Ayant installé son gouvernement en Touraine après l’échec de la prise de Paris, Henri IV parvient à lancer une offensive militaire et à écraser la Ligue à Ivry en mars 1590. La question nationale, permise dans son existence même par la monarchie absolue, va alors se poser dans toute son ampleur.
Le soutien espagnol provoque un trouble certain sur le plan de la conscience nationale, qui saisit que l’éventuel succès de la Ligue renforcerait l’Espagne aux dépens de la France, voire briserait la France, en renforçant la féodalité de type médiéval.
Joue ici un rôle important la publication d’un accord secret signé à Joinville, dit de la « Sainte Ligue », entre l’Espagne et la Ligue, et la révélation que le roi d’Espagne avait tenté de placer sur le trône français plusieurs personnes : sa propre fille, son frère qui était un archiduc autrichien, le cardinal de Bourbon (oncle de Henri IV), etc.
La Ligue elle-même en arrive à se diviser en deux, le comité gérant Paris étant décapité au bout d’un affrontement entre une tendance catholique ultra et une tendance bourgeoise plus mesurée.
Dans ce contexte d’enjeu national, les parlements existant en France alors se divisent de plus en plus et Henri IV obtient un appui toujours plus grand, dans la mesure où il relève de l’option nationale. C’est précisément à ce moment là que Henri IV fait annoncer par l’archevêque de Bourges qu’il va devenir catholique.
C’est une option pragmatique qui fait littéralement basculer dans le camp de la monarchie absolue des pans entiers du catholicisme, justement en raison de la base nationale.
Henri IV abjure le protestantisme en juillet 1593, lors d’une cérémonie publique à Saint-Denis. Il rentre dans l’église, l’archevêque lui demande qui il est, Henri IV répond « Je suis le roi ! »
S’ensuit le dialogue suivant, Henri IV s’agenouillant sur un carreau présenté par le cardinal :
« – Que demandez-vous ?
– Je demande être reçu au giron de l’Eglise catholique, apostolique et romaine.
– Le voulez-vous ?
– Oui, je le veux et je le désire. Je proteste et jure, devant la face du Dieu tout puissant, de vivre et mourir en la religion catholique, apostolique et romaine, de la protéger et défendre envers tous, au péril de mon sang et de ma vie, renonçant à toutes hérésies contraires à ladite Église. »
Henri IV est couronné Roi de France en février 1594 à Chartres, à défaut d’avoir pu aller à Reims qui était sous le contrôle de la Ligue catholique. Enfin, le pape Clément lui accorde l’absolution au bout d’un certain temps, en novembre 1595. Henri III fut alors le dernier de la maison des Valois, Henri IV le premier de la maison des Bourbons.
Henri IV apparaît donc comme quelqu’un possédant la légitimité générale et il rassemble au fur et à mesure des troupes pour vaincre la présence espagnole : d’abord lors de la bataille de Fontaine-Française qui libère la Bourgogne, en juin 1595, ensuite et surtout dans le siège d’Amiens qui dura six mois avec également une contre-offensive espagnole, en 1597.
L’Espagne est alors battue, étant également à bout de ressources (elle n’a par ailleurs que 8 millions d’habitants, contre 20 pour la France) ; le traité de paix franco-espagnol est signé à Vervins en mai 1598 et la France retrouve ses frontières de 1559, revenant au premier plan.
Restent les problèmes franco-français, liés à l’influence espagnole et au catholicisme ultra. Henri IV engage des négociations avec les trente villes de la Ligue, avec qui furent faits des accords un par un.
Bordeaux, par exemple, vit ses privilèges renouvelés en 1591 : le maire et les jurats disposent de la garde et des clefs de la ville, ainsi que des tours aux portes de celle-ci. On trouve la même question des tours dans le traité concernant la ville de Lyon, où l’on peut lire : « Que le Roy ne batiroit jamais de citadelles en leur ville, que dans leurs coeurs et bonnes volontez ».
La ville de Lyon obtient de ne pas avoir à entretenir de garnison royale, de conserver ses privilèges pour les foires, les manufactures de soie et de draps d’or et d’argent, d’être exemptée de tailles, de bans et d’arrière-bans, etc.
Mais surtout, Henri IV procède à la corruption, qui a un coût massif : 32 millions de livres, pas moins d’une année d’impôts ! Et encore s’agit-il d’un chiffre qui ne tient pas compte des articles secrets, ni de la distribution de postes richement rémunérés.
L’entrée à Paris fut par exemple achetée 1 million 695 mille livres et une charge de maréchal au comte de Brissac. Le marquis de Vitry fut acheté 168 890 livres, à quoi s’ajoutent une charge de capitaine des gardes et le gouvernement de Meaux, le duc de Mercoeur fut acheté deux millions de livres !
Et c’est justement en se rendant à Nantes au printemps 1598 pour signer l’accord avec le duc de Mercoeur que Henri IV va pouvoir alors officialiser le fameux Édit. Il lui fallait en effet trouver un terrain d’entente avec les protestants.
Il avait fait un premier pas, extrêmement restreint, en juillet 1591, avec l’Édit de Mantes rétablissant l’Édit de Poitiers de 1577, accordant de faibles droits aux protestants. Il fallait cette fois à Henri IV aller plus loin.