La vague de l’art contemporain apparaît ainsi dans les années 1960 à la suite de l’abstraction américaine des années 1950, le marché commence à s’organiser dans les années 1970 et dans les années 1980 il est pleinement installé, étant directement associé au consumérisme de la haute bourgeoisie américaine.
C’est la fameuse image du tableau abstrait et de l’exposition d’art contemporain avec comme public des yuppies new-yorkais.
Le développement du capitalisme dans les années 1990-2000 systématise la démarche, avec toute une scène carriériste s’engouffrant dans la perspective. C’est d’ailleurs en 2000 que les maisons de vente aux enchères Sotheby’s et Christie’s divise littéralement officiellement le marché de l’art en art ancien, art impressionniste et moderne, art contemporain.
Et, dans les années 2010-2020 il est dominant idéologiquement pour tout ce qui touche les arts. Il faut parler ici d’une véritable marche forcée de la part du capitalisme pour la valorisation et la reconnaissance de l’art contemporain, comme lorsque Jeff Koons est amené en 2008 à exposer 17 œuvres dans les salons du Château de Versailles, lui ne produit pas ses œuvres mais emploie une centaine d’assistants dans une « usine » de 1500 m²
On ne soulignera jamais assez à quel point ce processus d’hégémonie a été accompagné par les institutions. En France ont par exemple été mis en place, en 1982, des Fonds régionaux d’art contemporain. Le ministère de la culture dit à ce sujet en 2021 :
« Les Frac jouent un rôle essentiel de soutien à la création en étant souvent les premiers acquéreurs de jeunes artistes. Ils inventent en permanence de nouveaux dispositifs de médiation de l’art contemporain à destination de tous les publics.
Les plus de 600 expositions qu’ils organisent par an sur l’ensemble du territoire sont un facteur décisif de la démocratisation culturelle (…).
Les collections des Frac rassemblent plus de 35 000 œuvres de 6 000 artistes de toutes nationalités. En 2018, les Frac ont organisé 667 expositions et 3 559 actions d’éducation artistique et culturelle dans les lieux les plus divers, en coopération avec des institutions privées ou publiques les plus variées.
Ils ont accueilli dans toute la France plus de 1,5 million de visiteurs (…).
Patrimoines essentiellement nomades et outils de diffusion et de pédagogiques originaux, les collections des Frac voyagent en France et à l’international.
Ils sont au centre d’un réseau de très nombreux partenaires diversifiés et fidélisés au fil des années : musées des Beaux-Arts, centres d’art ou espaces municipaux, écoles d’art, établissements scolaires ou universités, monuments historiques ou parcs, galeries, associations de quartiers et parfois hôpitaux, etc. »
Il ne faut pas oublier non plus le « 1 % artistique » concernant l’État français, avec tous les établissements publics et les collectivités territoriales. C’est une « obligation de décoration des constructions publiques » au moyen de 1 % des frais de construction.
Entre 1951 et 2021, cela a concerné plus de 4 000 « artistes » pour 12 500 projets façonnant l’apparence de tous les lieux institutionnels. On a par exemple ORLAN ayant réalisé une « œuvre » pour l’Université de Médecine de Nantes, Alexander Calder pour l’IUT de Tours, Yaacov Agam pour le lycée Pierre Mendès-France de La Roche-sur-Yon, Georges Mathieu pour l’École nationale supérieure de céramique industrielle à Limoges (œuvre par ailleurs volée), etc.
L’art contemporain est très clairement un art officiel et c’est cette crédibilité qui lui a permis de devenir massivement une cible de la surproduction de capital, y voyant un moyen de placement.
Il y a très clairement eu une montée en puissance parallèle à l’expansion du capitalisme dans la période 1990-2021.
L’art contemporain avait un chiffre d’affaires de 92 millions de dollars en 2000, de 1145 millions de dollars en 2010, de 1 993 millions de dollars en 2019.
Durant cette période, le prix moyen d’une œuvre a été multipliée par cinq, passant à autour de 25 000 dollars, le nombre d’œuvres a été pratiquement multiplié par 7. Les « artistes », en vingt ans, sont passés de 5 400 à 32 000.
L’art contemporain, c’est désormais 100 000 œuvres partant aux enchères par an dans 770 maisons de vente dans 59 pays, en plus de celles dans les galeries. L’importance de la vente aux enchères est importante pour comprendre que le si le goût subjectiviste-décadent compte, la dimension spéculation totalement claire dans les enchères a pris le dessus.
On a un excellent exemple cet aspect avec la manigance pathétique du Britannique Damien Hirst, devenu une très grande figure de l’art contemporain, sur un mode particulièrement décadent comme en utilisant des cadavres d’animaux (papillons, poissons, tigres, vache, cochon, requin, mouton…), voire des animaux vivants, comme 9 000 papillons enfermés en 1991, ou encore des larves se nourrissant d’une tête de vache dans un plexiglas, ne pouvant qu’aller vers le haut une fois transformées en mouches et s’électrocutant sur une lampe électrique au-dessus.
Comme son For the Love of God de 2007 – une réplique en platine avec 8601 diamants du crâne d’un homme décédé au XVIIIe siècle – ne se vendait pas, il l’a lui-même racheté cent millions de dollars avec l’aide d’un fonds d’investisseurs, pour ne pas que sa cote chute sur le marché.
Car la cote, plus que jamais, joue dans la définition de ce qui est censé être de l’art. Il n’y a que deux aspects ici : le subjectivisme de l’acheteur et la cote comme reflet de la valeur (ou prétendue valeur) sur le marché.
Cette question de la cote est flagrante quand on voit le chiffre d’affaires des œuvres de Banksy, qui double chaque année depuis 2016 (passant de trois millions de dollars à 67 en 2020 et bien plus du double en 2021). Cet « artiste » pseudo-contestataire est ainsi déjà cinquième classement des plus vendus, derrière Pablo Picasso, Jean-Michel Basquiat, Andy Warhol et Claude Monet !
On a également quelque chose de très parlant quand on sait que la Chine, où le capitalisme est particulièrement agressif et en expansion, représente 40 % des ventes de l’art contemporain, et la superpuissance américaine 32 %.
C’est clairement les capitalistes les plus actifs qui portent l’art contemporain, par le capital financier et il faut souligner ici l’importance de la Grande-Bretagne, qui avec 16 % montre sa forte importance en ce domaine.
Il faut bien saisir ici que l’art contemporain ne garantit pas un taux d’intérêt important comme placement, même si légalement on peut désormais posséder une œuvre à plusieurs, telle une entreprise avec des actions en bourse.
C’est vraiment le surplus de capital qui se déverse sur le marché de l’art contemporain. C’est une posture de super-capitaliste oisif mais tenté, soit par le subjectivisme soit par une aventure économique particulière.
Ce double aspect se révèle absolument dans le fait que l’art contemporain, c’est avant tout une peinture, qu’on apprécie et qu’il est facile de vendre dans le cas d’une spéculation.
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