Rodtchenko, en désaxant l’approche photographique, cherche avant tout un effet dynamique, pour renforcer le portrait. Il veut rendre vivant l’image, en s’appuyant sur une ligne dont la mise en perspective est différente.
La critique anti-formaliste dont il avait été la cible précisait bien que cette question du désaxage n’était nullement le problème. Ce qui posait souci, c’est de faire du désaxage une valeur en soi, une forme prévalant sur tout le reste. C’est typique de la démarche bourgeoise que de basculer dans des principes relevant du formalisme.
Le désaxage n’a de sens comme ici, qu’en se liant à la dignité du réel.
C’est que de par son approche cubiste-futuriste initiale, Rodtchenko a forcément tendance à rechercher ce qui dispose d’une dynamique propre sur le plan graphique. On en a ici un bon exemple, relevant du formalisme de par, finalement, sa bizarrerie.
Le désaxage par rapport à la ligne initialement posée permet de jouer, par le contraste, sur la dynamique de l’image. Le souci se pose lorsque cette dynamique l’emporte sur le contenu. On a alors une forme, mais le contenu n’est qu’un prétexte. C’est ici tendanciellement vraiment le cas.
La difficulté, c’est que plus il y a de lignes, plus le désaxage se pose comme étant en soi une nouvelle ligne. Cela donne de la force, mais celle-ci écrase en fait l’image. Il n’en reste plus que la forme. Il faut davantage de complexité pour sauver l’oeuvre du formalisme, comme ici avec les personnes sur le balcon, qui viennent apporter un rapport inégal.
Une trop grande linéarité ramène ainsi au cubisme-futurisme. Ici, on remplace les lignes de la photo par des traits épais et on a un tableau de composition constructiviste / suprématiste. Malgré le caractère réel de ce qui est montré, la forme prime.
Dans le cas suivant, on a le même problème, avec qui plus est un désaxage particulièrement anti-naturel. Le formalisme l’a emporté.
Si, par contre, la dignité du réel l’emporte, alors la photographie est particulièrement réussie, de par sa charge, de par l’harmonie entre le désaxage et l’ensemble des lignes. La réalité triomphe, s’impose.
Ici, l’impression d’empilement, d’écrasement, est par contre trop grande. Le « poids » de l’orientation cubo-futuriste est trop central. Le désaxage est trop anti-naturel. C’est du formalisme, même si dans le cadre d’un reportage, cela peut passer.
À l’opposé, le désaxage est ici très bien orchestré ; cela est lié à l’emplissage qui est particulièrement réussi. La scène est vivante, réaliste. Le désaxage apporte quelque chose, un dynamisme réel, reflétant l’activité en cours.
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