« Entre l’ennemi et nous, il nous faut tracer une ligne de démarcation bien nette. » (Mao Zedong)
« Être attaqué par l’ennemi est une bonne chose et non une mauvaise chose ; en ce qui nous concerne, qu’il s’agisse d’un individu, d’une armée, d’un parti ou d’une école, j’estime que l’absence d’attaque de l’ennemi contre nous est une mauvaise chose, car elle signifie nécessairement que nous faisons cause commune avec l’ennemi.Si nous sommes attaqués par l’ennemi, c’est une bonne chose car cela prouve que nous avons établi une ligne de démarcation bien nette entre lui et nous.
Et si celui-ci nous attaque avec violence, nous peignant sous les couleurs les plus sombres et dénigrant tout ce que nous faisons, c’est encore mieux, car cela prouve non seulement que nous avons établi une ligne de démarcation nette entre l’ennemi et nous, mais encore que nous avons remporté des succès remarquables dans notre travail. » (Mao Zedong, 26 mai 1939)
Soutenir la lutte armée!
1. RÉPONSES CONCRÈTES A DES QUESTIONS CONCRÈTES
« Je persiste à soutenir qu’à moins d’avoir enquêté, on ne peut prétendre au droit à la parole. » (Mao)
Quelques camarades ont déjà des idées toutes faites à notre sujet. Pour eux, rattacher ce « groupe anarchiste » au mouvement socialiste n’est que « démagogie de la part de la presse bourgeoise ».
Dans la mesure où ils l’utilisent de manière fausse et dénonciatrice, leur conception de l’anarchisme ne va plus loin que celle de la presse Springer . Nous ne discuterons avec personne à un niveau aussi débile.
Pourtant, de nombreux camarades désirent savoir ce que nous en pensons. Notre lettre à 883 (journal underground berlinois) était trop générale. La bande magnétique d’une certaine Michèle Ray dont le Spiegel a publié des extraits n’était pas authentique et provenait simplement de conversations privées.
Cette femme voulait écrire un article en se servant de la bande comme aide-mémoire. Elle nous a roulés ou nous l’avons surestimée. Si notre pratique était aussi à l’emporte-pièce que certaines de ses formules, on nous aurait arrêté depuis longtemps. Le Spiegel a payé Michèle Ray 1000 dollars pour cela.
Que presque tout ce que les journaux publient sur nous – et comment ils l’écrivent – n’est que mensonge, cela est clair. Les projets d’enlèvement de Willy Brandt qu’ils nous attribuent ont pour but de nous faire passer pour des débiles politiques; le rapprochement qu’ils établissent entre nous et ceux qui ont enlevé un enfant tend à nous assimiler à des criminels sans scrupule quant au choix de leurs moyens.
Cela va jusqu’à des « détails de source sûre » dans « Konkret » (N°5, mai 1971) , détails sans importance bâclés ensemble pour la forme.Il y aurait parmi nous des « officiers et des soldats » ; certains d’entre nous seraient dépendants, certains d’entre nous auraient été liquidé; ceux qui nous ont quitté auraient à craindre de nous; nous entrerions dans les appartements ou aurions accès aux passeports le flingue à la main; nous exercerions un « terrorisme de groupe » – tout cela n’est que du vent.
Qui se représente une organisation illégale de résistance d’après le modèle d’organisation des Corps-Francs et de la Sainte-Vehme , veut lui-même le pogrom. Horkheimer et Adorno, dans La personnalité autoritaire, et Wilhelm Reich, dans Psychologie de masse du fascisme, ont montré le rapport entre le fascisme et les mécanismes psychiques qui produisent de telles projections.
Le caractère révolutionnaire forcé est une contradiction en soi – une contradiction improductive. Une pratique politique révolutionnaire, dans les rapports dominants que nous connaissons – ou même dans tous les cas -, suppose la concordance permanente du caractère individuel et de la motivation politique, c’est-à-dire l’identité politique. Critique et auto-critique marxistes n’ont pas grand chose à voir avec « l’autolibération », mais bien plutôt avec la discipline révolutionnaire.
Qui veut « uniquement faire les premières pages », ce n’est même pas une quelconque « organisation de gauche », qui le ferait anonymement, mais « konkret » lui-même, dont le rédacteur en chef soigne son image de bras gauche d’Edouard Zimmermann (rédacteur en chef de l’émission « XYZ » sur [la chaîne nationale] ZDF où la population est appelée à devenir les assistants de la police criminelle), afin de permettre à cette présentation d’étudiants membres de corporations de remplir une part de marché.
Il y aussi beaucoup de camarades qui répandent des mensonges. Ils se font mousser en racontant que nous aurions habité chez eux, qu’ils auraient organisé nos voyages en Palestine, qu’ils seraient informé de nos contacts, qu’ils auraient fait des choses pour nous alors qu’ils n’ont rien fait.
Certains veulent juste montrer qu’ils sont « in ». Cela a rattrapé Günther Voigt, qui s’était vanté devant Dürrenmatt d’être un des libérateurs de Baader, ce qu’il aura regretté quand les flics sont arrivés.
Le démenti, même s’il exprime la vérité, n’est après pas si simple. Certains veulent par là prouver que nous sommes idiots, irresponsables, imprudents, dingues. Ainsi ils en amènent d’autres contre nous.
Ils consomment. Nous n’avons rien à faire avec ces beaux-parleurs, pour qui la lutte anti-impérialiste se déroule au café. Ils sont beaucoup ceux qui ne racontent pas n’importe quoi, qui ont une conception de la résistance, ceux qui en ont suffisamment marre pour nous souhaiter bonne chance, parce qu’ils savent que leur intégration et leur adaptation à la vie ne vaut rien.
Le logement de la Knesebeckstrasse, où Malher a été arrêté, n’a pas été découvert à cause d’une négligence de notre part, mais à la suite d’une trahison.
L’indicateur était l’un d’entre nous. A l’inverse, pour ceux qui font ce que nous faisons il n’y pas de moyen de se défendre; contre le fait que les camarades se font briser par les flics, qu’un autre craque car ne supportant plus la terreur que le système développe contre ceux qui la combattent. Ils n’auraient pas le pouvoir, les porcs, s’ils n’avaient pas les moyens.
Certains, à cause de nous, sont contraints à de pénibles justifications. Pour éviter toute discussion politique et la mise en cause de leur propre pratique par la nôtre, ils n’hésitent pas à falsifier de simples faits.
Ainsi il est toujours affirmé que Baader n’avait plus que trois, neuf ou douze mois de prison à purger, avant que nous ne le libérions, bien qu’il soit facile de rétablir la vérité: trois ans pour incendie, six mois d’un précèdent sursis, six mois pour falsification de documents, etc., et le procès devait encore avoir lieu.
Andreas Baader avait déjà purgé quatorze de ces quarante-huit mois dans dix prisons différentes de la Hesse, et avait déjà été neuf fois transféré de l’une dans l’autre pour mauvaise conduite : organisation de mutinerie, résistance. Le calcul, où 34 mois deviennent trois, neuf ou douze, avait pour but d’ôter tout impact à sa libération le 14 mai.
