QUESTION
Il ne fait aucune doute que les élections ne mènent pas au triomphe.
Nous autre chiliens nous pouvons en parler, mais je ne pense pas non plus que ce soit le cas d’un comité anti-électoral, et je ne pense pas qu’un tel nom soit attractif, je crois que c’est un projet mort-né.
La loi électorale ne permet pas la participation des options populaires, pas plus que la loi sur les partis politiques, mais si les choses se présentaient autrement, je crois humblement que les partis de gauche devraient utiliser cette scène pour accumuler des forces, établir des contacts avec les masses, sans envisager d’être élus, mais en considérant la chose électorale comme une instrument pour avancer.
La différence avec un parti électoraliste, c’est que les élections ne sont pas vues comme une fin, comme la seule façon de faire de la politique.
Pour un parti révolutionnaire, la situation est difficile, la chose électorale est vue tactiquement, elle permet d’avancer si elle est bien maniée, elle rend possible le contact et le débat, elle met en avant le parti, le fait connaître davantage, et ceci ne peut pas être balayé d’un revers de la main.
Dans la situation présente, la logique serait d’appeler à voter nul, bien que les pourcentages de bulletins nuls et blancs seront les mêmes que dans les élections antérieures et bien qu’il soit illusoire de penser qu’on pourrait créer par ces appels des organismes autour du thème du vote nul ou du rejet des élections.
Vous parlez depuis un certain temps de la formation d’un Parti Comuniste (mlm), mais comment pensez-vous avancer dans cette tâche su vous n’êtes pas liés politiquement, si vous ne montrez pas aux gens que le P « C » n’est pas le seul et que vous êtes une alternative.
R.
RÉPONSE
Camarade R.
Nous vous sommes profondément reconnaissants pour les notes que vous nous avez envoyées, puisqu’elles nous permettent d’approfondir quelques aspects qui ont pu être expliqués de manière insuffisante.
Nous reconnaissons dans vos commentaires le souci honnête de dévoiler le chemin de la révolution chilienne et pour cette raison nous sommes disposés à continuer avec vous le débat touchant la signification qu’a pour le peuple la voie électorale.
Les arguments que vous nous opposez pour mettre en doute la pertinence et le sens de la campagne anti-électorale que nous impulsons actuellement, nous les avons déjà rencontrés chez certains autres camarades, raison pour laquelle nous avons décidé de rédiger cette réponse en tant que lettre ouverte, permettant de fournir aux lecteurs de Nueva Democracia de nouveaux éléments pour la discussion au sujet du sens des élections et de la voie de la révolution au Chili.
En tant que communistes, nous nous appuyons, pour analyser la réalité, sur le matérialisme dialectique et le matérialisme historique, en particulier sur la théorie de la lutte des classes.
Le président Mao nous avertit en outre de nous garder du subjectivisme, de l’unilatéralité et de la superficialité, lorsque nous étudions les problèmes.
Le subjectivisme nous mène à avancer des jugements basés sur des idées préconçues, en oubliant le matérialisme qui nous demande de rechercher la vérité dans les faits; l’unilatéralité nous mène à n’observer que des aspects isolés du problème, sans considérer l’ensemble d’éléments impliqués en lui et la relation dialectique entre eux; la superficialité nous mène à n’observer que les aspects extérieurs des problèmes, en général les aspects les moins importants, sans enquêter sur leur contenu ni sur les connexions internes des différents phénomènes.
Nous tenterons dans cette réponse de livrer quelques éléments qui à notre avis sont absents de votre réflexion, afin de pouvoir avancer dans cette discussion et de l’approfondir.
Mille et un faits objectifs de l’histoire du prolétariat mondial nous ont montré que les élections pour les différents postes de l’appareil étatique des exploiteurs sont un mécanisme profondément contre-révolutionnaire.
Commençant avec l’espoir d’obtenir des améliorations des conditions de vie du prolétariat grâce à la participation « démocratique », on finit par dévier les énergies du prolétariat et du peuple de la préparation nécessaire de la révolution, qui signifie la destruction de tout l’appareil bureaucratico-militaire des exploiteurs et non leur participation à celui-ci.
Dans l’histoire du mouvement communiste international, il y a eu des situations où les partis prolétariens ont été jusqu’à obtenir la majorité parlementaire.
Il y a beaucoup d’exemples de cela.
Les plus significatifs sont ceux de l’Indonésie pour les pays dominés et de l’Allemagne et de la France pour les pays capitalistes développés.
Mais à chaque fois, au moment où la bourgeoisie et les propriétaires terriens voient leur hégémonie mise en danger dans l’administration de l’Etat, ils ont mis fin aux libéralités « démocratiques » en utilisant la force, en persécutant les communistes et en proscrivant le parti.
