Le voyage en URSS et la production des 16 fondements de l’urbanisme en RDA

L’Allemagne de l’après-seconde guerre mondiale se retrouva dans une position terrible en raison de la volonté du camp impérialiste de procéder à sa division. En décembre 1946, l’impérialisme américain et l’impérialisme britannique procédèrent à la fusion des deux zones allemandes qu’ils contrôlaient. La France vint adjoindre sa zone en 1948 et il fut procédé à la fondation, en mai 1949, de la République fédérale d’Allemagne.

La zone sous contrôle soviétique s’organisa alors comme République démocratique allemande en septembre 1949, insistant toutefois sur la réunification nécessaire. La RFA et la RDA ont ainsi le même drapeau ; le drapeau « est-allemand » qui existera par la suite correspond à la ligne révisionniste de la seconde moitié des années 1950, où la RDA est considérée comme une « autre » Allemagne, les paroles de l’hymne initial étant même censurées.

Le drapeau de la RDA, démocratique et populaire, à sa fondation en 1949
Le drapeau de la RDA, devenu révisionniste, en 1959

L’Allemagne démocratique avait comme centre dirigeant le SED, fruit de l’union des socialistes du SPD et des communistes du KPD. Le Parti socialiste unifié (SED) est dirigé par Otto Grotewohl, venant du SPD, et Wilhelm Pieck, venant du KPD.

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La question de la nature de la reconstruction du pays fut naturellement au coeur des préoccupations ; l’architecture et l’urbanisme formaient un terrain idéologique par conséquent essentiel. Une intense réflexion à ce niveau eut comme point culminant une visite de travail en URSS.

Elle se déroula du 14 avril au 27 mai 1950, avec comme étapes Moscou, Leningrad et Kiev. Y prirent part le ministre de la construction Lothar Bolz, le responsable de l’architecture auprès du ministère de la construction Walter Pisternik, le président de l’Académie de la construction Kurt Liebknecht ainsi que le vice-président de celle-ci Edmund Collein, le responsable de la construction urbaine à l’Académie de la construction Kurt Leucht, le responsable de l’industrie du bâtiment auprès du ministère de l’industrie Waldemar Alder.

Le départ pour Moscou : Kurt Walter Leucht, Edmund Collein, Lothar Bolz, Waldemar Alder, Walter Piesternick, Kurt Liebknecht

Cette visite de travail servit de fondement pour la rédaction et la publication des 16 fondements de l’architecture, document qui servit de base pour l’architecture de l’Allemagne démocratique. Le document fut validé par le Conseil des ministres du 27 juillet 1950 et publié dans le bulletin ministériel n°25 de la République Démocratique Allemande en date du 16 septembre 1950.

Deux jours auparavant, le 14 septembre 1950, la loi sur la reconstruction fut entérinée, validant la reconstruction prioritaire de villes sur une base exemplaire, ainsi que l’expropriation dans le cadre de la planification mise en place à cet effet.

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Voici ces 16 points.

« Décidé par le gouvernement de la République démocratique allemande le 27 juillet 1950 :

La planification urbaine et la conception architecturale de nos villes doivent exprimer l’ordre social de la République démocratique allemande, les traditions avancées de notre peuple allemand tout comme les grands objectifs fixés pour construire toute l’Allemagne.

Ce à quoi servent les principes suivants :

1. La ville en tant que forme d’installation ne s’est pas produite par hasard. La ville est la forme d’installation la plus économique et la plus culturelle pour la vie communautaire des êtres humains, ce qui a été prouvée par l’expérience des siècles. La ville est, structurellement, et en tant que figure architecturale, une expression de la vie politique et de la conscience nationale du peuple.

2. L’objectif de l’urbanisme est la satisfaction harmonieuse des demandes humaines de travail, de logement, de la culture et de repos. Les principes des méthodes de l’urbanisme reposent sur les conditions naturelles, sur les fondements sociaux et économiques de l’État, sur les réalisations les plus élevées de la science, de la technologie et de l’art, sur les nécessités de l’existence de l’économie et l’utilisation des éléments avancés du patrimoine culturel du peuple.

3. Les villes « en soi » ne surviennent pas et n’existent pas. Les villes sont dans une large mesure construites par l’industrie pour l’industrie. La croissance de la ville, le nombre d’habitants et la surface sont déterminées par les facteurs de formation urbaine, c’est-à-dire par l’industrie, les organes administratifs et les sites culturels, dans la mesure où ils ont une importance plus qu’une importance locale.

