Aristote et la quête des « endoxes »

Les topiques sont le cinquième ouvrage de l’Organon. Topiques est le pluriel de topique et ce dernier mot est la retranscription française du terme grec Topoï, qui signifie « lieu ». Aristote va en effet s’évertuer à présenter des exemples de ce qu’on obtient par induction, c’est-à-dire des idées qu’on considère comme des principes premiers en ayant accumulé des données quantitativement, jusqu’à un saut qualitatif.

Le souci qu’il a, bien entendu, c’est de distinguer ces principes premiers des opinions. Le terme qu’il emploie est d’ailleurs celui d’endoxe, qui a comme racine le mot doxa, l’opinion commune. Par endoxe, on entend une idée faisant consensus, qu’on admet par principe, de manière pour ainsi dire naturelle.

Le tout début des Topiques consiste ainsi en cette affirmation :

« Le propos de notre travail [sera de] découvrir une méthode grâce à laquelle d’abord nous pourrons raisonner [à partir] d’endoxes sur tout problème proposé; [grâce à laquelle] aussi, au moment de soutenir nous-mêmes une raison, nous ne dirons rien de contraire. »

Aristote présente également de la manière suivante l’intérêt des Topiques :

« Il sert à trois [utilités] : à l’exercice, aux entretiens et aux sciences de caractère philosophique. »

Comment procéder ? Pour Aristote, il y a un fondement à tout discours scientifique, consistant en des problèmes et des propositions. Ce fondement repose sur quatre bases :

– la définition,

– le propre,

– le genre,

– l’accident.

Par définition, on entend une « raison, celle qui signifie ce que [la chose] est au juste ». On retrouve ici le principe de la substance et c’est bien entendu le point le plus délicat.

Le propre, c’est ce qui relève de la chose, et de pas autre chose. Une contre-attribution à la chose elle seule doit être possible ; Aristote donne ici un exemple :

« C’est le propre de l’homme d’être susceptible de lire et d’écrire. En effet, si on est un homme, on est susceptible de lire et d’écrire, et si on est susceptible de lire et d’écrire, on est un homme. »

Cela ne marche pas pour dormir, car qui dort n’est pas nécessairement un être humain.

Avec le principe du genre, on retrouve le principe de catégorisation établi par Aristote. Il y a des éléments en commun, qu’on peut rassembler. En l’occurrence, le genre de l’être humain, c’est l’animal.

L’accident, enfin, c’est qui relève justement de l’accident, c’est-à-dire ni de la définition, ni du propre, ni du genre. La couleur blanche est un accident pour l’être humain, car cela n’appartient ni à sa définition, ni son propre, ni à son genre. Il aurait pu être noir. Il n’y a aucune nécessité à cela, d’où le terme d’accident.

Il va de soi que selon les choses, les thèmes, tout cela peut s’avérer totalement différent et les nuances entre les notions peuvent être ardues à saisir. Aristote est bien d’accord avec cela et il n’y voit pas de problème. Son principe est d’avancer dans l’observation ; il sait qu’une méthode unique serait difficile à trouver, « obscure » et même inutile.

Il s’agit en fait de découvrir la spécificité des choses, de les observer. Puis de les contempler conceptuellement, conformément au matérialisme d’alors.

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