Le matérialisme dialectique a une position concernant l’espace-temps qui, bien entendu, est l’opposé de la conception idéaliste. Cela a des conséquences très importantes, faisant que le matérialisme dialectique se tourne, comme Aristote, vers la physique, alors que la conception idéaliste se tourne, comme Platon, vers les mathématiques.
Pourquoi cela ?
Selon le matérialisme dialectique, l’Univers est éternel et matériel. Il n’y a donc pas de vide, de choses non matérielles : il n’y a que de la matière, celle-ci étant inépuisable, divisible à l’infini, ainsi qu’en mouvement.
Cela signifie que l’Univers est, au sens strict, l’espace : la matière occupe un espace qui est en réalité la matière elle-même, dans sa réalité même. Étant donné que la matière est en mouvement – c’est sa « qualité » : le mouvement dialectique est interne – alors il y a une transformation.
Cette transformation de la matière en tant qu’espace produit le temps. Le temps n’est, en fait, que le mouvement de l’espace. Le temps qui passe ne consiste qu’en la transformation de la matière.
Ici, l’humanité se trouve facilement dans l’erreur sur ce plan, car elle a fondé sa notion du temps sur le mouvement cyclique de la planète Terre, par rapport au Soleil ou la Lune, ou encore les deux – or ce mouvement cyclique n’est qu’apparent, car rien n’est fixe et aucun mouvement ne se répète de manière éternelle.
La conception idéaliste, de son côté, considère justement qu’il existe des choses se répétant de manière éternelle. Or, une chose qui se répète de manière éternelle est, par définition, toujours similaire. C’est exactement cela qu’on appelle « Dieu ».
Dieu est, de ce fait, hors du temps, toujours similaire et par conséquent omniscient et omnipotent dans la mesure où il sait ce qui se passe – rien car rien ne change – et où il peut tout – rien car rien ne se passe.
Dieu est par conséquent temps et non espace, car il n’y a rien et ne se passe rien, il n’y a qu’un seul moment, toujours similaire, qui dure. C’est de ce raisonnement qu’est né historiquement dans l’humanité le concept de Dieu, pas moins.
Comme pourtant notre monde existe, la conception idéaliste a expliqué que le temps a donné naissance à l’espace. C’est pour cela que la Bible commence par la formule « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ».
Etant donné que Dieu est, donc, toujours le même, il est l’unité suprême, il est le vecteur du monde, sa base. Le monde est, par conséquent, logico-mathématique : Dieu est le chiffre un, toujours similaire, permettant par conséquent de dénombrer la réalité matérielle qui, elle, est multiple.
C’est Platon qui a développé le plus en avant cette conception ; toute la conception idéaliste du monde consiste, de fait, en le platonisme renouvelé, « amélioré », modifié, etc.
Dans le tableau L’école d’Athènes, de Raphael, Platon pointe son index vers le haut : il faut se tourner vers le « 1 », car la réalité matérielle est multiple, donc illusion. L’allégorie de la caverne est une parabole de cette conception idéaliste.
Aristote, quant à lui, indique le bas de sa main : il s’intéresse à la matière, ne croyant pas en le « monde des idées » de Platon, c’est-à-dire des chiffres-qui-ne-changent-jamais. Chez Aristote, c’est la physique qui prime, tandis que chez Platon, ce sont les mathématiques.
Chez Baruch Spinoza on se tourne vers la nature ; chez René Descartes, vers les chiffres qui « expliquent » le monde, car le monde est fondé sur ces chiffres, réalité « multiple » (et donc illusoire) issu du « 1 » qui est l’élément de base des mathématiques, en tant qu’unité, tous les autres chiffres étant des assemblages de cette unité.
La conception idéaliste considère donc que l’espace est un produit du temps, le temps étant les mathématiques, l’espace étant la physique formé à partir du temps. De là vient la généralisation de la mathématisation du monde par la bourgeoisie.
Le matérialisme dialectique considère que le temps n’est que la photographie de l’espace en mouvement contradictoire avec lui-même, ce mouvement étant en fait ce qu’on appelle temps. De là découle alors la nécessaire soumission des mathématiques, comme outil descriptif, à la physique.
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