On trouve dans les propos des évangélistes Matthieu, Marc et Luc la parabole du semeur. Chez Matthieu, cela donne la chose suivante :
« Voici, disait-il, que le semeur est sorti pour semer. Et comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux, étant venus, ont tout mangé.
D’autres sont tombés sur des endroits pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre, et aussitôt ils ont levé, parce qu’ils n’avaient pas de profondeur de terre: mais, le soleil s’étant levé, ils ont été brûlés, et faute de racines, ils se sont desséchés.
D’autres sont tombés sur les épines, et les épines ont monté et les ont étouffés. Mais d’autres sont tombés sur de la bonne terre, et ils ont donné du fruit, l’un cent, l’autre soixante, l’autre trente. Entende, qui a des oreilles ! »
Puis s’ensuit l’explication qu’écouter le message du Christ est une chose, être capable de l’assumer en est une autre. Il faut pour cela que le terrain soit fertile. Lorsque c’est le cas, alors cela donne de très nombreuses bonnes choses, toujours plus. Sinon, on chute.
La peinture de Bruegel s’appuie sur cet arrière-plan. De manière peu surprenante, les critiques bourgeois considèrent que c’est une simple illustration.
En réalité, la dimension protestante est flagrante si on suit la contradiction présente. Vous avez à gauche un semeur dont la terre est stérile. Il vit de manière isolée, dans l’obscurité quasiment.
Plus bas, la terre semble riche, là où est l’église. Et sur l’autre rive, il y a un attroupement, on devine Jésus lorsqu’il raconte sa parabole. Il y a un effet une barque et Jésus prend une barque pour parler à tout le monde. On trouve à côté une petite ville.
Cette peinture montre la contradiction entre la ville et la campagne, elle témoigne du dépassement du moyen-âge, elle exprime le triomphe de la communauté organisée, protestante, sur l’éparpillement.
Le contraste est également saisissant entre la dimension naturelle, calme, agréable de la forêt à gauche, d’un esprit très germanique, dans l’esprit de ce qui sera le romantisme allemand ensuite… et le caractère inquiétant, surréel des montagnes nimbé de lumières occupant de manière sèche, aride, tout l’espace en haut à droite de l’image.
C’est un paradoxe qui est utilisé pour renforcer le caractère unifié de la peinture. La clef est d’ailleurs le soleil qui ressort d’un flou général, vers la gauche du tableau, en haut. On est au début ou à la fin de la journée, tout reste à faire ou tout a été fait.
Il y a, de fait, dans cette atmosphère suspendue, un calme tellement agréable, qu’il est typique de l’esprit national néerlandais.
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