4. Dans la capitale, l’importance de l’industrie comme un facteur urbain se place derrière l’importance des organes administratifs et des sites culturels. La détermination et la confirmation des facteurs de formation urbaine sont exclusivement la question du gouvernement.

5. La croissance de la ville doit être subordonnée au principe de fonctionnalité et se maintenir dans certaines limites. Une croissance excessive de la ville, de sa population et de sa surface conduit à des intrications de sa structure difficiles à résoudre, des intrications dans l’organisation de la vie culturelle et des soins quotidiens de la population et des intrications techniques au niveau de l’entreprise à la fois dans l’activité et dans le développement ultérieur de l’industrie.

6. A la base de la planification urbaine doivent se trouver le principe de l’organique et la prise en considération de la structure historiquement produite de la ville lorsque ses défauts sont éliminés.

7. Dans les villes situées sur un fleuve, l’une des artères principales et l’axe architectural est le fleuve avec ses berges.

8. Le trafic doit desservir la ville et sa population. Il ne doit pas déchirer la ville et ne doit pas être une gêne pour la population.

Le trafic de transit est à éloigner du centre et du quartier central et acheminé en dehors de ses frontières ou dans une couronne extérieure autour de la ville.

Les installations de transport de marchandises par chemin de fer et voie navigable doivent également être tenues à l’écart du quartier central de la ville.

La désignation des artères principales doit tenir compte de la proximité et de la tranquillité des zones résidentielles. Lors de la détermination de la largeur des routes principales, il convient de garder à l’esprit que pour le trafic urbain, ce n’est pas la largeur des routes principales qui est d’une importance cruciale, mais une solution des croisements qui réponde aux besoins du trafic.

9. Le visage de la ville, sa forme artistique individuelle, est déterminé par les places, les rues principales et les bâtiments dominants au centre de la ville (par les immeubles de grande hauteur dans les plus grandes villes). Les places sont la base structurelle de la planification de la ville et de sa composition architecturale globale.

10. Les zones résidentielles sont constituées de quartiers résidentiels, dont le noyau est constitué par les centres de quartier. En eux sont contenus tous les équipements culturels, d’approvisionnement et sociaux d’importance territoriale nécessaires à la population du quartier résidentiel.

Le deuxième maillon de la structure des zones résidentielles est le complexe résidentiel, qui est réuni par un ensemble de quartiers d’habitations réunis par un jardin aménagé pour plusieurs quartiers, d’écoles, de jardins d’enfants, de crèches et d’installations d’approvisionnement desservant les besoins quotidiens de la population.

La circulation urbaine peut ne pas être autorisée à l’intérieur de ces complexes d’habitation, mais ni les complexes d’habitation ni les quartiers d’habitation ne peuvent être des entités isolés repliés sur elles-mêmes.

Ils dépendent dans leur structure et leur planification de la structure et des exigences de la ville dans son ensemble.

Les quartiers d’habitations en tant que troisième maillon ont ici précisément principalement le sens de complexes dans la planification et la conception.

11.Déterminants pour des conditions de vie saines et calmes et pour l’apport de lumière et d’air sont non seulement la densité résidentielle et l’orientation, mais aussi le développement du trafic.

12. Transformer la ville en un jardin est impossible. Il va de soi que doit être pris en charge un verdissement suffisant. Mais le principe n’a pas à être renversé : en ville on vit de manière plus urbaine, en périphérie ou hors de la ville on vit de manière plus rurale.

13. La construction à plusieurs étages est plus économique que celle à un ou deux étages. Cela correspond aussi au caractère de la grande ville.

14. La planification urbaine est le fondement de la composition architecturale. La question centrale de la planification urbaine et de la composition architecturale de la ville est la réalisation d’un visage individuel et unique de la ville. L’architecture utilise pour cela l’expérience du peuple incarné dans les traditions progressistes du passé.

15. Il n’y a pas de schéma abstrait tant pour la planification urbaine que la composition architecturale. Ce qui est décisif, c’est le résumé des facteurs essentiels et des exigences de la vie.

16. Parallèlement aux travaux sur le plan de la ville et conformément à celui-ci, des projets de planification de certaines parties de la ville, ainsi que des places et des rues principales avec les quartiers adjacents d’habitations, doivent être achevés, pouvant être réalisé en premier lieu. »

S’il est relativement possible d’illustrer ces 16 points établis au milieu de l’année 1950, dès le début de 1953 le révisionnisme imposa une autre direction et cela rend bien entendu la tâche ardue.

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les 16 fondements de l’urbanisme en République Démocratique Allemande