L’ambiguïté du PCF sur le plan Marshall en 1947

Léon Blum avait compris que le projet de Maurice Thorez n’était pas cohérent, puisque le Parti Communiste Français avait un pied dans le système et un pied en-dehors. D’un côté, il se voulait totalement républicain, hyperactif au service de l’économie, partie prenant des institutions. De l’autre, il prétendait vouloir une transformation générale.

En se moquant de la rectification de Maurice Thorez, Léon Blum tapait dans le mille.

Cette rectification s’était produite durant le congrès lui-même, en l’occurrence le 26 juin 1947, soit le deuxième jour.

Cette rectification, au-delà de son contenu, est ignoble. Maurice Thorez, devant tous les congressistes, agresse ses camarades, les dénonce.

Tout cela, qui plus est, pour justifier une savant ambiguïté, puisqu’il cherche à tout prix à ne pas dénoncer le plan Marshall, afin encore et toujours d’aller dans le sens de la légitimité nationale-républicaine.

« Chers camarades. Vous savez qu’il n’est pas dans nos habitudes d’apporter des rectifications à tout ce que l’on peut dire sur notre Parti dans la presse adverse.

Mais il s’est glissé ce matin une telle formule dans toute la presse française et étrangère qu’elle nous oblige à faire une déclaration très nette.

Toute la presse reproduit une expression qui n’a pas été prononcé ici, que personne de vous n’a entendue, à savoir que l’on aurait dénoncé le plan Marshall comme un piège occidental.

En militants responsables, nous avons l’habitude de peser ce que nous disons et de ne parler qu’avec beaucoup de prudence sur les problèmes de la politique extérieure qui intéressent l’avenir de notre pays.

Je répète que nous sentons trop notre responsabilité pour créer des difficultés entre les alliés et faire quoi que ce soit qui puise gêner l’entente nécessaire entre alliés et en définitive le relèvement de notre pays. Voici donc ce que j’ai dit hier :

« Le plan dont on parle ces jours-ci nous semble comporter de graves inconvénients.

Tel quel, il aboutirait en fait à liquider les réparations et à mettre l’Allemagne sur le même plan que la France et les autres pays victimes de l’agression hitlérienne.

Certains réactionnaires enragés voulaient déjà voir dans ce plan comme une machine de guerre contre l’Union Soviétique, comme l’amorce d’un bloc occidental qui couperait l’Europe et le monde en deux.

La venue à Paris de Molotov sur l’invitation des ministres des Affaires étrangères français et anglais porte un coup aux espoirs des pêcheurs en eau trouble. »

Voilà ce que j’ai dit. Tout autre expression ou interprétation ne peut être considérée que comme un coup dirigé à la fois contre l’unité de notre peuple et contre l’unité nécessaire entre les grands alliés.

J’ajoute, parce que nous nous devons d’être loyaux, que les journalistes ne sont nullement responsables pour la formule incriminée.

L’interprétation qu’ils en font est autre chose. Malheureusement, l’expression leur a été livrée dans un résumé qui a été préparé pur nos services de presse.

Des militants responsables, au lieu de reproduire simplement ce que nous disons, croient devoir interpréter et ont commis cette faute très grave que j’avais le devoir de rectifier devant le Congrès.

Je suis convaincu que nous pouvons compter sur la courtoisie et la bonne foi des journalistes présents à notre congrès, pour apporter partout les rectifications nécessaires. »

C’est lamentable et, bien entendu, encore plus quand on sait que justement sur exigence révolutionnaire de la part de l’URSS, le Parti Communiste Français va être amené à combattre le plan Marshall et les initiatives américaines en France.

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