Constantin Tsiolkovski et la fusée spatiale

Pour Constantin Tsiolkovski, la révolution russe est une libération. Elle permet enfin d’exprimer librement les conceptions scientifiques. Il donne des conférences à l’université du peuple de Kaluga, la petite localité d’où il vient et où termine sa carrière d’enseignant entre 1918 et 1921.

Il est nommé membre de l’Académie communiste fondée en juin 1918 et il demande des financements à l’Académie socialiste des études sociales, arguant que sous le tsarisme il n’avait jamais pu librement exprimer ses conceptions, qu’il avait œuvré en autodidacte et qu’il devait désormais faire connaître ses conceptions au peuple soviétique.

Constantin Tsiolkovski dans son atelier – laboratoire

La réponse fut positive et Constantin Tsiolkovski approfondit son travail dans son petit atelier artisanal, qu’il n’abandonnera jamais, ne quittant que très rarement sa petite ville. Il obtint pour cette raison le surnom de « professeur de Kaluga », alors qu’il commence dès 1918 à obtenir un véritable succès à Moscou et dans les villes de province, notamment pour ses explications sur l’aviation, les dirigeables, les voyages interplanétaires, la colonisation spatiale.

Il fut extrêmement aidé en cette tâche par Yakov Perelman, un professeur de mathématiques et de physique, auteur de plusieurs centaines d’ouvrages scientifiques, de vulgarisation scientifique, de manuels scolaires, tirés à des millions d’exemplaires. Yakov Perelman correspondait avec Constantin Tsiolkovski depuis 1913 et avait soutenu sa démarche déjà auparavant.

Perelman joua un rôle essentiel dans l’organisation de la science soviétique, participant notamment à la fondation en 1931 du Groupe d’Étude de la Propulsion par Réaction, qui devint l’Institut de recherche scientifique sur les moteurs à réaction.

Yakov Perelman

On notera que le premier président du Groupe d’Étude de la Propulsion par Réaction fut Friedrich Tsander (1887-1933), qui travailla sur les vols interplanétaires et leurs trajectoires avec la question du champ gravitationnel, concevant la première fusée soviétique à ergols liquides, proposant également l’utilisation de voiles solaires.

Yakov Perelman mourut de faim et d’épuisement en 1942 lors du siège de Leningrad, tout comme Nikolaï Rynine, un ingénieur jouant pareillement un grand rôle de vulgarisateur des voyages spéciaux et ayant compilé les recherches à ce sujet dans Communications et vols interplanétaires.

L’œuvre forme neuf volumes publiés entre 1928 et 1932 : Rêves, légendes et premières fictions ; Les vaisseaux spatiaux dans la science-fiction ; Énergie rayonnante : Science-fiction et projets scientifiques ; Fusées ; Théorie de la propulsion par fusée ; Superaviation et superartillerie ; Constantin Tsiolkovski : vie, œuvres ; Théorie du vol spatial ; Navigation astronomique.

Les vaisseaux spatiaux dans la science-fiction 

Constantin Tsiolkovski se met alors également à écrire des nouvelles de science-fiction, une activité également menée de manière professionnelle par l’écrivain Alexandre Beliaïev, qui popularise la conquête de l’espace, s’appuyant notamment sur Constantin Tsiolkovski.

Ce dernier a alors une renommée d’autant plus grande qu’il a mené un vrai travail de pédagogie populaire tout au long de sa vie. Il était tout à fait en phase avec le régime soviétique où la culture scientifique de masse se répand, parallèlement à un engouement général pour les voyages interplanétaires.

Parmi les très nombreux participants à la démocratisation des connaissances, on trouve Vladimir Vetchinkin qui a le premier théorisé, au début des années 1920, le principe de l’orbite de transfert, où un vaisseau passe d’une orbite à une autre. On a également Yuri Kondratyuk, auteur en 1929 de La conquête des espaces interplanétaires, qui théorise le principe du rendez-vous en orbite lunaire qui sera utilisé par la NASA pour alunir.

Yuri Kondratyuk en 1941 ; il meurt au front au début 1942 après s’être porté volontaire

De 1926 à 1929, Constantin Tsiolkovski écrit des analyses sur le principe du vaisseau spatial. Il ne comprend le principe de plusieurs étages pour lancer la fusée qu’en 1929, soit après d’autres. En 1929, il écrit également Les buts de l’astronautique, où il présente le principe de stations spatiales hébergeant des colonies humaines, au début autour de la Terre.

En 1932, Atteignant la stratosphère résume ses recherches sur l’énergie propre aux fusées. En 1933, il reprit ses travaux initiaux sur les dirigeables commencés dès sa jeunesse, ayant toujours été attiré par l’idée d’un dirigeable à structure métallique.

Constantin Tsiolkovski dans son atelier -laboratoire

Pendant toutes les années depuis 1917, il s’engage dans une énorme correspondance avec des ingénieurs ou des passionnés. On a ainsi Valentin Glouchko, né en 1908 (et qui donc a 15 ans), qui deviendra un des principaux responsables de l’aéronautique soviétique, qui conçoit en 1931 le premier moteur-fusée à ergols liquides soviétique, baptisé ORM-1, et devient le spécialiste des moteurs de fusée pour plusieurs décennies.

Il y a ainsi toute une génération façonnée par Constantin Tsiolkovski comme visionnaire. Lors de sa maladie conduisant à sa mort, son état de santé est systématiquement publié dans la presse, avec une grande attention du Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik), avec qui il est d’ailleurs en correspondance.

Il reçoit notamment le 17 septembre 1935, deux jours avant sa mort, ce message d’une grande dignité, pleine de retenue honorant l’immense visionnaire en train de mourir :

« Au célèbre scientifique, le camarade K.E. Tsiolkovski

Veuillez accepter ma gratitude pour la lettre pleine de confiance envers le Parti bolchevik et le régime soviétique.

Je vous souhaite une bonne santé et un travail fructueux pour le bien des travailleurs.

Je vous serre la main.

J. STALINE »

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