C’est ainsi que rationalisent certains camarades leur peur devant les conséquences personnelles qu’aurait une discussion avec nous.
La question de savoir si nous aurions libéré Baader sachant qu’une personne de gauche (employé de l’institut berlinois des questions sociales, où Andreas Baader a été libéré) allait être blessé dans l’opération – elle nous a suffisamment été posé – ne peut être répondu que par la négative.
La question du type, que ce serait-il passé si, est pourtant ambiguë – pacifique, platonique, moraliste, sans parti pris. Qui réfléchit sérieusement à une libération de prisonniers ne pose la question – il trouve la réponse lui-même.
Avec de telles questions les gens veulent savoir si nous sommes aussi brutaux que nous présentent la presse Springer; on devrait nous faire réciter le catéchisme.
C’est une tentative de bricoler la question de la violence révolutionnaire, de placer à un dénominateur commun la violence révolutionnaire et la morale bourgeoise, ce qui ne marche pas. Il n’y avait dans la prise en considération et des modalités aucune raison de penser qu’un civil pourrait, et c’est ce qui s’est passé, se jeter au milieu.
Que les flics s’en moqueraient, c’était clair pour nous. La pensée voulant qu’une libération de prisonniers soit mené sans armes, est suicidaire.
Le 14 mai, comme à Francfort où deux d’entre nous se sont barrés parce qu’ils devaient être arrêté, parce que nous ne laissons pas arrêter facilement, – les flics ont tiré en premier. Les flics ont à chaque fois visé leurs tirs. Nous n’avons en partie pas du tout tiré – et si nous avons tiré c’est sans viser: à Berlin, Nuremberg, Francfort.
C’est prouvable, parce que c’est vrai. Nous ne faisons pas « utilisation de nos armes sans ménagements ». Le flic, qui se trouve dans la contradiction entre son statut de « petit homme » et celui d’esclave du capitaliste, entre le fait de recevoir un petit salaire et celui de fonctionnaire du capitalisme monopoliste, ne se trouve pas en situation de détresse. Nous tirons si l’on tire sur nous. Les flics qui nous laissent courir, nous les laissons aussi courir.
Il est juste d’affirmer qu’avec l’immense dispositif de recherche contre nous c’est toute la gauche socialiste de R.F.A. et de Berlin-Ouest qui est visée.
Ni le peu d’argent que nous aurions pris, ni le vol de voitures ou de documents pour lesquels on nous recherche, ni la tentative de meurtre qu’on cherche à nous mettre sur le dos, justifient toute cela.
La peur a traversé les os des dominants, qui pensaient déjà avoir totalement en main cet État et tous ses habitants et classes et contradictions, réduit les intellectuels à leurs revues, enfermé les gauchistes dans leurs cercles, désarmé le marxisme-léninisme. La structure de pouvoir qu’ils représentent n’est pourtant pas aussi vulnérable que leur effarouchement peut nous le laisse penser.
Leurs vociférations ne doivent pas permettre de nous surestimer.
Nous affirmons que l’organisation de groupes armés de résistance est actuellement juste, possible et justifiée en République fédérale et à Berlin-Ouest.
Qu’il est juste, possible et justifiée de mener ici et maintenant la guérilla urbaine. Que la lutte armée comme « plus haute forme du marxisme-léninisme » (Mao) peut et doit commencer maintenant, que sans cela il n’y a pas de lutte anti-impérialiste dans la métropole.
Nous ne disons pas que l’organisation de groupes armés illégaux de résistance peut remplacer les organisations prolétaires légales, ni que les actions individuelles remplacent les luttes de classe, ni que la lutte armée peut remplacer le travail politique dans l’usine ou dans le quartier. Nous affirmons seulement que le développement et le succès de l’un suppose l’autre.
Nous ne sommes ni des blanquistes ni des anarchistes, bien que nous tenions Blanqui pour un grand révolutionnaire et que nous ne méprisions nullement l’héroïsme de beaucoup d’anarchistes.
Notre pratique n’a pas une année. C’est trop peu pour pouvoir déjà parler de résultats. La grande publicité que nous a faite les messieurs Genscher, Zimmermann & Co nous permet d’apparaître opportunément de manière propagandiste, de faire déjà quelques remarques.
« Si vous voulez savoir ce que pensent les communistes, regardez leurs mains et non leur bouche » a dit Lénine.
2. LA MÉTROPOLE RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE
« La crise ne naît pas tant de l’arrêt des mécanismes de développement que du développement lui-même. Ayant pour but le pur accroissement du profit, ce développement favorise de plus en plus le parasitisme et le gaspillage, relègue des couches entières de travailleurs en marge de la société, produit des besoins croissants qu’il ne parvient pas à satisfaire et accélère la désagrégation de la vie sociale.
Seul un monstrueux appareil de manipulation de l’opinion et de répression ouverte peut contrôler les tensions et les révoltes ainsi alimentées! La rébellion des étudiants et du mouvement noir en Amérique, la crise de l’unité politique de la société américaine, l’extension des luttes étudiantes en Europe, la reprise vigoureuse et les nouveaux contenus de la lutte ouvrière et de la lutte de masse, jusqu’à l’explosion du Mai français, jusqu’à la tumultueuse crise sociale de l’Italie et la reprise de l’insatisfaction en Allemagne, telles sont les grandes lignes de ce tableau. »
(Il Manifesto, Pour le Communisme, thèse 33)
Les camarades du Manifesto mentionnent la république fédérale en dernière position et caractérisent sa situation par le terme vague d’insatisfaction. L’Allemagne, dont Barzel disait, il y a six ans, qu’elle était un géant politique mais un nain politique – sa force économique ne s’est pas amoindrie, contrairement à sa force politique, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Avec la formation de la grande coalition de 1966 on devance le danger politique qui aurait pu naître alors spontanément de l’imminente récession. Avec les lois d’urgence on s’est donné l’instrument qui assure l’action unifiée des dominants pour les crises futures – l’unité entre la réaction politique et tous ceux qui sont encore attachés à la légalité.
La coalition social-libéral a réussi à notablement absorber « l’insatisfaction » qui s’est fait remarquer par le mouvement étudiant et le mouvement extra-parlementaire, dans la mesure où le réformisme du parti social-démocrate n’a pas perdu de sa valeur dans la conscience de ses partisans, où est repoussé, grâce à ses promesses de réforme, l’actualité d’une alternative communiste pour la majeure partie de l’intelligentsia, où est enlevé aux protestations anti-capitalistes sa pointe.
Leur ostpolitik amène au capital de nouveaux marchés, permet la contribution allemande à l’équilibre et l’alliance entre l’impérialisme US et l’Union Soviétique dont les USA ont besoin pour avoir les mains libres dans leurs guerres d’agression dans le tiers-monde.
