Maurice Thorez
Discours au 7e congrès de l’Internationale communiste: Les succès du front unique antifasciste
3 aout 1935
Le rapport présenté au VIIe congrès de notre Internationale communiste sur l’offensive du fascisme et la lutte pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme soulève des questions d’une importance considérable et d’une portée internationale exceptionnelle. Nul ne pouvait traiter de telles questions avec plus de compétence et d’autorité que notre camarade Dimitrov, le héros du procès de Leipzig. [1]
L’acte d’accusation contre la barbarie sanglante du fascisme dressé à cette tribune, la plus haute qui soit, c’est à Leipzig, face aux Goebbels et aux Göring, sinistres lieutenants du sinistre Hitler, que Dimitrov l’a signifié magistralement, au nom, déclara-t-il fièrement, de l’Internationale communiste et de tous les travailleurs du monde.
L’unité de la classe ouvrière, l’union de tous les antifascistes, contre le plus grand crime que connaisse l’histoire, c’est encore Dimitrov qui l’a stimulée, par l’exemple de son courage tranquille et indomptable. À travers le monde, des millions et des millions d’hommes, communistes, socialistes, antifascistes, travailleurs manuels et intellectuels ont suivi avec une émotion angoissée la bataille héroïque livrée par Dimitrov contre les bourreaux du peuple allemand, les persécuteurs de notre vaillant Thaelmann.
Le nom du bolchévik Dimitrov est prononcé avec une reconnaissance émue et une admiration affectueuse par tous ceux qui veulent s’unir afin de repousser l’assaut brutal du fascisme. La voix de Dimitrov, retentissant bien au-delà de l’enceinte du tribunal de Leipzig, a redonné la confiance et l’espoir aux travailleurs d’Allemagne; elle a insuffle une nouvelle ardeur aux combattants antifascistes de tous les pays.
Déjà, Marcel Cachin a donné au congrès une vivante relation de la grande bataille qui se livre en France entre les forces du fascisme rétrograde et celles de l’antifascisme progressiste et révolutionnaire. Notre lutte en France revêt sans conteste une grande signification internationale.
De l’issue de la bataille, de l’avenir de notre mouvement antifasciste dépend pour de nombreuses années le sort du peuple de France et des peuples de l’Europe. Conscients des responsabilités de notre Parti communiste, non seulement devant les travailleurs de France, mais aussi devant nos frères des autres pays, nous nous permettrons d’apporter dans la discussion du rapport à la fois si puissant, si simple et si émouvant de notre camarade Dimitrov, une contribution basée sur la riche expérience de notre mouvement antifasciste.
I. Le fascisme en France, danger réel et immédiat
La puissante démonstration du Front populaire du 14 juillet en France a eu de grosses répercussions dans le monde entier.
Jamais encore on n’avait assisté à Paris à une manifestation d’une telle ampleur. Un demi-million d’hommes et de femmes parcoururent de la Bastille à la Nation, le vieux faubourg Saint-Antoine, riche de souvenirs révolutionnaires. Sur l’initiative du comité d’Amsterdam-Pleyel, de nombreuses délégations parmi lesquelles: le Parti communiste, le parti socialiste, le parti radical-socialiste, les deux CGT, la Ligue des droits de l’homme, différentes associations d’anciens combattants, la Fédération sportive unifiée et les Jeunesses communistes, socialistes, radicales et républicaines, etc., participèrent à Paris et dans toute la France aux manifestations populaires du 14 juillet. La foule était ardente, enthousiaste. Elle acclamait le Front populaire et ses mots d’ordre de lutte immédiate pour la paix, le pain et la liberté. Elle manifestait un attachement particulier pour notre Parti communiste, champion de l’unité ouvrière, initiateur et organisateur du Front populaire. Elle lançait le mot d’ordre désormais le plus répandu en France: « Les Soviets partout ». Ce fut un immense succès.
Cependant, comme le soulignait hier le camarade Dimitrov, il serait bien dangereux de se laisser aller à l’illusion que le fascisme est déjà vaincu. Tandis que le peuple de Paris proclamait sa volonté de ne pas laisser passer le fascisme, a la même heure, le colonel comte de la Rocque passait en revue ses troupes de guerre civile. Ils étaient 35 000, invités par le chef du gouvernement a ranimer la flamme du souvenir sur la tombe du soldat inconnu.
Ils défilèrent au pas cadencé, en formations militaires. Et l’on sait que les Croix de feu possèdent des armes, des motos, des autos et des avions. L’ennemi fasciste n’est pas écrasé. Il regroupe ses forces et se prépare à de prochains assauts. Le danger croit toujours. Les causes profondes qui font naître le fascisme, qui lui permettent de se développer et de se renforcer, n’ont pas disparu. L’aggravation continue de la crise générale du capitalisme, la persistance de la crise économique rendent toujours plus misérables les conditions d’existence des travailleurs. Pour prévenir et contenir la révolte des masses laborieuses et pour préparer la guerre, en assurant ses arrières, la bourgeoisie, à l’échelle internationale, a besoin du fascisme.
En France, la courbe de la production s’est de nouveau abaissée, retombant au point le plus bas enregistre en 1932. Le chômage est plus grand que l’année dernière. Malgré les restrictions de toute nature, imposées depuis trois années aux ouvriers, aux petits fonctionnaires, aux paysans, aux boutiquiers, le déficit du budget de l’État subsiste et s’aggrave. 15 milliards furent déjà rognés sur les traitements, les pensions, les allocations, les secours, les crédits utiles à la collectivité.
Mais, d’une part, les rentrées d’impôts diminuent constamment en raison de la crise économique, et, d’autre part, les budgets de guerre et de police s’enflent démesurément. Aussi le gouvernement Laval vient-il de décider à nouveau, par le moyen des décrets-lois, 11 milliards d’économies. Il réduit de 10 % les traitements des fonctionnaires, des employés et des ouvriers des grands services publics. Il prélevé 10 % sur les pensions des anciens combattants et victimes de la guerre et sur les retraites versées aux anciens fonctionnaires. Il ampute de 10 % le coupon des petits rentiers.
Une puissante vague de mécontentement se lève dans le pays. À Paris et en province, malgré les interdictions, les arrestations, les licenciements, les manifestations se multiplient, imposantes et combatives.
La poussée révolutionnaire grandit. L’influence communiste se développe. C’est pourquoi la bourgeoisie française s’oriente vers la dictature fasciste, arme et excite ses bandes mercenaires. C’est pourquoi le président Laval tolère, encourage et même légalise les Croix de feu, au moment où le Front populaire en demande le désarmement et la dissolution.
En outre, certains milieux de la grande bourgeoisie combattent le pacte d’assistance mutuelle franco-soviétique. Ils mènent campagne contre l’Union soviétique et le communisme en général. Ils préconisent un rapprochement avec l’Allemagne hitlérienne.
Ils s’appuient sur les éléments les plus réactionnaires et sur les groupements fascistes, dont les hommes ont conversé avec Hitler. Ils ont même trouve, pour sa honte, un porte-parole en la personne du renégat Doriot.
Comme nous le montrerons plus complétement tout à l’heure, le fascisme présente en France cette originalité, par rapport à d’autres pays, d’un développement moindre a la campagne. Il a recruté jusqu’alors beaucoup plus dans les villes, parmi les employés et les cadres de maîtrise des grandes entreprises et des administrations, parmi les boutiquiers et les gens de professions libérales que parmi les paysans, malgré les gros efforts qu’il fait dans les villages.
Cela tient, comme nous le verrons, à des conditions historiques et politiques, et notamment au fait que la France est, depuis la Révolution de 1789, un pays de vieille démocratie bourgeoise.
En analysant les conditions générales et particulières du développement fasciste, on doit accorder une attention toute particulière aux causes subjectives qui ont permis la victoire momentanée du fascisme dans plusieurs pays. Ce sont surtout l’isolement de la classe ouvrière, ou son influence insuffisante sur les classes moyennes entraînées par le fascisme et placées sous la direction politique de la grande bourgeoisie, et la division de la classe ouvrière provoquée et entretenue par la politique réformiste de la social-démocratie.
Le déroulement des événements en Allemagne, où l’on a connu plusieurs gouvernements purement socialistes ou de coalition, en Autriche, en Espagne, où des ministres socialistes siégèrent également dans les conseils du gouvernement, illustre particulièrement cette réalité tragique. L’accord de la social-démocratie avec la bourgeoisie avait pour complément le refus obstine du front unique avec les communistes.
La lutte armée des prolétaires d’Autriche et d’Espagne, les combats de Vienne et des Asturies, s’ils n’ont pu empêcher la victoire du fascisme, ont toutefois détermine l’élargissement du front unique. Les prolétaires communistes et socialistes ont mêlé leur sang dans la lutte contre l’ennemi commun pour la même grande et noble cause de la libération de la classe ouvrière. Les événements d’Allemagne, d’Autriche, d’Espagne ont éclairé soudainement la voie à une masse considérable de nos frères socialistes.
Ils leur ont ouvert les yeux sur une autre politique, sur la politique de Marx, d’Engels, de Lénine, de Staline, sur la politique de l’Internationale communiste.
Quel contraste saisissant entre les résultats des deux politiques, des deux voies proposées à la classe ouvrière, l’une par la social-démocratie, l’autre par l’Internationale communiste:
D’un cote, la défaite, le fascisme et son cortège d’horreurs: la crise économique et ses conséquences redoutables pour la classe ouvrière, le chômage, la misère, la famine, la dégradation de l’homme, et au-dessus de ce sombre tableau, la course folle aux armements, la préparation d’une guerre effroyable qui plongerait le monde dans un abîme de ruines et de sang.
De l’autre cote, l’édification victorieuse du socialisme, les miracles de l’industrialisation, de la collectivisation, le bien-être, l’épanouissement culturel d’un peuple libre, la joie de vivre retrouvée dans l’amour du travail créateur, un monde nouveau qui exalte la personnalité en élevant la collectivité, le pays des Soviets qui lutte pour la paix.
Gloire au Parti bolchévik! Gloire à Lénine qui a conduit la classe ouvrière au pouvoir sur un sixième du globe, et trace la voie dans laquelle nous marchons! Gloire à Staline, notre chef aime, qui a donné des solutions géniales aux problèmes de l’édification socialiste en URSS et qui conduit à la victoire le prolétariat international!
L’Union soviétique, par sa seule existence, met à nu et accentue les contradictions internes et externes du capitalisme. Elle aiguise et approfondit la crise générale du capitalisme. Elle est le levier de la révolution prolétarienne dans le monde. Par son exemple vivant, elle gagne les ouvriers et les masses laborieuses à la cause du socialisme; elle les encourage à la lutte révolutionnaire sous la direction des Partis communistes.
C’est dans ces conditions générales de l’offensive du fascisme et de la croissance parallèle des forces de la révolution, sous l’influence de l’Union soviétique, que la résistance des masses, l’ampleur du mouvement antifasciste en France acquièrent une grande signification internationale.
L’accession de Hitler au pouvoir en Allemagne a galvanise les forces de réaction dans tous les pays du capitalisme. En Autriche, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en France même, le succès du national-socialisme, tout en secouant la classe ouvrière, a renforcé les éléments et les tendances fascistes, et fortifié le fascisme là où il est au pouvoir. En même temps grandissait la menace d’une nouvelle guerre impérialiste et de l’agression contre l’Union soviétique.
Les succès de notre lutte antifasciste en France galvanisent les forces de la classe ouvrière et de l’antifascisme dans tous les pays capitalistes, en même temps qu’ils contribuent à éloigner la guerre impérialiste et à empêcher l’agression contre l’Union soviétique.
L’ampleur et l’élan du mouvement antifasciste en France modifient, dans une certaine mesure, le rapport des forces a l’échelle internationale en faveur du camp de la révolution prolétarienne.
II. Les leçons de l’expérience internationale
Avant de parler du déroulement de la bataille entre le fascisme et la classe ouvrière en France, il me paraît utile de souligner combien les travailleurs de France ont été instruits par les leçons douloureuses et l’expérience internationale, et particulièrement, par les événements d’Allemagne.
Le camarade Dimitrov a expliqué dans son rapport que les Partis communistes n’avaient pas été assez forts pour entraîner contre le fascisme la classe ouvrière et tous les travailleurs divisés par la politique néfaste de la social-démocratie.
