Alexandre Rodtchenko, la richesse visuelle, compositionnelle et les masses

C’est en se tournant vers les masses qu’Alexandre Rodtchenko parvient réellement à s’arracher à la matière comme surface prétexte à une ligne, aboutissant au formalisme.

Car le socialisme, ce sont les masses en mouvement. C’est l’harmonie de la société socialiste exprimée dans l’activité des masses.

En tant que photographe soviétique, Rodtchenko devait inévitablement faire face au défi de représenter les masses de manière adéquate lors de leur auto-célébration. Les choix esthétiques sont ici essentiels et la moindre erreur ferait rater la substance même de la question.

Rodtchenko s’en sort de manière résolument soviétique, par le corps. La valorisante du corps, du sport, du sport collectif, du corps dans la célébration collective, tout cela est typiquement soviétique. La reconnaissance du corps sportif soviétique, la mise en avant de sa dignité, comme expression et allégorie du socialisme, est le principal levier pour atteindre une dimension réaliste.

Rodtchenko met ici parfaitement à profit sa lecture « en mouvement » de la réalité.

Ce qui est très fort chez Rodtchenko, c’est qu’il place bien les corps dans l’ensemble. Ils ne les séparent pas, car ils perdraient ainsi leur dignité. On reste toujours dans un cadre collectif, collectiviste. Le photographe a ici bien saisi la nature de la célébration.

Le fait que Rodtchenko s’attarde sur les femmes lors des célébrations soviétiques correspond également à la perspective soviétique. La libération des femmes par rapport au carcan féodal, leur épanouissement physique possible, leur affirmation à la fois de la grâce et de la force, tout cela était alors d’une très grande puissance esthétique.

La dimension collective et artistique va ainsi jusqu’à l’harmonie. Au-delà de la dimension sportive – symbolique des célébrations, comme ici avec des sportives du Dynamo de Moscou, il y a l’affirmation de la possibilité de réalisations complexes. Le socialisme est une élaboration, il rend les choses possibles, il affirme les choses belles.

La performance n’est ainsi jamais seulement sportive ou technique ; elle rentre toujours dans un cadre général qui valorise le socialisme comme tendance historique, comme mouvement du simple au complexe, comme phénomène de masse.

On en revient ici bien entendu au principe de la transformation, de la matière. Chez Rodtchenko, conformément aux principes socialistes, les masses transforment les masses, elles dessinent elles-mêmes leurs contours, façonnent elles-mêmes leur réalité.

Rodtchenko est ici, avant tout, un photographe communiste, au service de la construction du socialisme ; son activité la meilleure se situe au moment de l’affirmation du réalisme socialiste. Son activité photographique est un écho direct de l’affirmation de l’URSS comme réalité sociale et nationale.

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