Ce gouvernement semble également arriver à séparer la nouvelle gauche des vieux anti-fascistes et ainsi à isoler une fois de plus la nouvelle gauche de son histoire, celle du mouvement ouvrier. Le DKP, qui doit sa permission d’exister à la nouvelle complicité de l’impérialisme US et du révisionnisme soviétique, organise des manifestations en faveur de l’ostpolitik de ce gouvernement; Niemöller – figure symbolique antifasciste – concoure pour le SPD dans les prochaines luttes électorales…
Sous le couvert de « l’intérêt général » le dirigisme étatique tient en bride les bureaucraties syndicales par le biais des contrats de progrès des salaires et la concertation Les grèves de septembre ’69 ont montré qu’on avait passé la mesure en faveur du profit, ont montré dans leur déroulement comme grève seulement économique comment on les tenait bien en mai.
Le fait que malgré ses presque deux millions de travailleurs étrangers la république fédérale peut utiliser dans la récession se dessinant un chômage approchant les 10%, toute la terreur, tous les mécanismes de discipline, sans avoir à faire face à une armée de chômeurs, sans avoir au cou la radicalisation politique de ces masses, permet une conception de la force du système.
Participant avec l’aide militaire et économique aux guerres d’agression des USA, la république fédérale profite de l’exploitation du tiers-monde, sans avoir la responsabilité de ces guerres, sans avoir à se disputer avec une opposition à l’intérieur. Pas moins agressive que l’impérialisme US, mais moins attaquable.
Les possibilités politiques de l’impérialisme ne sont épuisées ni dans leur variante réformiste ni dans leur variante fasciste, ses capacités d’intégrer ou opprimer les contradictions qu’il produit lui-même ne sont pas terminées.
Le concept de guérilla urbaine de la fraction de l’armée rouge ne se base pas sur une estimation positive de la situation en république fédérale et à Berlin-Ouest.
3. LES RÉVOLTES ÉTUDIANTES
« De la connaissance du caractère unitaire du système de domination capitaliste résulte l’impossibilité de séparer la révolution dans les points « culminants » de celle des « régions arriérées ». Sans une relance de la révolution en occident, on ne peut empêcher avec certitude l’impérialisme, entraîné par sa logique de violence, de chercher un débouché dans une guerre catastrophique, ou les super-puissances d’imposer au monde un joug écrasant ».
(Il Manifesto, thèse 52)
Rabaisser le mouvement étudiant au niveau d’une révolte petite-bourgeoise, c’est: le réduire à ses propres surestimations qui l’ont accompagné; c’est: nier son origine qu’est la contradiction concrète entre l’idéologie bourgeoise et la société bourgeoisie; c’est: nier le niveau théorique, avec la connaissance de ses limites forcées, que sa protestation anticapitaliste a déjà atteint.
Bien sûr le pathos avec lequel s’identifiaient les étudiants, qui prenaient conscience de leur misère psychique dans les usines du savoir, avec les peuples exploités d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, était exagéré ; la comparaison entre l’impression massive du journal Bild ici et les bombardements de masse sur le Viet-Nam était une grande simplification; la comparaison entre la critique du système idéologique ici et la lutte armée là-bas était orgueilleux; la considération d’être le sujet révolutionnaire – tant que c’était au nom de Marcuse – était ignorante de la figure réelle de la société bourgeoise et des rapports de production la fondant.
En république fédérale et à Berlin-Ouest, il revient au mouvement étudiant – ses combats de rue, ses incendies, son utilisation de la violence, son pathos, donc aussi ses exagérations et ses ignorances, bref: sa praxis, d’avoir reconstruit le marxisme-léninisme comme théorie politique, dans la conscience au moins de l’intelligentsia, sans laquelle les faits politiques, économiques et idéologiques et leurs modes d’apparition ne peuvent pas être saisis, et sans laquelle leurs connexions intérieures et extérieures ne peuvent pas être décrites.
C’est justement parce que le mouvement étudiant part de l’expérience concrète de la contradiction entre l’idéologie de la liberté du savoir et la réalité de la mainmise du capital monopoliste sur l’Université, parce qu’il n’a pas été que initié idéologiquement, il n’a pas rendu son dernier souffle jusqu’à ce que le lien entre crise de l’Université et crise du capitalisme soit examiné de fond en comble, au moins théoriquement.
Jusqu’à ce que pour eux et pour leur « public » il soit clair que ce ne sont pas la « liberté, égalité, fraternité », pas les droits de l’homme, pas la charte de l’ONU qui forment le contenu de cette démocratie ; qu’ici est valable ce qui l’a toujours été pour l’exploitation colonialiste et impérialiste de l’Amérique latine, de l’Afrique et de l’Asie: la discipline, la soumission et la brutalité à l’encontre des opprimés, pour ceux qui se mettent de leur côté, pour ceux qui soulèvent des protestations, qui résistent, qui mènent la lutte anti-impérialiste.
De manière idéologique critique, le mouvement étudiant a quasiment saisi tous les domaines de la répression étatique comme expression de l’exploitation impérialiste: dans la campagne de presse de Springer, dans les manifestations contre l’agression américaine au Viet-Nam, dans la lutte contre la justice de classe, dans la campagne contre l’armée, contre les lois de l’état d’urgence, dans le mouvement lycéen. Expropriez Springer!, Brisez l’OTAN!, luttez contre le terrorisme de la société de consommation!, luttez contre la terrorisme de l’éducation!, luttez contre le terrorisme des loyers! ont été des slogans politiques justes.
Ils visaient l’actualisation des contradictions produites par le capitalisme mûr lui-même dans la conscience de tous les opprimés, entre les nouveaux besoins et les nouvelles possibilités de satisfaction des besoins par le développement des forces productives d’un côté et la pression à la soumission irrationnelle dans la société de classes.
Ce qu’il y avait dans leur propre conscience, ce n’était pas des luttes de classe élargis ici, mais la conscience d’être une partie du mouvement international, d’avoir affaire au même ennemi de classe ici que les Vietcongs là-bas, avec les mêmes tigres de papier, avec les mêmes porcs.
Le deuxième mérite du mouvement étudiant est d’avoir brisé la coupure provincialiste des vieilles gauches: la stratégie de front populaire comme marche de Pâques, Union allemande pour la paix, journal populaire allemand, comme espoir irrationnel en un « grand tremblement de terre » à n’importe quelle élection, sa fixation parlementaire sur Strauss ici, sur Heinemann là, sa fixation pro- et anti-communiste sur la R.D.A., leur isolement, leur résignation, leur déchirement moral: prêt à tout sacrifice, capable d’aucune praxis.
La partie socialiste du mouvement étudiant a pris conscience d’elle-même – malgré des imprécisions théoriques – de la reconnaissance juste du fait que « l’initiative révolutionnaire occidental peut aujourd’hui compter sur la crise de l’équilibre global du monde et sur la maturation de forces nouvelles dans tous les pays. » (Il Manifesto, thèse 55).
Ils ont donné comme contenu de leur agitation et propagande cela de quoi ils pouvaient se revendiquer eu égard des rapports allemands: que contre la stratégie globale de l’impérialisme la perspective de luttes nationales doit être internationaliste, que seulement la liaison des contenus nationaux avec les contenus internationaux peut stabiliser des formes traditionnelles de luttes avec les initiatives révolutionnaires internationalistes.
