Tabor comme lieu de rassemblement de masse fut le lieu d’une effervescence sans pareil. Les prêcheurs populaires-révolutionnaires avaient réussi à synthétiser une ligne pour mobiliser les masses.
L’objectif révolutionnaire était clair, et ce d’autant plus que la contre-révolution était d’une grande force. Cela produisit en réaction une grande élévation du niveau politico-militaire des masses taborites.
Ainsi, Tabor disposait de chefs militaires brillants : Jean Zizka, Nicolas de Hus, Jean Hvezda, Bohuslav de Svamberk. A côté de la ville de Tabor proprement dit, des places fortes lui étaient directement liées: Tabor, Písek (où résidait d’ordinaire leur évêque Nicolas de Pelhrimov), Vonany, Klatovy, Sobeslav.
Tabor connaissait ainsi une grande dynamique culturelle ; si d’un côté les textes sur la Bible écrits par les docteurs universitaires étaient catégoriquement rejetés, une énorme attention était accordé aux études de la Bible, aux discussions, etc.
Tous les témoignages sur les taborites racontent une énorme attention à la culture, aux bibliothèques, etc. Des écoles étaient ouvertes pour tous et toutes, il n’y avait pas de distinction arbitraire.
De fait, l’illustre pédagogue tchèque Comenius, du XVIIe siècle, qui voulait apprendre tout à tous, se situera dans la tradition culturelle ouverte à Tabor.
Voici également comment Laurent de Brezova, un hussite modéré et critique des taborites, raconte leur culture:
« Lorsque ces exercices spirituels étaient terminés, on allait restaurer ses forces en plusieurs endroits du plateau destinés à cet usage. Là on prenait part à un banquet où régnaient non pas la luxure, la débauche, la frivolité ou la dissipation, mais l’amour fraternel et le désir de mieux servir le Seigneur.
Ils s’appelaient entre eux frères et sœurs, le riche partageant avec le pauvre la nourriture que l’on avait préparée. Les boissons fermentées étaient interdites. La danse, les dés, les boules et autres jeux n’étaient tolérés ni chez les adultes, ni chez les enfants.
Il n’y avait là point de rixes, ni de larcins; aucun air de flûte ou de vielle ne venait les distraire, comme dans les kermesses. Observant les mœurs des apôtres, ils n’étaient qu’un coeur, qu’une âme, qu’une volonté et leurs conversations roulaient uniquement sur le salut et sur le retour du clergé à l’église primitive. »
Parmi les valeurs des taborites, il constate:
« Le croyant n’est tenu d’ajouter foi à aucune autorité écrite, à aucune maxime des docteurs quels qu’ils soient, à l’exception de ce qui est explicitement contenu dans le canon biblique. Les ouvrages des maîtres sont des artifices de l’antéchrist et, comme tels, ils doivent être rejetés, anéantis ou brûler (…).
Il faut rejeter la confession auriculaire et n’en faire aucun cas. Les pécheurs – même les criminels – n’y sont pas tenus. Il suffit de se confesser mentalement à Dieu (…).
Il ne faut pas croire qu’il existe, après la mort du corps, un lieu de purification pour les âmes. Il est sot et vain de prier ou de faire des actes de dévotion pour les morts.
Les invocations, les prières vocales et mentales que l’on adresse aux saints de la patrie céleste pour requérir leur aide ont une saveur d’hérésie et d’idolâtrie.
Il est interdit, sous peine de se rendre coupable d’idôlatrie, de conserver des images ou d’autres similitudes des choses qui existent sur la terre ou dans le ciel. Chaque objet de ce genre sera détruit et livré aux flammes, car il est écrit dans le livre de l’Exode: « Tu ne te feras pas d’image ni de représentation. » (…)
Ces prêtres évitaient de célébrer la messe sur des autels consacrés parce que, disaient-ils, ces autels n’appartenaient pas à Dieu, mais au diable et aux idoles; ils n’avaient été consacrés à Dieu gratuitement, mais pour de l’argent acquis par la simonie, non pas en l’honneur de Dieu, mais en l’honneur d’un saint: il était juste, par conséquent, de les détruire.
Partout où cela leur était possible ils saccageaient ou incendiaient les sanctuaires, reversaient les autels ou en brisaient les coins, les rendant ainsi impropres à la célébration du culte.
Ils enseignaient aussi que les couvents sont des repaires de brigands et qu’ils n’ont pas été fondés en accord avec la loi du Christ: car le Christ a ordonné à ses disciples et, par leur intermédiaire, à tous les prêtres, d’aller par le monde prêcher et baptiser au nom du père, du fils et du saint souffle. Aussi les croyants sont-ils tenus de détruire ou de raser toutes les maisons de religieux, qu’elles appartiennent aux ordres mendiants ou aux ordres dotés, afin que les moines et les frères s’en aillent prêcher de par le monde. »
Enea Silvio Piccolimini, de passage à Tabor et nullement favorable, raconte :
« Sur la porte extérieure de la ville, il y avait deux écussons. L’un figurait un ange tenant un calice, comme s’il voulait exhorter le peuple à communier sous l’espèce du vin. Sur l’autre était représenté Ziska, sous les traits d’un vieillard frappé de cécité. »
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