L’importance du Nord-Pas-de-Calais et l’hyper-activisme de la résistance armée du PCF

Le Parti Communiste Français a organisé partout sa résistance clandestine, il est une zone qui va toutefois jouer un rôle décisif : le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais.

La raison est que cette partie de la France a été déclarée « zone interdite » et dépend de l’administration militaire allemande de la Belgique et du Nord de la France.

L’objectif de l’Allemagne nazie est double : d’un côté, il s’agit de mettre en place la colonisation allemande de la région ; de l’autre, il s’agit de pressuriser au maximum les mineurs afin de renforcer la production de charbon.

Dans ce contexte, 100 000 mineurs belges mènent une grande grève du 12 au 19 mai 1941, exigeant 500 grammes de pain par jour pour toute la population ; la distribution effective des 15 kilos de pommes de terre prévus mensuellement ; 500 grammes de beurre, 1 kilo de féculents, 2 kilos de sucre par mois ; 50 grammes de viande par jour ; la distribution de lait pour les malades et les pensionnés sans échange des timbres de beurre ; l’ajournement du paiement de la taxe de crise pour 1939 jusqu’à la fin de la guerre ; 25 % d’augmentation de salaires.

Le succès de la « grève des 100 000 » trouve écho en Nord-Pas-de-Calais, où la grève dure du 27 mai au 9 juin 1941, portée par 100 000 mineurs (sur 143 000), le plus souvent d’origine polonaise.

Des centaines de grévistes sont arrêtés, des dizaines d’autres sont amenés à passer dans la clandestinité, alors que l’Allemagne nazie procède à des déportations et fusille par centaines. Cependant, en pratique, jusqu’en 1944, la production de charbon baissera d’un tiers en raison des sabotages, dans un climat généralisé de résistance.

Le Nord-Pas-de-Calais apparaît ici comme l’exemple de l’action, y compris de l’action armée, car l’initiative a ici commencé dès 1940. Les trois figures dirigeantes sont ici Rudolf Larysz, Stefan Franciszczak et Jan Rutkowski.

On notera ici que, de 1945 à 1949, 62 000 Polonais de France sont retournés dans leur pays d’origine à l’appel de leur pays devenu une démocratie populaire ; ils serviront souvent de cadres pour le nouvel État.

La lutte armée a commencé par le rassemblement d’armes dès 1940, rapidement suivi de sabotages, dont le plus connu est l’incendie d’une dizaine de véhicules militaires allemands à Vimy en septembre de la même année.

De juillet à septembre, les nazis considèrent qu’il y a eu dans la région 61 sabotages téléphoniques, 47 sabotages ferroviaires et 3 attentats.

Il faut dans ce cadre mentionner les noms de trois acteurs essentiels : Michel Brulé, Charles Debarge et Julien Hapiot, assassinés par les nazis respectivement en 1941, en 1942 et en 1943.

On peut attribuer à Charles « Charlie » Debarge, surnommé « l’insaisissable » par les collabos, la mise en œuvre d’une trentaine de sabotages contre des voies ferrées, de deux attaques de poudrières et de 18 attaques de mairie avec récupération des cartes de ravitaillement et de machines à écrire, de quatre attaques à la grenade de locaux occupés par les Allemands, de l’attaque du poste de garde du Pont Césarine à Lens (avril 1942), où il succombera par ailleurs à ses blessures.

Et là est bien le problème. Si le Parti Communiste Français a réussi à se reconstituer, la lutte armée offensive qu’il initie repose sur une poignée d’activistes d’un grand courage et prêts au sacrifice.

Sur le plan défensif, on reste dans une dimension de masse. L’Organisation Spéciale a comme tâche de trouver des armes, de protéger les militants lors d’une action d’agitation ou de propagande, de défendre les grèves, de collecter des informations et du matériel, de susciter des appuis, soutenir militairement les actions de sabotage, trouver des médecins et des infirmières, ou encore liquider les traîtres.

C’est par exemple un commando cycliste issu de l’Organisation spéciale qui liquide le collaborateur et ex-membre du PCF, Marcel Gitton, le 4 septembre 1941.

L’Organisation Spéciale intervient aussi lors des nombreuses manifestations de femmes à propos du ravitaillement, notamment en banlieue parisienne (Rueil-Malmaison, Ivry, Bagnolet…).

