Cette situation d’affirmation de deux lignes en Chine populaire remuait des pans entiers du Parti et même de la société chinoise. L’un des éléments produits fut l’écriture d’une grande affiche, écrite à la main avec de grands caractères, un dazibao, le 25 mai 1966 à l’université de Pékin.
Trois personnes étaient dénoncées : le recteur de l’université et deux responsables municipaux chargés des affaires universitaires.
Mao Zedong soutint l’initiative et appela le 1er juin 1966 à la diffusion du texte de ce dazibao tant à la radio que dans la presse. Cette date devint alors désormais considérée comme l’ouverture de la « grande révolution culturelle prolétarienne ».
Le même jour, le Quotidien du Peuple publia d’ailleurs un éditorial intitulé Balayons tous les génies malfaisants, commençant ainsi :
« La grande révolution culturelle prolétarienne que connaît la Chine socialiste, où vit le quart de la population mondiale, est en plein essor.
En quelques mois, des millions et des millions d’ouvriers, de paysans et de soldats, ainsi que la grande masse des cadres et des intellectuels révolutionnaires, répondant à l’appel au combat lancé par le Comité central du Parti et le président Mao Zedong, et armés par la pensée de celui-ci, ont balayé un grand nombre de génies malfaisants qui s’étaient implantés dans les positions idéologiques et culturelles.
Avec la rapidité et la puissance de l’ouragan et de la tempête, ils ont brisé les fers imposés pendant tant d’années à leur pensée par les classes exploiteuses et ont complètement mis en déroute et rabattu l’arrogance des « spécialistes », « savants », « autorités » et « maîtres à penser » bourgeois.
Le président Mao nous enseigne que la lutte des classes n’a pas pris fin en Chine quoique la transformation socialiste de la propriété ait été fondamentalement réalisée. »
On a également une définition bien précise de l’initiative :
« La révolution culturelle prolétarienne vise à détruire de fond en comble la pensée, la culture, les mœurs et coutumes anciennes, que les classes exploiteuses utilisèrent au cours des millénaires pour empoisonner le peuple, et à créer et développer parmi les larges masses populaires une pensée, une culture, des mœurs et coutumes totalement nouvelles, celles du prolétariat.
C’est une grande tâche que de réformer les mœurs et coutumes, et elle est sans précédent dans l’histoire de l’humanité.
Tout l’héritage, toutes les mœurs et coutumes des classes féodales et bourgeoise doivent être critiquées totalement selon la conception prolétarienne du monde. »
Le 3 juin, le Comité du Parti de Pékin était remanié, alors que les comités de rédaction de Pékin-Soir et du Quotidien de Pékin étaient révoqués, que le recteur de l’université de Pékin était destitué.
Des « groupes de travail » devaient procéder à des rectifications et le principe commença à se généraliser dans le pays, alors que les dazibaos devenaient une méthode systématiquement employée. Mao en réalisa lui-même un, le 5 août, intitulé « Bombarder le Quartier-Général – mon dazibao ».
D’ailleurs, dès le 2 juin, le Quotidien du peuple appelait en ce sens, avec une éditorial intitulé Les affiches en grands caractères sont des « miroirs magiques » qui font apparaître tous les monstres.
On y lit :
« Il est indispensable de mobiliser audacieusement les masses et d’adopter la méthode consistant à exprimer franchement et complètement les opinions et les critères des jugements, de rédiger des affiches en grand caractères (dazibao) et de réaliser de grands débats.
Il faut que les masses extériorisent complètement ce qu’elles pensent, qu’elles découvrent tous les représentants de la bourgeoisie qui s’opposent au Parti Communiste, au socialisme et à la pensée Mao Zedong; il faut qu’elles mettent en lumière tous les monstres et qu’elles réduisent en poussière, unité par unité, tous les bastions réactionnaires de la bourgeoisie.
Le président Mao dit : « Les affiches en grand caractères sont un nouveau type d’arme extrêmement utile ».
Les affiches en grand caractère sont quelque chose de très bien ! Ce sont des « miroirs magiques » qui font apparaître tous les monstres.
Si chacun d’entre nous s’en sert, il est possible que soient découverts, rapidement et sous tous les angles, les véritables visages des sinistres cliques anti-Parti et anti-socialiste. Ces affiches présentent différentes opinions et révèlent des contradictions de toute espèce. Au moyen de ces opinions et contradictions, nous devons parvenir à comprendre la situation, à découvrir les problèmes et à les résoudre.
Ces affiches posent le problème de ce qui est juste et de ce qui ne l’est au sujet des problèmes les plus importantes, pour que tout le monde discute, analyse et critique (…).
Êtes-vous révolutionnaire? Dans ce cas, vous accueillerez avec enthousiasme les dazibaos, vous serez en leur faveur, vous vous mettrez en tête pour les rédiger et vous mobiliserez sans réserve les masses pour qu’elles fassent de même et tirent au clair les problèmes.
Êtes-vous un défenseur de « Sa Majesté? » Dans ce cas, les dazibaos vous feront mourir de peur. Vous pâlirez de terreur et vous aurez des sueurs froides à les voir apparaître, et vous tenterez par tous les moyens d’empêcher les masses d’en rédiger.
Avoir peur des dazibaos signifie avoir peur des masses, peur de la révolution, peur de la démocratie populaire et peur de la dictature du prolétariat. »
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