Le Parti Communiste Français tient son Xe congrès en juin 1945 ; c’est le premier après celui de 1937.

Si on ne doit pas s’étonner qu’il n’ait pas été en mesure d’en tenir un dans la période 1940-1945, il est significatif qu’il n’y en ait pas un qui se soit tenu en 1938 ou en 1939.
Durant ces deux années, le Front populaire s’est effondré, tout en étant officiellement maintenu, et en disposant d’ailleurs du gouvernement. Le Parti Communiste Français n’a pas voulu affronter une question remettant en cause sa confiance absolue en la « république ».

Cela se lit dans l’état d’esprit en 1945. Obnubilé par son gauchisme des années 1920 ayant amené son isolement social et culturel, politique et idéologique, le Parti Communiste Français s’est rétabli au moyen de la direction de Maurice Thorez.
Celui-ci a cependant établi une ligne opportuniste de droite, offrant littéralement le Parti à la « république ». On a la même chose en 1945, de manière encore plus marquée.
Le Parti, déjà très faible idéologiquement, a ouvert de manière massive ses rangs. D’un côté, il triomphe, puisqu’il y a un million de membres. De l’autre, il est absolument impossible de former ces membres : il n’y a ni les cadres, ni le niveau idéologique.
Il faut donc, pour tenir, sans cesse renforcer le moteur du légitimisme, la logique « du meilleur élève ».
L’exemple le plus parlant, c’est le changement de nom de la Jeunesse Communiste. Celle-ci, désormais forte de 500 000 membres, s’appelle désormais Union de la Jeunesse Républicaine de France.
C’est une liquidation. La dimension politique disparaît d’ailleurs : cette Union édite à partir de juin 1945 l’hebdomadaire Vaillant, qui prend le relais du Jeune Patriote fondé en 1942, qui publiait des textes illustrés sur la Résistance. Et Vaillant deviendra Vaillant le journal le plus captivant, puis Vaillant le journal de Pif, avant de terminer en Pif gadget.
Un excellent exemple de cette ligne est la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT). Elle est passée d’un peu plus de 50 000 licenciés en août 1945 à un peu plus de 250 000 un an après.
Mais son identité s’est encore plus adaptée à l’esprit « républicain », puisqu’elle propose la naissance d’une grande fédération unique multisports, avec un article 1 des statuts qui précise qu’il s’agit de former un « citoyen au service d’une République Laïque et Démocratique ».
C’est une démarche où la stratégie est de former un grand parti républicain, au sens strict même « le » parti républicain unique.

On a, pour cette raison qui se veut nationale et républicaine, une systématisation de l’adjectif « français ».
Le Secours Populaire de France et des Colonies devient le Secours Populaire Français. Initialement, le nom était Secours Rouge ! On est clairement dans le révisionnisme, la liquidation.
Le Front National Universitaire fusionne avec des comités de la zone sud pour former l’Union Française Universitaire. On a l’Union des Femmes Françaises née en 1941 et son association sœur Les amies de l’Union, avec autour de 628 000 membres.
Le Parti Communiste Français fait comme au moment du Front populaire : il est prêt à tout saborder pour obtenir la reconnaissance, et son activité tient à se présenter comme le « meilleur élève ».
On a un opportunisme où il est considéré que la France serait une nation allant de manière naturelle au socialisme si l’on empêche une infime minorité d’agir. Il n’y a plus de bourgeoisie, seulement les ouvriers, les paysans, les couches intellectuelles, les classes moyennes et l’oligarchie.
Le Parti Communiste Français tente donc de mettre en place un vaste front républicain organisé à lui tout seul.
Les organismes sont absolument tous structurés en fonction de cette conception. On a l’unification en mars 1945 dans une Confédération Générale de l’Agriculture de l’ancienne Confédération générale des Paysans travailleurs avec les Comités de défense et d’action paysanne.
On a un Comité National des Écrivains, fondé dans l’occupation par Jacques Decour, tout comme on a des organisations rassemblant, par catégories, cadres, techniciens, artistes, avocats, médecins ou encore l’Union des vieux de France.

Reste la surface. Rien que le million de membres du Parti représente 36 000 cellules, dont un quart sont des cellules d’entreprise.
Cela permet un écho ininterrompu dans la société. Le Parti diffuse ainsi 11 quotidiens nationaux et 75 hebdomadaires, pour ce qui représente pratiquement le quart de la presse nationale en termes de diffusion.
Le Parti Communiste Français a également réussi à prendre le contrôle de la CGT reconstitué à la Libération. Celle-ci dispose de 5,5 millions d’adhérents.
La quantité est donc là. Mais la seule qualité présente, c’est la « république ». Tous les problèmes théoriques, culturels, idéologiques… sont systématiquement résolus en s’appuyant sur le concept de « république française ».

Immanquablement, il faut ici considérer que c’est la ligne de Jean Jaurès ; en 1945, le Parti Communiste Français apparaît comme la social-démocratie que l’Allemagne a connu avant 1914, ni plus, ni moins.
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Le Parti Communiste Français
de la lutte armée à l’acceptation