Beaucoup de faiblesses et de lacunes de la lutte antifasciste dans d’autres pays eurent pour origine une appréciation inexacte du fascisme, et, tout au moins, une confusion sur le contenu spécifique du fascisme par rapport à la démocratie bourgeoise. Il ne pouvait résulter de cette erreur fondamentale que la passivité, la sous-estimation du danger fasciste et de la menace terrible qu’il fait peser sur tous les peuples, tant par l’exercice de sa dictature bestiale que par sa politique extérieure d’aventures et de provocations qui conduit directement à la guerre.
Lorsqu’on disait à tout bout de champ: « Le fascisme est là » pour caractériser le moindre fait de la répression, on ne donnait pas une analyse juste des événements, de leur développement.
On ne facilitait pas aux ouvriers la compréhension du danger fasciste et des méthodes à employer pour le faire reculer. Quand Neumann écrivait dans la Rote Fahne que « le gouvernement Brüning, c’était la dictature fasciste », il désorientait nos camarades d’Allemagne, il gênait le Parti communiste d’Allemagne dans son effort pour rassembler tous les travailleurs contre leur pire ennemi, le fascisme hitlérien.
L’incompréhension du rôle du fascisme qui est à la fois le produit de la décomposition capitaliste et l’instrument de l’offensive brutale et violente du Capital contre la classe ouvrière, conduisit aussi à un certain fatalisme.
A la XIe assemblée plénière, en mars 1931, le camarade Manouilski a dénoncé l’erreur monstrueuse de ceux, qui, n’apercevant que le premier de ces éléments, « auraient attribué au fascisme un rôle exclusivement révolutionnaire [2] ».
Le camarade Ercoli [3] a exposé à la XIIe assemblée plénière du Comité exécutif de l’Internationale communiste combien il pouvait être dangereux de s’attendre à un effondrement automatique et rapide du fascisme, lorsqu’il se serait empare du pouvoir. Une position analogue de notre Parti communiste d’Italie, ou les tendances sectaires dominèrent longtemps, ne lui permit pas d’agir efficacement lors de l’assassinat de Matteotti [4].
D’autres faiblesses ou défauts provenaient d’une appréciation superficielle, et forcement inexacte du développement de la lutte, de la corrélation des forces des classes, des épisodes de progrès et de recul du fascisme et des phénomènes de différenciation et de regroupement qui s’opéraient en son sein. « L’action politique ne ressemble en rien au trottoir de la perspective Nevski », aimait à répéter Lénine [5]. La marche de la contre-révolution, en conséquence, n’est pas non plus uniforme.
Elle présente des zigzags, des hauts et des bas; dans les périodes d’ascension, le fascisme a tendance à se consolider. Par contre, dans les phases de piétinement, ou parfois de recul d’influence, sous la pression des masses révolutionnaires, il peut connaître des tiraillements, des luttes intérieures, des abandons. Dans ces derniers cas, il ne faut pas se hâter de proclamer que « le fascisme est déjà battu », ni d’exagérer les dissensions intérieures et même quelques symptômes de désagrégation.
La faiblesse capitale, ce fut dans plusieurs pays, et surtout en Allemagne, l’absence du front unique de lutte de la classe ouvrière contre le fascisme, La social-démocratie allemande a préféré s’ensevelir elle-même sous les ruines de la République de Weimar plutôt que de consentir à l’unité de front de la classe ouvrière. Malheureusement, les directives de Thaelmann et du Comité central du Parti communiste d’Allemagne pour l’organisation du front unique n’ont pas été pleinement réalisées.
La crise de la social-démocratie, le recul de son influence et de ses effectifs organises, le désarroi dans les masses ouvrières ne sont pas toujours apprécies de façon juste. Dans la mesure où les prolétaires ne sont pas gagnés au front unique, c’est un affaiblissement de la classe ouvrière dont profite le fascisme. Les progrès si importants de notre Parti frère d’Allemagne, qui était parvenu à recueillir 6 millions de suffrages, étaient moindres que ceux des nationaux-socialistes.
De tels faits se sont reproduits récemment dans les régions allemandes de Tchécoslovaquie. Notre Parti communiste tchèque a remporté une grande victoire électorale dans les pays tchèque et slovaque et en Ukraine subkarpatique[6]. Dans les régions de langue allemande, c’est le parti pronazi de Heinlein qui a dévoré les partis bourgeois, et, dans une grande mesure, la social-démocratie, et qui nous a fait reculer.
Les autres faiblesses essentielles ont consisté dans l’insuffisance de l’attention accordée aux revendications partielles des masses laborieuses, principalement aux besoins des classes moyennes qui devenaient une proie facile offerte a la démagogie du fascisme.
Enfin, il y eut parfois quelques hésitations à décider et à réaliser au moment opportun l’action, qui peut seule entraîner les masses et faire pencher du côté de la classe ouvrière le plateau de la balance.
III. La marche de l’offensive du fascisme et de la résistance des masses en France
Dans son ouvrage remarquable: les Luttes de classes en France, Marx a écrit que la révolution organise la contre-révolution et que, par une application des lois de la dialectique, la contre-révolution à son tour arme la révolution en lui donnant un véritable parti révolutionnaire mûri dans la bataille contre l’adversaire.
La thèse de Marx permet de mieux saisir les étapes et les aspects du développement du fascisme en France et de la résistance croissante des masses a l’offensive du fascisme.
Les premiers groupements de caractère nettement fasciste apparurent en France à la fin de 1924, à la suite de la manifestation puissante qui accompagna la dépouille de Jaurès de la Chambre des députes au Panthéon. Nous étions à l’époque du premier cartel, c’est-à-dire des gouvernements radicaux soutenus par le parti socialiste. À la suite de la campagne courageuse menée par notre Parti contre l’occupation de la Ruhr et contre le gouvernement Poincaré, l’influence communiste était en progrès.
La bourgeoisie finança l’organisation de détachements de combat contre la classe ouvrière. Cette première tentative avorta, tant en raison de la situation générale que de la riposte vigoureuse du Parti. À l’activité des ligues répondit une plus grande activité du Parti communiste.
Nous avons alors lutte seuls a la tête des travailleurs contre la guerre du Maroc [7], puis contre l’“expérience Poincaré” [8], réalisée en 1926 sur le dos des travailleurs.
En 1929, en présence de l’autorité grandissante du Parti, en raison des répercussions de ses campagnes, et dans une période ou l’impérialisme français était a la tête des ennemis jurés de l’Union soviétique et se préparait fébrilement à la guerre, une nouvelle attaque fut dirigée contre le Parti communiste et son journal l’Humanité. Les groupements fascistes reparurent sur la scène. Une caractéristique de cette période, c’est que les bourgeois de France ne se contentaient pas de pousser à l’organisation de ligues recrutant parmi les nationaux français, mais encourageaient et soutenaient les groupements d’émigres contre-révolutionnaires, de gardes-blancs, très nombreux à Paris.
À la faveur de l’arrestation des principaux dirigeants du Parti communiste, le groupe Barbé-Celor parvint à cette époque à s’emparer de la direction du Parti. Il engagea le mouvement révolutionnaire dans une voie sectaire qui facilita l’attaque de la bourgeoisie et aussi la trahison des leaders pupistes [9].
Le groupe Barbé-Celor ayant été démasque, sa politique opportuniste sectaire ayant été rejetée, le Parti entreprit une nouvelle marche en avant. En 1932, ce fut la période du deuxième cartel, coïncidant avec l’aggravation de la crise économique, le début de la crise financière et le déficit chronique du budget de l’État.
Ce fut aussi la période de l’offensive rapide du fascisme en Europe centrale. Le mécontentement croissant des masses et une juste politique revendicative du Parti communiste, facilitèrent le courant de front unique et d’unité syndicale. Le mouvement d’Amsterdam-Pleyel se développa avec succès à l’appel de Romain Rolland et d’Henri Barbusse.
À la fin de l’année 1933, un gros scandale financier ayant éclaté, les groupements fascistes tentèrent de l’utiliser pour mener campagne contre le Parlement et contre le parti radical qui se trouvait au gouvernement.
Les dirigeants des ligues fascistes, les politiciens réactionnaires s’efforcèrent de détourner du communisme et de canaliser au profit du Capital l’indignation légitime du peuple de France contre les escrocs et leurs complices: parlementaires, ministres, hauts magistrats, ambassadeurs, préfets et généraux en retraite, grands dignitaires de la Légion d’honneur. Ils menèrent une violente campagne de presse; ils tentèrent de multiples manifestations.
Le 6 février 1934, les chefs fascistes et réactionnaires lancèrent leurs troupes à l’assaut de la Chambre des députes. Ils ne purent réussir dans leur entreprise. La riposte de la classe ouvrière fut prompte et efficace.
Dès le 6, notre Parti avait organisé des contre-manifestations. Le 7, les faubourgs alertés étaient en pleine effervescence. Le gouvernement Daladier démissionna; l’ancien président de la République, Doumergue, fut appelé au pouvoir. Toutes les manifestations furent interdites. Le parti socialiste renonça à une manifestation qu’il avait annoncée pour le 8, place de la Bastille.
Le Parti communiste, passant outre à l’interdiction de la police, maintint la manifestation qu’il avait fixée au 9 février place de la République. Les petits-fils des communards, les prolétaires de Paris et de la banlieue rouge, répondirent sans hésiter à l’appel du Parti communiste. On se battit contre la police pendant 5 heures, aux cris de « les Soviets partout! À bas le fascisme! », sur un tiers de Paris, dans les quartiers de l’Est et autour de la place de la République.
De nombreux ouvriers socialistes avaient abandonné les locaux, où on les tenait confines, pour se joindre à leurs frères communistes. Les fonctionnaires autonomes descendirent en colonne le boulevard Magenta en direction de la République. Dix morts restèrent sur le pavé, parmi lesquels un cimentier confédère et plusieurs ouvriers sans-parti.
La bataille courageuse du Paris communiste électrisa la province ouvrière et paysanne. Ce fut le signal et l’exemple. Le 12 février, la grève générale, déclenchée par la CGT sous la pression de la CGTU et du Parti communiste, faisait sortir des entreprises 4 millions et demi d’ouvriers.
Les manifestations groupèrent pour la première fois, sur une grande échelle, des communistes, des socialistes, des unitaires et des confédères. On compta plus d’un million de manifestants dont 200 000 à Paris. Une même foule émue et ardente participa le 17 février aux obsèques des victimes. La classe ouvrière de France, influencée par l’action énergique du Parti communiste, avait repoussé le premier grand assaut du fascisme.
Mais Doumergue est au pouvoir. C’est l’Union nationale, une formation politique au service du grand Capital. Le gouvernement impose de lourds sacrifices aux travailleurs. Il favorise les agissements criminels de bandes fascistes qui essayent de gagner en influence après leur demi-échec de février.
Dans tout le pays, les tentatives de parades fascistes ou de réunions provoquent de vigoureuses contre-manifestations ouvrières. Une douzaine de travailleurs sont tués dans la bataille contre les fascistes armés et protégés par la police. Mais chaque victime tombée pour la cause rend plus farouche et plus ardente la volonté des ouvriers qui ne cèdent pas et gagnent du terrain.
Dans l’intervalle, le Pacte de lutte commune contre le fascisme est signe entre le Parti communiste et le parti socialiste. Les classes moyennes commencent à subir l’attraction de la classe ouvrière unie.
Aux élections cantonales, en octobre 1934, le Parti communiste remporte un éclatant succès et limite l’avance des partis de droite favorables au fascisme. Doumergue est contraint de démissionner.
Alors, face au progrès de l’influencée communiste et au développement de l’unité d’action, les groupements fascistes redoublent d’activité. Certains sont demeures à l’état de sectes, de bandes mercenaires, sans grande influence dans les masses. Les Croix de feu, au contraire, se sont développés et ils multiplient leurs exercices de guerre civile.
Pendant les dernières crises ministérielles, le colonel comte de la Rocque, président des Croix de Feu, déclara « qu’il y aurait du sport au cas où un gouvernement de gauche prendrait la direction des affaires ». Les menaces insolentes de la Rocque, les répétitions de futures expéditions punitives eurent pour résultat de rapprocher les radicaux du Front populaire. Ils donnèrent leur adhésion au rassemblement du 14 juillet.
Et maintenant la bataille va encore se développer et s’élever à un niveau supérieur, à la suite de l’effervescence provoquée par l’application des décrets-lois Laval.
Il y a actuellement un piétinement et parfois même un recul de l’influence du fascisme en France. On assiste à des polémiques entre les différents groupements fascistes, à des dissensions dans plusieurs de ces groupements. Les fascistes français ne sont pas parvenus à unifier entièrement leur mouvement. Les Camelots du roi se disputent avec les Jeunesses patriotes; les Francistes et la Solidarité française polémisent dans leur presse avec les Croix de feu, etc.
