Ce que Pavel Fedotov n’avait pas pu faire ouvertement, la modification de la situation permit à ses successeurs de le faire. Les institutions officielles avaient permis à partir de 1859 la peinture de la vie quotidienne, avec toutefois au maximum l’obtention d’une médaille d’argent.
Pourtant, dès 1860, Vassili Perov obtient une petite médaille d’or pour sa représentation d’un Fils d’un petit clerc, où on se moque de la fascination pour le premier uniforme, témoignant de l’obtention du premier grade du service civil.
L’année d’après, ce fut la grande médaille d’or qui fut obtenue, ainsi qu’une bourse pour étudier à l’étranger, pour un Sermon de village. On y voit que la dignité revient aux seuls paysans, alors que l’homme riche dort et que sa femme écoute les ragots ou se fait charmer. Ces deux tableaux marquent l’affirmation du réalisme.
Ce sont là d’éminents tableaux faisant des portraits de caractère et c’était l’ouverture de toute une série. Désormais, les médailles d’or étaient remises aux peintres tant pour des choix bibliques que pour ceux de la vie quotidienne, et ce malgré les statuts officiels. C’était une victoire et un passage en force du progrès.
Voici le tableau ayant valu la petite médaille d’or de 1861, Le Repos à la moisson d’Alexandre Morozov (1835-1904). Suivent d’autres tableaux de lui : La Sortie d’une église de province datant de l’année suivante et lui valant l’acceptation comme académicien, ainsi que L’École gratuite de village.
Il faut ici souligner le rôle d’Ivan Nikolaïevitch Kramskoï, qui a joué le rôle moteur dans la révolte des quatorze puis dans l’artel qui fut créé, collectif d’artistes. De 1863 à 1868, il enseigna à l’école de dessin de la Société d’encouragement des artistes et chercha à tout prix à ce que les artistes réalistes ne se fassent pas happer par le régime.
Nikolaïevitch Kramskoï avait affirmé en 1863 qu’il ne fallait jamais chercher un autre que celui d’artiste, et lorsqu’en 1869 l’académie le nomma académicien, il écrivit une lettre pour que ce soit annulé, ce qui ne fut pas fait. C’était là une contradiction évidente dans sa nouvelle situation, d’autant plus douloureuse pour lui, qui fut à la tête de la révolte des quatorze, qu’il y avait alors déjà sept peintres de l’artel qui avaient déjà soumis des peintures à l’académie et obtenu le titre d’académicien.
Ses tableaux les plus connus furent Le garde-forestier (1874), portrait d’un travailleur, chose révolutionnaire ; on a également Le Christ au désert (1872), avec un Christ non pas glorieux dans l’esprit de l’autocratie russe, mais dans la pauvreté et le doute (il s’agit du fameux moment de la tentation effectuée par le diable), ainsi que le Portrait de Mina Moisséïëv (1882).
Il faut noter également ses portraits, notamment L’inconnue, de 1883, qui est une œuvre frappant de par sa profondeur, sa densité, ou encore Inconsolable chagrin, de 1884.
Voici Le vieil homme à la béquille.
Enfin il y a lieu de porter son attention sur ses portraits : celui de Léon Tolstoï en 1873, de Nékrassov composant les derniers chants en 1877, de l’illustre auteur national ukrainien Taras Chevtchenko et du peintre Litovtchenko en 1878.
Nikolaïevitch Kramskoï fut un combattant inlassable en faveur du réalisme et de l’autonomie des artistes face au régime ; le peintre Ilya Répine lui dira ainsi :
« Tu es vite devenu le dirigeant du groupe de jeunes, les plus doués et les plus instruits, de l’Académie des Beaux-Arts. Avec une énergie gigantesque tu as fondé l’une après l’autre deux associations artistiques, tu renversas irrévocablement les sommités classiques vétustes et fis respecter et aimer la création artistique de notre pays. Citoyen et peintre, tu as bien mérité un monument national ! »