En pratique, les Croix de Feu, aidés des Volontaires Nationaux qui étaient une structure de soutien, étaient une organisation de guerre civile. Les structures fonctionnaient de manière autonome, mais avec en leur sein une hiérarchie très stricte, avec des responsabilités paramilitaires et militaires bien définies.
Cinq adhérents, de la même maison, de la même rue, habitant près les uns des autres, formaient une « main ». Deux « mains » formaient une dizaine, trois dizaines une « trentaine », qui elle-même était associée à deux autres trentaines, pour former une « centaine ». Les centaines étaient reliées par « secteur ».
A chaque niveau, un chef était responsable de la cohérence et de l’activité. Cela permettait une mobilité très importante et une capacité de mobilisation de quelques heures.
Il était considéré alors du côté du Parti Communiste – SFIC qu’il suffisait de deux heures aux Croix de Feu pour faire une mobilisation générale de ses troupes afin d’agir dans Paris, sans avoir besoin de faire de mobilisation militante autre que de manière administrative.
Le Parti Social Français (P.S.F.), qui succédera ensuite aux Croix de Feu, n’a aucunement modifiée cette organisation, la continuité étant évidente. Le quotidien de la SFIO, Le Populaire, constatait d’ailleurs simplement le 20 octobre 1936 :
« Le Parti Social Français : c’est les Croix de Feu. Tous les cadres de ce pseudo « parti » sont ceux de l’armée de la tête de mort. »
Dans l’ordre des choses, le P.S.F. aurait dû alors tomber sous le coup de la Loi condamnant la participation à la « reconstitution d’une ligue dissoute », prononcée le 7 décembre 1935. Ce ne fut jamais le cas, le P.S.F. disposant de relais institutionnels puissants. L’Action française, l’organisation royaliste farouchement opposée à la concurrence du P.S.F., expliquait elle-même dans sa presse que François de La Rocque savait huit jours à l’avance qu’il y aurait des perquisitions dans les locaux du P.S.F..
Et de fait, des camions entiers emportèrent auparavant les documents et le matériel du P.S.F. qui auraient pu poser « problème ».
Ce processus d’organisation allait de pair avec l’armement. On a ainsi des achats légaux et massifs d’armes auprès des armuriers notamment par l’intermédiaire d’ecclésiastiques, d’industriels, d’officiers de réserve…
Les activistes du P.S.F. profitaient également des « sociétés de perfectionnement de sous-officiers de réserve » et des « sociétés de tir pour la préparation militaire », dont l’Armée fournissait les armes et les munitions.
Largement infiltrées par le P.S.F., ces sociétés servaient d’armurerie et de centre d’entraînement, ainsi que de récupération de matériel, plus de tireurs étant déclarés que la réalité, les munitions en plus étant mises de côté.
À cela s’ajoute la contrebande à la frontière suisse, afin d’obtenir des pistolets, des mitraillettes, des mitrailleuses, etc. Le tout aboutissant à des distribution d’armes automatiques à des secteurs entiers notamment à Paris.
Une attention toute particulière fut également portée à l’achat d’avions privés et la mainmise sur les aéroclubs. Le résultat fut impressionnant, avec des centaines d’avions privés passant sous la coupe des Croix de Feu, alors que l’État payait 40 % du prix d’achat de ceux-ci.
Une école de pilotage à Colombes en banlieue parisienne rassemblait également cent Volontaires Nationaux, à un prix de faveur : 500 francs frais d’assurance compris.
Un des fils de François de La Rocque passa lui-même son brevet de pilote Croix de feu. Quant à François de La Rocque, il se procura un avion de type Leyat-Jacquemin, la « 5CV de l’air », d’un rayon d’action de 700 km et nécessitant de seulement 20 mètres pour l’atterrissage.
Soutenaient l’initiative tant le général Victor Denain (chef d’état major général de l’Armée de l’Air puis ministre de l’Air entre 1933 et 1936), que le commandant Jean Loste qui était président de « l’Amicale de l’aéronautique » des Croix de Feu. Cela allait de pair bien entendu avec un travail politique en direction de « l’association des officiers de réserve de l’Aéronautique », influent au ministère de l’Air par l’intermédiaire du commandant Alfred Heurteaux, lui-même Croix de Feu et collaborateur du général Denain.
Le général Denain lui-même, au moment de sa prise de direction du ministère de l’Air, supprima la direction du personnel dont s’occupait le colonel Lacolley d’orientation républicaine, afin de s’occuper lui-même de l’avancement.
Il mit également de côté le général Berger, qui s’occupait du matériel, et l’ingénieur en chef Demanoy. Il se rapprocha alors de René Giscard d’Estaing, chef de cabinet lié à la haute bourgeoisie, du colonel Davet lié à Léon Daudet, ainsi qu’au capitaine Testard, homme de confiance de François de La Rocque.
Le P.S.F. disposait également d’une solide base sympathisante auprès des cadres de l’Armée (lieutenants, capitaines, etc.), il mena également une propagande intense auprès des soldats, accusant le Front populaire d’un côté, diffusant de la propagande de l’autre.
Une grande insistance étant apportée de ce côté au repérage et à l’isolement des soldats liés au mouvement ouvrier, des listes étant faites pour l’éventualité d’un coup d’État et les opérations de « neutralisation » de ceux susceptibles de s’y opposer.
Dans une même perspective, le P.S.F. a fait en sorte, quand c’était possible, de placer ses permanences – pouvant accueillir parfois des centaines de personnes – non loin des centres téléphoniques et télégraphiques, des centrales électriques, des services des eaux, etc. Le tout en cherchant particulièrement à recruter dans les postes de maîtrise de ces installations.
Bien entendu, cela n’était pas annoncé dans la presse. A l’inverse, le discours aux militants était clair, comme ici devant une assemblée parisienne des délégués régionaux Croix de Feu, le 6 septembre 1936 :
« Il faut nous préparer à prendre le pouvoir par la force. Dès maintenant, dans toutes les villes de province, des instructions doivent être données à chaque groupement Croix de Feu pour la constitution de troupes de choc. »
Voici un extrait d’une circulaire récupérée, où on lit que l’attention doit être portée sur les points suivants lors de la prise du pouvoir :
« Que les cadres puissent transmettre et faire exécuter les consignes. »
« Que l’action de nos adversaires soit en définitive neutralisée. »
« Absorber les soubresauts des adversaires. »
« Que la critique de l’échelon supérieur est toujours préjudiciable, qu’il est indispensable que les ordres donnés soient exécutés dans les délais impartis. »
« Là où la force publique serait absente ou défaillante, sachez défendre vous-mêmes la patrie et vos foyers. »
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