Ils ont fait de leur faiblesse leur force car ils ont reconnu qu’il n’y a qu’ainsi qu’une résignation renouvelée, un découpage provincial, le réformisme, la stratégie de front populaire, l’intégration, pouvaient être évités – les culs-de-sac de la politique socialiste dans les conditions post- et pré-fascistes, comme elles sont en république fédérale et à Berlin-Ouest.
Les gauches savaient alors qu’il aurait été juste de relier la propagande socialiste dans les usines avec l’empêchement pratique de la distribution du journal Bild.
Qu’il aurait été juste de relier la propagande pour les GI’s, pour qu’ils ne se laissent pas envoyer au Viet-Nam, avec les attaques pratiques contre des avions militaires pour le Viet-Nam, la campagne de l’armée avec les attaques pratiques contre les bases aériennes de l’OTAN.
Qu’il aurait été juste de relier la critique de la justice de classe avec les explosions des murs de prison, la critique du conglomérat de Springer avec le désarmement de ses milices patronales, juste de mettre en marche une propre radio, de démoraliser la police, d’avoir des logements illégaux pour les déserteurs de l’armée, de pouvoir falsifier des papiers d’identité pour l’agitation chez les travailleurs étrangers, d’empêcher par des sabotages dans les usines la production de Napalm.
Et il est faux de rendre sa propagande dépendante de l’offre et de la demande : pas de journal parce que les travailleurs ne peuvent pas encore les financer, pas de voiture, parce que le « mouvement » ne peut pas encore l’acheter, pas d’émetteur, parce qu’il n’y a pas de licence, pas de sabotage, parce que le capitalisme ne s’écroule pas pour autant tout de suite.
Le mouvement étudiant s’écroula lorsque sa forme d’organisation spécifiquement étudiante / petite-bourgeoise, le « camp anti-autoritaire », se révéla inapte à développer une pratique appropriée quant à ses objectifs, parce qu’il ne pouvait pas y avoir d’élargissement de sa spontanéité aux entreprises ni dans une guérilla urbaine capable, ni dans une organisation socialiste de masse. Il s’écroula, lorsque l’étincelle du mouvement étudiant – différemment d’en Italie ou d’en France – n’est pas devenu le brasier des prairies de luttes de classe élargie . Il pouvait nommer les buts et contenus de la lutte anti-impérialiste – mais n’était pas lui-même le sujet révolutionnaire, ne pouvait pas se permettre la médiation organisationnelle.
A la différence des « organisations prolétaires » de la nouvelle gauche, la fraction de l’armée rouge ne nie pas sa préhistoire comme histoire du mouvement étudiant, qui a reconstruit le marxisme-léninisme comme arme dans la lutte de classe et a posé le contexte international pour le combat révolutionnaire dans les métropoles.
4. PRIMAT DE LA PRATIQUE
« Pour connaître directement tel phénomène ou tel ensemble de phénomènes, il faut participer personnellement à la lutte pratique qui vise à transformer la réalité, à transformer ce phénomène ou cet ensemble de phénomènes, car c’est le seul moyen d’entrer en contact avec eux en tant qu’apparences; de même, c’est là le seul moyen de découvrir l’essence de ce phénomène ou de cet ensemble de phénomènes, et de les comprendre.
Mais le marxisme accorde une grande importance à la théorie justement et uniquement parce qu’elle peut être un guide pour l’action. Si, étant arrivé à une théorie juste, on se contente d’en faire un sujet de conversation, pour la laisser ensuite de côté, sans la mettre en pratique, cette théorie, si belle qu’elle puisse être, reste sans intérêt. » (Mao Zedong, De la pratique)
Le retour des gauchistes, de socialistes, qui étaient en même temps les autorités du mouvement étudiant, à l’étude du socialisme scientifique, l’actualisation de la critique de l’économie politique comme leur autocritique vis-à-vis du mouvement étudiant, a été en même temps un retournement à des travaux livresques.
A juger par la production de papier, leurs modèles d’organisation, du mal qu’ils se donnent pour et dans leurs explications, on pourrait penser que les révolutionnaires revendiquent la direction de luttes de classe violentes, comme si l’année 67/68 était le 1905 du socialisme en Allemagne.
Lorsque Lénine, en 1903 dans « Que faire? », soulignait le besoin théorique des travailleurs russes et donnait comme postulat, contre les anarchistes et les socialistes révolutionnaires, la nécessité d’une analyse de classe, de l’organisation, d’une propagande démystifiante, c’est parce que des luttes de classe massives se déroulaient.
« C’est justement à travers les infamies de la vie russe que les masses ouvrières vont se réveiller avec force et nous ne savons même pas réunir, concentrer, si l’on peut parler ainsi, toutes les gouttes et les rigoles des passions populaires qui sourdent de la vie russe en foule innombrable, plus grande que nous ne l’imaginions ou ne le croyons, et qui doivent être unies en un fleuve impétueux » (Lénine, Que faire?)
Nous doutons qu’il soit déjà possible de développer dans les conditions présentes en république fédérale et à Berlin-Ouest une stratégie unifiant la classe ouvrière, d’en arriver à une organisation qui soit à la fois expression et initiatrice d’un processus d’unification nécessaire. Nous doutons que l’alliance entre les intellectuels socialistes et le prolétariat puisse être soudée par des déclarations de programmes ou être obtenue par la prétention de créer des organisations prolétariennes. Les gouttes et les rigoles des infamies de la vie allemande sont rassemblées jusque là par le conglomérat Springer, qui les conduit à de nouvelles infamies.
Nous affirmons que sans initiative révolutionnaire, sans l’intervention pratique de l’avant-garde, des travailleurs et intellectuels socialistes, sans la lutte anti-impérialiste concrète il n’y a pas de processus d’unification, que l’union ne peut être posé que par les luttes communes ou pas du tout, dans lesquelles la fraction consciente des travailleurs et intellectuels ne dirige pas la « mise en scène », mais montre l’exemple.
Dans la production de papier des organisations nous reconnaissons leur pratique à leur lutte concurrentielle d’intellectuels, qui luttent pour la meilleure interprétation de Marx devant un jury imaginaire, qui ne peut pas être la classe ouvrière parce que son langage exclut déjà leur participation. Ils sont davantage gênés d’être attrapé à s’être trompé dans une citation de Marx que de mentir quant à leur pratique.
La page qu’il donne toujours avec la remarque correspond presque toujours, le nombre d’adhérents à leur organisation ne correspond presque jamais. Ils ont plus peur du reproche d’impatience révolutionnaire que celui de corruption dans les professions bourgeoises; prévoir le long terme avec Lukacs est important pour eux, comme est suspect de se laisser agiter à court terme par Blanqui.
Leur internationalisme s’exprime dans la censure vis-à-vis de telle organisation commando palestinienne par rapport à une autre – des messieurs blancs qui jouent aux mandataires du marxisme; ils l’expriment dans les faits sous la forme du mécénat, dans la mesure où ils mendient auprès de leurs riches amis au nom du Black Panther; ils portent à leur crédit, en vue du jugement dernier, ce qu’on leur donne par mauvaise conscience alors que leur premier souci, plutôt que la victoire de la guerre populaire, est de jouir de leur bonne conscience.
