Chez Edmund Husserl, il n’y a donc pas la conscience, le moi, mais « ma conscience », « mon moi ». Ce n’est plus le fait de penser qui compte, mais les pensées individuelles – subjectives.
Ces pensées sont des « choix », relevant du libre-arbitre – il ne faut jamais perdre de vue que la substance de la phénoménologie d’Edmund Husserl vise à réfuter le matérialisme dialectique, le déterminisme.
Edmund Husserl dépasse donc Descartes en accordant une dimension entièrement individuelle à la conscience. Il le fait au moyen de son conception de l’intentionnalité, comme ici dans les Méditations cartésiennes :
« Il faudra élargir le contenu de l’ego cogito transcendental, lui ajouter un élément nouveau et dire que tout cogito pu encore tout état de conscience « vise » quelque chose, et qu’il porte en lui-même, en tant que « visé » (en tant qu’objet d’une intention) son cogitatum respectif.
Chaque cogito, du reste, le fait à sa manière.
La perception de la « maison » « vise » (se rapporte à) une maison — ou, plus exactement, telle maison individuelle — delà manière perceptive ; le souvenir de la maison « vise » la maison comme souvenir ; l’imagination, comme image; un jugement prédicatif ayant pour objet la maison « placée là devant moi » la vise de la façon propre au jugement prédicatif ; un jugement de valeur surajouté la viserait encore à sa manière, et ainsi de suite.
Ces états de conscience sont aussi appelés états intentionnels. Le mot intentionnalité ne signifie rien d’autre que cette particularité foncière et générale qu’a la conscience d’être conscience de quelque chose, de porter, en sa qualité de cogito, son cogitatum en elle-même. »
Du point de vue matérialiste dialectique, on voit aisément que c’est ici une tautologie : la conscience est conscience, car elle est conscience ; l’individu est un individu, car il est un individu.
Qu’est-ce qu’une conscience ? Un assemblage de choses conscientisées. Et qu’est-ce qu’un assemblage de choses conscientisées ? Une conscience.
Le principe d’intentionnalité vient masque cette tautologie en prétendant que les activités consciences sont des choix – des choix faits par quoi, cependant ? Une conscience séparée, un moi pur ? Ou bien par l’assemblage des choses conscientisées ?
Il y a là évidemment un problème de fond qu’Edmund Husserl ne sera jamais en mesure de résoudre, sauf au moyen d’une « réduction phénoménologique » qu’il faudrait pratiquer, sorte de méditation délirante pour se replier en soi-même et être en mesure de s’observer.
Mais là n’était de toutes façons pas son rôle. Ce qui comptait historiquement pour le mode de production capitaliste, c’est que soit formulé le principe que la conscience est un état, que même dans son rapport aux objets réels, la conscience ne soit qu’un état. Ainsi, tout est état de la conscience, même un rapport concret à un objet réel.
Il suffit alors de dire que l’objet réel est inatteignable, qu’on n’en cerne qu’un aspect particulier – et alors, par ce tour de passe-passe, on obtient un mode aux particularités infinies saisies par une infinité d’individus.
Le monde est différent pour chaque individu et le monde n’existe pour chaque individu que dans la mesure et de la manière où cet individu est tourné vers le monde.
Il y autant de mondes que d’individus – et autant d’individus que de mondes, car le monde est lui-même dispose d’une infinité de facettes.
On est dans le subjectivisme le plus complet, mais qui prétend justement que tout est par définition incomplet, multiple, séparé, particulier, etc.
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comme subjectivisme absolu