Le parti agraire n’a pas encore réussi a organiser le front paysan. Ses dirigeants ont un moment dénoncé le fasciste Dorgères qui agit pour le compte d’un clan de hobereaux et de gros propriétaires terriens. La Ligue des contribuables, dirigée par des réactionnaires, a subi une première scission et se trouve menacée d’une seconde, parce que sa direction, inféodée au grand Capital, prétend justifier les décrets-lois. De même chez les anciens combattants et dans les syndicats de petits commerçants, parmi ceux qui étaient derrière les groupements fascistes dans la soirée du 6 février, les chefs réactionnaires et profascistes sont souvent mis en difficulté par les adhérents de la base influences par le Parti communiste et le Front populaire.
Le camp réactionnaire connaît des défaillances et des abandons.
Autre fait assez important, parmi les catholiques des voix se sont élevées contre le fascisme et contre la pénétration fasciste dans les organisations catholiques. Des sections de la Jeunesse ouvrière chrétienne ont exclu de leurs rangs des membres des Jeunesses patriotes. L’attaque de Hitler contre les Églises n’est pas sans répercussion en France.
Le 27 juillet dernier, à Boulogne, dans la banlieue de Paris, une grande assemblée pour la libération de Thaelmann a groupé 10 000 assistants. À cette réunion, après les orateurs communiste et socialiste et l’ancien ministre radical Pierre Cot, un prêtre catholique est venu dénoncer les persécutions de Hitler et appeler à la lutte organisée contre le fascisme. Enfin, certains chefs réactionnaires, tel l’ancien président du Conseil Tardieu, professent un noir pessimisme. Il exhale publiquement sa rancoeur contre ses amis d’hier. Il blâme les uns et les autres; il les accuse tous de manquer de courage.
Mais, encore une fois, sous l’aiguillon de la nécessité, la grande bourgeoisie qui craint pour sa domination, pousse les chefs et les éléments les plus résolus et les plus combatifs du fascisme a un regroupement de leurs forces. C’est ce que fait apparaître le grand développement du mouvement des Croix de feu. Les Croix de feu, les Volontaires nationaux, se donnent maintenant plus de 300 000 membres. Ils ont constitué des sections subdivisées en groupes.
Leur chef, le colonel comte de la Rocque, dont le frère est attaché au service du prétendant au trône de France, est un ancien officier du service d’espionnage du 2e Bureau. Il a servi au Maroc, comme officier du service de renseignements. Il s’est fait mettre en congé pour entrer au service du trust de l’électricité, dans un emploi grassement rétribué. Devenu président du mouvement des Croix de feu, il l’orienta dans un sens nettement fasciste. Son programme tient dans la formule: Réconciliation française, amour de la patrie, réforme de la Constitution.
La traduction, c’est le mouvement des Croix de feu au service du Capital, contre la classe ouvrière. Sa démagogie anticapitaliste, antiparlementaire, antigouvernementale dissimule mal les points précis de son programme, telles que l’abrogation de la loi des assurances sociales et, en ce moment, l’acceptation des décrets-lois. Ses dirigeants sont au service de ceux qui les paient: le trust de l’électricité avec, à sa tête, Mercier [10], membre des Croix de feu; les grandes banques françaises avec, à leur tête, Finaly [11]; le Comite des Forges [12], et la Banque de France, avec de Wendel [13], porteur de la carte n°13 des Croix de feu.
Quelques mots sur les méthodes des Croix de feu. Ils ont créé des soupes populaires, des ouvroirs pour apprendre la couture aux jeunes filles, des vestiaires, des dispensaires pour soigner les malades, des services d’infirmières-visiteuses à domicile, des services d’assistantes sociales, des groupes d’enfants, des garderies d’enfants. Ils ont organisé des foyers de jeunes, des théâtres, des chorales, des salles d’éducation physique, des colonies de vacances. Ils ont même ouvert quelques ateliers de bricolage pour les jeunes chômeurs, sous prétexte d’apprentissage. Ils ont aménagé un solarium, des maisons de convalescence.
Les Croix de feu avaient installé une de leurs soupes à Villejuif, ville administrée par une municipalité communiste. Le Parti a recommandé aux chômeurs d’aller manger la soupe des Croix de feu, tout en manifestant contre les dirigeants fascistes. Pendant trois semaines, ce fut ainsi une lutte originale qui passionna les ouvriers dans tout le pays. Les chômeurs, communistes en tête, se rendaient à la soupe en chantant l’Internationale et en conspuant les Croix de feu, aux cris de « De la Rocque au poteau! »
Il n’est pas besoin d’ajouter que les Croix de feu n’ont pas continue longtemps à distribuer leurs soupes.
J’ai déjà rappelé un discours de la Rocque à Alger annonçant qu’il y aurait du sport en cas d’un gouvernement de gauche.
Voici une autre déclaration à Chartres, le 23 juin. Il dit, parlant dans un pré, la nuit à la lueur des torches, à la façon des hitleriens:
Mesurant toute la gravite de mes paroles, Croix de feu, je vous le dis: Vous faites ce soir votre veillée d’armes. Dans quelques semaines à peine, nos idées seront au pouvoir, je vous le jure. Employez activement le peu de temps qui nous reste à perfectionner vos sections de façon à ce qu’à mon ordre et à la minute que j’aurai choisie, tout soit prêt dans les moindres détails. Nous balayerons le parlementarisme …
Les fascistes mènent des campagnes chauvines contre les ouvriers étrangers, les « métèques ». Ils sont antisémites.
Ils préconisent par ailleurs l’entente avec Hitler. Ils essayent de s’entendre avec Hitler contre l’Union soviétique, contre le communisme.
Sans insister à nouveau sur les moyens matériels considérables dont disposent les Croix de feu, je voudrais dire encore quelques mots sur leurs méthodes. Dans un rayon de 100 kilomètres, les Croix de feu se rassemblent à un endroit déterminé. Le chef arrive de Paris en auto ou en avion. Lors de son voyage en Algérie, la Rocque passa en revue sur le terrain les équipages d’une trentaine d’appareils. Les Croix de feu sont lies aux officiers supérieurs et généraux et particulièrement à l’actuel ministre de l’Air. M. Laval a dû en faire l’aveu dans sa déclaration, lors de la clôture des Chambres. Les Croix de feu sont soutenus par l’Église, par le haut clergé.
Les fascistes français ont déjà assassine des travailleurs. Ils tiennent un langage cynique. Les fascistes ont distribué en Moselle un tract dans lequel on pouvait lire:
Le fascisme triomphera, même si nous devons leur ouvrir le ventre, leur bouffer le coeur et leur mettre les tripes au soleil.
Les groupements fascistes s’exercent ouvertement au tir. Ils ont molesté et blessé même des radicaux qui penchent vers le Front populaire.
La victoire du fascisme en France, ce serait l’écrasement économique et politique des masses laborieuses.
Ce serait pour les ouvriers des salaires de famine, la suppression de leurs maigres lois sociales, l’interdiction des grèves, de toute résistance à l’offensive économique du Capital, la destruction de nos syndicats, la dispersion ou la mise au pas de nos coopératives. Pour les fonctionnaires, ce serait les traitements réduits à néant, les licenciements, le caporalisme outrancier des administrations.
Déjà le gouvernement d’Union nationale a supprimé 5000 postes d’instituteurs laïques. La victoire du fascisme, ce serait les boutiquiers et les artisans livres sans défense a l’impitoyable exploitation du grand Capital, des propriétaires, des trusts, des compagnies de transports, de M. Mercier de l’électricité, de M. de Wendel du Comité des forges; les paysans sacrifiés aux intérêts, aux privilèges des capitalistes monopolisateurs, des financiers, la ruine complète de leurs entreprises. Ce serait les intellectuels brimés; déjà les plus grands savants comme Perrin, Langevin, subissent d’odieuses attaques, les professeurs sont attaqués vilement et bassement par les bandes fascistes.
Ce serait à l’exemple de l’Allemagne hitlérienne, les autodafés moyenâgeux, la suppression de toutes les Libertés, la terreur sanglante, la population totalement asservie, les militants de la classe ouvrière emprisonnés, assassinés, les communistes, les socialistes, les républicains et les démocrates frappés par le fascisme. Ce serait comme en Allemagne, après les Juifs, les catholiques et les protestants frappés par le fascisme.
Ce serait la catastrophe pour le pays, la réaction renforcée en Europe. Ce serait la guerre entre les peuples et l’agression de l’Union soviétique.
À tout prix, nous voulons éviter et empêcher une telle horreur pour notre pays, pour le monde entier.
Nous avons commencé. Comment nous y sommes-nous pris?
IV. La défense des revendications et des libertés du peuple de France
Le point de départ des succès de notre Parti dans l’organisation du front unique et du Front populaire contre le fascisme, ce fut l’attention accordée aux revendications immédiates des masses laborieuses, la défense de leurs intérêts quotidiens.
Le Parti conseille utilement par l’Internationale communiste, s’est efforcé de formuler les revendications intéressant chaque catégorie de travailleurs.
Surtout après la XIIe assemblée plénière, après la forte critique qui fut faite alors de notre activité, le Parti apporta le plus grand soin à l’élaboration des cahiers de revendications. Les documents, appels et résolutions du Comité central accordèrent une place prépondérante à l’exposé des revendications immédiates. Les comites régionaux et de rayons, les cellules de base furent aides et guides dans la voie du travail de masse et de la lutte revendicative.
Notre fraction parlementaire popularisa à la tribune de la Chambre les cahiers de revendications.
Nous avons lutte et nous luttons contre la diminution des salaires et des traitements, pour la semaine de 40 heures sans diminution du salaire, pour des contrats collectifs, pour de véritables assurances sociales garantissant tous les risques aux frais exclusifs du patronat et de l’État.
Nous avons lutte et nous luttons pour le travail aux chômeurs, pour leur inscription au fonds de chômage, l’augmentation des allocations versées aux sans-travail, pour l’organisation de soupes et de distributions de charbon, de vêtements et de lait aux enfants.
Dans nos municipalités communistes, nous avons accordé tout ce que nous pouvions aux chômeurs. Par exemple, à Ivry, une voiture municipale distribue à domicile le lait gratuit aux petits enfants des chômeurs. Les enfants plus âgés reçoivent gratuitement leur repas à la cantine scolaire. De tels exemples portes à la connaissance des ouvriers, notamment dans la région parisienne, ont beaucoup contribué à nos succès aux dernières élections.
Nous avons lutté pour la protection de l’enfance et de la jeunesse ouvrière. Notre Fédération de la jeunesse communiste a élaboré sous la direction du Comité central, un programme de défense de la jeunesse laborieuse qui est devenu la base du front unique de la jeunesse.
Nous avons lutté et nous luttons pour la défense des petits fonctionnaires, des cheminots, des postiers, contre les décrets-lois, contre les licenciements et les révocations.
Nous avons lutté et nous luttons pour la défense des droits des anciens combattants et des victimes de la guerre, contre la diminution de leurs pensions.
Nous avons lutté et nous luttons pour le soutien des intérêts des locataires, des boutiquiers, des artisans et des paysans. Nous avons réclamé la réduction des loyers et des baux, la diminution des impôts, l’organisation d’une aide immédiate à toutes les victimes de la crise.
Nous avons soutenu les paysans qui manifestaient contre l’avilissement des prix de leurs produits, nous avons proposé pour eux le moratoire des dettes, nous avons réclamé pour eux des secours de crise, des prêts sans intérêts, la distribution de semences et d’engrais.
Nous avons lutté et nous luttons contre la vie chère, pour entraîner les femmes travailleuses dans la bataille contre les gros intermédiaires, en prenant soin toutefois de ne pas dresser consommateurs contre paysans, ou contre petits boutiquiers, mais en les associant contre l’ennemi commun, le grand Capital.
Nous avons élaboré certaines revendications, mais nous n’avons pas hésité à reprendre à notre compte celles qui avaient été lancées par d’autres organisations, même hostiles au Parti communiste, pourvu que ces revendications correspondent au désir de certaines catégories sociales et qu’elles ne soient pas en contradiction avec les intérêts de la classe ouvrière. On ne peut mieux souligner le succès de notre politique revendicative qu’en citant l’extrait suivant d’un journal de Paris, la République [14], en date du 21 juillet 1935:
Les communistes perfectionnent chaque jour leur tactique; elle est simple, mais elle a une puissance d’attraction incontestable; on appuie systématiquement sur les mécontents. Y a-t-il un mécontent quelque part, on se précipite: « Camarade, les communistes sont avec toi. » Les anciens combattants sont-ils touchés par les décrets-lois? « Camarades, voici les communistes. » Les fonctionnaires le sont-ils? « Camarades, voici les communistes. » Les communistes sont derrière les fermiers, les métayers, les paysans en général, derrière les locataires. Et parce que toute la France est mécontente, les voilà les avocats du pays.
