La réponse des socialistes à la proposition du PCF d’un Parti Ouvrier Français

La réponse du Parti socialiste-SFIO au « Projet de charte d’unité de la classe ouvrière de France »  de juin 1945 fut la suivante, quelques jours plus tard après sa publication.

« Une mise au point

L’« HUMANITÉ » du 12 juin a publié un « projet de charte d’unité de la classe ouvrière de France » qui appelle quelques commentaires.

Le congrès extraordinaire que le Parti socialiste a tenu en novembre 1944 avait réaffirmé la volonté du Parti « d’unir tous les travailleurs intellectuels et manuels en une seule et même organisation », et avait « renouvelé solennellement au Parti communiste français, avec sa loyauté et sa traditionnelle bonne foi, l’offre d’unité déjà faite dans la lutte clandestine ».

Le Parti communiste étant revenu sur son refus, opposé dans la clandestinité, de créer un comité d’entente, les délégués des deux partis se sont réunis le 4 décembre au siège du Parti communiste, sous la présidence de Vincent Auriol.

Aux termes du communiqué commun publié à l’issue de cette réunion, « les délégués ont été unanimes :

1° Pour établir entre les deux partis un climat de compréhension, de cordialité et d’amicale collaboration ;

2° Pour créer un comité permanent d’entente dans le but d’étudier en commun les problèmes d’actualité et les conditions d’une collaboration confiante en ces matières, ainsi que les modalités de la réalisation de politique de la France laborieuse. »

Trois sous-commissions furent instituées par comité d’entente ainsi créé : commission d’arbitrage, d’unité d’action, et d’unité organique.

Les deux premières ont travaillé avec assiduité, tandis qu’il fut entendu, pour ce qui concerne la troisième, que chaque parti présenterait un projet de charte constitutive à l’étude de cette commission et avant toute présentation publique.

Toutefois, des incidents se sont produits entre militants et organisations locales, incidents qui se sont multipliés pendant et après la campagne électorale.

Les délégués socialistes au comité d’entente ont saisi les délégués communistes d’un grand nombre de faits regrettables.

Or, les conditions préalables et les bases solides de toute unité réelle et durable sont la confiance réciproque et la loyauté mutuelle.

Ces conditions prévues dans la déclaration liminaire, ne paraissant pas remplies, la délégation socialiste a informé les camarades de l’autre délégation que le plus sage et le plus utile était de poursuivre l’unité d’action avant d’examiner les mémoires relatifs à l’unité organique.

Aussi le comité directeur du Parti socialiste a-t-il été surpris de lire dans l’ « Humanité » un projet de charte qui ne lui avait pas été préalablement communiqué.

Mais, soucieux de ne rien faire qui puisse provoquer de nouveaux dissentiments, il se refuse à discuter l’opportunité et le fond de ce texte — sur lequel il a tant de réserves à faire ; il estime que le meilleur moyen de préparer l’unité, c’est d’éviter tous incidents et toutes manœuvres de division ou de noyautage et de s’efforcer en chaque occasion de maintenir et de resserrer l’unité d’action sur le plan national pour les grands problèmes.

Au surplus, la proximité des congrès du Parti communiste (26 au 30 juin) et du Parti socialiste (11 au 15 août) oblige le comité directeur à soumettre l’ensemble de la question à tous les militants du Parti.

En agissant ainsi, le comité directeur est convaincu qu’il préserve toutes les possibilités d’unité organique à laquelle les socialistes demeurent toujours attachés, cette unité étant une condition du succès de la démocratie et de la République.

D’autre part, et sans autre polémique publique, le comité directeur a décidé de saisir le comité d’entente de l’ensemble des faits dont il est question ci-dessus.

LE COMITE DIRECTEUR DU PARTI SOCIALISTE (S.F.I.O.) »

Au Xe congrès du Parti Communiste Français, en juin 1945, c’est Jacques Duclos qui se chargea du rapport sur l’unité de la classe ouvrière et il y eut de nouveau une tentative de forcer la main aux socialistes.

Cette fois, cela passa par sept propositions mises en avant pour être remises au Comité directeur du Parti Socialiste « en vue de hâter l’unité ».

