Le terme de peuple ne désigne pas ici la population de la France prise dans son ensemble. Car pour que l’intérêt général – c’est-à-dire l’intérêt commun au plus grand nombre, pratiquement l’intérêt de tous – puisse se réaliser, les forces anti-démocratiques doivent être écartées des institutions.
Dans la démocratie bourgeoise, l’État est l’instrument du pouvoir de la classe dominante, si bien que, même si un compromis existe et que des concessions sont faites aux autres couches de la société, la bourgeoisie règne sans partage.
Et du fait de la concentration toujours plus intense du capital et de la crise générale du capitalisme, la bourgeoisie est de plus en plus agressive, arc-boutée sur les instruments de sa domination. Dans le même temps, des pans toujours plus larges de la société se trouvent contraints de travailler pour une frange toujours plus étroite de celle-ci.
La classe ouvrière est la classe de notre époque. Elle accueille, en son sein, de plus en plus les individus atomisés par le mode de vie qu’imprime le capitalisme sur le pays. Pour autant, les intérêts de la classe ouvrière ne sont pas opposés à ceux des autres travailleurs : des employés, des techniciens, des agriculteurs, des artisans, des commerçants, des fonctionnaires et des cadres…
La classe ouvrière porte la collectivité. Elle affirme la démocratie du peuple, dans sa réalité concrète.
La démocratie n’est pas une abstraction : elle s’incarne par le peuple, qui participe sans intermédiaire à l’administration de l’État. C’est pourquoi, en plus de la condition de résidence, ne peuvent être élus dans les organes décisionnels de la démocratie populaire que des personnes relevant du peuple travailleur au sens large.
Cette orientation populaire définit le caractère, les traits de la démocratie populaire.
La démocratie populaire n’est pas une démocratie parlementaire formelle. Dans celle-ci, des représentants des citoyens, députés ou sénateurs, décident en lieu et place du peuple sans contrôle. Des agents publics, fonctionnaires ou assimilés, coupés des masses travailleuses, exécutent quant à eux les décisions de l’État.
Pour la république bourgeoise, le pouvoir législatif appartient aux citoyens, forme d’individus prétendument neutre vis-à-vis des intérêts de classe. Ils exercent leur pouvoir de créer les lois par l’intermédiaire de leurs représentants élus, eux-mêmes prétendument neutre des intérêts de classe.
Ces représentants se sont les députés et les sénateurs. Ils exercent leurs mandats à Paris, sans connexion directe avec le territoire où ils se sont fait élire. De là, avec leurs pairs, ils décident de lois qui s’appliqueront à tous, sur tout le territoire national. Pour tout contrôle, les citoyens ne peuvent que décider de voter pour un autre.
Le peuple travailleur n’est pas représenté dans ce pouvoir législatif car, quand bien même le député serait ouvrier, il est inféodé aux institutions de la bourgeoisie.
La bourgeoisie exerce ainsi sa domination locale au travers des élus qu’elle place dans les conseils municipaux et intercommunaux, les conseils départementaux et régionaux, les conseils économiques, sociaux et écologiques régionaux. Les ministres, députés et sénateurs décident au niveau national des lois et des règlements que les préfets et leurs homologues de tous les ministères font appliquer – avec plus ou moins de rigueur en fonction des intérêts circonstanciés de la classe dominante – au plus près des citoyens par l’action des agents publics.
L’administration de l’État, avec ses ministères, ses collectivités locales, ses hôpitaux et toutes les entreprises publiques, s’exerce par les missions de travailleurs maintenus à part. Les agents publics, fonctionnaires, contractuels des administrations ou salariés des établissements et entreprises publics, quel que soit leur statut, exécutent les décisions de l’État.
Ils sont intégrés aux rouages d’une bureaucratie complexe et non-démocratique. Éloignés des citoyens, ils ne répondent de leurs actes que devant leur hiérarchie et, en dernier ressort, uniquement devant les juridictions internes de l’État bourgeois.
En démocratie populaire, la réalisation des lois et décrets repose sur des gens choisis par le peuple pour une mission déterminée. Il y a donc fusion du mandat électif et de la mission de service public en une fonction démocratiquement supérieure.
Aux institutions et administrations publiques présentes aux différentes échelles territoriales de la république bourgeoise se substituent les organes du nouveau régime démocratique-populaire. Par ces organes, la population décide des modalités de mise en œuvre des décisions de l’État et les exécute. De la commune à l’État national, le pouvoir démocratique populaire s’exerce par le peuple.
Les masses travailleuses façonnent un espace réellement démocratique en décidant localement des moyens à mettre en œuvre pour appliquer leur politique. Ainsi, par exemple, s’il est décidé au niveau national de réduire par deux le nombres de nouveaux cas de diabète de type II dans les cinq années à venir, les organes locaux de la démocratie populaires pourront décider l’interdiction de la production et de la vente de tel produit sucré sur le territoire, de lancer une campagne de communication pour promouvoir la diététique, de la construction d’une installation sportive dans tel quartier, etc.
Constitués par le peuple travailleur et élus par lui, ces organes sont sous son contrôle intégral. Tout membre peut ainsi être révoqué à tout moment. La réflexion quant à l’élaboration de ces organes, qui constituent le nouveau droit et que le nouveau droit met dialectiquement en place, est la grande tâche révolutionnaire.
La démocratie populaire naît à travers les contre-pouvoirs populaires qui doivent, finalement, renverser l’ancien État et instaurer le nouveau régime. La démocratie se développe, porté par le peuple, qui prend enfin les commandes de la société.