« Es-tu folle !, nous dit-on lorsque nous allons trop loin, lorsque nous dépassons les bornes qui cloisonnent notre quotidien. Tu es folle ! Laissez-nous notre folie, à nous femmes, dans la transgression des limites qui confinent notre vie et étouffent notre dignité. Tu es folle — c’est la réaction masculine à ce franchissement. Notre réaction à la rationalité mortelle du patriarcat nous est retournée comme une injure, comme un lasso qui devrait capturer notre radicalité. Mais nous n’avons aucun autre choix que d’être radicales. C’est le seul moyen pour nous de reprendre en main notre dignité et notre vie. »
Dorothea Brockmann
Voici qu’arrive l’année 1984, l’année magique, la plus conjurée d’entre toutes. Nous l’avons dûment saluée avec des pétards à la Saint-Sylvestre, sur Nixdorf à Hanovre et au centre de données de la Verband der Vereine Creditreform à Neuss.
Nous espérons qu’ainsi soit retardé l’emménagement de Nixdorf dans sa super cage vitrée à la périphérie de la ville, prévu pour 1984. Dans ce projet de 7 millions de DM, le géant informatique veut centraliser et développer la vente de ses cerveaux électroniques (15 % d’augmentation de chiffre d’affaires en 1983).
A Hanovre, la société Nixdorf participe au projet pilote de fibre optique BIGFON dont les résultats doivent être décisifs pour le câblage de toute la RFA. Il est clair que ceux qui en tireront profit seront les sociétés participantes : les boss de l’économie et l’État. Depuis la fin de l’année, des « clients choisis » comme le ministère de l’Économie et la chancellerie d’État de la Basse-Saxe sont connectés par la fibre optique qui a coûté plus de 65 millions de DM.
Nous espérons que certains ordinateurs ne soient plus opérationnels au centre de données de la Verband der Vereine Creditreform.
Cette société, qui se présente elle-même comme « la plus grande organisation d’informations et d’encaissements d’Europe » (106 succursales rien qu’en RFA), donne 9 millions de renseignements dans l’année et récupère par an 250 millions de DM pour ses sociétaires créanciers. Grâce à ses ordinateurs largement remplis, la société sait plus sur une seule personne que ce que celle-ci ne pourrait en dire sur elle-même du premier coup.
Elle reçoit ces renseignements de ses sociétaires grâce à un réseau d’informateurs —des institutions, des services publics et des administrations qui apportent ces données à Creditrefom contre des dessous de table.
La collaboration avec le Schufa et les banques est tout à fait légale et pas moins fructueuse : Creditreform reçoit gratuitement tous les renseignements sur chaque personne.
Et ce n’est pas peu, puisque aujourd’hui beaucoup d’éléments de la vie courante passent sur le compte : emploi, appartement, adhésion syndicale ou autres, les données sont ici assemblées en toute discrétion et permettent que des bailleurs ou employeurs écartent un contrat, qu’un petit crédit soit refusé, qu’un contrat de leasing ne marche pas, et ceci sans transparence des décisions pour la personne concernée !
L’année 1984 est un symbole d’un nouvel âge pour l’État policier, pour une vie dans laquelle l’homme n’est plus qu’une victime des technologies dans l’intérêt d’un pouvoir abstrait.
Cette vision masque toutefois le fait que les développements technologiques ne sont pas un produit du hasard qui s’obstine contre l’homme, mais qu’ils sont le développement logique de stratégies capitalistes dans l’intérêt des dominants.
1984 — la vision d’horreur d’un État surveillant et contrôlant tout doit ôter aux hommes tout courage de vivre et de combattre.
Mais nous savons qu’il y a ici dans les métropoles beaucoup de gens qui mobilisent leur imagination et leur courage contre la force dominante, qui ont développé des stratégies de survie, notamment qui chourent, resquillent, arnaquent les assurances, soustraient de l’argent à l’État, détruisent des distributeurs automatiques de billets, rendent les ordinateurs inutilisables, qui se refusent aux plans de l’État et du Capital, qui les sabotent et les attaquent.
Nous savons que les gens résistent dans le tiers-monde contre les stratégies destructrices du capital, qu’ils combattent contre l’exploitation meurtrière de leur main-d’oeuvre, contre la destruction de leurs structures, de leur dignité, en clamant haut et fort la vérité dans la rue, en occupant terres et usines, en pillant et en reprenant ce qui leur appartient, en organisant l’attaque dans les villes et les montagnes.
Nous nous opposons aux stratégies de l’État d’individualisation et de division et développons notre collectivité à travers la lutte dans la rue, contre l’oppression des femmes, contre le sexisme, le racisme et la guerre impérialiste, à travers la lutte pour les squats et centres autonomes, et à travers l’attaque subversive des centres du pouvoir patriarcal.
Rote Zora
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