[Rencontre ouvrière marxiste-léniniste, publié dans l’Humanité nouvelle, n° 51, 27 avril 1967. Extraits.]
La déclaration de notre Comité Central, en date du 29 janvier 67, souligne que la crise économique actuelle, à l’échelle de l’Europe capitaliste à laquelle notre économie nationale est enchaînée, va connaître un approfondissement considérable qui fera surgir des contradictions et des luttes de classes acharnées.
Cette crise européenne est cependant inséparable de la crise générale du capitalisme mondial et en particulier de celle de l’impérialisme américain, ce qui rend la lutte du prolétariat français de plus en plus efficace et de plus en plus solidaire dans l’action concrète, des luttes des autres travailleurs et des peuples opprimés dans le monde.
I. Le but stratégique.
a) Le but stratégique des révisionnistes modernes en France dont l’expression politique est le P. C. F. révisionniste, est essentiellement d’améliorer, d’augmenter leur représentativité parlementaire selon les règles électorales du moment fixées et imposées par la bourgeoisie, et de tenter d’obtenir au prix de n’importe quelle concession, leur participation au gouvernement bourgeois en présentant celui-ci comme l’émanation de la » démocratie véritable « .
Autrement dit, le P. C. F. a renoncé à la prise du pouvoir par les travailleurs et à l’instauration de la dictature du prolétariat.
La constitution de ce parti d’avant-garde devient d’autant plus nécessaire, indispensable et urgente, que s’accélèrent d’une part la dégénérescence des révisionnistes modernes, sans aucun espoir de redressement interne, et d’autre part l’aggravation de la crise mondiale de l’impérialisme, la crise du capitalisme et la radicalisation de la lutte des classes traduite par le plan de stabilisation du pouvoir des monopoles, la ruine des couches industrielles et agricoles intermédiaires, la mise en réserve progressive d’une armée de 6op ooo chômeurs, la concentration industrielle et agricole, facteur de misère.
b) La tactique politique des Marxistes-Léninistes est de constituer un front uni anti-monopoliste, anticapitaliste et anti-impérialiste autour de la classe ouvrière alliée à la paysannerie dirigée par le parti communiste marxiste-léniniste qui saura maintenir son indépendance politique, idéologique et d’organisation.
La C.G.T. elle-même est en proie à une dure lutte des classes de l’intérieur entre ceux influencés par les marxistes-léninistes et ceux influencés par les révisionnistes.
C’est en effet par la C.G.T. que le P.C.F. révisionniste fait le plus passer dans les niasses travailleuses la théorie du révisionnisme, et la C.G.T. est appelée à devenir le terrain le plus dur de la confrontation et de la lutte entre révisionnistes et marxistes-léninistes.
c) La tactique syndicale du P. C. F. au sein de la C. G. T. : Le P. C. F. révisionniste cherche à transformer la C. G. T. en sa force d’appoint électorale.
Les luttes que nous avons menées depuis deux ans ont été organisées et orchestrées uniquement en fonction du calendrier des élections politiques, de façon à ne pas effaroucher la bourgeoisie, surtout la partie sur laquelle le P.C.F. a basé son alliance.
Les luttes ont été modérées également à l’égard du pouvoir des monopoles, en raison du rapprochement des gaullistes avec les révisionnistes de Moscou, pour ménager le » parti père » et aussi par une peur bleue de la répression gouvernementale.
Toutes les luttes syndicales engagées depuis trois ans principalement ont été molles en dépit de l’aggravation de la situation des travailleurs, de manière à gagner la confiance de la petite bourgeoisie alliée électorale du moment, comme si on avait peur de la ruiner.
C’est ainsi qu’il n’y a pas de syndicat C. G. T. dans beaucoup d’entreprises dont les patrons sont des S. F. I. O., pleins d’influence, conseillers municipaux, maires, conseillers généraux, en même temps que conseillers prud’hommes patronaux, animateurs des chambres économiques, etc. […]
Dans cette recherche de l’Unité à tout prix, il faut aussi classer la constitution de syndicats cadres C. G. T., d’une manière entièrement indépendante sur le plan organique. Ceci paraît-il pour établir un parallèle valable avec les syndicats de cadres bourgeois.
C’est ainsi que chez les cheminots, les camarades C. G. T. cadres sont complètement coupés de la base.
La collaboration de classe ouverte : Les comités d’entreprise deviennent de plus en plus des instruments de collaboration de classe, parfois en opposition avec les délégués du personnel.