Nous avons fait plus que formuler des revendications urgentes des masses laborieuses. Nous avons indiqué les moyens de les financer sans aggraver le déficit du budget de l’État Nous avons même proposé nos solutions pour combler le déficit du budget. Nous avons proposé la réduction des budgets de guerre et de police, la récupération des avances consenties aux grandes banques qui dominent le gouvernement et la révision des marches de l’État. Nous avons surtout proposé un prélèvement extraordinaire et progressif sur le capital.
Toute notre campagne est menée sous le mot d’ordre: « Faire payer les riches. » Et non seulement nous avons mené campagne mais, dans la mesure où l’administration des grandes municipalités nous en donnait la possibilité, nous avons donné l’exemple.
L’État permet aux municipalités de prélever une taxe progressive sur les loyers à usage commercial et industriel. À Paris, cette taxe est fixée au taux invariable de 3 %. Nous, a Ivry, dans une municipalité communiste, nous avons institué la même taxe de la façon suivante: 1 % pour les loyers de moins de 10 000 francs, pour les petits commerçants; 2 % pour les loyers moyens de 10 000 à 20 000 et 6 % au-dessus de 20 000 francs. Cette taxe a fourni à notre budget local 1 275 000 francs, et c’est l’argent versé par les industriels d’Ivry qui a permis de donner le lait aux enfants des chômeurs.
Toute la presse a parlé de notre programme financier.
À plusieurs reprises dans des discours radiodiffusés, le président du Conseil, Doumergue, polemisa avec les communistes, critiquant nos propositions financières. Le Comité central édita une affiche: « Le Parti communiste répond à M. Doumergue », qui connut un succès sans précédent et qui fit par son contenu et son ton volontairement modéré une impression considérable sur les petites gens des classes moyennes.
Le Parti s’efforce de répondre à toutes les questions du moment, de présenter ses solutions à tous les problèmes actuels. Le Comité central a élaboré ces jours derniers un « plan de redressement financier ». Il a inscrit en tête sa proposition de prélèvement sur les grosses fortunes et différentes mesures contre les riches. Il a ajouté la mainmise de l’État sur la Banque de France et le contrôle des banques privées. En raison de la crise financière et de la spéculation sur le franc, le contrôle de la Banque de France est devenu actuel.
Marx a souligné autrefois l’intérêt qu’avaient les financiers et les banquiers au déficit du budget de l’État. Le déficit, les emprunts de l’État sont à la fois pour les banquiers l’objet de la spéculation, la source de leurs profits, et le moyen de dominer l’État, de le tenir à leur merci sous la menace constante de la banqueroute. Le président Daladier, radical, a déclaré dans un congrès de son parti:
Deux cents familles sont devenues maîtresses indiscutables non seulement de l’économie française, mais de la politique française.
Lénine avait écrit, citant Lysis [15]:
La République française est une monarchie financière. L’oligarchie financière s’exerce à fond: elle domine la presse et le gouvernement [16].
Les régents de la Banque de France sont parmi ces deux cents familles. Ils sont les possesseurs et les administrateurs des grandes banques, des mines, des hauts fourneaux, des chemins de fer. Le Parti communiste propose, parce que cela est déjà maintenant dans l’esprit des masses, la déchéance pure et simple de ce conseil de régence, maître du crédit et de la monnaie, et véritable détenteur du pouvoir dans le pays.
L’efficacité de notre proposition est soulignée par la colère des journaux réactionnaires et profascistes.
Un des éléments de notre succès dans l’organisation d’un large front antifasciste en France, c’est la position conséquente de notre Parti communiste dans la question de la démocratie bourgeoise et aussi l’utilisation des traditions révolutionnaires du peuple de France. Le fascisme et la démocratie bourgeoise sont deux formes de la dictature du Capital. Il ne s’ensuit pas que nous puissions être indifférents à l’une ou à l’autre de ces formes d’asservissement économique et politique.
Le fascisme, c’est la terreur sanglante contre la classe ouvrière, c’est la destruction des organisations ouvrières, la dissolution des syndicats de classe, l’interdiction des Partis communistes, l’arrestation massive des militants ouvriers et révolutionnaires, les tortures et l’assassinat des meilleurs fils de la classe ouvrière. Le fascisme, c’est le déchaînement de la bestialité, le retour aux pogroms du moyen âge, l’anéantissement de toute culture, le règne de l’ignorance et de la cruauté, c’est la guerre hideuse à laquelle conduisent les provocations incessantes et tous les actes de Hitler et de Mussolini.
La démocratie bourgeoise, c’est un minimum de libertés précaires, aléatoires, sans cesse réduites par la bourgeoisie au pouvoir, mais qui offrent toutefois à la classe ouvrière, aux masses laborieuses des possibilités de mobilisation et d’organisation contre le capitalisme. Dans son rapport au XVIIe congrès du Parti bolchévik, Staline ayant démontré que « l’idée de l’assaut contre le capitalisme mûrit dans la conscience des masses [17] », disait:
C’est ce qui explique, à proprement parler, le fait que les classes dominantes des pays capitalistes anéantissent scrupuleusement ou réduisent à néant les derniers vestiges du parlementarisme ou de la démocratie bourgeoise, vestiges pouvant être utilises par la classe ouvrière dans sa lutte contre les oppresseurs [18].
Staline, dans le passage rappelé hier par le camarade Dimitrov, montrait ensuite que le fascisme n’était pas seulement le signe de la faiblesse de la classe ouvrière, mais aussi celle de la bourgeoisie.
Staline nous a donné la clef des problèmes posés devant les Partis communistes, le nôtre en particulier. Il nous fait comprendre d’abord que le fascisme ne résulte pas de la simple volonté de la bourgeoisie. La bourgeoisie doit s’assurer ou se conserver une base de masse pour l’exercice de sa domination de classe. Elle est obligée, souligne Staline, de recourir aux méthodes du fascisme, uniquement en raison, de l’aggravation extrême de toutes les contradictions du système capitaliste.
Staline nous fait comprendre, dès lors, l’enjeu d’une lutte conséquente pour conserver à la classe ouvrière et, en général, aux masses laborieuses, les libertés démocratiques, les restes de la démocratie bourgeoise qui peuvent être utilises contre l’ennemi capitaliste et son instrument fasciste.
La classe ouvrière de France a conscience de ces indications de Staline, chef du prolétariat international. Instruite et guidée par le Parti communiste, la classe ouvrière de France a également conscience des larges possibilités de mobilisation des classes moyennes que lui offre la défense, contre le fascisme, des libertés auxquelles est profondément attaché le peuple de France. Le camarade Dimitrov a dit justement qu’il ne fallait pas fermer les yeux sur la limitation réactionnaire croissante de la démocratie bourgeoise, sur le procès de fascisation de l’État, sur la nécessité de lutter pied à pied pour chaque possibilité, pour chaque liberté de la classe ouvrière. Nous bénéficions sans aucun doute, sous ce rapport, de conditions objectives favorables.
La France est un pays de vieille démocratie bourgeoise, le pays classique de la révolution bourgeoise. La classe ouvrière a participé à plusieurs révolutions, la Commune de Paris a été le premier exemple de la dictature du prolétariat.
Le paysan de France a en horreur les descendants et les successeurs des anciens féodaux. Il déteste le châtelain, le curé et le ci-devant noble.
Il sait que la grande Révolution lui a donné la terre. En 1848, le paysan n’a pas compris la IIe République et il s’est jeté dans les bras de Louis Bonaparte parce que la grande bourgeoisie, l’aristocratie financière, l’avaient, dès le début de la révolution de Février, frappé de nouveaux impôts, grevé d’hypothèques et par conséquent menacé dans la propriété de sa parcelle.
Par la suite, sous la IIIe République, le paysan de France, qui forme encore la masse la plus nombreuse de la population de notre pays, a bénéficié d’avantages certains.
La bourgeoisie, jusqu’à ces derniers temps, l’avait ménagé. Il avait l’illusion, par le suffrage universel, d’être le souverain du pays. En fait, il était et reste l’arbitre de la situation.
Le paysan de France est républicain. Ce n’est pas un mot. Il a suffi que l’agitateur fasciste Dorgères soit démasqué comme un royaliste pour que les paysans de la circonscription de Blois, cependant très mécontents des gouvernants, le battent dans une élection législative partielle.
Notre Parti communiste n’a pas hésité à utiliser les traditions révolutionnaires. Engels, dans une lettre à Joseph Bloch en date du 21 septembre 1890, écrit:
Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif [19].
La bourgeoisie s’était, jusqu’alors, servie de ces traditions contre la classe ouvrière pour justifier et consolider sa domination. Maintenant les traditions révolutionnaires deviennent une arme complémentaire entre les mains de la classe ouvrière dans sa lutte contre l’État bourgeois sous sa forme fasciste. Nous puisons dans le passé pour préparer notre avenir.
Nous revendiquons, au nom de la classe ouvrière, l’héritage intellectuel et révolutionnaire des encyclopédistes du XVIIIe siècle qui préparèrent, par leurs écrits et leurs travaux, la grande Révolution de 1789. Nous montrons que leur doctrine matérialiste, approfondie, développée, enrichie par le génie de Marx, Engels, Lénine, Staline, est devenue le matérialisme dialectique, le marxisme-léninisme, la théorie et la pratique du prolétariat révolutionnaire, le grand bâtisseur du socialisme, déjà maître du pouvoir sur un sixième du globe.
Nous montrons comment les prolétaires communistes, attentifs à la recommandation de Lénine, cherchent « à s’assimiler les connaissances accumulées par la science humaine [20] ».
Et cela au moment où la bourgeoisie et particulièrement le fascisme prétendent nous ramener à la barbarie des siècles révolus, délaissent l’oeuvre des encyclopédistes, condamnent le matérialisme, refusent d’enseigner les théories de Darwin, brûlent les oeuvres de Marx et entretiennent la crédulité, la superstition et l’abrutissement.
Nous revendiquons, au nom de la classe ouvrière, l’héritage d’audace et d’énergie révolutionnaire des Jacobins. Lénine disait souvent: « Les bolchéviks sont les Jacobins de la révolution prolétarienne. » Il écrivait [21]:
Les historiens de la bourgeoisie voient dans le jacobinisme une chute. Les historiens du prolétariat y voient un des points culminants que la classe opprimée atteint dans la lutte pour son émancipation. Les Jacobins ont donné à la France les meilleurs exemples de révolution démocratique et de riposte à la coalition des monarques contre la République.
Le propre de la bourgeoisie est d’exécrer le jacobinisme. Le propre de la petite bourgeoisie est de le craindre. Les ouvriers conscients et les travailleurs croient au passage du pouvoir à la classe révolutionnaire opprimée, car c’est le fond même du jacobinisme, la seule issue à la crise, la seule façon d’en finir avec la ruine et la guerre.
Nous exaltons le souvenir de la Commune, celle de 1793 et de la Commune de Paris de 1871. Contre le chauvinisme du fascisme et le patriotisme des marchands de canons, nous proclamons notre amour du pays, de notre peuple.
Nous disons notre fierté de son passe de luttes séculaires contre l’esclavage et l’oppression. Et nous, arrière-petits-fils des sans-culottes de 1792, des soldats de Valmy, nous dénions aux aristocrates, aux descendants des émigres de Coblence, à M. le colonel de la Rocque, président des Croix de feu, dont l’arrière-grand-père était à l’armée de Condé et du roi de Prusse, nous leur dénions le droit de parler au nom de notre pays.
Nous les dénonçons comme les traîtres d’hier et de demain, prêts comme leurs aïeux autrefois, comme les gardes-blancs russes aujourd’hui, à porter les armes contre leur pays pour conserver ou recouvrer leurs privilèges et leurs profits.
La conférence nationale d’Ivry, qui s’est tenue, il y a déjà plus d’un an, en juin 1934, orienta hardiment le Parti dans ce sens, selon la thèse développée hier si brillamment par le camarade Dimitrov. Nous avons tenu ce langage à la tribune de la Chambre et dans nos meetings. Nous avons développé la même pensée dans nos affiches, nos articles, dans tout notre matériel.
