La nouvelle constitution a donc comme identité :
– qu’il y ait seulement la classe ouvrière et la classe paysanne, ainsi que la couche des intellectuels ;
– qu’il n’y ait pas antagonisme et donc identité entre eux.
C’est une approche qui rate l’aspect contraire et la lutte entre la classe ouvrière, la classe paysanne et la couche des intellectuels.
La nouvelle constitution a ainsi une substance démocratique, mais qui ne s’élève pas à saisir la lutte des contraires au sein de la société socialiste ; elle ne voit que l’identité des contraires.
Pour cette raison, la différenciation dans les votes sont supprimés : le vote des ouvriers n’a désormais plus davantage d’importance que le vote des paysans.
De la même manière, tous les citoyens âgés de 18 ans peuvent voter et à partir de l’âge de 23 ans se présenter à la candidature. Il restait à ce moment-là 2 à 3 % de la population adulte dont le droit de vote était encore supprimé, cela est donc aboli. Le processus avait déjà commencé en 1931 maisi l connut une accélération : pendant une période de sept mois se terminant au premier mars 1936, 768 989 virent leur casier judiciaire effacé.
En raison du triomphe du principe de citoyenneté, il y a suppression de votes à plusieurs degrés, instances par instances, de soviets en soviets. On vote désormais au suffrage universel.
Comme le vote n’est plus lié à un soviet local, le vote ouvert disparaît également au profit du secret de l’isoloir.
Or, il existe de fait une incohérence avec la situation de l’URSS. En janvier 1948, celle-ci est composé de 16 républiques, de 126 oblasts (c’est-à-dire des régions), de 4248 rayons ruraux, de 1397 villes, de 74 855 villages, avec 177 groupes minoritaires parlant 125 langues différentes et historiquement liés à 40 religions.
Cela signifie que le poids de la paysannerie est significatif encore, tout comme inversement le poids des couches intellectuelles, nécessaire pendant à l’arriération paysanne dans la société soviétique.
Cela va avoir une conséquence terrible sur la réalisation de la constitution de 1936.
En effet, l’idée était qu’il y aurait plusieurs candidats pour chaque poste de député, qu’il y aurait donc des débats, de l’émulation, une discussion générale, etc. L’article 141 de la constitution prévoit ainsi :
« Aux élections les candidatures sont présentées par circonscriptions électorales. Le droit de présenter des candidats est garanti aux organisations sociales et aux associations de travailleurs : aux organisations du parti communiste, aux syndicats, aux sociétés coopératives, aux organisations de la jeunesse, aux sociétés culturelles. »
Or, on s’aperçut que de par la base paysanne du pays, de par l’activité intense des contre-révolutionnaires dans certaines zones, de par la tension qu’ils faisaient régner dans le pays par moment, alors les candidatures multiples risquaient de provoquer des troubles.
Par conséquent et contrairement à l’esprit de la constitution, il n’y eut au bout de deux mois de campagnes électorales à chaque fois qu’une liste qui se présenta, comme bloc de membres du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik) et de non-adhérents au Parti.
Les élections eurent lieu le 12 décembre 1937, la première session du Soviet suprême de l’URSS eut lieu le 12 janvier 1938.
Sur les 1143 députés du Soviet suprême de l’URSS, 870 étaient membres du PCUS(b) ou candidats à l’appartenance. Il y avait 460 ouvriers, 337 paysans, 326 membres des couches intellectuelles et de la couche des employés. Il n’y avait par contre que 180 femmes.
Il y eut également des votes concernant les soviets locaux, dont l’existence se perpétue puisqu’il s’agit de la structure d’État, même si maintenant leurs structures ne décident plus des élus à la structure centrale.
1 281 008 personnes furent élus responsables des soviets locaux, dont 878 000 de non-membres du PCUS(b). Ici, les femmes sont bien plus présentes, puisqu’elles sont 422 279.
Les élections elles-mêmes furent une très grande réussite, dans une ambiance festive. La participation fut de 96,8%, avec 93 639 458 électeurs.
L’adhésion des larges masses était là, cependant il était clair que la citoyenneté générale venait trop tôt, au sens où elles n’étaient pas encore en mesure de la porter elle-même. Or, c’était pourtant là la clef de la constitution, surnommée parfois « Constitution de Staline », voire « Constitution du socialisme victorieux ».
La preuve en est, le rôle et la nature du PCUS(b) ne sont présentées qu’une seule fois, à l’article 126, soit presque tout à la fin, la constitution ayant 146 articles. Le Parti est présenté simplement comme le regroupement des « citoyens les plus actifs et les plus conscients ».
Voici ce qui est dit :
« Conformément aux intérêts des travailleurs et afin de développer l’initiative des masses populaires en matière d’organisation, ainsi que leur activité politique, le droit est assuré aux citoyens de l’URSS de s’associer en organisations sociales : syndicats professionnels, unions coopératives, organisations de la jeunesse, organisations sportives et de défense, sociétés culturelles, techniques et scientifiques, alors que les citoyens les plus actifs et les plus conscients de la classe ouvrière et des autres couches de travailleurs s’unissent dans le Parti communiste de l’URSS, qui est l’avant-garde des travailleurs dans leur lutte pour l’affermissement et le développement du régime socialiste et qui représente le noyau dirigeant de toutes les organisations de travailleurs, tant sociales que d’État. »
On a ici en germe le XIXe congrès du PCUS(b) de 1952 où le Parti gère simplement les forces productives – de manière idéologique encore avec Staline, mais avec déjà présent l’idée de direction collective accompagnant l’évolution de la société annulant justement la primauté politique de l’idéologie.
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