Staline a présenté le rapport au VIIIe congres extraordinaire des Soviets de l’URSS le 25 novembre 1936 concernant le projet de constitution de l’URSS. Il y explique sa conception : il n’y a non seulement plus d’exploiteurs en URSS, mais en plus il faut partir du principe de l’identité des ouvriers, des paysans et des intellectuels, en raison de leur identification à l’URSS.
Il n’y a donc plus lieu de formuler de distinction politique entre eux. C’est une conception qui à la fois constate qu’effectivement l’URSS existe, cependant c’est en même temps la considération que l’alliance ouvrière-paysanne forme une nouvelle entité sociale.
Staline présente de la manière suivante la base de la justification de la modification de la constitution :
« Cela signifie que l’exploitation de l’homme par l’homme a été supprimée, liquidée, et que la propriété socialiste des instruments et moyens de production s’est affirmée comme la base inébranlable de notre société soviétique. (Applaudissements prolongés.)
Ces changements dans l’économie nationale de l’U.R.S.S. font que nous avons aujourd’hui une nouvelle économie, l’économie socialiste, qui ignore les crises et le chômage, qui ignore la misère et la ruine, et offre aux citoyens toutes possibilités d’une vie d’aisance et de culture.
Tels sont pour l’essentiel les changements survenus dans notre économie, de 1924 à 1936.
Ces changements dans l’économie de l’U.R.S.S. ont entraîné des changements dans la structure de classe de notre société. On sait que la classe des grands propriétaires fonciers avait déjà été liquidée à la suite de notre victoire finale dans la guerre civile. Les autres classes exploiteuses ont partagé le même sort.
Plus de classe des capitalistes dans l’industrie. Plus de classe des koulaks dans l’agriculture. Plus de marchands et spéculateurs dans le commerce.
De sorte que toutes les classes exploiteuses ont été liquidées. Est restée la classe ouvrière. Est restée la classe des paysans. Sont restés les intellectuels. »
Et, donc, Staline continue : les trois groupements sociaux qui restent ont changé de nature. On peut parler de leur identification :
« On aurait tort de croire que ces groupes sociaux n’ont subi aucun changement pendant la période envisagée et qu’ils sont demeurés ce qu’ils étaient, disons, à l’époque du capitalisme. Prenons, par exemple, la classe ouvrière de l’U.R.S.S.
On, l’appelle souvent, par vieille habitude, prolétariat. Mais qu’est-ce que le prolétariat ?
Le prolétariat est une classe privée des instruments et moyens de production dans le système économique où instruments et moyens de production appartiennent aux capitalistes, et où la classe des capitalistes exploite le prolétariat. Le prolétariat est une classe exploitée par les capitalistes.
Mais chez nous, on le sait, la classe des capitalistes est déjà liquidée ; les instruments et moyens de production ont été enlevés aux capitalistes et remis à l’Etat, dont la force dirigeante est la classe ouvrière.
Par conséquent, il n’y a plus de classe de capitalistes qui pourrait exploiter la classe ouvrière.
Par conséquent notre classe ouvrière, non seulement n’est pas privée des instruments et moyens de production ; au contraire, elle les possède en commun avec le peuple entier.
Et du moment qu’elle les possède, et que la classe des capitalistes est supprimée, toute possibilité d’exploiter la classe ouvrière est exclue. Peut-on après cela appeler notre classe ouvrière prolétariat ? Il est clair que non.
Marx disait : pour s’affranchir, le prolétariat doit écraser la classe des capitalistes, enlever aux capitalistes les instruments et moyens de production et supprimer les conditions de production qui engendrent le prolétariat. Peut on dire que la classe ouvrière de l’U.R.S.S. a déjà réalisé ces conditions de son affranchissement ?
On peut et on doit le dire incontestablement.
Et qu’est-ce que cela signifie ?
Cela signifie que le prolétariat de l’U.R.S.S. est devenu une classe absolument nouvelle, la classe ouvrière de l’U.R.S.S., qui a anéanti le système capitaliste de l’économie, affermi la propriété socialiste des instruments et moyens de production, et qui oriente la société soviétique dans la voie du communisme.