Les délégués au comité d’entreprise bénéficient d’avantages divers qui parfois peuvent les corrompre : temps de délégation utilisé par exemple pour des besoins personnels. Grâce aux activités sociales ils passent pour de petites personnalités et font jouer parfois le favoritisme.
Dans certains cas les rapports entre patrons et délégués au sein du Comité d’entreprise; peuvent atteindre la familiarité.
Ceci est également valable dans les Conseils de Prud’homme où le point de vue de classe est de plus en plus abandonné.
Il en est de même avec les commissions paritaires de toutes sortes qui échappent au contrôle des masses, car seuls les bonzes syndicaux, spécialistes de ces questions y siègent.
Les bonzes tendent à discuter puis à participer de plus en plus à l’élaboration des plans de production capitalistes et à réaliser des accords d’entreprise de longue durée avec en contrepartie la suppression de la lutte syndicale pendant la durée de ces accords.
C’est la théorie de la pause sociale, de la paix sociale, en fait la collaboration capital-travail.
Il n’y a plus de contrôle des masses sur l’appareil, et les congrès syndicaux sont préfabriqués. […]
Maintenant c’est un véritable building qui est construit pour la Vie Ouvrière à l’image du nouveau siège du P. C. F.
Tout cela coûte cher et l’État a bien compris l’usage qu’il pourrait tirer en subventionnant progressivement la C. G. T. ; l’intégration des syndicats passe par leur achat.
Il est bien évident que le patronat ne subventionnerait pas les écoles syndicales de la C. G. T. si l’on y apprenait encore la lutte des classes, si l’on y formait des cadres syndicaux ayant en vue la disparition du salariat.
C’est pour la même raison que le patronat finance sous forme de publicité les journaux syndicaux. Les patrons se forgent ainsi un moyen de pression irremplaçable sous menace de suppression inopinée de ces subventions.
A ce propos il faut retenir aussi que le syndicat C. G. T. a une activité surtout sur le plan vertical, c’est-à-dire corporatif, et là il reste encore quelque chose de vraiment organisé qui permet de mobiliser les travailleurs.
Mais l’organisation horizontale, sur le plan des U. D. et U. L,. semble surtout administrative sans aucune possibilité réelle de mobiliser et d’entraîner les travailleurs à l’action.
Il faut noter cependant que l’appareil syndical, surtout à la base, est composé de camarades très dévoués mais ils sont pris dans l’engrenage de la dégénérescence horizontale plus avancée dans les Unions départementales.
Alors, ils travaillent consciencieusement en vase clos ne saisissant pas l’origine de leurs difficultés; développant leur mentalité corporatiste ce qui sert la tactique de division des luttes. I/esprit de camaraderie entre spécialistes, voire de copinerie, devient leur déformation.
La tactique des luttes : II ne fait nul doute que la direction révisionniste craint qu’un mouvement de lutte parte du sein de la classe ouvrière, la déborde dans l’action et la balaye dans un courant irrésistible.
C’est pourquoi elle s’acharne avec les autres directions syndicales, également menacées par l’unité à la base, à juguler la classe ouvrière. Et toute la tactique révisionniste tient à cela : la division des luttes.
Ils recherchent simplement l’unité dans la catégorie et opposent les catégories entre elles, les corporations entre elles, le secteur public au secteur privé, la classe ouvrière à la paysannerie, une région à une autre : c’est la grève tournante géographique et dans le monde du travail.
Elle est foncièrement impopulaire, car elle expose à la répression, et ne rapporte pas grand-chose, que des miettes.
Cette division voulue trouve sa justification par la multiplication des revendications catégorielles.
Ayant peur des épreuves de force, incapables de diriger de grandes masses dont ils ont tendance à sous-estimer la combativité, les révisionnistes ont capitulé devant les atteintes au droit de grève.
Seuls les mineurs dépassant la volonté des bonzes ont mis en échec les ordres de réquisition.
Chez les cheminots cela a été la capitulation pure et simple avec retrait du mot d’ordre de grève.
Le préavis de 5 jours de grève a toujours été respecté alors qu’il suffisait de ne pas en tenir compte.
Pourquoi? Il y a même pis, lors des derniers mouvements du 17 mai et du Ier février 67 la grève a été annoncée plusieurs semaines à l’avance.
Ceci a permis au gouvernement et au patronat de pallier aux difficultés de la grève, la rendant nulle, s’organisant en conséquence, notamment par les lock-out. C’est pour cela que même ces mouvements généraux sont impopulaires parce qu’ils ne gênent en rien le patronat.
