Le PCF tente de prendre les commandes de la lutte
Le coup de force fasciste de février 1934 a montré que le PCF avait raison de constater le processus de la fascisation ; par conséquent, il comptait profiter de sa clairvoyance politique. Maurice Thorez, dans « Accélérons les cadences » en avril 1934, espérait ainsi la chose suivante :
« Le Parti doit procéder à un recrutement intensif des milliers de combattants qui l’ont écouté et suivi au cours des journées de février et depuis. »
Le PCF est cependant incapable de maintenir une ligne directrice, de par les manquements terribles dans les domaines culturels et idéologiques, comme en témoigne le passage dans le camp du fascisme de cadres comme Victor Barthélemy, voire de dirigeants comme Jacques Doriot qui se met à prôner l’alliance avec les socialistes et la collaboration de classe, tout en restant maire de la ville ouvrière de Saint-Denis.
Au moment où le Parti Communiste est censé enfin battre idéologiquement le Parti Socialiste, il s’aperçoit qu’il n’a pas le ressort pour le faire, qu’il n’a pas les bases pour cela, alors que le Parti Socialiste est lui intégré à la société capitaliste et dispose de nombreux cadres.
Le PCF est incapable de dépasser l’horizon économiste, reflet de sa base social-démocrate et de la vision de Maurice Thorez comme quoi le PCF est censé être un parti de masses, pas un parti de cadres. On en revient toujours, avec Maurice Thorez, à la question de « l’unité syndicale » comme solution absolue.
Dans son rapport au Comité Central à la Conférence nationale du PCF, en juin 1934, intitulé « Par l’unité d’action nous vaincrons le fascisme – Les travailleurs veulent l’unité ! », Maurice Thorez explique ainsi :
« Pour vaincre, le mouvement antifasciste doit avoir une base ouvrière solidement enracinée dans l’usine. La classe ouvrière doit donner l’exemple de la lutte revendicative et parvenir de la sorte à entraîner toutes les autres couches sociales frappées par le Capital, car sans les classes moyennes nous ne saurions vaincre le fascisme.
Le levier pour une telle tâche, c’est le travail dans les syndicats, c’est la lutte pour l’unité syndicale.
La conférence doit souligner fortement que le devoir des communistes est de hâter la réalisation de l’unité syndicale sur la base de la lutte des classes. »
Si d’un côté, la nécessité de la centralité ouvrière est reconnue, de l’autre il y a une incompréhension fondamentale des principes développés par la social-démocratie – avec Kautsky et Lénine – quant au rôle guide du socialisme scientifique.
Maurice Thorez en reste au terrain de l’économisme, des revendications ; les luttes de classe ne forment pas un processus concret, mais une sorte de principe historique où le Parti « profite » d’une situation.
C’est pourquoi, dans le même document, niant le plan idéologique et culturel, Maurice Thorez affirme de manière pragmatique-machiavélique :
« C’est un erreur de repousser ou de se désintéresser de revendications qui sont fondées, sous prétexte qu’elles sont présentées par des organisations qui subissent l’influence de la réaction. Au contraire, nous devons défendre chaque revendication qui n’est pas en contradiction avec l’intérêt du prolétariat. Ainsi nous gagnerons de l’influence dans ces catégories sociales et jusque dans leurs organisations. »
Il y a ici une très grande naïveté politique, fondée sur la réduction des revendications à leur dimension économique. C’est d’ailleurs la raison qui amène Maurice Thorez à refuser de rejeter la démocratie bourgeoise de manière unilatérale, au nom de la conquête des libertés ouvrières.
Maurice Thorez explique ainsi :
« Les communistes défendent les libertés démocratiques conquises par les masses, afin de mieux rassembler et organiser les forces révolutionnaires du prolétariat et de tous les travailleurs contre le Capital et contre la dictature de la bourgeoisie.
Par exemple, nous allons participer avec ardeur aux prochaines élections cantonales. Nous allons user du droit de vote pour exposer notre programme, définir notre politique et surtout élargir à la faveur de la campagne électorale la lutte commune avec les ouvriers socialistes. »
Vers la guerre
A ce premier problème de ligne, vient s’ajouter la question de la guerre. Le PCF a parfaitement compris que la guerre impérialiste était inévitable ; sa ligne est parfaitement juste sur ce point.
Cependant, le PCF est incapable de gérer son soutien à l’URSS et une ligne politique anti-impérialiste cohérente dans son propre pays. Lorsqu’ainsi il y a des accords militaires entre la France et l’URSS en 1935, accords jamais appliqués, le PCF replonge dans ses travers syndicaux, cette fois en termes ouvertement politiques, en se plaçant comme le « meilleur élève ».
Le PCF ne raisonne pas en termes d’aspects principal et secondaires ; il est unilatéral et ses positions nouvelles sont justifiées car, comme il est formulé dans « Tout pour défendre la paix » (Cahiers du bolchévisme, mai 1935) :
« Quand, dans la situation présente, alors qu’Hitler menace la paix du monde, la France signe un pacte d’assistance mutuelle avec l’Union soviétique, elle sert la cause de la paix. »
Le caractère unilatéral d’une telle position, qui fait se confondre tactique et stratégie, se lit d’autant plus que le pacte en question ne sera jamais appliqué ; son signataire, Pierre Laval, devenant par la suite même le principal ministre de Philippe Pétain et étant fusillé en 1945.
Le PCF, avec Maurice Thorez à sa tête, est prêt à basculer dans le soutien au régime, au nom de « l’unité syndicale » et du soutien à l’URSS – ce que les trotskystes utiliseront de manière opportuniste et contre-révolutionnaire pour attaquer le marxisme-léninisme.