Il était clair que le fascisme signifiait l’accélération de la marche à la guerre impérialiste déjà constatée par l’Internationale Communiste. Comme le formula Wilhelm Pieck, l’alternative historique était la suivante :
« Le socialisme ou le fascisme – telle est la question qui est posée à l’humanité.
Ou bien le socialisme et ainsi l’abolition de l’exploitation de l’Homme par l’Homme, une croissance formidable de la culture et un progrès encore jamais vu de la société humaine, la liberté, le bien-être et la paix entre les peuples.
Ou bien le fascisme, avec après une série d’années de joug infernal et d’angoissante terreur fasciste, de misère et de détresse pour les masses travailleuses, la destruction barbare d’un nombre immense de valeurs de la culture humaine et une nouvelle guerre sanglante entre les peuples.
C’est ainsi que se pose la question dans les pays capitalistes. »
C’est l’Italien Ercoli, c’est-à-dire Palmiro Togliatti, qui fit un exposé sur la guerre mondiale que les impérialistes préparaient. Ce qu’il explique est dans le prolongement des congrès précédents, en particulier du VIe, qui avait compris que le capitalisme avait profité du temps gagné par la rationalisation entreprise pour marcher vers la guerre.
Ercoli constate ainsi que :
« Le VIe congrès a, en 1928, établi la ligne générale de notre combat contre la guerre. Cette ligne, qui a déjà passé l’épreuve du feu, reste notre ligne fondamentale. »
Il passe alors à l’analyse concrète de la situation, qui a connu des modifications depuis 1928, au sens où d’un côté le fascisme a avancé, de l’autre l’URSS apparaît comme une force de paix. Et il souligne que :
« Il faut rappeler que pour le national-socialisme allemand et le militarisme japonais, la guerre contre l’Union Soviétique ne représente pas le seul objectif.
Ils mènent une lutte pour leur propre hégémonie. Leur attaque contre l’Union Soviétique n’est pour eux qu’un aspect d’un plan général d’expansions et de conquêtes.
Ces plans, qui visent à un repartage du monde, se heurtent à l’ensemble des intérêts existants et rendent encore plus aiguës les contradictions entre impérialistes, non seulement en Europe, mais dans le monde entier. »
Dans la résolution finale, il sera ainsi exposé que :
« La crise économique mondiale et la rupture de la stabilisation capitaliste ont engendré une extrême instabilité de toutes les relations internationales.
L’aggravation de la lutte sur le marché mondial, rétréci l’extrême à la suite de la crise économique, a conduit une guerre économique acharnée, En fait, le nouveau partage du monde a déjà commencé. »
Il y a ici un point extrêmement important. Les communistes ont dit, en fondant l’Internationale Communiste, que la crise générale du capitalisme allait rapidement amener un basculement. Celui-ci a en fait été prolongé, se déportant notamment dans les pays dominés (comme colonies ou semi-colonies).
La social-démocratie a alors profité de la rationalisation capitaliste pour prétendre que les communistes se trompaient et les isoler. Puis la crise générale du capitalisme a repris un cours plus franc, plus lisible et il est alors évident que les communistes avaient parfaitement analysé tant la crise du capitalisme que sa tentative d’aller à la guerre le cas échéant.
Sans la social-démocratie, les communistes auraient pu mener la révolution dans de nombreux pays, mais surtout d’autant plus avertir de l’imminence de la guerre impérialiste, seule « solution » pour les capitalistes. Il y a ici un raté historique et lorsque la guerre apparaît comme horizon très clair après 1936, le processus est déjà trop enclenché pour l’empêcher.
L’Internationale Communiste en a en partie conscience et c’est ce qui explique le poids toujours plus prépondérant du soutien à l’URSS comme axe central de toute lecture de la politique internationale.
La Pravda du 25 juillet, publié le jour de l’ouverture du septième congrès, présentait la situation de la manière suivante :
« Sous le mot d’ordre « L’Asie aux Asiatiques », les impérialistes japonais ont déjà inauguré une nouvelle division du monde, en occupant de nouvelle provinces chinoises. Les fascistes italiens se trouvent à la veille d’une guerre contre le peuple abyssin.
Les nationaux-socialistes allemands menacent les peuples pacifiques de l’Europe et préparent une croisade contre l’U.R.S.S. (…)
Dans l’exemple de l’Autriche, les ouvriers de tous les pays ont pu constater que la direction des social-démocrates mène vers la défaite.
Dans l’exemple de la France, ils ont constaté que l’offensive fasciste peut être retenue par le front commun. Le front commun a raffermi la confiance en soi-même et la capacité combative du prolétariat.
Les mots d’ordre de l’Internationale communiste ont commencé à conquérir les grandes masses des ouvriers sociaux-démocrates. Cela prouve que le réformisme et le social-démocratisme perdent de plus en plus du terrain dans là classe ouvrière (…).
Que prouvent ces phénomènes? Le système, capitaliste s’ébranle de plus en plus. Parmi les masses travailleuses croît l’esprit révolutionnaire. Une crise révolutionnaire est en train de mûrir. Chaque jour on peut s’attendre à de graves événements politiques, à un commencement de crise politique dans l’un des grands pays capitalistes (…).
Le VIIe congrès de l’Internationale communiste qui se réunit dans une atmosphère politique si complexe et si responsable discutera toutes les questions importantes de la tactique et de la stratégie du mouvement ouvrier international dans son application aux conditions actuelles (…).
Il est indispensable d’organiser la lutte immédiate, contre l’offensive fasciste, cet ennemi le plus implacable dans l’envergure tant nationale qu’internationale.
Les communistes établissent une collaboration étroite avec les ouvriers sociaux-démocrates de gauche et les organisations qui luttent contre le réformisme, se déclarent pour le front unique avec les communistes et défendent avec dévouement l’U.R.S.S.
Les communistes sont pour un seul parti révolutionnaire du prolétariat. Mais la création d’un tel parti n’est possible que sur la base d’un programme net et d’une tactique de la lutte révolutionnaire. C’est pourquoi les communistes ont eu, ont et auront comme principal mot d’ordre celui de la lutte pour le pouvoir soviétique. »
La Pravda du 21 août, publié le jour suivant la fin du congrès, a un éditorial ayant comme titre « Sous le drapeau de la lutte pour l’unité de la classe ouvrière » ; on y lit notamment :
« Le congrès a bâti les fondements d’une large mobilisation des forces de tous les travailleurs pour la lutte contre le capital, encore inconnue dans l’histoire de la lutte de la classe ouvrière.
Le congrès a défini le tournant dans la tactique de l’Internationale communiste et il est apparu comme un véritable congrès d’auto-critique bolcheviste et de consolidation de la direction, du Komintern, ainsi que de ses sections.
Enfin le congrès a démontré l’unité qui lie le prolétariat du pays du socialisme triomphant — l’Union soviétique, et le prolétariat du monde capitaliste, en lutte pour son affranchissement. »
Cette orientation par rapport à l’URSS deviendra primordiale lors du déclenchement de la nouvelle guerre mondiale impérialiste.
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