Aristote affronte l’ensemble de l’idéalisme concernant l’esprit, l’âme, la psyché. Il va attaquer la base même de l’idéalisme en démontant l’affirmation laquelle l’âme serait motrice d’elle-même.
Il procède de la manière suivante. Il constate d’abord qu’il y a quatre types de mouvement : la translation, l’altération, la corruption, l’accroissement. Or, qui dit mouvement dit lieu. Cela implique que si l’âme se meut d’elle-même, elle dispose d’un lieu naturel. Mais quel est ce lieu ?
Et si l’âme est en mouvement, alors elle serait toujours en mouvement, elle serait le mouvement en essence… ce qui reviendrait à ce qu’elle serait en mouvement d’elle-même, c’est-à-dire qu’elle se quitterait elle-même, ce qui n’a pas de sens.
Et, de toutes manières, quel est le rapport entre le corps et l’âme ? Aristote constate clairement que :
« On rattache l’âme à un corps et on l’introduit en lui, sans aucunement définir la cause de cette union ni l’état du corps en question.
Il semblerait pourtant que ce fût indispensable. C’est en effet grâce à un élément commun qu’un terme agit en quelque manière et que l’autre pâtit, que l’un est mû et que l’autre meut, et aucun de ces rapports mutuels ne s’établit entre des termes pris au hasard.
Or, nos théoriciens s’efforcent seulement de déterminer quelle sorte d’être est l’âme, mais pour le corps qui doit la recevoir, ils n’apportent plus aucune détermination.
Comme s’il se pouvait, conformément aux mythes pythagoriciens, que n’importe quelle âme pénètre dans n’importe quel corps ! »
C’est là une attaque frontale, consistant en un saut dialectique. Aristote porte ici une double critique :
– d’abord, il exige de savoir quel est l’intermédiaire entre le corps et l’âme, car sinon leur liaison ne peut pas se poser ;
– ensuite, il exige que soit exposé la nature du corps, chose toujours « oubliée ».
La seule réponse possible de la part de l’idéalisme est qu’il y aurait une harmonie existant entre l’âme et le corps, choisie par Dieu ou conséquence de sa nature. Aristote contrecarre cette contre-hypothèse en disant que l’harmonie n’implique nullement un rôle moteur, alors que pourtant cela est attribué à l’âme.
De plus l’âme connaît des états multiples (telle la joie, la colère, etc.), amène à des actes très différents, et comment tout cela pourrait-il être ramené à un dénominateur commun harmonieux ? En effet, la conception d’une harmonie esprit-corps implique une harmonisation de l’ensemble, un caractère unitaire à tous les niveaux. Or, on voit bien que ce n’est pas le cas.
Aristote va encore plus loin en constatant que rien que la proportion de chair et d’os n’est pas la même : y aura-t-il alors différentes harmonies esprit-corps, et donc plusieurs âmes en fonction des parties du corps ?
Ce faisant, Aristote brise toute possibilité de l’idéalisme posant un « équilibre » entre corps et esprit.