Nous luttons d’ailleurs avec encore plus d’énergie pour le droit à la libre disposition des peuples d’Alsace et de Lorraine, pour l’indépendance des peuples coloniaux de l’Afrique du Nord et de l’Indochine que nous soutenons de toutes nos forces dans leur lutte contre l’impérialisme français.
En Algérie, sous l’influence de notre politique, les ouvriers arabes, soutenus, encourages par les travailleurs européens, ont répondu par de grandes manifestations à la démonstration des Croix de feu. En France même, nous sommes parvenus à nous entendre, contre les décrets Régnier [22] qui frappent le peuple d’Algérie, avec de nombreux groupements et personnalités.
La presse réactionnaire a fulmine contre la présence du drapeau tricolore a côte du drapeau rouge en tête de la démonstration du 14 juillet. La bourgeoisie réactionnaire comprend très bien que c’est le signe de l’alliance entre la petite bourgeoisie et la classe ouvrière, alliance qu’elle craint plus que tout. Nous ne voulons pas laisser au fascisme le drapeau de la grande Révolution, ni même la Marseillaise des soldats de la Convention.
Quand notre camarade Duclos a lu la déclaration du Parti communiste au rassemblement de Buffalo, le 14 juillet au matin, il a expliqué ce que représentait pour nous la Marseillaise, hymne du passe, et l’Internationale, hymne de l’avenir. L’assistance s’est levée et a chanté un couplet de la Marseillaise et un couplet de l’Internationale, en l’honneur du représentant du Parti communiste.
Nous nous sommes, dès l’année dernière, adressés aux soldats fils du peuple et aux officiers républicains. Nous avons dit notre espoir qu’ils ne se laisseraient pas entraîner contre le peuple; qu’ils sauraient, le cas échéant, déjouer le complot que des officiers et des généraux réactionnaires et fascistes préparent contre les libertés populaires et contre le pays. Le 14 juillet, au rassemblement du Front populaire, un député radical a parlé en des termes que je vous demande la permission de citer tant ils répondent à la pensée exprimée hier par notre camarade Dimitrov:
Les républicains savent qu’ils peuvent compter sur le loyalisme de l’armée, expression de la force publique ‑ de l’armée formée des fils du peuple entier ‑ pour donner un démenti a tous ceux qui tenteraient d’en faire un instrument pour l’ambition d’un homme ou pour celle d’une minorité de factieux. Ils saluent dans les armées de terre, de mer et de l’air ‑ officiers, sous-officiers, soldats et marins ‑ les forces nationales constituées pour la défense de la liberté.
Nous nous présentons aux masses populaires comme les champions de la liberté et de l’indépendance du pays, comme les représentants des intérêts actuels et futurs du peuple de France. Le ton même de nos campagnes, de nos discours, articles, affiches, exprime cette conscience de la mission historique de la classe ouvrière organisée et dirigée par son parti révolutionnaire.
C’est cette politique qui a permis au Parti communiste français de provoquer, stimuler et influencer efficacement un mouvement de masses d’une ampleur considérable.
Des éléments de la classe ouvrière jusqu’alors passifs ont été appelés à la vie politique. Des couches importantes de la petite bourgeoisie ont été entraînées à la lutte contre le fascisme. Il existe, naturellement, des intérêts particuliers, divers, parfois contradictoires, entre toutes les catégories et éléments sociaux unis sous le signe du Front populaire.
Il en résulte que le Parti doit savoir faire aboutir les revendications matérielles de toutes ces couches, influencer idéologiquement et politiquement et organiser tout le mouvement en se plaçant au point de vue du prolétariat qui représente les intérêts de tout le peuple travailleur de France. Formuler les revendications n’est pas suffisant, c’est un premier pas. Il nous faut, nous nous en rendons compte, arracher par l’action de masse des succès même minimes.
Nous devons, en outre, formuler des mots d’ordre et des propositions qui élèvent le mouvement. Nous sommes le Parti du prolétariat, de la classe la plus exploitée et aussi la plus homogène, la plus révolutionnaire, celle qui n’attend sa complète libération que d’une transformation complète de la société. Le Parti communiste, parti de la classe ouvrière, armé de la théorie marxiste-léniniste, est seul en mesure d’appliquer une politique conséquente, qui a fait ses preuves magnifiques dans l’Union soviétique.
Il n’en est pas de même pour nos amis et allies. La petite bourgeoisie commerçante et rurale hait le Capital et surtout les banquiers, détenteurs du crédit; mais elle croit à l’existence éternelle de sa propriété et même à la possibilité de l’arrondir. Les représentants des professions libérales, les fonctionnaires des cadres moyens et supérieurs ont des illusions et des préjugés d’un autre genre. Ils croient que la société actuelle peut être améliorée graduellement et pacifiquement. Parmi tous ces éléments, un grain de chauvinisme se mêle parfois à l’antifascisme.
Le fascisme leur apparaît essentiellement sous les aspects de Hitler et des bandes nazies. Les partis et les groupements s’appuyant sur les classes moyennes reflètent inévitablement leurs illusions et leurs préjugés. Ils ne sauraient mener une politique conséquente, ils oscillent fréquemment. Nous nous efforçons de leur démontrer que le succès du mouvement antifasciste, du Front populaire ne sera garanti que dans la mesure où les masses laborieuses, non prolétariennes, se grouperont autour de la classe ouvrière.
Comment faciliter cette marche de la petite bourgeoisie vers les positions de la classe ouvrière?
En montrant que la classe ouvrière est capable de diriger la lutte générale et en faisant la preuve de ses propres forces. C’est ainsi que le camarade Manouilski a répondu à cette question dans son discours de clôture à la XIe assemblée plénière du Comité exécutif de l’Internationale communiste:
Le prolétariat ne peut conquérir ses allies qu’en faisant la démonstration de sa force et de la force de son avant-garde: le Parti communiste [23].
Les masses populaires de la ville et des champs, les classes moyennes, et en particulier les paysans, jouent incontestablement un rôle historique très important. Mais, cependant, ce rôle n’est jamais indépendant, soit qu’elles tombent sous l’influence de la grande bourgeoisie, du Capital, et deviennent l’instrument de sa politique, soit qu’elles s’allient à la classe ouvrière.
Dans le premier cas, les résultats sont un renforcement de l’exploitation et de l’oppression de tous les travailleurs et à notre époque du fascisme. C’est ce que montrent les expériences de la France en 1848‑1852, de l’Allemagne de 1918 à 1933, de l’Espagne depuis 1931.
Dans le deuxième cas, les résultats sont la fin de l’exploitation et de l’oppression du peuple, l’épanouissement de la démocratie et des libertés populaires. C’est ce que prouve de façon éclatante l’expérience de l’Union soviétique.
Enfin, notre Parti communiste doit « dépenser des trésors d’organisation » pour unifier et consolider le mouvement populaire antifasciste.
Malgré de réels progrès, l’organisation reste notre point faible. Les comités de front unique se comptent par milliers. Le mouvement d’Amsterdam, sous la: direction attentive de Barbusse, rayonne à lui seul sur 2 000 comités. Mais c’est encore bien insuffisant.
En outre, beaucoup de comités sont constitués simplement au sommet par la réunion des représentants des organisations participantes. L’effort du Parti doit tendre vers l’élection démocratique de comités à la base dans les usines, dans les assemblées de village et de quartier. L’expérience nous a déjà appris qu’en ce domaine on doit faire appel à l’initiative des masses qui ont déjà trouvé pour se grouper les formes les plus variées.
V. L’organisation du front populaire
Notre Parti, en menant activement la politique de masse que je viens d’esquisser, en s’intéressant aux revendications de toutes les couches laborieuses, en prenant position sur toutes les questions, a réussi à faire triompher dans tout le pays le Front populaire. Nous sommes parvenus à étendre dans une mesure considérable le rayonnement de notre influence sur la classe ouvrière et sur les petites gens des classes moyennes.
Quand le Comité central a conçu l’idée du Front populaire et qu’il en a fixé le programme, en octobre 1934, nous ne pouvions imaginer combien les succès en seraient rapides.
Nous avons d’abord fait part de nos intentions au parti socialiste. Puis, sans attendre une réponse, qui tarda longtemps, nous avons posé la question dans un grand meeting central, dès le lendemain de notre entrevue avec les représentants du parti socialiste.
Le Parti mena une campagne soutenue dans la presse, par affiches, dans les meetings et à la tribune de la Chambre. À la veille de chacun des deux congrès du parti radical, à Nantes, en octobre, et à Lyon en mars, le Parti communiste organisa de grands meetings où les représentants du Comité central exposèrent notre conception du Front populaire, en s’adressant tout particulièrement aux délégués radicaux.
Une longue discussion publique s’engagea avec le parti socialiste. Mais les ouvriers et les petites gens acclamaient le Front populaire. La formule et son contenu triomphèrent dans les masses au cours des dernières élections municipales. Les adversaires bourgeois fascistes eux-mêmes n’emploient plus d’autre expression pour désigner le large rassemblement antifasciste qui s’opère peu à peu sous l’influence de notre politique.
À la fin du mois de mai, le Parti décida d’étendre encore le Front populaire et de s’adresser aux partis de gauche en vue d’une action contre les ligues fascistes, pour déposer au Parlement une résolution exigeant du gouvernement le désarmement et la dissolution des ligues fascistes.
La fraction communiste, alors composée de 9 députes sur 615 que compte la Chambre, prit l’initiative d’une réunion des groupes parlementaires de gauche. Le parti socialiste, invité, s’associa à notre initiative.
Le parti radical, le parti républicain-socialiste, le parti socialiste de France (néo-socialiste), le groupe des indépendants de gauche et le groupe pupiste (compose de dissidents de notre Parti communiste) répondirent à la convocation. La réunion eut lieu le 30 mai. La discussion s’engagea sur la déclaration faite par le représentant du Parti communiste. Nous avons, nous communistes, avons-nous dit, la volonté de battre le fascisme. Les élections municipales et cantonales montrent que la majorité du pays est contre la politique dite d’Union nationale qui fraye la voie au fascisme.
Cette majorité peut trouver une expression ici même, à la Chambre, les groupes qui ont répondu à notre invitation constituant la majorité de cette Chambre. Si cette majorité veut appliquer un programme frappant les riches et les spéculateurs, soulageant les pauvres et les chômeurs, nous, communistes, nous soutiendrons cette mesure. Si cette majorité veut défendre les libertés démocratiques, non pas en paroles mais en prenant des mesures efficaces, telles que le désarmement et la dissolution des ligues fascistes, l’arrestation de leurs chefs, nous soutiendrons ces mesures.
Une telle politique, avons-nous ajoute, créerait, en outre, les conditions les meilleures pour le maintien de la paix et elle aurait notre appui non seulement au Parlement, mais dans tout le pays.
L’impression fut considérable. Nos déclarations furent renouvelées en séance publique, à la tribune de la Chambre.
Le soir même, le gouvernement Flandin était renverse.
Nous avions donné un peu plus d’audace aux députés radicaux.
Ensuite, toujours sur l’initiative des communistes, les groupes de gauche se réunirent à nouveau. Une discussion s’engagea sur l’éventualité d’un gouvernement de gauche. C’est notre Parti communiste qui animait les séances, posait les questions, précisant d’ailleurs qu’il n’entendait nullement participer à un gouvernement de gauche, mais déclarant qu’il était toujours prêt à appuyer des dispositions favorables aux masses laborieuses.
Le parti socialiste et le parti radical furent amenés à définir leur politique respective.
Dans l’intervalle, le gouvernement Bouisson [24] s’était constitué. Mais la poussée des masses, se reflétant dans l’attitude de la majorité des députés radicaux, élus par des paysans, fut telle que, le jour de sa présentation, Bouisson était renversé.
Et les séances de la délégation des gauches reprirent.
Le parti socialiste soumit comme base de son accord à une collaboration avec le parti radical un programme de socialisation dont je reparlerai encore et que le parti radical repoussa. Alors, notre Parti fit la déclaration suivante, rendue publique:
Le Parti communiste constate qu’à deux reprises la Chambre s’est prononcée contre les pleins pouvoirs qui mettraient en péril les libertés démocratiques et aggraveraient la situation des masses laborieuses.
Ces votes traduisent la volonté du pays, exprimée notamment dans les élections municipales et cantonales, de mettre fin à la politique dite d’Union nationale, à laquelle sont sacrifies les intérêts les plus légitimes de la classe ouvrière et de tous les travailleurs.
