Le développement toujours plus large de la monnaie dans le cadre du développement du capitalisme a fait que cet aspect de l’économie a attiré toujours plus d’attention dans le cadre du développement des États s’arrachant au féodalisme.
Il y a ici une convergence d’intérêt entre les formes les plus développées de capital marchand, les producteurs devenant commerçant et la monarchie absolue ayant besoin de davantage de ressources.
La France, pays de monarchie absolue où la bourgeoisie est soutenue par le monarque mettant relativement de côté l’aristocratie et nettement le clergé, connaîtra le développement de l’idéologie « colbertiste ».
L’Angleterre et les Pays-Bas, pays où le capitalisme était bien plus avancé, connurent l’idéologie « commercialiste ».
L’Allemagne, pays retardé dans le développement du capitalisme, développera le « caméralisme », alors que l’Espagne, pays encore plus retardé, aura de son côté le « bullionisme ».
L’Espagne féodale misait tout sur les métaux précieux, s’imaginant que la richesse provenait d’eux.
L’Allemagne un peu plus avancé sur le rôle de l’État, alors que déjà l’Angleterre et les Pays-Bas raisonnaient en termes de commerce extérieur, étant à la point du capitalisme.
Le colbertisme représente une forme relativement intermédiaire dans ces choix, cédant la place ensuite à une forme plus avancée sur le plan capitaliste : la physiocratie.
Ces différentes approches furent regroupées historiquement sous le terme de « mercantilisme », surtout pour sa version anglais, la plus « pure ».
Le terme latin mercari, signifiant « faire du commerce », a de fait été employé au XVIIIe siècle par Victor Riquetti de Mirabeau pour forger en français le mot mercantilisme, désignant la première réflexion sur l’origine de la richesse d’un pays. Adam Smith, le fameux auteur de La richesse des nations à la même époque, reprendra le terme.
En fait, le mercantilisme est l’idéologie propre à une période où l’État féodal fait face au développement de la circulation de l’argent, tant en son sein qu’au niveau international.
L’aristocratie voyait d’un mauvais œil, nécessairement, l’émergence des marchands et des commerçants, qui servaient d’intermédiaires entre les artisans et les consommateurs. Mais le développement de leur marché capitaliste était observé d’un œil attentif par la monarchie cherchant à être absolue.
Elle y voyait un contre-poids face à l’aristocratie, mais également un moyen de renforcer l’État. Aussi, le mercantilisme est l’idéologie véritable de cet État tendant à la monarchie absolue, cherchant à engager un processus d’intégration de ce capitalisme naissant.
Un rêve absurde, bien entendu, mais les observateurs liés à l’État alors n’avait pas d’autres moyens que de se focaliser sur ce qui apparaissait comme la source de la réussite des marchands et des commerçants : la circulation monétaire.
La production restait un mystère ; les marchands et commerçants semblaient en mesure de profiter d’une manne céleste, où l’argent servait d’agent mystérieux.
Karl Marx, dans Le Capital, note ainsi :
« La première étude théorique du mode de production moderne – le système mercantile – partait nécessairement des phénomènes superficiels du procès de circulation, devenus autonomes dans le mouvement du capital marchand ; pour cette raison, elle appréhendait seulement l’apparence.
Cela est dû en partie à ce que le capital marchand est la première forme indépendante d’existence du capital en général ; en partie à l’influence prépondérante qu’il exerce dans la première période du bouleversement de la production féodale, période qui est l’origine de la production moderne.
La science réelle de l’économie moderne commence seulement là où l’examen théorique passe du procès de circulation au procès de production. »
Le mercantilisme, c’est l’observation du capital marchand et de ses succès par une monarchie absolue en formation, avec une dimension anti-féodale, alors que sa base était féodale.
Cela formait une contradiction explosive, dont le résultat sera en France l’essor d’une bourgeoisie sous l’aile de la monarchie absolue, jusqu’à la conflagration dans la révolution française.