Ce n’est pas cela, une méthode révolutionnaire d’intervention.
Mao, dans son Analyse des classes de la société chinoise (1926) oppose la lutte de la révolution à celle de la contre-révolution lorsque la « bannière rouge de la révolution, levé par la IIIe Internationale, afin de rallier autour d’elle toutes les classes opprimées du monde; l’autre est le drapeau blanc de la contre-révolution, et c’est la Société des Nations qui l’a levé afin de rallier autour d’elle toutes les forces contre-révolutionaires du monde ».
Mao distingue les classes de la société chinoise en fonction de comment elles se décideraient, pour l’avancée de la révolution, entre la bannière rouge et la bannière blanche. Cela ne lui suffisait pas d’analyser la situation économique des différentes classes de la société chinoise. Faisait partie de son analyse également la prise de position des différentes classes par rapport à la révolution.
Il n’y aura pas de rôle dirigeant des marxistes-léninistes dans les futurs luttes de classes si l’avant-garde ne tient pas elle-même la bannière rouge de l’internationalisme prolétarien et si l’avant-garde ne répond pas elle-même à la question de savoir comment sera érigé la dictature du prolétariat, comment le pouvoir politique du prolétariat doit être exigé, comment le pouvoir de la bourgeoisie doit être brisé, si elle n’est pas prête avec une pratique à y répondre.
L’analyse de classe dont nous avons besoin n’est pas à faire sans pratique révolutionnaire, sans initiative révolutionnaire.
Les « revendications révolutionnaires de transition » que les organisations prolétaires ont posé ici et là, comme la lutte contre l’intensification de l’exploitation, la réduction du temps de travail, contre le gaspillage de la richesse sociale, pour le même salaire entre hommes, femmes et travailleurs immigrés, contre les cadences infernales, etc. – ces revendications de transition ne sont rien que de l’économisme syndicaliste, tant que n’est pas répondu en même temps à la question de savoir comment briser la pression politique, militaire et propagandiste qui se mettront de manière agressive au travers de la route de ces revendications si elles soulèvent des luttes de classe massives.
Mais après – si on en reste à elles – ce n’est plus que de merde économiste, parce que pour elles cela ne vaut pas le coup de prendre en charge le combat révolutionnaire et de mener à la victoire, parce que « vaincre suppose que l’on accepte le principe selon lequel la vie n’est pas le bien suprême pour les révolutionnaires » (Debray). On peut intervenir de manière syndicaliste avec ces revendications – mais « la politique trade-unioniste de la classe ouvrière est la politique bourgeoise de la classe ouvrière » (Lénine). Ce n’est pas une méthode d’intervention révolutionnaire.
Les soi-disantes organisations prolétaires ne se différencient du DKP , quand elles ne posent pas la question de l’armement comme réponse aux lois d’urgence, à l’armée, aux gardes-frontières, à la police, à la presse Springer, quand elles passent cela sous silence de manière opportuniste, que parce qu’elles sont encore moins ancrées dans les masses, parce qu’elles sont plus radicales en parole, parce qu’elles en savent plus au niveau théorique.
En pratique elles s’agitent au niveau des spécialistes du droit, qui pour la popularité à tout prix soutiennent les mensonges de la bourgeoisie qu’il y aurait encore dans cet Etat quelque chose à obtenir avec les moyens de la démocratie parlementaire, encouragent le prolétariat à des luttes qui vu le potentiel de violence de cet Etat ne peuvent être que perdues – de manière barbare.
« Ces fractions ou partis marxistes-léninistes » écrit Debray à propos des communistes en Amérique latine – « agissent à l’intérieur des mêmes questionnements politiques que ceux contrôlés par la bourgeoisie. Au lieu de les modifier, ils ont contribué à les ancrer encore plus fortement… »
Aux milliers d’apprentis et de jeunes qui ont tiré comme conclusion de leur politisation pendant le mouvement étudiant de se retirer de la pression de l’exploitation dans l’entreprise, ces organisations ne proposent aucune perspective politique, avec la proposition de s’accommoder encore une fois de la pression capitaliste de l’exploitation. Elles prennent vis-à-vis de la criminalité de la jeunesse le même point de vue que les directeurs de prison, vis-à-vis des camarades en tôle le point de vue de leurs juges, vis-à-vis de l’Underground le point de vue des travailleurs sociaux.
Sans pratique, la lecture du « capital » n’est rien qu’une étude bourgeoise.
Sans pratique, les déclarations politiques ne sont que du baratin. Sans pratique, l’internationalisme prolétarien n’est qu’un mot ronflant. Prendre théoriquement le point de vue du prolétariat, c’est le prendre pratiquement.
La fraction armée rouge parle de primat de la pratique. S’il est juste d’organiser maintenant la résistance armée dépend de sa possibilité; si cela est possible ne peut être compris qu’en pratique.
5. GUÉRILLA URBAINE
« Ainsi, considérés dans leur essence, du point de vue de l’avenir et sous l’angle stratégique, l’impérialisme et tous les réactionnaires doivent être tenus pour ce qu’ils sont: des tigres en papier. C’est là-dessus que se fonde notre pensée stratégique. D’autre part, ils sont aussi des tiges vivants, des tigres de fer, de vrais tigres; ils mangent des hommes. C’est là-dessus que se fonde notre pensée tactique. » Mao Zedong, 1.12.1958
S’il est juste que l’impérialisme américain soit un tigre de papier, c’est-à-dire qu’en dernier recours il peut être vaincu; et si la thèse des communistes chinois est juste, que la victoire sur l’impérialisme américain est devenu possible par le fait que dans tous les coins et bouts du monde la lutte soit menée contre lui, et qu’ainsi les forces de l’impérialisme soient éparpillées et que par cet éparpillement il soit possible de l’abattre – si cela est juste, alors il n’y a aucune raison d’exclure un pays quel qu’il soit ou une région qu’elle quelle soit parce que les forces de la révolution sont particulièrement faibles, les forces de la réaction particulièrement fortes.
Comme il est faux de décourager les forces de la révolution dans la mesure où on les sous-estime, il est faux de leur proposer des conflits où elles ne peuvent que s’affaiblir et être détruites. La contradiction entre les camarades sincères au sein des organisations – laissons les baratineurs de côté – et la fraction armée rouge réside en ce que nous leur reprochons de décourager les forces de la révolution, et qu’ils nous soupçonnent d’affaiblir les forces de la révolution.
Qu’ainsi soit donné la direction où peuvent « traverser le fleuve » la fraction des camarades travaillant dans les usines et les quartiers et la fraction armée rouge; cela correspond à la réalité. Le dogmatisme et l’aventurisme sont depuis longtemps les déviations caractéristiques dans les périodes de faiblesse de la révolution dans un pays.
Que depuis longtemps les anarchistes aient été les plus sévères critiques de l’opportunisme, a amené le fait que celui qui critique l’opportunisme se voit opposé le reproche d’anarchisme. C’est d’une certaine manière un classique.
Le concept de guérilla urbaine provient d’Amérique latine. C’est là-bas la même chose que ce qui peut seulement être ici: la méthode d’intervention révolutionnaire de forces révolutionnaires faibles en général.
