Il faut noter que si la SFIC donne le ton pour l’unité antifasciste, ce n’est pas du tout elle qui formule les principes théoriques de celle-ci.
C’est le Bulgare Georgi Dimitrov qui expose cette ligne dans un très long exposé sur l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme. Accusé par les nazis de l’incendie du Reichstag, il a triomphé au procès de Leipzig de 1933-1934 et est alors la figure communiste mondialement la plus connue après Staline.
Dimitrov dit notamment que :
« Dans un certain nombre de pays, le fascisme est au pouvoir.
Mais la croissance du fascisme et sa victoire attestent non seulement de la faiblesse de la classe ouvrière, désorganisée suite à de la politique scissionniste de la social-démocratie, basée sur la collaboration de classe avec la bourgeoisie, mais aussi la faiblesse de la bourgeoisie elle-même, qui tremble devant la réalisation de l’unité de lutte de la classe ouvrière, qui tremble devant la révolution et n’est plus à même de maintenir sa dictature par les vieilles méthodes de démocratie bourgeoise.
La variété la plus réactionnaire du fascisme est le fascisme du type allemand, qui se donne impudemment le nom de national-socialisme, mais qui n’a absolument rien de commun ni avec le socialisme ni avec la défense des véritables intérêts nationaux du peuple allemand, et qui ne remplit d’autre fonction que celle de valet de la grande bourgeoisie et représente non seulement le nationalisme bourgeois, mais un chauvinisme bestial.
À la face du monde entier l’Allemagne fasciste montre nettement ce qui attend les masses populaires au cas d’une victoire du fascisme.
Le pouvoir fasciste déchaîné extermine dans les prisons et les camps de concentration l’élite de la classe ouvrière, ses chefs et ses organisateurs, il a détruit les syndicats, les coopératives et toutes les autres organisations légales des ouvriers, de même que toutes les autres organisations politiques et culturelles non fascistes.
Il a enlevé aux ouvriers les droits élémentaires de défense de leurs intérêts. Il a transformé un pays cultivé en un foyer d’obscurantisme, de barbarie et de guerre. Le fascisme allemand est le principal instigateur d’une nouvelle guerre impérialiste.
Il est le détachement de choc de la contre-révolution mondiale (…).
Sans renoncer un instant à leur travail indépendant de propagande communiste, d’organisation et de mobilisation des masses, les communistes doivent, pour faciliter aux ouvriers le chemin de l’unité d’action, s’efforcer de réaliser des actions communes avec les partis social-démocrates, les syndicats réformistes et autres organisations des travailleurs contre les ennemis de la classe du prolétariat sur la base d’accords brèves ou de longue durée (…).
Dévoilant devant les masses le sens des arguments démagogiques des clefs de la social-démocratie de droite contre le front unique, intensifiant la lutte contre la partie réactionnaire de la social-démocratie, les communistes doivent établir la collaboration la plus étroite avec ceux des ouvriers, militants et organisations social-démocrates de gauche qui luttent contre la politique réformiste et s’affirment pour le front unique avec le PC. »
Maurice Thorez prit le premier la parole après le rapport de Dimitrov, suivi de toute une série de délégués de différents pays. Le délégué allemand ne fut que le quatrième à intervenir, la raison étant que le KPD avait du mal à évaluer si sa défaite provenait principalement du blocage de la social-démocratie ou s’il aurait fallu calibrer différemment le travail mené.
De fait, le KPD adoptera un regard critique, axé sur les leçons du Front populaire, dans le prolongement direct du septième congrès de l’Internationale Communiste, lors de sa conférence de Bruxelles (qui eut en fait lieu à Moscou, du 3 au 15 octobre 1935, juste après le septième congrès de l’Internationale Communiste, et fut considéré par la suite comme le 13e congrès). Cela ouvrit la voie au programme démocratique de 1939 issu de la conférence de Berne (en fait de Draveil, en France).
Le KPD espérait en fait que le régime nazi serait particulièrement instable dès sa prise du pouvoir ; en 1935, il était clair que ce n’était pas le cas et qu’il fallait une réorientation.
Wilhem Pieck, tenant de l’autocritique, formula ainsi, dans sa présentation de la situation, l’erreur qui avait été celle des communistes dans l’interprétation de la crise, ce qui a permis au fascisme de porter ses coups :
« Les Partis Communistes se sont bien appropriés les constatations fondamentales du VIe congrès comme quoi une grande croissance révolutionnaire se profilait.
Ils n’ont toutefois parfois pas assez réalisé que la grande croissance révolutionnaire n’était pas séparé par une muraille de Chine de la crise révolutionnaire.
Ils se sont parfois fait véritablement des conceptions simplistes quant à la manière dont les masses de travailleurs entreraient en rupture avec leur vieille direction réformiste et passerait dans le camp de la lutte révolutionnaire. »
C’est le Parti Communiste d’Allemagne qui avait ici payé le plus cher cette erreur ; l’exposé de Dimitrov venait corriger le tir, apporter une dimension autocritique par rapport à l’incapacité de se tourner entièrement vers les masses.
Après que de nombreux délégués contribuèrent par des présentations de leur propre situation au rapport de Dimitrov, de manière à chaque fois précise et constructive, celui-ci conclut les interventions par un exposé intitulé Pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme.
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