Le Parti communiste, dont le programme fondamental comporte la socialisation des moyens de production et d’échange, qui sera réalisée par le gouvernement ouvrier et paysan, croit qu’il est possible et nécessaire, dans le moment actuel, d’appliquer une politique d’action positive, s’appuyant sur un large Front populaire.
Le Parti communiste, renouvelant ses déclarations antérieures concernant son attitude éventuelle à l’égard d’un gouvernement de gauche, rappelle qu’il est dispose à appuyer à la Chambre et dans le pays toutes mesures propres à assurer la sauvegarde du franc, la répression énergique de la spéculation, la protection des intérêts de la population laborieuse, la défense des libertés démocratiques, le désarmement et la dissolution des ligues fascistes et le maintien de la paix.
Le ministère Laval fut constitué entre-temps. Le Parti communiste avait joué un rôle de premier plan au cours des deux crises ministérielles. La presse réactionnaire et fasciste souligna de ses cris de colère le succès de notre tactique.
Le comité d’Amsterdam-Pleyel prit à ce moment l’initiative du rassemblement populaire du 14 juillet. Il reçut l’adhésion de nombreux groupements et organisations parmi lesquels la CGT et le parti radical. Le Comité exécutif du parti radical, convoqué spécialement à cet effet, fut unanime à une voix près dans sa décision.
Et maintenant? Le Parti a influencé, a entraîné vers la gauche, vers la classe ouvrière, des masses importantes des couches moyennes. S’appuyant sur la poussée des masses, le Parti communiste a contribué à jeter bas deux ministères successifs. De nouveaux problèmes vont se poser devant notre Parti. Il s’agit de l’éventualité d’un gouvernement du front unique ou du Front populaire antifasciste.
Certes, il ne saurait être question de combinaisons parlementaires analogues à celle de Brandler [25] en Saxe en 1923. Il ne s’agit pas non plus, d’un « gouvernement ouvrier », du genre de ceux que nous avons connus ou que nous connaissons encore, en Angleterre et dans tel ou tel pays scandinave; encore moins de ces gouvernements de coalition comme ceux auxquels participent ou ont participé les partis socialistes en Belgique, en Tchécoslovaquie et en Espagne.
Il ne s’agit pas de gérer les affaires de la bourgeoisie. Il s’agit de se battre contre le fascisme, de lui barrer à tout prix le chemin du pouvoir, en s’appuyant sur la poussée de masses et sur l’action extra-parlementaire.
Nous, communistes, nous luttons pour le pouvoir des Soviets, pour la dictature du prolétariat. Nous savons que c’est le seul moyen d’en finir à jamais avec la crise, la misère, le fascisme et la guerre. Mais nous savons aussi que pour l’instant une minorité seulement de la classe ouvrière et surtout une minorité seulement du peuple de France, partage notre conviction et se bat avec la ferme volonté d’établir le pouvoir des Soviets.
C’est pourquoi le pouvoir des Soviets ne peut constituer le but immédiat de notre lutte actuelle. Mais, tout en étant la minorité, nous pouvons et nous devons diriger la majorité du pays qui est résolue à éviter à tout prix l’établissement d’une dictature fasciste, nous pouvons et nous devons convaincre les masses, dans la lutte et sur la base de leur propre expérience, de la nécessité d’aboutir à la République des Soviets.
Le mécontentement qui s’accumule et se manifeste par de nombreuses démonstrations contre les décrets-lois peut exploser et aboutir au renversement du gouvernement Laval. Le développement du Front populaire, son renforcement constant peuvent l’amener à prendre la succession des gouvernements d’Union nationale.
Une nouvelle crise ministérielle signifiera le début d’une crise politique sérieuse. Laval aurait dit à Herriot: « Si je pars sur l’opposition des radicaux, les vacances parlementaires se termineront par une dictature des Croix de Feu. » Le Parti communiste, animateur du Front populaire, peut peser d’un poids décisif sur les événements.
Si le Front populaire manque de cohésion et de hardiesse, au gouvernement Laval, au gouvernement de l’Union nationale peut succéder une formation politique encore plus réactionnaire, peut même succéder une dictature fasciste. Il faut se souvenir des étapes qui ont conduit, par des voies en apparence légales, du gouvernement Müller au gouvernement Hitler en passant par Brüning, von Papen et von Schleicher.
Si, au contraire, le Parti communiste lance, propage, popularise et fait admettre à temps, dans les conditions où la crise révolutionnaire surgirait et s’aggraverait, un minimum de mesures de caractère transitoire qui puissent « ébranler davantage le pouvoir économique et politique de la bourgeoisie et augmenter les forces de la classe ouvrière », alors la poussée du mouvement des masses peut imposer la nécessité d’un gouvernement du Front populaire, que notre Parti appuierait et auquel il pourrait même participer le cas échéant.
La bataille antifasciste deviendrait encore plus rude, car l’assaut réactionnaire et fasciste serait brutal et immédiat. Mais le Front populaire et le Parti communiste auraient occupé de nouvelles positions, que nous aurions à utiliser pour préparer l’instauration du pouvoir des Soviets, de la dictature du prolétariat.
C’est sans doute une politique audacieuse qui exige beaucoup de fermeté et de prudence. Notre Parti peut la réaliser; il ne risque plus de se confondre ou d’être confondu avec les autres partis. Nous avons conquis de haute lutte, par quinze années de bataille, notre place, dans l’arène politique.
Non seulement le Parti communiste, ses membres et ses militants, et aussi ses sympathisants ont conscience de leur rôle unique, et des buts uniques, qu’ils poursuivent de façon absolument indépendante ‑ mais les allies et les adversaires du communisme reconnaissent désormais, chacun à leur façon, notre originalité prolétarienne et révolutionnaire, et ils tiennent compte de notre force et de notre activité propres.
Nous devons en particulier cette indépendance à l’application de la tactique « classe contre classe » qui nous a fait apparaître sur un plan absolument diffèrent, distinct de tous les autres partis, y compris du parti socialiste. Notre action du 9 février a été guidée par ces principes d’indépendance.
VI. La lutte pour l’unité de la classe ouvrière
L’Internationale communiste n’a pas cessé de combattre pour que se réalise le désir d’unité de la classe ouvrière. Elle n’a pas cessé de préconiser l’unité de lutte de tous les prolétaires. Elle s’est adressée vainement, depuis de nombreuses années a l’Internationale ouvrière socialiste en vue d’organiser le front unique dans tous les pays.
Le 5 mars 1933, l’Internationale communiste invitait les Partis communistes à s’adresser aux partis socialistes en vue de réaliser partout le bloc de tous les travailleurs contre les progrès menaçants de l’offensive du fascisme et d’assurer l’aide à nos frères d’Allemagne.
Le 10 octobre 1934, l’Internationale communiste s’adressait directement aux ouvriers socialistes et à leur direction, pour l’organisation urgente de l’action commune en faveur des ouvriers et des paysans d’Espagne attaques férocement par la réaction, les fascistes et les monarchistes.
Le 15 octobre 1934 eut lieu l’entrevue de Bruxelles, où, au nom de l’Internationale communiste, nous rencontrâmes, Cachin et moi, les représentants de l’Internationale ouvrière socialiste: Vandervelde et Friedrich Adler.
Alors que nous pressions les dirigeants de la social-démocratie internationale de répondre favorablement à notre proposition loyale et sérieuse, ils nous posèrent la question: « Est-ce une manoeuvre de grand style ou un changement de cours a Moscou? » Nous avons répliqué comme il convenait. Notre camarade Cachin disait [26]:
Je suis peiné de vous entendre parler de manoeuvres…
Nous sommes dans une Europe aux deux tiers fasciste; si demain le fascisme s’établit en Espagne [nous étions en pleine bataille des Asturies (M.T.)], quelle force, quelle puissance ne va-t-il pas acquérir et combien le fascisme en France ne va-t-il pas tirer de là un encouragement formidable? Combien partout dans l’univers le fascisme ne deviendra-t-il pas dangereux? Et penser alors que nous songerions à des manoeuvres, ce serait vraiment à l’heure actuelle avoir de nous une bien médiocre opinion. Le danger est là, le feu est dans nos maisons, la classe ouvrière est menacée partout de la manière la plus tragique.
Et j’ajoutai:
Je vous dirai très franchement, citoyen Adler, qu’il n’y a pas de nouveau cours, ni de manoeuvre de grand style du côté de Moscou. Il n’y a pas et il n’y aura pas de changement dans la politique de l’Internationale communiste… Nous considérons comme juste ce que nous avons fait.
J’ajoute même que nous considérons que l’expérience des bolchéviks, en contraste avec l’expérience des partis socialistes, dans d’autres pays, nous paraît désormais concluante, je dirai même décisive [27].
Vous connaissez les résultats: les délégués de la IIe Internationale ajournèrent leur réponse jusqu’à la tenue de la conférence de leur Internationale, réunie à Paris au mois de novembre. Cet ajournement équivalait à un refus. Et, à cette conférence, les délégués ne purent se mettre d’accord sur la teneur de leur réponse à l’Internationale communiste. Ils durent se borner à retirer, ainsi qu’ils se sont eux-mêmes exprimés dans leur lettre, leur résolution des 18 et 19 mars 1933, interdisant à leurs partis d’établir le front unique à l’échelle nationale. Désormais, écrivaient-ils, chaque parti socialiste reste libre d’agir à sa guise.
Nous avions remporté un premier grand succès.
Faut-il rappeler encore qu’au mois d’avril, notre Internationale communiste s’est adressée a nouveau à l’Internationale ouvrière socialiste pour lui demander d’organiser en commun les démonstrations du 1er mai, contre le fascisme et la guerre, cette fois encore en vain.
Cependant le front unique s’organisait peu à peu en France.
Depuis 1923, en douze années, nous nous sommes adresses 26 fois au parti socialiste.
Nous avions essuyé chaque fois un refus, parfois même grossier. Le premier pas sérieux fut réalisé en juillet 1932 avec le congrès d’Amsterdam. Au congrès d’Amsterdam, la délégation française comprenait de nombreux socialistes délégués officiellement par des sections, et même des fédérations. Malgré les sanctions et les exclusions dont furent l’objet les camarades socialistes, un contact fraternel s’établit dans les comités d’Amsterdam.
Au mois de mars 1933, lorsque, sur la base de la lettre de l’Internationale communiste, nous nous sommes adressés aux ouvriers socialistes et à leur direction, on ne nous a pas répondu directement, mais Blum s’employa dans une série d’articles à détourer son parti du front unique.
Mais déjà les événements internationaux, et notamment ceux d’Allemagne, influençaient l’état d’esprit des ouvriers socialistes.
Le 6 février 1934 donna l’élan décisif. Les ouvriers socialistes se jetèrent dans la bataille aux côtés des ouvriers communistes, participant à l’action décidée par notre Parti à Paris et en province.
Le 30 mai, nous nous adressions à la Commission administrative permanente du parti socialiste en lui demandant d’organiser en commun la lutte pour la libération de Thaelmann. Nous avions pour la première fois une entrevue avec Blum et Zyromski [28].
Après plusieurs semaines de réflexions, la direction du parti socialiste refusa une fois de plus le front unique. Mais, dans l’intervalle, la Fédération socialiste de la Seine avait accepté d’organiser et de participer le 8 juillet à une démonstration commune contre les Croix de Feu. Depuis, les initiatives communistes obtinrent de plus en plus la faveur des ouvriers socialistes. Le Conseil national socialiste, réuni le 15 juillet pour se prononcer sur notre proposition publique d’un Pacte de lutte commune contre la guerre et le fascisme, accepta enfin le front unique.
Vous connaissez le contenu du Pacte. Il s’agit d’organiser l’action en commun, de mettre en commun nos moyens d’organisation pour la lutte contre le fascisme. Nous avions proposé que l’action contre les décrets-lois comportât, en plus des moyens habituels d’agitation et des manifestations publiques, la préparation et le déclenchement de grèves. Nous avions proposé que le Parti communiste et le parti socialiste, ensemble, s’adressent aux deux centrales syndicales, CGT et CGTU.
Le parti socialiste a refusé. Pour conclure le pacte, nous avons fait une concession à propos de la critique, en nous inspirant de la lettre de l’Internationale communiste en date du 5 mai 1933. Nous avons souscrit au texte ci-après:
Au cours de cette action commune, les deux partis s’abstiendront réciproquement d’attaques et de critiques contre les organismes et les militants participant loyalement a l’action. Toutefois, chaque parti, en dehors de l’action commune, gardera son indépendance pour développer sa propagande sans injures ni outrages à l’égard de l’autre Parti et pour assurer son propre recrutement.
