Dieu est l’éternité et il intervient dans l’espace en jouant sur le temps. Lorsque Jésus marche sur l’eau, le temps de la chute est « bloqué », comme est bloquée l’eau de la mer rouge pour permettre le passage des Hébreux poursuivis par les troupes égyptiennes. Quant au Coran, il est un miracle intemporel pareillement puisqu’il est censé être co-éternel à Dieu.
Dans ces trois cas, on a à chaque fois un humain qui est là pour ce miracle, dans la mesure où il le porte, de par sa présence. C’est le statut de prophète qu’on retrouve ici, avec le judaïsme qui ne reconnaît que Moïse et les prophètes de la Bible juive, tandis que le christianisme reconnaît en plus Jésus Christ et l’Islam y ajoute Mahomet.
Cependant, qui est cet humain, de quoi témoigne-t-il ? Il faut qu’il conjugue à la fois le terrestre et le divin, puisqu’il est un intermédiaire. Pour cela, il doit représenter le temps terrestre du point de vue divin. Il doit donc témoigner de la marche de la nature, en expliquant que c’est Dieu qui est à la source de toute vie.
La nature est créée par Dieu, selon les religions, cependant elle assure également la vie : elle se rapproche donc de Dieu de par cet aspect nourricier. Par conséquent, le prophète célèbre la nature, en tant que vecteur de Dieu.
Le Coran s’explique en ces termes :
5. C’est Lui qui a fait du soleil une clarté et de la lune une lumière, et Il en a déterminé les phases afin que vous sachiez le nombre des années et le calcul (du temps). Allah n’a créé cela qu’en toute vérité. Il expose les signes pour les gens doués de savoir.
Sourate 10, Yunus – Jonas
6. Dans l’alternance de la nuit et du jour, et aussi dans tout ce qu’Allah a créé dans les cieux et la terre, il y a des signes, certes, pour des gens qui craignent (Allah)
(…)
24. La vie présente est comparable à une eau que Nous faisons descendre du ciel et qui se mélange à la végétation de la terre dont se nourrissent les hommes et les bêtes. Puis lorsque la terre prend sa parure et s’embellit, et que ses habitants pensent qu’elle est à leur entière disposition, Notre Ordre lui vient, de nuit ou de jour, c’est alors que Nous la rendrons toute moissonnée, comme si elle n’avait pas été florissante la veille. Ainsi exposons-Nous les preuves pour des gens qui réfléchissent.
(…)
61. Tu ne te trouveras dans aucune situation, tu ne réciteras aucun passage du Coran, vous n’accomplirez aucun acte sans que Nous soyons témoin au moment où vous l’entreprendrez. Il n’échappe à ton seigneur ni le poids d’un atome sur terre ou dans le ciel, ni un poids plus petit ou plus grand qui ne soit déjà inscrit dans un livre évident.
C’est Dieu qui parle ici en théorie, mais en pratique c’est Mahomet, et que dit Mahomet, si ce n’est qu’il jette un regard sur la nature et qu’il y voit Dieu ? Le rythme de la nature témoignerait de Dieu.
De la même manière, lorsque Moïse fait l’éloge de la terre nouvelle que rejoignent les Hébreux, il dit la chose suivante (dans le Deutéronome ou Devarim en hébreu), expliquant que les bienfaits de la nature dans cette terre ont été sélectionnés par Dieu :
7 Car l’Eternel, ton Dieu, va te faire entrer dans un bon pays, pays de cours d’eaux, de sources et de lacs, qui jaillissent dans les vallées et dans les montagnes ;
Devarim, 2:7-10
8 pays de froment, d’orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers ; pays d’oliviers et de miel ;
9 pays où tu mangeras du pain avec abondance, où tu ne manqueras de rien ; pays dont les pierres sont du fer, et des montagnes duquel tu tailleras l’airain.
10 Lorsque tu mangeras et te rassasieras, tu béniras l’Eternel, ton Dieu, pour le bon pays qu’il t’a donné.
Les sept espèces mentionnées jouent une grande importance dans le judaïsme, où sont mis en parallèle le début de la saison de la moisson du blé et la réception par Moïse de la Torah sur le Mont Sinaï, lors de l’importante fête appelée Chavouot.
Jésus Christ, pareillement, parle de la nature comme réalité divine apportant la vie. Ce qu’il dit au moment de la Cène (le dernier repas de Jésus avec les douze Apôtres le soir avant sa crucifixion) est très connu, mais le prolongement lui-même de cela traite de la nature. Matthieu dit ainsi :
26 Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit ; puis, le donnant aux disciples, il dit : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. »
Matthieu, 26:26-31
27 Puis il prit une coupe et, après avoir rendu grâce, il la leur donna en disant : « Buvez-en tous,
28 car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude, pour le pardon des péchés.
29 Je vous le déclare : je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le Royaume de mon Père. »
30 Après avoir chanté les psaumes, ils sortirent pour aller au mont des Oliviers.
31 Alors Jésus leur dit : « Cette nuit même, vous allez tous tomber à cause de moi. Il est écrit, en effet : Je frapperai le berger et les brebis du troupeau seront dispersées.
Moïse, Jésus et Mahomet ont systématiquement un regard précis sur la nature comme lieu de l’abondance, permis par l’éternité divine.
C’est là un élément clef : Moïse, Jésus et Mahomet posent un temps éternel, dans un espace terrestre où Dieu est tout puissant en contrôlant le temps – les miracles ne sont pas des choses merveilleuses mais des phénomènes « bloqués ». Ces phénomènes appartiennent à la nature et systématiquement Dieu est accolé à celle-ci présentée comme source matérielle de la vie.
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