Le matérialisme dialectique est le cœur du marxisme, et de ses prolongements que sont le léninisme et le maoïsme. Malheureusement, en France, ce noyau même de l’idéologie communiste n’a jamais été compris ni diffusé.
Dans l’esprit de Pierre-Joseph Proudhon et de Jean Jaurès, et du « socialisme français » en général, la dialectique a été soit considérée comme une sorte d’étrange mystique, soit comme la simple reconnaissance que deux choses contraires peuvent coexister.
Or, le matérialisme dialectique n’est ni une mystique, ni la reconnaissance d’un assemblage « contradictoire » de choses, comme par exemple on pourrait dire qu’il existe une contradiction entre deux équipes de football pour faire un match, ou bien une contradiction entre le caractère divertissant d’un film et son absence d’intérêt culturel, etc.
La contradiction n’est pas une division faite au hasard, sa compréhension ne saurait être le simple constat qu’il existe deux aspects, un bon et un mauvais. Le fameux plan « thèse – antithèse – synthèse » représente le contraire du matérialisme dialectique, car il prétend combiner des choses entre elles sans se préoccuper de leur réalité, de leur substance.
La contradiction n’existe qu’en tant que moteur de la chose, d’un phénomène, ce qui est très différent. Lénine, dans « Sur la question de la dialectique », écrit en 1915 et publié pour la première fois en 1925, dit ainsi :
« Le dédoublement de l’un et la connaissance de ses parties contradictoires (v. la citation de Philon sur Héraclite au début de la IIIe partie (« De la connaissance ») de l’Héraclite de Lassalle) est le fond (une des « essences », une des particularités ou marques fondamentales, sinon la fondamentale) de la dialectique. »
La citation dont parle Lénine est celle-ci :
« Car l’un est ce qui se compose de deux contraires, de sorte qu’une fois coupé en deux, ces contraires apparaissent. N’est-ce pas ce principe que, d’après les Hellènes, leur grand et célèbre Héraclite plaçait en tête de sa philosophie et dont il s’enorgueillissait comme d’une découverte nouvelle ? (…)
De la même façon, les parties de l’univers sont divisées en deux et opposées réciproquement : la terre — en montagnes et en plaine, l’eau — en douce et salée… de la même façon l’atmosphère en hiver et été et aussi en printemps et automne… C’est cela même qui a servi d’éléments à Héraclite pour composer ses ouvrages sur la nature ; empruntant à notre théologien l’idée des contraires, il l’illustra par des exemples nombreux et soigneusement élaborés. »
La dialectique est donc bien la reconnaissance de deux aspects. Mais ces deux aspects ne peuvent pas être choisis de manière abstraite. Leur rapport est dynamique, et il est le moteur d’une chose, d’un phénomène.
Voici pourquoi Lénine donne les exemples suivants :
« En mathématiques + et -. Différentielle et intégrale.
En mécanique, action et réaction.
En physique, électricité positive et électricité négative.
En chimie, combinaison et dissociation des atomes.
En sciences sociales, la lutte des classes. »
Lénine ajoute donc alors précisément :
« L’identité des contraires (leur « unité », dirait-on peut-être plus exactement, bien que la distinction des termes identité et unité ne soit pas ici particulièrement essentielle. En un certain sens, les deux sont justes) est la reconnaissance (la découverte) des tendances contradictoires, s’excluant mutuellement, opposées, dans tous les phénomènes et processus de la nature (esprit et société y compris).
La condition pour connaître tous les processus de l’univers dans leur « auto-mouvement », dans leur développement spontané, dans leur vie vivante, est de les connaître comme unité de contraires. Le développement est « lutte » des contraires.
La première conception du mouvement laisse dans l’ombre l’auto-mouvement; sa force motrice, sa source, son motif, (ou bien transporte cette source en dehors : dieu, sujet, etc.). La deuxième conception dirige l’attention principale précisément sur la connaissance de la source de l’ « auto »-mouvement. »
Ainsi, la dialectique n’est pas la simple reconnaissance de deux aspects, mais de deux aspects qui, dans leur unité, permettent le mouvement. Si l’on perd cette question du mouvement, alors les deux aspects peuvent s’avérer totalement idéalistes.
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