Les élections et les postes étatiques sont nécessairement amarrés aux lois de la bourgeoisie et des propriétaires terriens au service de l’impérialisme.
Les exploiteurs font en sorte que la propagande des idées révolutionnaires et les organisations qui les impulsent soient interdites par la loi, parce qu’elles sont un danger pour la perpétuation de leur dictature de classe.
Toute organisation qui promeut la destruction de l’Etat bourgeois-propriétaire terrien est considérée comme ennemie de l’Etat.
Il n’y a pas besoin de beaucoup réfléchir pour se rendre compte que cette condition évidente empêche un parti révolutionnaire de se faire connaître parmi les masses au moyen de candidats et de campagnes électorales, tout comme elle permet de comprendre l’insistance de Lénine au sujet du caractère clandestin que doit avoir le Parti.
C’est seulement en « mettant de l’eau dans notre vin » qu’il serait possible de rendre public le parti et « d’utiliser l’Etat », mais alors seulement au prix du remplacement du marxisme par le révisionnisme, par l’opportunisme de la pire espèce.
Bien au contraire, l’histoire des révolutions victorieuses nous montre que seule l’organisation des masses en opposition à l’Etat des exploiteurs a signifié l’avancée sur le chemin de la révolution.
Si nous sommes confiants dans le principe « les masses font l’histoire », alors nous communistes devons nous donner une série de tâches permanentes : nous unir aux masses, les organiser, les politiser, construire le parti en leur sein pour ainsi préparer et développer la guerre populaire.
Sur ce chemin, comme l’a expliqué Lénine, tout moyen pour nous unir aux masses est correct pourvu que nous mettions en avant l’idéologie du prolétariat.
Etant donné ce qui vient d’être dit, nous communistes ne rejetons pas la participation aux élections – au contraire, nous participons activement quand elles ont lieu – mais nous le faisons en suivant une ligne politique prolétarienne et non bourgeoise.
Dans un pays comme le nôtre, cela signifie que nous communistes ne présentons pas de candidats ni ne nous faisons d’illusions sur les promesses démocratiques de la grande bourgeoisie, des propriétaires terriens et de l’impérialisme, mais dénonçons le caractère profondément contre-révolutionnaire de ces élections, impulsons l’opposition active aux lois de l’Etat bourgeois-propriétaire terrien et appelons à développer la protestation populaire avec une perspective révolutionnaire opposée à la stratégie d’endiguement du mouvement populaire promue par l’impérialisme dans ses semi- colonies, ayant comme objectif de maintenir la soumission des peuples et pouvoir ainsi mettre à sac ces nations en toute tranquillité.
Ceci signifie opposer la politique révolutionnaire du prolétariat et du peuple à la politique contre-révolutionnaire de la grande bourgeoisie, des propriétaires terriens et de l’impérialisme.
Ceci signifie agir avec de la souplesse tactique, mais en maintenant invariablement la stratégie révolutionnaire.
Si nous ajoutons à cela l’analyse de la situation politique national et internationale, nous devons observer qu’au Chili depuis environ cinq ans, les masses sont en train de développer des luttes populaires croissantes.
Les illusions électorales semées à l’époque de la Concertation avec la campagne du Oui et du Non il y a 20 ans se sont pratiquement évanouies.
Les contradictions à l’intérieur des partis bourgeois et révisionnistes se sont aiguisées.
L’impérialisme entre dans une crise qui se déchargera inévitablement sur les semi-colonies comme notre pays, chose qui approfondira la décomposition du système politique démocrato-libéral et provoquera probablement un nouveau passage vers des formes de gouvernement de caractère fasciste ou social-fasciste.
Tous ces éléments sont des faits objectifs qui ouvrent une perspective lumineuse au chemin révolutionnaire.
Les masses luttent sans attendre les élections, cela est un autre fait objectif.
De la même manière, les révolutionnaires doivent continuer à s’unir à elles à tout moment.
Maintenir le cap sur la ligne de masses, l’accumulation de forces le long du chemin de la révolution implique de rejeter toute illusion concernant les élections et d’avancer avec persévérance dans la propagande communiste, de façon à semer des graines de rébellion, de nous lier aux masses pour connaître les éléments les plus actifs, de nous unir à eux, impulser le débat et la lutte de lignes pour les organiser en vue de la préparation des actions contre l’Etat bourgeois-propriétaire terrien, de diffuser le marxisme-léninisme-maoïsme et la nécessité de forger les trois instruments de la révolution.
Tout cela, ce sont les tâches permanentes des cadres et activistes révolutionnaires.
Mais nous les maoïstes, nous ne sommes encore qu’une poignée de révolutionnaires avec de maigres liaisons avec les masses, confrontée à l’immense tâche d’impulser la révolution de Nouvelle Démocratie dans notre pays.