Ici, deux actions connues à Paris même sont celles de la rue de Buci le 31 mai 1942 et de la rue Daguerre le 1er août 1942. La consigne du Parti aux femmes de l’organisation était alors « d’organiser des manifestations contre le rationnement, d’envahir en masse les restaurants et épiceries de luxe et de partager les vivres. »

Sur le plan offensif, cependant, on est dans des actions en mode tête brûlée. Il n’y a pas de plan d’action stratégique ; il y a une démarche pragmatique-machiavélique où des gens en armes sont à la recherche d’opportunités, avec la logique d’aider l’URSS et d’essayer de parvenir à faire boule de neige.

L’exemple le plus connu de la démarche tient en août 1941 à l’exécution d’un officier allemand dans le métro parisien par Pierre Georges, le futur colonel Fabien qui sera un héros de la Résistance. Il y a aussi l’exécution de Karl Hotz, Feldkommandant à Nantes, le 22 octobre 1941, qui fut une opération totalement hasardeuse, bien que triomphante.

Ce que cela reflète ici, c’est l’incapacité à formuler une stratégie de prise de pouvoir. On aura la preuve de cela à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque ni la direction du Parti Communiste Français, ni les chefs sur le terrain de la résistance armée ne sauront quoi faire du patrimoine accumulé.

La lutte armée est assumée héroïquement, tout en étant conçue comme une anomalie, comme fruit d’un problème temporaire à résoudre. Voilà pourquoi les Cahiers du bolchévisme, en 1942, présentent la ligne de manière simple, finalement :

« Dans les conditions de la guerre réactionnaire d’agression hitlérienne contre les Peuples en vue de leur asservissement total, l’action des patriotes de chaque pays, organisés en partisans, porte en elle l’embryon d’une armée populaire nationale à qui incombe la tâche historique de reconquérir et de garantir l’indépendance dans chaque pays agressé. »

L’hyper-activisme a donc un objectif quantitatif, et quantitatif seulement. C’est très précisément l’origine du choix du nom de l’organisation de lutte armée : « Francs-Tireurs Partisans », avec les Francs-Tireurs Partisans Français (FTPF) et des Francs-Tireurs Partisans – Main d’œuvre Immigrée (FTP-MOI).

Le terme a d’ailleurs comme origine la guerre franco-prussienne de 1870, où des corps de volontaires se sont mis en place, justement sous le nom de francs-tireurs. C’est le reflet de la dérive droitière entamée pendant l’époque du Front Populaire en 1935-1937.

La notion d’organisation, de front, d’unité politique n’est pas soulignée ; ce qui compte, c’est le côté franc-tireur, le partisan menant des actions de guérilla pour perturber l’ennemi. Il n’y a pas de stratégie de la guerre mise en place.

La naissance des FTP est d’ailleurs simplement l’expression directe d’une unification technique. Sont ainsi rassemblés l’Organisation spéciale, les Bataillons de la jeunesse et les secteurs armés de la Main-d’œuvre immigrée.

Au départ, l’Organisation spéciale est chargée de pratiquer des actions chocs pour entraîner les FTP, dans une sorte d’émulation ; lorsqu’ils naissent en octobre 1941, les FTP sont considérés comme un simple levier.

Car le Parti Communiste Français a une ligne définie par Maurice Thorez et cette Ligne Opportuniste de Droite appelle, depuis 1937, à l’union des Français.

C’est pourquoi les FTP ne sont qu’un aspect bien secondaire par rapport au « Front national » mis en place le 15 mai 1941 avec l’appel Pour la formation d’un Front national de l’indépendance de la France.

Il faut saisir le glissement qui s’est produit. Les premiers groupes armés du Parti Communiste Français sont portés par une logique de confrontation, et leur souci immédiat est d’appuyer des initiatives contestataires, notamment à travers des revendications concernant la vie quotidienne : le ravitaillement, les salaires, etc. D’où leur dimension éparpillée.

En unifiant tous les groupes, le Parti Communiste Français tente d’appuyer son appel à un Front national, en cherchant à présenter l’unification des groupes (en fait que le produit direct de l’appareil militaire du Parti) comme relevant de la mise en place d’une armée de libération nationale dont la dimension est « quantitative » seulement.

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Le Parti Communiste Français
de la lutte armée à l’acceptation