« 1. Le Comité directeur du Parti Socialiste et le Comité central du Parti Communiste se réuniront désormais deux fois par mois en commun pour procéder à l’examen de la situation, pour prendre les décisions que commande cette situation et pour en assurer l’exécution ;

2. Les Bureaux et les Commissions exécutives des Fédérations Socialistes, les Bureaux et les Comités Régionaux des Régions Communistes agiront de même. Les Sections Socialistes et Communistes se réuniront également en commun ;

3. Les représentants des deux partis au sein du gouvernement adopteront une position identique sur les problèmes soumis à leur examen ;

4. Les représentants des deux partis dans les diverses assemblées agiront de concert ; ils tiendront des réunions communes afin d’examiner ensemble les questions soumises aux assemblées dont ils dépendent et déterminer une attitude commune ;

5. Les deux partis réaliseront, en tout état de cause, l’unité de candidature dès les prochaines élections sans préjudice des accords qui pourraient être conclus avec d’autres groupements, selon les circonstances ;

6. La propagande sera désormais organisée en commun à travers tout le pays en rassemblant les hommes et les moyens dont disposent les deux partis ;

7. Un accord interviendra sans délai pour régler la collaboration de camarades socialistes à l’Humanité et à l’ensemble de la presse communiste ainsi que la collaboration de camarades communistes au Populaire et à l’ensemble de la presse socialiste. »

Le Parti socialiste-SFIO répondit à l’occasion de son congrès, à la mi-août 1945. Une motion fut votée de manière extrêmement large, avec 10112 mandats, 274 contre, 212 abstentions et 5 absents.

Elle dit : oui à l’unité, mais il faut un climat pour cela, il faut « la loyauté et la confiance mutuelles ». De plus, il y a la question de l’unité internationale qui se pose.

Enfin, il y a des « décisions pratiques » :

« 1. Il n’est possible de retenir comme une base utile d’unification ni le projet de charte publié par le Parti communiste ni les propositions de quasi-fusion mises en avant par lui à son congrès de juin ;

2. Le Comité d’entente se réunira sans délai pour assurer, durant la période électorale prochaine, une unité d’action analogue à celle de 1936, chaque Parti défendant clairement son programme et s’engageant, s’il y a lieu, à se désister pour l’autre au deuxième tour des élections cantonales ainsi qu’à tout mettre en œuvre pour faire triompher les réformes de structure définies dans le manifeste commun du 2 mars 1945 ;

3. Aussitôt les élections terminées, le Comité d’entente reprendra les pourparlers en vue de réaliser l’unité organique, pourparlers qui ont été provisoirement suspendus, sans toutefois avoir jamais été rompus.

Chaque délégation signalera à l’autre tous faits ou attitudes de nature à nuire à cette réalisation afin que l’un ou l’autre Parti puisse rectifier sa position et préparer un état de fait rendant l’unité possible.

Des congrès nationaux des deux Partis examineront simultanément et séparément les résultats atteints durant cette période et décideront si les conditions préalables sont d’autre considérées comme remplies et si, en conséquence, un congrès commun peut être convoqué ;

4. Durant cette même période, l’unité d’action sera maintenue sur les bases fixées par le Comité d’entente le 19 décembre 1944, étant rappelé qu’il n’existera de comité d’entente qu’à l’échelon national, mais que des délégations communes pourront, pour des motifs strictement limités, se réunir sur le plan fédéral ou local, sans jamais avoir de caractère permanent. »

Autrement dit : pas d’unité à la base, uniquement des accords par en haut, priorité à l’alliance électorale (ici les socialistes veulent une « réunion rapide), et surtout tout est fait pour temporiser pour des motifs techniques.

La mauvaise foi de la direction socialiste est évidente, mais le Parti Communiste ne le voit pas. Il est grisé par son succès ; il voit que dans certaines parties du pays, les socialistes sont largement favorables à l’unité (région parisienne, Bordeaux).

Surtout, il est trop faible sur le plan de l’économie politique et il ne voit pas du tout comment les socialistes se sont placés dans l’orbite américaine, ce qui était pourtant déjà flagrant dans le cadre du Front populaire.

Il est également très naïf. Les socialistes insistent en permanence sur la « démocratie interne », ce qui réfute par principe le centralisme démocratique.

Les socialistes affirment également de moins en moins le marxisme, pour peu qu’ils l’aient jamais réellement assumé par ailleurs. De ce fait, comment peut-on imaginer une seule seconde qu’ils aillent dans le sens d’assumer le matérialisme dialectique de Marx et Engels, développé par Lénine et Staline ?

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Le Parti Communiste Français
de la lutte armée à l’acceptation