Comme vous voyez, la classe ouvrière de l’U.R.S.S. est une classe ouvrière absolument nouvelle, affranchie de l’exploitation, une classe ouvrière comme n’en a jamais connu l’histoire de l’humanité. Passons à la question de la paysannerie.
On a coutume de dire que la paysannerie est une classe de petits producteurs dont les membres, atomisés, dispersés sur toute la surface du pays, besognant chacun de leur côté dans leurs petites exploitations, avec leur technique arriérée, sont esclaves de la propriété privée et sont impunément exploités par les grands propriétaires fonciers, les koulaks, les marchands, les spéculateurs, les usuriers, etc.
En effet, la paysannerie des pays capitalistes, si l’on considère sa masse fondamentale, constitue précisément cette classe.
Peut-on dire que notre paysannerie d’aujourd’hui, la paysannerie soviétique, ressemble dans sa grande masse à cette paysannerie-là ?
Non, on ne peut le dire. Cette paysannerie là n’existe plus chez nous. Notre paysannerie soviétique est une paysannerie absolument nouvelle. Il n’existe plus chez nous de grands propriétaires fonciers ni de koulaks, de marchands ni d’usuriers, pour exploiter les paysans.
Par conséquent, notre paysannerie est une paysannerie affranchie de l’exploitation.
Ensuite notre paysannerie soviétique, dans son immense majorité, est une paysannerie kolkhozienne, c’est-à-dire qu’elle base son travail et son avoir non sur le travail individuel et une technique arriérée, mais sur le travail collectif et la technique moderne. Enfin l’économie de notre paysannerie est fondée, non sur la propriété privée, mais sur la propriété collective qui a grandi sur la base du travail collectif.
La paysannerie soviétique, vous le voyez, est comme n’en a pas encore connu l’histoire de l’humanité. une paysannerie absolument nouvelle.
Passons enfin à la question des intellectuels, des ingénieurs et techniciens, des travailleurs du front culturel, des employés en général, etc. Les intellectuels ont eux aussi subi de grands changements au cours de la période écoulée.
Ce ne sont plus ces vieux intellectuels encroûtés, qui prétendaient se placer au-dessus des classes, mais qui, dans leur masse, servaient en réalité les grands propriétaires fonciers et les capitalistes.
Nos intellectuels soviétiques, ce sent des intellectuels absolument nouveaux, liés par toutes leurs racines à la classe ouvrière et à la paysannerie.
Tout d’abord, la composition sociale des intellectuels a changé. Les éléments issus de la noblesse et de la bourgeoisie représentent un faible pourcentage de nos intellectuels soviétiques. 80 à 90 % des intellectuels soviétiques sont issus de la classe ouvrière, de la paysannerie et d’autres catégories de travailleurs.
Enfin le caractère même de l’activité des intellectuels a changé. Autrefois ils devaient servir les classes riches, parce qu’ils n’avaient pas d’autre issue. Maintenant ils doivent servir le peuple, parce qu’il n’existe plus de classes exploiteuses.
Et c’est précisément pourquoi ils sont aujourd’hui membres égaux de la société soviétique, où, avec les ouvriers et les paysans attelés à la même besogne, ils travaillent à l’édification d’une société nouvelle, de la société socialiste sans classes.
Ce sont, vous le voyez bien, des travailleurs intellectuels absolument nouveaux, comme vous n’en trouverez dans aucun pays du globe. Tels sont les changements survenus au cours de la période écoulée dans la structure sociale de la société soviétique.
Qu’attestent ces changements ?
Ils attestent, premièrement, que les démarcations entre la classe ouvrière et la paysannerie, de même qu’entre ces classes et les intellectuels, s’effacent et que disparaît le vieil exclusivisme de classe. C’est donc que la distance entre ces groupes sociaux diminue de plus en plus.
Ils attestent, deuxièmement, que les contradictions économiques entre ces groupes sociaux tombent, s’effacent.
Ils attestent enfin que tombent et s’effacent également les contradictions politiques qui existent entre eux. »
Staline fait ici une erreur : même si les démarcations et les distances s’estompent, les contradictions restent, au moins de nature culturelle, idéologique. C’est une contradiction au sein du peuple, non antagonique, pour utiliser le concept de Mao Zedong, mais c’est une contradiction tout de même.
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