La guérilla urbaine part du principe qu’il n’existe pas d’ordre de marche prussien où beaucoup de soi-disant révolutionnaires voudraient guider le peuple dans la lutte révolutionnaire. Part du principe que lorsque la situation sera mûre pour la lutte armée il sera trop tard de la préparer.
Que sans initiative révolutionnaire dans un pays dont le potentiel de violence est si grand, dont la tradition révolutionnaire est si cassée et si faible comme en république fédérale, il n’y aura aucune orientation révolutionnaire quand les conditions pour la lutte révolutionnaire seront plus favorables qu’elles ne le sont maintenant – à cause du développement politique et économique du capitalisme tardif lui-même.
La guérilla urbaine est dans cette mesure la conséquence de la négation accomplie depuis longtemps de la démocratie parlementaire par ses propres représentations, la réponse inévitable aux lois d’urgence et aux lois des grenades à main , la disposition à lutter avec les moyens que le système s’est déjà mis à la disposition afin d’éliminer ses opposants. La guérilla urbaine se base sur la reconnaissance de faits, au lieu de l’apologie de faits.
Ce que la guérilla peut faire, le mouvement étudiant l’a en partie déjà su. Elle peut rendre concrète l’agitation et la propagande où le travail de la gauche est encore réduit.
On peut se présenter cela pour la campagne de la presse Springer d’alors, et pour la campagne Cabora Bassa des étudiants d’Heidelberg, pour les occupations de maisons de Francfort, en relation avec les aides militaires que la république fédérale donne aux régimes compradors d’Afrique, en relation avec la critique du régime de semi-liberté, de la justice de classe, des milices patronales et de la justice dans l’entreprise.
Elle peut concrétiser l’internationalisme verbal comme la fourniture d’armes et d’argent. Elle peut émousser l’arme du système, l’illégalisation des communistes, dans la mesure où elle organise la clandestinité, qui reste enlevée à l’intervention policière. La guérilla urbaine est une arme dans la lutte de classe.
La guérilla urbaine est lutte armée, dans la mesure où c’est la police qui fait utilisation sans restriction des armes de tirs, et c’est la justice de classe qui acquitte les policiers responsables de bavures, et enterre vivant les camarades, si on ne l’en empêche pas. La guérilla urbaine signifie ne pas se laisser démoraliser par la violence du système.
La guérilla urbaine vise à détruire l’appareil de domination étatique en certains points, à le mettre à certains moments hors d’état de nuire, à anéantir le mythe de l’omniprésence du système et de son invulnérabilité.
La guérilla urbaine a comme présupposé l’organisation d’appareil illégal, ce sont des appartements, des armes, des munitions, des voitures, des papiers. Ce qui est à considérer en particulier a été décrit par Marighella dans son « petit manuel du guérillero urbain ». Ce qui à quoi il faut encore faire attention, nous sommes prêts à tout moment de le dire à celui qui veut la faire, si il s’est décidé. Nous ne connaissons pas encore grand chose, mais savons déjà certaines choses.
Il est important qu’avant de se décider à lutter par les armes on ait déjà fait des expériences politiques légales. Là où la liaison avec la gauche révolutionnaire ne représente qu’un besoin de mode, on ne se décide vraiment que là où on l’on peut retourner.
La fraction armée rouge et la guérilla urbaine sont respectivement la fraction et la pratique qui, dans la mesure où elles tracent un trait clair entre elles et l’ennemi, sont le plus terriblement combattues. Cela présuppose qu’un processus d’apprentissage se soit déjà déroulé.
Notre concept originel d’organisation impliquait la liaison de la guérilla urbaine et le travail à la base. Nous voulions que chacun d’entre nous participe en même temps dans les quartiers ou dans les usines dans les groupes socialistes existant là-bas, influence le processus de discussion, fasse des expériences, apprenne. Il s’est montré que cela ne marche pas.
Que les contrôles que la police politique fait sur ces groupes, leurs rendez-vous, leurs réunions, leurs contenus de discussion, portent déjà si loin qu’on ne peut pas être là-bas si l’on ne veut pas être contrôlé. Que le seul travail légal ne peut pas être relié avec le travail illégal.
La guérilla urbaine présuppose être clair quant à ses motivations, être sûr que les méthodes à la Bild-Zeitung ne fasse pas d’effet sur quelqu’un, que le syndrome antisémites – criminels – sous-hommes et incendiaires qui est plaqué sur les révolutionnaires, toute ces merdes, qui ne sont qu’en mesure d’isoler et d’articuler, et qui influencent encore beaucoup de camarades dans leur jugement sur nous, que cela ne touche personne.
Car naturellement le système ne nous laisse pas le terrain et il n’y a aucun moyen – même pas avec la calomnie -, qu’ils ne seraient pas prêt d’utiliser contre nous.
Et il n’y a pas d’opinion publique qui aurait un autre but que de mettre à profit d’une manière ou d’une autre les intérêts du capital, et il n’y a pas d’opinion publique socialiste, qui se dépasserait elle-même, son cercle, sa diffusion manuelle, ses abonnés, qui ne se déroulerait pas majoritairement dans des formes hasardeuses, privées, personnelles, bourgeoises.
Il n’y pas de moyen de publication qui ne seraient pas contrôlés par le capital, par le marché de la pub, par l’ambition des auteurs de rentrer dans le grand establishment, par les avis des médias, par la concentration sur le marché de la presse. L’opinion publique dominante est l’opinion publique des dominants, divisés en parts de marché, se développant en idéologies spécifiques aux couches sociales, ce qu’elle diffuse sert à sa propre affirmation sur le marché. La catégorie journalistique signifie: vente.
L’information comme marchandise, la nouvelle comme consommation. Ce qui n’est pas consommable doit les emmerder. La liaison des journaux avec les moyens de publication, les taux d’écoute à la télévision – cela ne peut permettre aucune contradiction entre soi et le public, pas d’antagonismes, pas de suites.
La liaison avec les plus puissants faiseurs d’opinion sur le marché est nécessaire à celui qui veut rester sur le marché; c’est-à-dire que la dépendance vis-à-vis du trust Springer grandit dans la mesure où le trust grandit, trust qui a également commencé à acheter les journaux locaux. La guérilla urbaine n’a rien d’autre à attendre de cette opinion publique que l’inimité amère. Elle doit s’orienter avec la critique marxiste et l’autocritique, sinon rien.
« Qui n’a pas peur d’être écartelé ose renverser l’empereur de son cheval » dit Mao à propos de cela.
Le long terme et le travail à petite échelle sont les postulats qui sont vraiment valables pour la guérilla dans la mesure où l’on ne fait pas qu’en parler, mais qu’on agit aussi par la suite. Sans laisser ouvert le retour à un emploi bourgeois, sans pouvoir ou vouloir mettre la révolution au clou, c’est-à-dire avec la conviction que Blanqui a exprimé: « le devoir d’un révolutionnaire est de toujours lutter, de lutter malgré tout, de lutter jusqu’à la mort ».
