Aram Khatchatourian (1903-1978) est né à Tbilissi, en Géorgie, d’une famille arménienne ; lui-même s’installe à Moscou en 1921. Pour cette raison, il puisera largement dans le patrimoine national arménien, ainsi que de celui des autres peuples caucasiens.
Il faut ici bien entendu mentionner le ballet Gayaneh, composé en 1939, où l’on trouve notamment la fameuse Danse du sabre.
Ce passage, pris à la danse de mariage arménienne, eut notamment un immense impact culturel en 1948 aux États-Unis. L’œuvre emprunte également à la fameuse danse hopak ukrainienne, aux danses russe, géorgienne, avec la fameuse lezginka, terme russe pour désigner les incroyables danses caucasiennes.
Voici des exemples, qu’on peut trouver ahurissant, de la danse hopak (dont l’origine vient des cosaques zaporogues avec le fameux Tarass Boulba conté par l’écrivain ukrainien Gogol) et une de lezginka (ici, de Géorgie).
Dans le ballet, Gayaneh, une Arménienne responsable d’un kolkhoze, dénonce son mari menant des activités contre-révolutionnaires, alors qu’à l’arrière-plan est célébré l’amitié des différents peuples d’URSS.
On a ici un excellent exemple du sens volumineux de la mélodie d’Aram Khatchatourian, qui gagna le prix Staline en 1943 pour cette œuvre mais refusa l’argent en demandant explicitement qu’il soit employé pour la fabrication d’un char.
Il raconte au sujet de l’écriture de ce ballet :
« J’habitais à Perm au 5ème étage de l’hôtel Central.
Quand je me souviens de cela, je pense encore et encore combien c’était difficile pour les gens. L’avant avait besoin d’armes, de pain, de tabac… Et de l’art – de la nourriture spirituelle, tout le monde avait besoin – à l’avant et à l’arrière.
Et nous, artistes et musiciens, l’avions compris et nous avons donné toute notre force. J’ai écrit environ 700 pages de la partition de Gayaneh en six mois dans une chambre d’hôtel froide, où il y avait un piano, un tabouret, une table et un lit. »
Aram Khatchatourian est ainsi concrètement un musicien soviétique, assumant l’héritage national. Dans son article 1952 Ma conception des éléments populaires en musique, Aram Khatchatourian décrit de la manière suivante la source de sa culture musicale :
« J’ai grandi dans une atmosphère riche en musique populaire : les fêtes populaires, les rites, les événements joyeux et tristes dans la vie du peuple sont toujours accompagnés de musique, des airs vifs des chansons et danses arméniennes, azéries et géorgiennes, réalisés par des ashiks et des musiciens.
Telles sont les impressions qui sont restées profondément gravées dans ma mémoire, qui ont déterminé ma pensée musicale. Elles ont façonné ma conscience musicale et ont posé les fondations de ma personnalité artistique…
Quels que soient les changements et les améliorations qui ont pris place dans mon goût musical ces dernières années, leur substance originale, formée dans ma tendre enfance en étroite communion avec le peuple, est toujours resté le sol naturel nourrissant tout mon travail. »
C’est d’ailleurs avec une première symphonie puisant directement dans la culture arménienne qu’Aram Khatchatourian attira l’attention des musiciens soviétiques ; l’œuvre était un travail pour le diplôme du conservatoire de musique de Moscou, en 1935, qu’il obtint en 1936.
Son Concerto pour piano de 1936 le propulsa immédiatement au firmament de la musique classique internationale.
Une œuvre particulièrement importante est le concerto pour violon, en 1940, prix Staline en 1941, considéré mondialement comme l’une des plus importantes œuvres pour cet instrument.
La Symphonie nº 2, composée en 1943 et prix Staline 1946, est une œuvre majeure ; il composa également en 1944 l’hymne de la république socialiste soviétique d’Arménie.
Il y a également, bien entendu, le chef d’oeuvre Mascarade. Initialement c’est une musique de scène pour un film en 1941, transformée en 1944 en suite orchestrale, avec une valse fameuse. Il composa également en 1948 une musique pour un film biographique sur Lénine.
De 1950 à 1954, il travailla à son ballet Spartacus, dont l’adagio est extrêmement célèbre.
Il remporta également un prix Staline en 1950 pour la musique du film La Bataille de Stalingrad.
Voici également son Poème à Staline, oeuvre majeure de 1938 (les sous-titres sont disponibles en anglais).
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