Les proverbes flamands et les jeux d’enfants ont inspiré Bruegel, cela a été le prétexte à deux peintures particulièrement « remplies ». C’est la même chose pour l’affrontement de Carnaval et de Carême. Et dans cette dernière peinture, les incohérences étaient frappantes quant au moment où les scènes se déroulent.
Les commentateurs bourgeois ont cherché un sens allégorique, avec le temps qui passe, etc.
En réalité, on peut se demander s’ils n’ont pas été obnubilés par la quantité. Pour eux, la qualité résidait dans la quantité. Ils en sont donc restés à l’espace. Ils n’ont pas remarqué la qualité – le temps.
Pour comprendre de quoi il s’agit, prenons un autre tableau, La moisson. Le principe est moins opérationnel, mais il semble fonctionner.
Il suffit ici d’imaginer que les trois personnages sur le côté gauche ne forment qu’un, à différents moments.
On le voit à trois moments différents, mais les trois moments sont présents dans la peinture.
Ce n’est pas là forcément flagrant du tout. Cependant, prenons les jeux d’enfants. Imaginons l’endroit vide.
Là, cela marche très bien. On s’imagine parfaitement un peintre camper à un endroit bien précis, et noter les différentes scènes, une par une.
Puis, dans une peinture, il a retranscrit ce qu’il a vu à tel et tel endroit. Ce qu’on voit ne s’est pas déroulé au même moment, mais par exemple sur une semaine ou un mois.
Ce n’est pas qu’un assemblage théorique des jeux, c’est une photographie sur le long terme !
C’est d’autant plus vrai pour Le combat de Carnaval et Carême. Pas seulement car il y a des incohérences temporelles, puisque ce qui est célébré ne peut pas l’être à la même date… Ce qui est en effet flagrant également, c’est que les scènes se déroulent indépendamment les unes des autres !
Si on regarde bien, chaque groupe ne semble pas remarquer l’existence des autres…
Le principe est-il reproductible pour les autres œuvres de Bruegel ? Cela peut avoir joué, reste à savoir dans quelle mesure. Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux peut par exemple avoir profité du principe, cela ne semble pas déterminant pour autant.
La question dépasse toutefois Bruegel. Ce qui importe ici, c’est la dialectique de l’espace et du temps dans une peinture.
Une peinture authentique est un portrait ; il se fonde sur la réalité, la représentant dans sa substance typique.
Dans quelle mesure cependant le temps exige-t-il d’être figé, comme dans une photographie ? La peinture n’a-t-elle pas été supérieure à celle-ci justement en réussissant à assembler de manière typique ce qui n’est pas forcément, dans l’absolu, toujours présent ?
Il y a ici une vraie question historique.
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