Si l’Allemagne et les États-Unis connaissent une vague anti-révisionniste issue d’un syndicat étudiant lié aux socialistes, en Italie le schéma est très proche de celui de la France, avec cependant une qualité bien supérieure, de par la liaison bien plus importante à la classe ouvrière.
On a à la base une contestation au sein du Parti Communiste italien, aboutissant sous l’égide d’Ugo Duse et Enzo Calo à la naissance en 1962 du journal Vive le léninisme, de la maison d’éditions Edizioni Oriente en 1963.
En mars 1964 est alors publié le mensuel Nuova Unità, allusion directe au quotidien du PCI, l’Unità. La question de savoir si seulement la direction est corrompue ou le parti dans son ensemble aboutit cependant à ce que la parution cesse en 1965.
Se fonde alors une Lega dei comunisti marxisti-leninisti (Ligue des communistes marxistes-léninistes), avec comme périodique Il Comunista, choisissant la voie de l’entrisme dans le PCI. Elle rejoindra ensuite la tendance du Manifesto dans le PCI et se soumettra en général au PCI, sauf une petite partie s’alliant avec d’autres faire apparaître, en juillet 1966, une Federazione marxista-leninista d’Italia, avec comme journal Rivoluzione Proletaria.
D’autres réactivèrent par contre la Nuova Unità, refusant l’orientation vers les rangs du PCI, ce qui amena la naissance d’un Movimento Marxista-Leninista Italiano (Mouvement Marxiste-Léniniste italien). Est alors fondé, les 14, 15 et 16 octobre 1966, au théâtre Goldoni de Livourne, comme le PCd’I historique en 1921, le Partito Comunista d’Italia (marxista-leninista).
Son secrétaire général était un ancien commandant partisan et cadre du PCI, Fosco Dinucci. Sa reconnaissance est internationale et en 1968, deux de ses cadres, Dino Dini et Osvaldo Pesce, rencontrent Mao Zedong en Chine populaire.
Si le PCd’I (m-l) connaît alors une croissance, ce n’est pas le cas de la Federazione marxista-leninista d’Italia, devenue Federazione dei Comunisti (m-l) d’Italia en septembre 1967.
Les scissions s’y multiplient. Le première donne le journal la Tribuna rossa, la seconde un Partito Comunista Rivoluzionario (m-l) dirigé par Giuseppe Maj. La troisième donne une Avanguardia Proletaria Maoista, qui elle-même va connaître une scission avec l’émergence du Partito comunista marxista-leninista-maoista italiano.
Pour compliquer ce panorama, une partie de Falce e Martello, une organisation trotskyste, abandonne le trotskysme en apparence pour fonder l’Unione dei Comunisti Italiani (m-l), qui aura une grande influence dans le mouvement italien. Il prendra ensuite, en 1972, le nom de Partito Comunista (m-l) Italiano.
Mais étant donné que le PC d’I (m-l) avait l’hégémonie, sans pour autant d’analyse profonde de la société italienne ni d’idéologie suffisamment développée, il se cassa littéralement en deux, la direction étant accusée par une fraction d’opportunisme de droite et de néo-révisionnisme.
Le congrès extraordinaire du premier décembre 1968 amena une séparation et le 10 décembre 1968 il y eut deux Nuova Unità. Le dirigeant de la nouvelle organisation était, par ailleurs, lui aussi un ancien commandant partisan, Angiolo Gracci.
L’ancien PCd’I (m-l) connaît alors une nouvelle scission, avec un PCd’I (m-l) – Lotta di lunga durata (lutte de longue durée, du nom de son organe de presse).
En sont ensuite expulsé des gens formant l’Organizzazione dei Comunisti (m-l) d’Italia, avec comme journal Linea proletaria. D’autres quittent encore l’organisation, pour fonder l’Organizzazione Comunista Bolscevica Italiana marxista-leninista, dirigé par Giovanni Scuderi, issu de la « gauche » de la démocratie chrétienne. Cela donnera par la suite le Partito Marxista-Leninista Italiano (PMLI).
Apparaît alors également, de manière éphémère, une Organizzazione dei Comunisti Italiani (m-l), publiant La Voce Rivoluzionaria ; on a également une Stella Rossa – Fronte rivoluzionario m-l qui apparaît, puis une Organizzazione Proletaria m-l avec comme organe Il proletario, et encore une Lega m-l d’Italia, avec comme organe Lotta di classe. A cela il faut ajouter le groupe Viva il Comunismo.
Cette approche ne sut pas réellement s’ancrer et s’effaça rapidement devant deux autres courants qui eurent un impact dévastateur dans la société italienne, en s’appuyant sur un ancrage concret dans celle-ci.
Le premier courant est celui dit de l’operaisme, ou « ouvriériste » ; l’operaisme considère que le capitalisme avancé multiplie ses restructurations aux dépens de la classe ouvrière et qu’il faut par conséquent lutter contre le travail.
Apparu au tout début des années 1960 avec les revues Quaderni Rossi (1961) et Classe Operaia (1963), l’operaisme réussit à se transformer en mouvement de masse en visant la rébellion.
Cela produisit les organisations Potere Operaio (1967-1973) et Lotta Continua (1969-1976) tout d’abord, l’Autonomia Operaia ensuite.
Ce dernier mouvement, rassemblant des lignes hétérogènes – culte de la marginalité, des drogues, de la jeunesse ouvrière, de l’expropriation, de la révolte allant jusqu’à la lutte armée – culmina en 1977 et laissa de profondes marques comme culte du spontanéisme « alternatif ».
Le second courant est celui qui entend assumer la position maoïste de la lutte armée pour la prise du pouvoir. Son point de départ est le Collettivo Politico Metropolitano (CPM), le Collectif Politique Métropolitain fondé à Milan en septembre 1969.
S’appuyant sur un efficace réseau d’union étudiant et ouvrière (usines de Pirelli, Sit-Siemens, IBM, Alfa Romeo, Marelli, etc.), le CPM entend promouvoir un mouvement de masses en partant du principe de l’autonomie par rapport à l’État et les institutions en général, qu’elles soient idéologiques, culturelles, politiques.
Dès l’année suivante le CPM interviendra comme Sinistra Proletaria (Gauche Prolétarienne) proposant une nuova resistenza (une nouvelle résistance), puis en tant que Brigate Rosse. Partant à l’assaut de l’État principalement à partir de 1978, les Brigate Rosse feront ensuite une retraite stratégique en tant que Brigate Rosse – pour la construction du Parti Communiste Combattant.
Dans ce cadre, elles se considéreront comme comme une guérilla de longue durée dans un processus non linéaire et expulseront la « seconde position » partisane de former un parti où la lutte armée est une méthode.
Du côté de la perspective marxiste-léniniste opposée tant à l’opéraïsme qu’aux Brigades Rouges, seules trois organisations subsistèrent :
– le PMLI subsistant en étant surtout basé à Florence, sur une ligne ultra-légaliste ;
– les Comitati di Appoggio alla Resistenza – per il Comunismo (Comités d’Appui à la Résistance – pour le Communisme), fondés en 1992 et dirigés par Giuseppe Maj, s’orientant vers la défense des acquis considérés comme disparaissant unilatéralement avec la crise ;
– le Parti Communiste Maoïste, né en 2000, issu de Rossoperaio lui-même issu du collettivo comunista di Agit Prop de Tarente des années 1970, ayant comme ligne la formation d’un syndicalisme alternatif.