Le mode de production matriarcal, avec la femme placée au-dessus de l’homme par son rapport immédiat à la vie, à la continuité de la vie, a été bouleversé, progressivement mais de fond en comble par le développement des activités humaines. Par celles-ci, avec la domestication et l’agriculture, les êtres humains ont établi un rapport à la nature qui s’est inversée : ils ont asservi leur environnement.
Cet asservissement a conduit au développement d’un mode de production généralisant en même temps cet asservissement aux humains eux-mêmes.
Une partie des humains constituant les communautés primitives s’est vu ainsi attribuée des fonctions et des rôles dans une forme inférieure et humiliante, de manière coercitive au besoin. Ainsi, leur place dans le partage des ressources produites, à mesure que la différenciation dans l’organisation du travail progressait, s’en est retrouvée réduite, même là où une certaine accumulation était possible. La violence, déjà existante mais limitée et encadrée par tout un ensemble de gestes et de rites magiques, est devenue une règle, un appui nécessaire à l’établissement de la contrainte et de l’asservissement.
Il va alors de soi que la culture a suivi progressivement la même direction, reflétant la domination et cherchant à la naturaliser dans le prolongement des acquis conceptuels gagnés dans le matriarcat.
Il y avait alors une rupture à assumer, la plus grande que l’Humanité n’ait jamais opérée, du moins avant celle à venir en faveur du Communisme. Il a fallu rompre avec la nature. La contradiction entre le travail manuel et le travail intellectuel, émergeant avec la progression de la conceptualisation et le sens de l’organisation, a appuyé et même dialectiquement rendu nécessaire une telle rupture.
Cette rupture a pris des formes différentes selon les situations, donnant une apparente diversité à l’expression culturelle des premières civilisations humaines, mais au vue des conditions matérielles d’existence et des moyens somme toute très limités de production, ces différences sont restées longtemps anecdotiques et fluides sur ce plan.
L’effort principal a d’abord porté sur la maîtrise des moyens de production accumulés dans un espace naturel donné et sur les connaissances nécessaires afin de mieux organiser la production : affiner et transmettre les techniques et les outils, produire les biens nécessaires à la vie quotidienne en essayant si possible de l’enjoliver, de l’agrémenter, diriger et organiser la force de travail et l’embryon de société en voie d’agrégation toujours plus complexe, saisir et mesurer les cycles saisonniers ou astronomiques et d’une manière générale, observer, tenter de décrire et d’interpréter le monde à la portée des sens humains selon les capacités disponibles.
C’est de ce rapport concret au monde, de la nécessité d’organiser les connaissances ainsi accumulées que va progressivement émerger le phénomène religieux en tant que tel.
L’éclosion culturelle de cette première période de l’Antiquité marque ainsi l’entrée dans l’Histoire, dans la civilisation à proprement parler. Elle a été spectaculaire à tous points de vue en regard des périodes précédentes, la culture reflétant ici son nouveau caractère : accompagner le développement en rationalisant toujours mieux l’organisation sociale… mais également en justifiant la domination à tous les niveaux.
Il y avait alors de moins en moins de place pour le culte de la déesse-mère, qui se fit remplacer par le culte d’un Dieu masculin de plus en plus hégémonique, symbole d’un regroupement élargi grâce au mode d’existence rendu plus aisé par la domestication et l’agriculture.
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