisme-léninisme, le peuple soviétique construira une société communiste.

Le Parti déclare solennellement : la génération actuelle du peuple soviétique vivra sous le Communisme ! »

Le 22e congrès valida également un « code moral du bâtisseur du communisme », largement empreint sur la Bible, appelant à un « travail consciencieux au bénéfice de la société », « l’entraide fraternelle », « le respect mutuel au sein de la famille, le souci d’élever les enfants », « le souci de tous de préserver et de valoriser le domaine public », etc.

Le 22e congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique

On est ici dans un rêve fou de tranquillité absolue au sein d’un monde sans contradictions. On n’est pas dans un recul, expliquant que le socialisme est difficile à mettre en œuvre, qu’il faut des compromis, etc., comme dans une déviation de droite. On est dans le triomphalisme, propre de la ligne opportuniste de gauche, dont la substance est droitière.

D’où cela vient-il ? De l’élan historique dont l’URSS a profité avec la planification socialiste. Son économie connaît une croissance d’autour de 12 % par an, preuve du grand succès du cinquième plan quinquennal (1951-1955), le dernier formalisé à l’époque de Staline.

Cependant, l’URSS reste en large partie paysanne encore. La part de l’agriculture dans l’économie est aussi grande que celle de l’industrie, à peu de choses près. L’économie reste à développer : son PIB est seulement à près 40 % de celui des États-Unis.

Les pays socialistes sont, dans les faits, encore très arriérés par rapport aux pays capitalistes.

PIB en milliards de dollars US de 1955


États-UnisPays
de l’OTAN (hors États-Unis)
URSSEurope
de l’Est
Chine
populaire
1948295,8178,784,934,125
1955387,2314146,55756

C’est l’arrière-plan des forces ayant amené le Parti Communiste Panunioniste (des bolcheviks) à devenir en 1952, à son 19e congrès, le Parti Communiste d’Union Soviétique. La définition du Parti a alors changé : c’est devenu en quelque sorte le grand accompagnateur du développement du pays, de la force principale portant la paix mondiale.

L’étude approfondie du 19e congrès est obligatoire pour comprendre le 20e congrès, avec la décentralisation promue par Nikita Khrouchtchev. C’est une sorte de grand sas, de grande transition, dont le ressort est la mise à l’équilibre du nombre de gens vivant dans les villes et dans les campagnes.

Nikita Khrouchtchev

Il faut attendre 1962 pour que la population urbaine devienne majoritaire, néanmoins la tendance est là, l’URSS connaît un vrai basculement. Le parc de logements a doublé, il y a une transformation des mœurs, et dans ce cadre l’alliance ouvrière-paysanne voit les couches intellectuelles jouer un rôle toujours plus prépondérant.

En ce sens, le triomphe du révisionnisme est avant tout une expression petite-bourgeoise. Se débarrasser de l’idéologie, abandonner les exigences d’avant-garde historique, tout cela exprime une volonté de s’installer dans un certain confort.

Cela est vrai tant au sein de la direction du Parti qu’au sein des masses nouvellement urbanisées. Il n’y a pas de réflexion alors sur l’impact de la contradiction entre villes et campagnes, et le degré de corruption sur le plan idéologique et culturel est toujours plus haut.

C’est ce qui explique la passivité totale du pays lors du 20e congrès, alors qu’il y a une remise en cause totale de Staline, qui a pourtant dirigé le pays pendant plusieurs décennies.

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