Dans ces conditions, par où commencer? Sur quoi concentrer nos forces?
C’est dans cette série de réflexions que s’insère la campagne anti- électorale en tant que campagne de propagande communiste qui cherche en outre à impulser la mobilisation de multiples forces dispersées pour un objectif commun : la dénonciation du caractère de classe de l’Etat bourgeois-propriétaire terrien, de ses élections et du service que celles-ci rendent à l’impérialisme.
Cette campagne se déroule principalement sur le terrain de la propagande, qui n’est qu’un aspect du travail de masses, mais les contenus et l’ambition de la campagne transforment aussi celle-ci en une école où l’on apprend comment réaliser des actions ayant un contenu politique révolutionnaire.
Une des tâches importantes de la campagne anti-électorale est la formation de comités anti-électoraux.
C’est une erreur de considérer que la formation de ces comités implique la création d’un grand organisme.
Si nous nous plions aux logiques traditionnelles du révisionnisme et de l’opportunisme (« la gauche »), qui en appellent éternellement à une unité sans principes par le truchement de pactes, de coordinations ou autres instances amorphes aux perspectives électoralistes, effectivement la création d’un organisme ayant pour but le fait de ne pas aller voter aurait fatalement l’air de quelque chose de non viable.
Mais l’idée des comités est quelque chose de plus simple.
Ces comités sont des instances ouvertes qui peuvent accueillir beaucoup de gens, qui peuvent participer en fonction de leur niveau de conscience et de leur disponibilité.
L’organisation en comités est simple, des objectifs simples et des tâches bien précises sont tracées, autour de la discussion des contenus politiques de la campagne (pourquoi ne pas voter).
Ceux qui participent à un comité ressentent une communauté de vues, où l’élément d’unité ne vient pas de ce qu’ils se connaissent tous et participent à un même organisme, mais d’une ligne politique commune à laquelle tous adhèrent et qu’ils sont disposés à impulser.
Une grande quantité de comités anti-électoraux qui fonctionnent de façon décentralisée mais sous une ligne politique commune sont le meilleur exemple de travail conspiratif.
Cela permet de commencer d’observer comment travaillera le Parti avec ses cadres et activistes révolutionnaires, unissant des milliers d’efforts dispersés dans le déclenchement et le développement de la guerre populaire, au moyen de cadres et d’activistes révolutionnaires qui se lient aux masses par des milliers de fils invisibles aux yeux de l’Etat bourgeois-propriétaire terrien et de ses organes de répression.
La campagne anti-électorale actuelle a évidemment de grandes limitations.
Ce n’est qu’un passage qui répond aux conditions actuelles de la politisation et de l’organisation des masses.
La révolution ne se fait pas avec une paire de campagnes, ni par une série de campagnes de ce style. Mais ces campagnes signifient une accumulation de forces et d’expériences pour le peuple dans son ensemble.
A à un moment, cette accumulation de forces doit déboucher sur un mouvement de masses, sur la formation des trois instruments de la révolution et sur la guerre populaire.
A partir de tout ce qui a été dit, nous pouvons observer dans une évaluation provisoire qu’en un mois de campagne anti-électorale, les objectifs posés n’étaient pas erronés.
La campagne anti-électorale nous a permis de mobiliser des gens que nous n’aurions pas imaginé se mettre en mouvement, des comités se sont construit à des endroits que nous n’imaginons même pas.
Les comités ne se sont pas créés tout seuls, c’est sûr, mais l’expérience montre que l’initiative et le travail décidé d’un activiste peut suffire à organiser la discussion des contenus de la campagne et à préparer quelques actions. Les comités anti-électoraux ne sont pas une idée morte, au contraire, ils se sont montrés pleins de vie.
De manière encore plus directe, cette lettre est elle-même le produit de la campagne anti-électorale.
Avant la campagne, ces problèmes n’auraient pas été discutés avec vous. La campagne vous a poussé à exposer vos doutes et nous à approfondir ces aspects de la propagande communiste.
Nous avons confiance dans le fait que ces problèmes théoriques et pratiques seront aussi discutés avec vos proches. De cette façon, la propagande communiste continuera et s’amplifiera.
Nous sommes patients, la situation actuelle nous oblige de l’être. Pendant des décennies, la propagande communiste au Chili a été quasi nulle et sans régularité.
Aujourd’hui, nous commençons à voir les premiers exemples de la façon dont le MLM prend chair parmi les masses. C’est seulement le développement futur du mouvement de masses qui révèlera si le chemin que nous suivons est correct ou non.
Salutations communistes
Le Comité de Rédaction de Nueva Democracia
Union des Révolutionnaire Communistes (marxistes-léninistes-maoïstes)
Octobre 2008
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au Chili (1960-1980)