– il n’y a pas de lutte révolutionnaire et il n’y en a pas eu dont la morale n’était pas celle-là: Russie, Chine, Cuba, Algérie, Palestine, Vietnam.
Certains disent que les possibilités politiques de l’organisation, de l’agitation, de la propagande sont loin d’être épuisées, mais que seulement après on pourrait poser la question de l’armement. Nous disons: les possibilités politiques ne seront pas vraiment utilisées tant que le but, la lutte armée, n’est pas reconnaissable comme but de la politisation, tant que la définition stratégique, que tous les réactionnaires ne sont que des tigres de papier, n’est pas reconnaissable derrière la définition tactique, qu’ils sont des criminels, des meurtriers, des exploiteurs.
Nous ne parlerons pas de « propagande armée », mais nous la ferons. La libération de prisonniers ne se déroule pas pour des raisons de propagande, mais pour sortir le type. Les cambriolages de banques, comme on les cherche à nous attribuer, nous ne les ferions que pour nous procurer de l’argent. Les « succès brillants » dont Mao dit que nous devrions les avoir visé, « quand l’ennemi nous dépeint des couleurs les plus noires », ne sont que la rançon de nos propres succès.
Les grandes clameurs qui ont été faites à notre propos nous en remercions plus les camarades latino-américains – en raison du trait clair entre soi-même et l’ennemi qu’ils ont déjà tracés -, qui fait que les dominants ici nous » rentrent énergiquement dedans » à cause du soupçon de quelques braquages de banques comme s’il y avait déjà ce que nous avons commencé de construire: la guérilla urbaine de la fraction armée rouge.
6 LÉGALITE ET ILLEGALITÉ
« Le développement de la révolution en occident, la contestation du pouvoir capitaliste à l’intérieur de ses places-fortes sont à l’ordre du jour et ont une signification décisive.
Il n’existe dans le monde ni l’endroit, ni les forces capables de garantir une évolution pacifique et une stabilisation démocratique; la crise tend à s’aggraver. S’enfermer dans des horizons bornés ou repousser la lutte à plus tard, c’est se laisser emporter par la dégénérescence totale ambiante. »
(Il Manifesto, thèse 55).
Le slogan des anarchistes « détruis ce qui te détruit » vise la mobilisation directe de la base, des jeunes dans les tôles et les foyers, dans les écoles et dans l’apprentissage, se dirige vers ceux qui sont le plus dans la merde, vise à une compréhension spontanée, est l’appel à la résistance directe. Le slogan black power de Stokely Carmichael: « fais confiance à ta propre expérience ! » voulait dire exactement cela.
Le slogan part de l’examen que dans le capitalisme rien, mais qu’il n’y a également rien, qui oppresse, fait souffrir, gêne, qui n’aurait pas son origine dans les rapports de productions capitalistes, que chaque oppresseur, quel que soit la forme avec laquelle il apparaît, est un représentant du capital, c’est-à-dire: un ennemi de classe.
Dans cette mesure le slogan des anarchistes est juste, prolétaire, combattant de classe. Il est faux tant qu’il amène la fausse conscience qu’il suffirait simplement de frapper, de taper dans la gueule, que l’organisation serait de seconde importance, la discipline bourgeoise, l’analyse de classe superflue.
Sans défense face à la répression renforcée qui suit leurs actions, bloqué, sans avoir fait attention organisationnellement à la dialectique de la légalité et de l’illégalité, ils sont légalement arrêtés.
La phrase de beaucoup d’organisations « les communistes ne sont pas assez simplistes pour s’illégaliser eux-mêmes » fait écho à la justice de classe, et à personne d’autre. Tant qu’elle signifie que les possibilités légales d’agitation et de propagande communiste, de lutte politique et économique, doivent être à tout prix utilisées et ne doivent pas être mis en jeu avec légèreté, c’est juste – mais ce n’est pas du tout cela qui est dit.
Elle veut dire que les frontières que l’État de classe et sa justice posent au travail socialiste suffisent pour utiliser tous les moyens, que l’on doit s’en tenir à ces (dé)limitations, que face aux attaques illégales de cet État, qui sont à chaque fois légalisées, on doit à tout prix reculer – la légalité à tout prix. Arrestations illégales, jugements de terreur, attaques de la police, chantage et pression par la magistrature – marche ou crève, les communistes ne sont pas si simplistes…
Cette phrase est opportuniste. Elle est non solidaire. Elle abandonne les camarades en tôle, elle exclu l’organisation et la politisation de tous ceux du mouvement socialiste qui à cause de leurs origines sociales et de leurs situations ne peuvent pas faire autre chose que survivre comme criminel: l’underground, le sous-proletariat, les innombrables jeunes prolétaires, les travailleurs immigrés.
Elle sert la criminalisation théorique de tous ceux qui ne se raccordent pas aux organisations. Elle est leur union avec la justice de classe. Elle est bête.
La légalité est une question de pouvoir. Le rapport entre légalité et illégalité est à définir par la contradiction entre l’exercice réformiste et fasciste du pouvoir, dont les représentants à Bonn est à présent la coalition social/libéral ici, Barzel/Strauss là-bas, dont les représentants publicistes sont par exemple le journal « Süddeutsche Zeitung », la revue « Stern », le troisième programme de radio-Cologne et de radio Berlin libre , le journal « Frankfurter Rundschau », du trust Springer, de la deuxième chaîne de télévision (ZDF), du courrier bavarois, de la police et de sa ligne munichoise ou du modèle berlinois, avec la justice du tribunal constitutionnel ici, la cour fédérale de justice là-bas.
La ligne réformiste vise à éviter les conflits par des promesses de réformes (dans le régime de semi-liberté par exemple), dans la mesure où elles évitent les provocations (la ligne souple de la police berlinoise et du tribunal constitutionnel de Berlin par exemple), par des reconnaissances verbales de malentendus (dans l’éducation publique dans la région de Hesse et à Berlin par exemple).
Cela appartient à la tactique du réformisme évitant les conflits que de se mouvoir à l’intérieur et un peu moins à l’extérieur de la légalité, cela lui donne l’apparence de la légitimité, l’apparence d’avoir les lois constitutionnelles sous le bras, cela vise l’intégration des contradictions, cela laisse tourner à vide la critique de gauche, disparaître, car cela les jeunes socialistes et le parti socialistes veulent le garder.
Que la ligne réformiste au sens d’une stabilisation à long terme de la domination capitaliste est la ligne la plus effective, on ne peut pas en douter, mais cela est lié à des présuppositions précises.
Elle présuppose la prospérité économique, car la ligne souple de la police munichoise est par exemple beaucoup plus coûteuse que le tour dur de la police berlinoise – comme le président de la police de Munich l’a présenté de manière évidente: « deux fonctionnaires avec des mitrailleuses tiennent 1000 personnes en échec, 100 fonctionnaires avec des matraques peuvent tenir 1000 personnes en échec. Sans de tels instruments on aurait besoin de 300 à 400 policiers ».
La ligne réformiste présuppose une opposition anticapitaliste peu ou pas du tout organisée – comme on le sait depuis l’exemple de Munich.
