Fernand Grenier fut nommé par le Parti Communiste Français pour représenter le Comité central et les FTP auprès de Charles de Gaulle à Londres :
« Les FTP se battent, font la guerre et savent mourir avec un courage et un cœur de soldat, c’est pourquoi ils demandent au grand soldat que vous êtes de ne pas laisser ignorer qu’ils font aussi partie de la France Combattante ».
Le Parti Communiste Français bataille alors pour obtenir une présence gouvernementale et le 4 avril 1944 un accord est trouvé, avec François Billoux au commissariat d’État et Fernand Grenier commissaire à l’Air. Vient très rapidement le nouveau gouvernement provisoire, avec François Billoux ministre de la Santé publique et Charles Tillon ministre de l’Air.
Cela prolonge l’intégration des FTP dans les FFI, même si celle-ci ne se réalisera bien souvent pas du tout. En général d’ailleurs, la radio britannique ne parle jamais des FTP, il y a peu de livraisons d’armes, bien souvent inadaptées pour la guerre de partisans.
Waldeck Rochet, représentant à partir d’octobre 1943 du Comité central du Parti Communiste à Londres, explique à ce sujet dans ses Souvenirs d’un militant qu’on lit dans L’Humanité du 30 mars 1956 :
« De Gaulle et les siens faisaient une discrimination entre les FTP et les autres organisations de la Résistance… On sentait nettement que tous ces gens-là n’étaient pas favorables aux FTP.
J’avais obtenu la possibilité de parler à la radio une fois tous les quinze jours, pendant cinq minutes, pour faire connaître les mots d’ordre du Parti et de la Résistance par l’intermédiaire de la BBC.
D’autre part, je prononçais des allocutions particulières destinées aux paysans.
Mais toutes ces émissions étaient censurées à la fois par les Anglais et par les représentants du général de Gaulle à Londres.
Chaque semaine, je devais me battre pour pouvoir exprimer nos mots d’ordre d’action, en particulier les mots d’ordre de lutte armée. La tendance de tous mes censeurs était l’attentisme. »
Ici, il faut avoir en tête que les Américains et les Britanniques prônaient la constitution de maquis, devant rassembler du personnel et des armes, afin d’appuyer le débarquement. La formation de grands regroupements concentrés fut toutefois fatale aux maquis du Vercors dans les Alpes, des Glières en Haute-Savoie, ou encore celui de Saint-Marcel en Bretagne.
Dans ce contexte, on ne sera pas étonné de la poussée extrêmement rapide de la deuxième division blindée, qui se précipite littéralement à Paris en août 1944 afin de neutraliser la dimension idéologique qu’a la libération de Paris, fruit d’une insurrection à la suite d’une grève générale, l’ensemble étant dirigé par le communiste Henri Rol-Tanguy.
On ne sera pas étonné non plus de la neutralisation de la question de l’épuration, un sujet explosif politiquement, où le Parti Communiste Français aurait dû être en première ligne.
Il y eut seulement 10 000 exécutions sommaires, 39 000 emprisonnés et 48 000 personnes frappées de dégradation nationale. 94 Français pour 100 000 furent emprisonnés pour faits de collaboration, un chiffre à comparer, pour la même proportion, avec ceux de 374 Danois, 419 Néerlandais, 596 Belges ou 633 Norvégiens.
Et les amnisties furent rapides ensuite, Charles de Gaulle cherchant à asseoir son régime autant que possible face à un Parti Communiste Français ayant acquis un poids immense dans la société française : il a 550 000 membres en juin 1945, 800 000 à la fin 1946.
Pourquoi le Parti Communiste Français accepta-t-il tout cela ? C’est qu’en raison de la ligne du « meilleur élève », il va considérer que ce qu’il faut faire, c’est de se placer comme le meilleur élève du « CNR ».
Dans le cadre de la Résistance, Charles de Gaulle avait en effet mis en place en 1943, sous l’égide de Jean Moulin, un « Conseil National de la Résistance », regroupant toutes les forces d’opposition, que ce soit les partis politiques, les syndicats ou les mouvements de résistance.
Ce CNR travaillait à un plan général de la Résistance, mais surtout prévoyait l’après-guerre, dans un programme intitulé « Les jours heureux ».
Il y est parlé notamment des choses suivantes :
– « l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel » ;
– « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie », ;
– « le retour à la nation de tous les grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurance et des grandes banques » ;
– « un réajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine » ;
– « la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale » ;
– « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ».
Le Parti Communiste Français ne considère pas que l’ennemi, ce soit la bourgeoisie. L’ennemi, c’est l’oligarchie et les trusts, et le programme du CNR apparaît comme le levier pour « forcer » la démocratisation élargie de la France.
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Le Parti Communiste Français
de la lutte armée à l’acceptation