Le sixième congrès de l’Internationale Communiste présente deux aspects formant une contradiction préfigurant toute l’évolution à venir.
D’un côté, on a pour la première fois des présentations vraiment denses de la situation de chaque pays par les délégués. Il ne s’agit pas de courts descriptifs, mais de présentation synthétique du niveau de développement économique et politique, de la situation et de ses enjeux, des questions de fond, etc.
Cela repose sur une véritable activité communiste, avec une vraie recherche de mise en perspective, en se fondant sur l’expérience révolutionnaire russe. La vie des Partis Communistes a clairement commencé et un réel contenu se pose comme programmatique, analyse politique.
Boukharine résume cela en disant que :
« Actuellement, l’Internationale Communiste ne se contente plus de propagande ; cette organisation puissante est une organisation agissante.
Elle s’appuie sur la dictature du prolétariat en Russie et sur les innombrables cohortes du prolétariat, qui luttent dans les autres pays; elle s’est déjà répandue dans le monde entier, elle est à la tête d’une lutte grandiose en Asie, elle représente une telle force, que la bourgeoisie mondiale organisée doit se protéger furieusement contre le danger communiste. »
De l’autre côté, ce qu’on a gagné dans chaque pays a été perdu au niveau général. L’Internationale Communiste avait initialement cherché à faire le forcing à tout prix, en considérant que la vague de la révolution mondiale allait triompher à court terme.
Cela a produit, en plus d’une situation déjà marquée par des courants éclectiques, un renforcement des courants droitiers et d’ultra-gauche.
Or, alors que le congrès précédent s’était tenu en 1924, il était tout à fait clair, cette fois, que la vague révolutionnaire se prolongeait, mais n’avait pas eu l’effet escompté de succès rapides de grande ampleur.
Le centre de gravité était passé dans les colonies et la révolution chinoise avait acquise une importance absolument fondamentale.
Le sixième congrès de l’Internationale est ainsi un congrès charnière, où son initiative apparaît comme devant se prolonger, s’ancrer dans le temps. Pour cette raison, l’Internationale Communiste produit à ce congrès un programme et des statuts.
C’est là quelque chose de nouveau, preuve d’une cimentation de l’initiative, ce qui provoquera une critique de la part des courants droitiers et gauchistes, qui y verront bien entendu une ossification, un dévoiement, un recul, etc.
Cela implique également un regard différent sur le parcours de la crise générale du capitalisme et, pour ce faire, l’Internationale Communiste va développer le concept de stabilisation relative, tout en l’alliant avec le principe d’une prochaine guerre mondiale inéluctable.
L’ordre du jour fut ainsi le suivant :
a) Rapport du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste (avec comme rapporteur Boukharine) ;
b) Rapport du Comité Exécutif de la Jeunesse Communiste Internationale (avec comme rapporteur l’Autrichien Richard Schuller) ;
c) Rapport de la Commission Internationale de Contrôle (avec rapporteur le Letton Pēteris Stučka) ;
d) Mesures contre le danger de guerre impérialiste (avec comme rapporteur l’Écossais Tom Bell) ;
e) Le mouvement révolutionnaire dans les colonies (avec comme rapporteurs le Finlandais Otto Kuusinen et l’Italien Ercoli, c’est-à-dire Palmiro Togliatti) ;
f) La situation de l’URSS et du Parti communiste russe (avec comme apporteurs le Hongrois Eugen Varga et l’Ukrainien Dmitri Manouïlski) ;
g) Élections.
C’est Boukharine qui ouvre et ferme le congrès ; c’est également lui qui pose le cadre.
=>Retour au dossier sur le sixième congrès
de l’Internationale Communiste