Ces mouvements dits d’ » ampleur nationale » ne .sont pas des grèves d’avertissement mais des fins en elles-mêmes, des soupapes de sûreté pour désarmer et défouler les masses.
L’Unité : Ies Marxistes-Léninistes doivent définir leur position vis-à-vis de la C. G. T. dont en fait ils sont les héritiers des traditions de lutte et d’unité, comme ils sont les héritiers de la C. G. T. U.
Dans le travail de démystification des autres syndicats nous devons associer les bonzes de la C. G. T. compte tenu que si ceux-ci ne vont pas plus loin dans la trahison c’est déjà à cause de la combativité des travailleurs et de leur vigilance parce que la lutte de classe est inévitable et aucun réformiste ou révisionniste ne peut l’empêcher.
Mais à ces travailleurs il manque encore l’avant-garde réellement organisée et présente partout des Marxistes-léninistes qui leur fera réellement prendre conscience de cette trahison.
La lutte interne au sein de la C. G. T. : Dans la lutte interne au sein de la C. G. T. nous devons en plus du travail de démystification demander la rotation des responsables syndicaux, réclamer le retour périodique des permanents au travail, la publication de leurs salaires et indemnités, le versement de leur part correspondante de salaires pendant les grèves, aux caisses de solidarité.
Il faut dénoncer l’augmentation du nombre des permanents inversement proportionnelle à la baisse des effectifs et proportionnelle à l’augmentation des cotisations, demander la suppression des dépenses de prestige : siège luxueux de la V.O. [vie ouvrière] (véritable ministère avec pléthore de fonctionnaires), voitures de permanents à l’usage incontrôlable, etc., les tracts sur papier glacé, les brochures et plaquettes luxueuses.
Il faut dénoncer aussi les réceptions mondaines d’où sont exclus les travailleurs, qui se multiplient à chaque prétexte et voient invités par la C. G. T. les sociaux-démocrates.
Elles rapprochent la bourgeoisie avec les bonzes corrompus. Il faut lancer le mot d’ordre : » plus de réceptions mondaines aux frais des travailleurs entre les bonzes et leurs invités sociaux-démocrates « .
Faire en sorte que les permanents syndicaux soient de vieux travailleurs pleins d’expérience concrète des luttes, qui aient de la bouteille ouvrière et non nourris au biberon de l’appareil révisionniste qu’on retrouve permanents à 25 ans sans avoir connu véritablement eux-mêmes les conditions de l’exploitation dans une entreprise, ni jamais connu eux-mêmes les affres du licenciement et du chômage.
Nous devons dénoncer les bonzes qui sont devenus en fait des dirigeants d’entreprise qui recherchent les flatteries des travailleurs et celles de la bourgeoisie.
Ils sont prêts, en outre, au nom de la » gestion démocratique des entreprises en régime capitaliste » à nous vendre par contrat au patronat et au gouvernement bourgeois.
Cette dénonciation de fausse unité et cette démystification interne des bonzes inamovibles doit s’accompagner parallèlement de la constitution progressive dans l’action, de comités d’unité à la base au cours de l’action, sur notre tactique des luttes et notre programme Marxiste-Léniniste qui exprime réellement les aspirations communes des plus larges couches de travailleurs sans distinction de corporations, de lieux géographiques, de catégories, de cadres ou d’exécution, d’hommes ou femmes, de jeunes ou de vieux.
Il ne sera pas possible de faire aboutir des luttes générales dures sans avoir obtenu préalablement soit la régénérescence interne de la C. G. T. ce qui paraît bien improbable à court terme, soit la constitution générale de comités d’union à la base pour l’action.
Chaque fois que cela sera possible, il faudra tenter de lier nos luttes à celles de la petite paysannerie et des petits producteurs : exemple, lorsque les paysans luttent contre les circuits économiques intermédiaires de distribution (choux-fleurs, pommes de terre, artichauts, primeurs, aviculture) ou le prix du poisson lorsqu’il est vendu par le pêcheur 0,30 F le kilo dans le port et 8 F aux Halles de Paris.
Nous devons enfin lutter contre l’intégration des syndicats à l’État et contre la collaboration capital-travail dans les commissions paritaires, les comités d’entreprise, etc., le conseil économique.
Il semble nécessaire de créer dès maintenant une commission syndicale permanente au sein du Mouvement Communiste Français Marxiste-Léniniste chargée de l’étude des questions syndicales.
=>Retour au dossier PCMLF, PCR(ml), VLR, UCF-ML,
Nouvelle Cause du Peuple, NAPAP, Action Directe