Le pacte a beaucoup donne à la classe ouvrière en France. Il a renforcé l’élan vers l’unité syndicale, il a permis d’entraîner plus efficacement les classes moyennes. Mais ce qu’il faut souligner c’est qu’avant comme depuis la signature du pacte, notre Parti à aucun moment n’a oublié que le contenu essentiel du front unique, c’est l’action.
Nous avons pris l’initiative de l’action le 9 février 1934. Puis le 10 février 1935, lorsque le Parti communiste a décidé seul d’inviter le prolétariat parisien à honorer la mémoire de ses morts du 9 février 1934. Nous avons ensuite propose au parti socialiste de participer à notre manifestation.
Nous avons également eu l’initiative, le 19 mai, cette année, à l’ occasion de la manifestation traditionnelle du Mur, organisée sous la direction du Comité central du Parti communiste. Sous l’influence d’éléments trotskisants, la Fédération socialiste de la Seine voulait nous engager, le 19 mai, à participer à une contre-manifestation contre les Croix de feu. Nous lui avons répondu: « Voilà notre décision. Si vous voulez aller au Mur des Fédérés le 19, c’est bon, vous aurez votre place dans le cortège.
Si vous ne voulez pas, nous irons au Mur sans vous. » Et la Fédération socialiste de la Seine a dû renoncer à son projet et se joindre à notre cortège. 200 000 travailleurs étaient au Mur sous la direction du Parti communiste.
Parallèlement a l’organisation du front unique à la base, nous nous sommes efforcés de développer la lutte pour l’unité syndicale. La prochaine étape de l’organisation de l’unité de la classe ouvrière en France doit être la réalisation de l’unité syndicale.
Je veux souligner combien, grâce au front unique, nous avons pu avancer dans la voie de l’unité syndicale, et cela malgré la grande résistance de certains dirigeants réformistes. 700 syndicats uniques ont été créés. Les unions de réseaux de cheminots ‑ à l’exception de deux ‑ se sont unifiées. Des unions locales uniques et des unions départementales uniques ont été constituées.
La direction de la CGT a dû accepter de reprendre la discussion avec les représentants de la CGTU en vue de la réalisation de l’unité syndicale.
Une très grande responsabilité pèse maintenant sur les Partis communistes en présence de la crise de l’Internationale ouvrière socialiste, en présence de la régression de son influence, de ses effectifs. Il s’agit de ne pas laisser aller les ouvriers socialistes à la désillusion et au désespoir.
Il s’agit même de ne pas laisser une partie d’entre eux tomber sous l’influence du fascisme et de les amener maintenant à la lutte commune contre le fascisme, même s’ils ne sont pas encore entièrement d’accord avec nous, même s’ils conservent contre nous des préventions que la lutte commune atténuera ou fera disparaître.
Nous avons travaillé, selon l’expression de Blum, à rendre le front unique « inévitable » et l’avons, en effet, rendu inévitable.
En signant le Pacte, certains dirigeants socialistes ont pensé rétablir leur autorité sur des adhérents et des organisations socialistes qui étaient amenés peu à peu à choisir entre la discipline de parti et le front unique nécessaire avec les communistes. Mais les ouvriers ont parfois le sentiment que certains dirigeants du parti socialiste recherchent toutes les occasions de susciter ou d’aggraver les difficultés, de ralentir l’action commune, voire de rompre le front unique.
Trois faits précis ont contribué à donner cette impression.
C’est d’abord la discussion sur le Front populaire.
Le parti socialiste, dès le début, a été hostile à notre conception de Front populaire. Il a tendance à considérer les différents problèmes sous un aspect parlementaire et manifeste une certaine crainte de l’action des masses. Mais il voulait se donner une allure plus gauche. Il a trouvé notre programme trop modéré; il a trouvé que revendiquer le prélèvement sur le capital n’était pas suffisant. Il a proposé la socialisation des banques et des grandes industries.
Nous avons très tranquillement réplique: « Nous, communistes, nous sommes pour la socialisation, nous sommes pour l’expropriation pure et simple des expropriateurs capitalistes, mais nous considérons que pour socialiser, il faut remplir une condition, une toute petite condition: posséder le pouvoir, prendre le pouvoir.
Or, pour prendre le pouvoir il n’y a jusqu’alors qu’une méthode qui ait fait ses preuves, c’est la méthode des bolchéviks, l’insurrection victorieuse du prolétariat, l’exercice de la dictature du prolétariat et le pouvoir des Soviets. Cependant, nous, communistes, nous ne vous proposons pas, à vous, socialistes, notre programme fondamental.
Nous vous proposons de vous mettre d’accord avec nous sur ce qu’il est possible de faire ensemble des aujourd’hui. Ne nous demandez pas d’adopter votre programme. Nous pouvons ensemble lutter pour les revendications immédiates; nous pouvons imposer un prélèvement sur le capital. Cette revendication du prélèvement sur le capital, nous avons d’autant plus de chances de la faire admettre qu’elle a figure autrefois dans le programme du parti radical. C’est au surplus une mesure qui a déjà été appliquée en d’autres pays. »
Après quatre mois de discussions publiques, menées dans les colonnes de notre journal l’Humanité et par l’échange de documents, de lettres, de résolutions, il a fallu constater le désaccord persistant. Nous avons poursuivi notre effort. Et le congrès socialiste de Mulhouse, après les élections municipales et cantonales, a dû adopter une résolution en faveur du Front populaire.
Deuxième fait. Au moment de l’assassinat criminel de notre camarade Kirov [29] le prolétariat de l’Union soviétique, son Parti communiste ont pris énergiquement, comme se devaient de le faire les prolétaires qui détiennent le pouvoir, des mesures sévères, rigoureuses, contre les assassins et leurs auxiliaires.
Les bolchéviks ont appris et retenu la leçon des révolutions passées. Ils savent que la générosité des Communards à l’égard des Versaillais a été payée par l’assassinat féroce de 35 000 Communards. Les bolchéviks ont frappé les assassins du glaive de la justice prolétarienne, mais ces contre-révolutionnaires ont trouvé des avocats jusque parmi des socialistes.
Léon Blum écrivit un article larmoyant. Son journal le Populaire publia l’odieuse déclaration des mencheviks russes.
Nous avons riposte énergiquement et sans tarder et dit vertement leur fait aux mencheviks. Nous avons rappelé la phrase historique de Robespierre: « La sensibilité qui gémit seulement sur les misères des ennemis du peuple nous est suspecte. » Nous avons proclame notre entière solidarité avec la justice révolutionnaire, avec les bolchéviks. Les mencheviks et leurs amis se sont tus.
Troisième fait. Quand fut conclu le pacte d’assistance mutuelle franco-sovietique, et surtout quand, à la suite des entretiens du président du Conseil Laval avec notre camarade Staline, fut publié le communique, la presse bourgeoise eut la prétention de triompher des communistes de France. Elle soulignait bruyamment la déclaration de Staline, « comprenant et approuvant la politique de défense nationale de la France », et « la nécessité pour le pays de mettre ses moyens matériels au niveau de sa défense ». L’attaque ne vint pas seulement du côté réactionnaire.
Le parti· socialiste, ses journaux, nous criblèrent de leurs sarcasmes. Léon Blum écrivit qu’il n’en revenait pas. Il se demandait, il s’interrogeait: « Staline a-t-il bien réfléchi, avant de désapprouver l’action du Parti communiste et du parti socialiste? »
Trotskistes, renégats, pupistes, Doriot en tête, jouèrent leur vilain rôle.
Dès le lendemain de la publication du communique avait lieu une assemblée des communistes et sympathisants de Paris. Le rapporteur du Bureau politique déclarait en substance: 1° la politique de paix de l’Union soviétique est conforme aux directives historiques de Lénine, elle est menée fermement par Staline, elle répond aux intérêts du prolétariat international; 2° étant donné la situation internationale et notamment l’accession en Allemagne du fascisme, il y a momentanément coïncidence entre les intérêts de la France bourgeoise et de l’Union soviétique, contre Hitler et son national-socialisme, principaux instigateurs de la guerre en Europe.
Nous avons ajoute: « La classe ouvrière de France et son Parti communiste continuent résolument leur lutte contre la bourgeoisie de France; ils restent contre toute union sacrée, contre l’utilisation éventuelle de l’armée contre la classe ouvrière, contre le joug que l’impérialisme français fait peser sur les peuples coloniaux.
Nous n’avons pas à nous solidariser avec la politique de classe de la bourgeoisie française. Nous continuons à dénoncer et a protester an nom de la classe ouvrière, à la tête de la classe ouvrière, contre l’augmentation des crédits militaires, contre le retour aux deux ans. Mais nous, communistes de France, qui ne jugeons pas de la guerre a la façon des partis bourgeois, des réformistes ou des pacifistes, nous déclarons qu’en cas d’agression contre l’Union sovi6tique, nous saurons rassembler toutes les forces et la défendre par tous les moyens. »
À la suite de ce rapport, une résolution unanime, moins une voix, fut adoptée par les 5000 assistants. Les communistes s’en allèrent dans les assemblées, dans les réunions, dans les meetings organisés par le Parti à l’occasion des élections cantonales. Ils développèrent le contenu de la grande affiche que nous avions fait placarder immédiatement, sous le titre: « Staline a raison ». Dans cette affiche nous avions reproduit et commente les sages paroles prononcées par le chef du prolétariat international, notre camarade Staline.
Les résultats: aux élections cantonales, qui eurent lieu 8 jours après, notre Parti communiste augmentait encore ses voix sur les élections municipales; il obtenait 25 sièges sur 50 au conseil général de la Seine. Nous ne possédions que 4 sièges auparavant.
Les prolétaires, les travailleurs de la banlieue rouge, et par eux, le peuple de France éclairé par notre Parti communiste, faisait confiance à Staline, au chef éprouvé de notre Internationale communiste.
Que penser encore du fait suivant: la Commission administrative permanente du parti socialiste décide avec le Comité central du Parti communiste une campagne en commun a propos de l’anniversaire de la guerre et pour célébrer la mémoire de Jaurès et de Guesde. Or, à Roubaix, un des dirigeants socialistes les plus en vue, Lebas, organise une manifestation dont il exclut les communistes et les unitaires.
Nous continuerons à Roubaix, dans le Nord, et dans tout le pays à travailler pour que se réalise effectivement le front unique.
Au lendemain du congrès de Mulhouse, un membre de la Commission administrative permanente écrivit dans le Populaire: « Qu’il y ait un malaise dans le parti, la chose n’est pas à contester… Le différend essentiel, ajoute-t-il, porte sur l’unité d’action. »
Pendant longtemps les dirigeants socialistes opposèrent l’unité au front unique, mais notre Parti répondait: « Le front unique préparera le parti unique. » Lorsque grâce à nos efforts et au soutien des masses, l’unité d’action commença à se réaliser et à s’étendre, nous avons nous-mêmes formule notre conception du parti prolétarien unique.
Nous avons proposé, en novembre dernier, au Conseil national du parti socialiste de réunir une conférence nationale d’unification, de tenir des .assemblées communes ouvertes aux membres des Partis communiste et socialiste, et de faire discuter dans ces assemblées communes les problèmes de l’action immédiate et la question du parti unique du prolétariat.
Nous avons renouvelé notre proposition en mai dernier dans un document intitule: la Charte d’unité de la classe ouvrière.
Dans l’introduction qui donne une brève analyse de la situation nous avons reproduit la phrase de Staline: « L’idée de l’assaut mûrit dans la conscience des masses. »
Les principes formulés dans notre proposition sont: a) Pas de collaboration de classe; b) aucune union sacrée; c) transformation de la guerre impérialiste en guerre civile; d) défense dans tous les cas et par tous les moyens de l’Union soviétique; e) soutien des peuples coloniaux; f) préparation à l’insurrection armée, à la dictature du prolétariat, au pouvoir des Soviets, comme forme du gouvernement ouvrier; g) internationalisme conséquent; h) appartenance à un parti unique mondial de la classe ouvrière; i) centralisme démocratique, travail dans les entreprises.
Nous avons terminé par un expose général du programme que réaliserait l’État prolétarien, ce qu’il donnerait aux différentes catégories de travailleurs.
La direction du parti socialiste n’a pas encore répondu, bien que notre Comité central l’ait priée de bien vouloir faire connaître son opinion sur la question de l’unité.