De surcroît la monopolisation du pouvoir étatique et économique grandit sous le manteau du réformisme politique, ce qu’entreprend Schiller avec sa politique économique et Strauss a imposé avec sa réforme financière – l’aggravation de l’exploitation par l’intensification du travail et la division du travail dans le domaine de la production, par des mesures à long terme de rationalisation dans le domaine de la gestion et des performances des services.
Que l’accumulation de violence dans les mains fonctionne avec un peu moins d’absence de résistance, quand on la mène silencieusement, quand on évite pour cela des provocations inutiles qui pourraient avoir pour suite des processus de solidarisation incontrôlables – on l’a appris du mouvement étudiant et de mai à Paris.
C’est pourquoi les cellules rouges ne sont pas encore interdites, c’est pourquoi le PC d’Allemagne est – sans levée de l’interdiction du PC d’Allemagne – autorisée comme PC allemand, c’est pourquoi il y a encore des émissions de télévision libérales et c’est pourquoi certaines organisations peuvent encore se permettre de ne pas se considérer comme aussi simplistes qu’elles le sont.
Le champ de la légalité que le réformisme propose est la réponse du capital aux attaques du mouvement étudiant et de l’opposition extra-parlementaire (APO) – tant qu’on peut se permettre la réponse réformiste, c’est la plus effective.
Miser sur cette légalité, compter sur elle, l’allonger métaphysiquement, l’estimer statiquement, ne vouloir que la défendre, c’est répéter la stratégie de zones d’auto-défense en Amérique latine, c’est ne rien avoir appris, laisser du temps à la réaction pour se former, se réorganiser, jusqu’à ce qu’elle, non pas illégalise la gauche, mais l’anéantit.
Willy Weyer ne joue même pas sur la tolérance, mais manoeuvre et rétorque à la presse libérale qui le critique de transformer par ses alcootests chaque automobiliste en criminel: « nous continuerons! » – montrant à l’opinion publique libérale son absence de signification.
Edouard Zimmerman fait de tout un peuple des policiers, le trust Springer a fait la direction de la police berlinoise, le journaliste du journal de Berlin (la BZ) écrit les ordres d’arrestations pour les juges berlinois. La mobilisation de masse au sens du fascisme, d’attaque, de peine de mort, de force de frappe, d’intervention – avec comme façade le new look que l’administration de Brandt, Heinemann et Scheel ont donné à la politique de Bonn.
Les camarades qui traitent si superficiellement la question de légalité et d’illégalité ont apparemment mal saisi le sens de l’amnistie par laquelle on a rendu inoffensif le mouvement étudiant . Dans la mesure où l’on supprime la criminalisation de centaines d’étudiants, ceux-ci reviennent de leur peur, on prévient à une radicalisation continue, on leur rappelle énergiquement à quel point les privilèges estudiantins ont de la valeur, malgré une université usine du savoir, l’ascension sociale.
Ainsi les barrières de classes entre eux et le prolétariat sont à nouveau formées, entre leur quotidien privilégié comme étude et le quotidien du travailleur et de la travailleuse dépendant/e des accords sur le salaire, qui n’ont pas été amnistié par le même ennemi de classe. Ainsi encore une fois la théorie a été coupé de la pratique. La compte – amnistie égale pacification – était bon.
L’initiative social-démocrate des électeurs, faite par certains écrivains honorables – pas seulement cet enfoiré de Grass – comme tentative d’une mobilisation positive, démocratique comprise comme défense contre le fascisme et ainsi à considérer, confond la réalité de certaines éditions et rédactions des médias, qui ne sont pas encore soumises à la rationalité des monopoles qui boîte derrière, avec le tout de la réalité politique.
Les domaines où la répression s’est aggravée ne sont pas ceux avec lesquels un écrivain a à faire en premier: prisons, justice de classe, guerre des tarifs salariaux, accidents du travail, consommation choisie, école, journal Bild et BZ (de Berlin), les casernes-appartements des banlieux, les ghettos pour étrangers – tout cela les écrivains le reçoivent au mieux de manière esthétique, pas politiquement.
La légalité est l’idéologie du parlementarisme, du partenariat social, de la société pluraliste. Elle devient un fétiche quand ceux qui s’en targuent ignorent que les téléphones peuvent être légalement écoutés, le courrier légalement contrôlé, les voisins interrogés légalement, les indics payés légalement, que l’on peut légalement surveiller – que l’organisation du travail politique, si elle ne veut pas être mise hors-circuit de manière permanente par l’attaque de la police politique, doit être en même temps légal et illégal.
Nous ne misons pas sur la mobilisation antifasciste spontanée par la terreur même, et le fascisme, et ne considérons pas la légalité comme une corruption et savons que notre travail fournit des prétextes, comme l’alcool de Willy Meyer et la criminalité en hausse pour Strauss, l’ostpolitik pour Barzel et le feu rouge que le yougoslave grille pour les taxis de Francfort, la main dans le sac pour le meurtrier du voleur de voiture à Berlin.
Et pour encore plus de prétextes, parce que nous sommes communistes, et qu’il dépend des communistes si la terreur et la répression n’amènent que peur et résignation, ou provoquent résistance et haine de classe et solidarité, si tout ici est net au sens de l’impérialisme est balancé par dessus bord ou pas. Parce que cela dépend si les communistes sont si naïfs pour tout se laisser faire ou utilisent la légalité entre autres pour organiser l’illégalité, au lieu d’en fétichiser l’un par rapport à l’autre.
Le sort du Black Panther Party et le sort de la Gauche Prolétarienne devaient découler d’une fausse appréciation, qui n’a pas réalisé la contradiction de fait entre constitution et réalité de la constitution, et de l’aggravation de celle-ci quand la résistance organisée fait son entrée.
Qui n’a pas réalisé que les conditions de la légalité, avec la résistance active, se modifient nécessairement et qu’il est pour cela nécessaire d’utiliser la légalité pour la lutte politique et en même temps pour l’organisation de l’illégalité, et qu’il est faux d’attendre l’illégalisation comme coup du sort imposé par le système, parce que l’illégalisation signifie l’écrasement immédiat, et que la question est alors réglée.
La fraction armée rouge organise l’illégalité comme position offensive pour l’intervention révolutionnaire.
Mener la guérilla urbaine, c’est mener la lutte anti-impérialiste de manière offensive. La fraction armée rouge pose le lien entre lutte légale et illégale, entre lutte nationale, entre lutte politique et lutte armée, entre la définition tactique et stratégique du mouvement communiste international.
La guérilla urbaine c’est, malgré la faiblesse des forces révolutionnaires en république fédérale et Berlin-Ouest, intervenir ici et maintenant de manière révolutionnaire!
Vous êtes partie prenante de l’aggravation ou de la solution du problème. Entre les deux il n’y a rien. Depuis des décennies et des générations on a contemplé et analysé la merde de tous les côtés. Je suis personnellement d’avis que la plupart des choses qui se passent dans ce pays n’ont pas besoin d’être analysées plus longtemps – dit Cleaver.
SOUTENIR LA LUTTE ARMÉE!
VICTOIRE DANS LA GUERRE POPULAIRE!
=>Retour au dossier sur la révolte allemande