Le front unique a été très utile à la classe ouvrière, il lui a permis de mieux résister à l’offensive du fascisme, à l’offensive du Capital. Le front unique a rapproché de la classe ouvrière les couches de la petite bourgeoisie. Certains chefs socialistes, ceux de droite en particulier, disaient: « Si nous acceptons le front unique, les couches moyennes s’éloigneront de la classe ouvrière. » Les faits ont démenti cette affirmation.
Le front unique a aussi renforcé notre Parti communiste. Ce n’était pas le but essentiel. Ce fut une des conséquences de l’unité d’action. L’influence et l’autorité du Parti communiste ont augmenté. Ses effectifs se sont accrus considérablement. La capacité politique du Parti a progressé.
Les cadres se sont élevés. Oh, il y a eu de grandes difficultés, des hésitations, des tâtonnements! Tout ne fut pas bien, tout n’est pas encore bien. Mais quels immenses changements! Combien l’esprit de responsabilité et d’initiative s’est développé dans nos rangs!
Nous enregistrons d’excellents résultats non seulement pour notre Parti, mais aussi pour notre Jeunesse. Nous avons posé à notre Fédération la tâche de gagner la jeunesse, de l’arracher à la démagogie fasciste, de satisfaire son besoin d’activité, de travailler à créer une organisation de la jeunesse qui ne copie pas étroitement les formules et les mots d’ordre du Parti communiste.
Notre Jeunesse communiste a quintuple ses effectifs; elle a pris une grande part au mouvement d’Amsterdam-Pleyel, a entraîné sur sa plate-forme du front unique les organisations des Jeunesses socialistes et des Jeunesses républicaines et laïques; elle a conclu un pacte avec la Jeunesse socialiste, malgré la résistance prolongée du parti socialiste.
Le mouvement sportif ouvrier s’est unifié, il a gagné 10 000 nouveaux membres et en groupe actuellement près de 40 000.
L’ARAC, association d’anciens combattants, s’est développée. Elle a été créée par Henri Barbusse et comptait au début quelques milliers de membres, elle est arrivée jusqu’à 20 000. Elle a obtenu son admission dans la Confédération générale des anciens combattants qui groupe 2 millions et demi d’adhérents.
Notre tactique électorale a été inspirée par le souci permanent de battre les candidats du fascisme el de la réaction. Au premier tour, nous avons mené une lutte indépendante. Sur la base de l’application du Pacte, au deuxième tour, nous avons vote réciproquement socialiste pour communiste et communiste pour socialiste, sauf en quelques rares exceptions. Aux élections municipales, nous avons permis quelques listes communes.
Étant donné notre ligne du Front populaire, nous avons fait voter pour des radicaux à Paris et en province, nous n’avons posé que les conditions suivantes: défense des libertés démocratiques et désarmement et dissolution des ligues fascistes. À Paris, nous avons demandé en plus: votez contre Chiappe. Nous avons même constitué en quelques cas des listes communes avec les radicaux.
À Paris, nous avons retiré notre candidat arrivé le premier des antifascistes et nous avons fait élire le socialiste Rivet contre l’un des hommes les plus représentatifs de la réaction.
Cette politique a grandi notre Parti dans l’esprit des travailleurs. Il apparaît comme ne menant pas une politique mesquine, mais comme un grand parti politique, agissant avec bon sens et selon une claire perspective des efforts et des batailles à mener, une juste notion des moyens à employer pour remporter la victoire.
Nous avons l’espoir que notre expérience servira utilement les travailleurs des autres pays. Et je m’adresse tout particulièrement à nos frères d’Allemagne, aux ouvriers socialistes allemands. Je leur dis mon espoir de retourner un jour prochain, comme ce 15 mars 1933, sur la tombe de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg, profanée par les chiens de Hitler, pour y célébrer, aux côtés de Thaelmann, leur victoire obtenue grâce à l’unité de la classe ouvrière.
Nous sommes heureux de saluer l’unité d’action réalisée partiellement par nos frères d’Autriche et d’Espagne, pays où l’on s’est battu.
Nous sommes fiers que notre Internationale proclame une fois de plus hautement, nettement, qu’elle est prête à engager des pourparlers avec la direction de l’Internationale ouvrière socialiste, à la fois pour l’organisation du front unique et pour la préparation de l’unité totale du prolétariat international.
La situation en France et dans le monde nous fait un devoir d’être toujours plus exigeants a l’égard de nos propres succès. De trop grandes faiblesses subsistent dans notre mouvement et dans notre Parti, notamment dans le domaine des luttes économiques et du travail syndical chez les paysans; les femmes et d’une façon générale dans les questions d’organisation.
Si quelques progrès sont réalisés dans le travail d’organisation, il est bien évident que nous devons faire beaucoup plus. Il subsiste une grande lenteur, un rythme insuffisant dans le travail du Parti aux différents échelons.
Il nous faut aussi réaliser un plus gros effort pour élever le niveau idéologique de notre Parti.
Nous allons en France vers de grandes batailles. Nous avons devant nous la perspective des grands conflits de classe que montrait notre camarade Pieck dans son discours de clôture. Déjà, en ce moment, l’effervescence grandit en raison de l’application des décrets-lois.
Les 800 000 fonctionnaires ‑ cette armature de l’État dont parlait Marx dans son 18 Brumaire ‑ se soulèvent; la petite bourgeoisie perd confiance dans la direction des partis de la grande bourgeoisie.
Les manifestations sont fréquentes, nombreuses, ardentes, combatives. La poussée vers le front unique, vers l’unité, vers le Front populaire antifasciste grandit. Mais grandit aussi la menace du fascisme qui renforce ses organisations, arme ses détachements de combat. La bourgeoisie cherchera à isoler notre grand Parti afin de le frapper et de briser la résistance des masses laborieuses.
Nous portons une grande responsabilité devant la classe ouvrière de France, devant le peuple de notre pays et devant le prolétariat international. Nous avons conscience de cette responsabilité et des obligations qu’elle nous crée.
Renforcer le front unique dans le domaine politique, plus encore dans le domaine économique, aboutir à l’unité syndicale; étendre, consolider le Front populaire antifasciste, gagner les larges masses paysannes, obtenir la dissolution et le désarmement des ligues fascistes qui conspirent contre le peuple et contre la République, qui complotent avec Hitler contre la paix, combattre contre toutes les forces de la réaction, contre l’Église, combattre pour épurer l’armée, pour la défense des libertés, pour la défense de l’Union soviétique.
Pour réaliser ces tâches, nous devons renforcer notre Parti communiste en nous inspirant de la pensée de Staline:
La victoire de la révolution ne vient jamais d’elle-même. Il faut la préparer et la conquérir. Or, seul peut la préparer et la conquérir un fort parti prolétarien révolutionnaire [30].
Nous avons la volonté d’accomplir ces tâches. Nous avons la volonté de répondre aux espoirs que Lénine plaçait en notre classe ouvrière et dans le Parti communiste de France lorsqu’il nous écrivit, en 1920, pour nous demander d’adhérer à la IIIe Internationale.
Nous avons la volonté d’être dignes à la fois du passé révolutionnaire du peuple de France, des combattants de la glorieuse Commune ct de l’exemple du Parti bolehévik, bâtisseur du nouveau monde socialiste.
Nous avons la volonté d’éviter à notre pays la honte et l’horreur du fascisme, de contribuer a la libération de nos frères courbés sous le joug du fascisme, de lutter de tout notre coeur, de toutes nos forces pour le pain, pour la liberté, pour la paix, pour la défense de l’Union soviétique.
Nous avons la volonté d’aller plus loin jusqu’a la République française des soviets que nous ferons triompher sous le drapeau de l’Internationale communiste, sous la bannière invincible de Marx, Engels, Lénine, Staline.
Nous savons que la bataille sera rude, mais nous sommes sûrs de la victoire et nous ne craignons pas, à l’appel de Dimitrov, d’affronter les flots tumultueux, car la barre de notre navire est entre les mains fermes du plus grand des pilotes, notre cher et grand Staline.
NOTES[1] Le 21 septembre 1933 débuta à Leipzig le procès concernant l’incendie du Reichstag, survenu le 27 février de la même année. Le 9 mars, Georgi Dimitrov, Blagoï Popov et Vassili Tanev avaient été arrêtés, contre lesquels un mandat d’arrêt avait ensuite été décrété le 31 mars. L’acte d’accusation avait été formulé le 24 juillet. Le 23 décembre sera prononcé le jugement: Ernst Torgler (du KPD), G. Dimitrov, B. Popov et V. Tanev sont libérés pour cause de manque de preuves. Marinus van der Lubbe, qui avait été arrêté sur les lieux la nuit de l’incendie, est condamné à mort pour haute trahison et incendie volontaire, il sera exécuté le 10 janvier 1934. Le 27 février 1934, G. Dimitrov, B. Popov et V. Tanev seront expulsés vers l’URSS. E. Torgler restera en détention préventive jusqu’en novembre 1936. [2] Voir D. Z. Manouilski: les Partis communistes et la crise du capitalisme [3] Palmiro Togliatti. [4] Giacomo Matteotti, dirigeant du parti socialiste italien, assassiné le 10 juin 1924 par les fascistes. [5] Voir V. I. Lénine: la Maladie infantile du communisme [6] Région de population ruthène dans les Carpates qui après la première guerre mondiale avait été intégrée dans la Tchécoslovaquie. [7] Il s’agit de la guerre menée par l’impérialisme français en 1925 (Pétain commandant les troupes françaises) pour réprimer le mouvement d’indépendance du peuple marocain et, en particulier, le soulèvement armé des Riffains (population du Riff, région du Nord du Maroc) que dirigeait Abd-el-Krim. [8] Raymond Poincaré dirigea, de 1926 à 1928, un gouvernement dit d’Union nationale, dont faisaient partie Tardieu et Edouard Herriot. [9] Parti d’unité prolétarienne, constitué essentiellement par des ancien membres du Parti communiste (Louis Sellier, Jean Garchery, etc… ). La plupart des dirigeants de ce petit groupe entrèrent ensuite au parti socialiste. [10] Ernest Mercier. Membre de nombreux conseils d’administration de sociétés de pétroles et d’électricité, et de la Banque de Paris et des Pays-Bas. Fut aussi le dirigeant de l’organisation “Redressement Français”. [11] Horace Finaly. Administrateur de nombreuses banques et de quelques sociétés (parmi ces dernières la Standard franco-américaine, filiale de la Standard Oil). Fut longtemps directeur général de la Banque de Paris et des Pays-Bas. [12] Entente réalisée par le haut patronat de la sidérurgie française pour la répartition des marches et de la production. Ce comité, étroitement lié aux grandes banques d’affaires, a exercé une influence considérable sur la politique intérieure et extérieure française, et par ses liaisons avec de grands trusts similaires (Krupp en Allemagne, Vickers en Grande-Bretagne, Skoda en Tchécoslovaquie, etc.) sur la politique internationale. [13] Grande famille d’industriels et financiers· français (et quelques fois allemands) jouant un rôle considérable dans la sidérurgie française et ayant notamment des intérêts prédominants dans les mines de fer et la métallurgie de Lorraine. [14] Journal radical que dirigeait Émile Roche. [15] Journaliste et économiste français, auteur d’un ouvrage Contre l’oligarchie financière en France, que Lénine cite dans l’ouvrage L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme. [16] V. I. Lénine: L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme[17] J. Staline: Deux Mondes [18] Ibidem. [19] F. Engels: Études philosophiques[20] Dans Lénine, Staline et la jeunesse[21] V. I. Lénine [22] Marcel Régnier. Sénateur radical de l’Allier, Ministre de 1’Interieur dans le gouvernement Doumergue en 1934. [23] D. Z. Manouilski: les Partis communistes et la crise du capitalisme[24] Fernand Bouisson. À l’époque, députe socialiste des Bouches-du-Rhône, président de la Chambre des députés. [25] Heinrich Brandler. Dirigeant du Parti communiste allemand qui constitua en Saxe, en 1923, un gouvernement avec des représentants de la social-démocratie. [26] Front unique international, voir Oeuvres de Maurice Thorez [27] ldem [28] Jean Zyromski. Membre de l’aile gauche du parti socialiste avant 1934. Pendant l’occupation, adhéra au Parti communiste français. [29] Serguei Kirov, membre du Bureau politique du Parti bolchévik, secrétaire de la région de Leningrad, fut assassine le 1er décembre 1934. [30] J. Staline: Les Questions du Léninisme, « Rapport au XVIIe congrès du P C(b) »
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