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La crise liée au covid-19 ne provient pas de l’extérieur de l’humanité, de son organisation sociale, de son environnement. Elle vient du capitalisme lui-même, car il s’agit d’un mode de production qui englobe tous les aspects de la vie humaine et de la reproduction de celle-ci, à l’échelle planétaire désormais.
La contradiction entre les villes et les campagnes, qui s’élargit avec l’approfondissement du mode de production capitaliste, aboutit à des situations où des ruptures qualitatives se font dans le domaine naturel, comme ici avec le covid-19, mutation d’un virus et non pas « irruption » d’un virus depuis des animaux auparavant à l’écart.
De la même manière, la crise sanitaire au sens strict ne se déroule pas parallèlement au mode de production capitaliste. Elle en est un aspect. En effet, la crise sanitaire dépend de l’État, qui lui-même est la condensation des rapports de forces entre les classes au sein d’une société donnée. Et cet État est plus ou moins faillite, selon l’ampleur de la crise du mode de production capitaliste du pays concerné.
Voilà pourquoi nous voulons souligner ici la faillite des États belge et français à faire face à la crise, un échec parallèle à celui de l’État américain, par opposition à la gestion des États allemand, chinois, sud-coréen. Non pas que ces derniers États soient d’une nature différente, car tel n’est pas le cas : il s’agit ici de souligner l’ampleur de la crise générale en Belgique et en France, ainsi que de bien voir que la crise obéit, à l’échelle mondiale, au développement inégal.
La question des moyens, de l’anticipation et de l’organisation
Il y a par rapport à une crise sanitaire trois aspects fondamentaux : celui des moyens matériels du secteur hospitalier, celui de l’anticipation à la crise par des plans de réponse à celle-ci, celui de l’organisation des secteurs prenant les décisions.
Nous ne voulons absolument pas ici tomber dans le piège d’une critique se réduisant à la question de l’organisation, même si elle est importante. Ce serait une approche mécanique-formelle qui n’aborderait pas le cœur de la question. Nous ne voulons pas dire par là que l’organisation socialiste ne serait pas supérieure à l’organisation capitaliste – nous voulons dire par là que l’organisation découle du contenu des orientations politiques, des choix idéologiques.
Se focaliser sur la question de l’organisation, c’est regarder la forme de la réponse à la crise sanitaire et non pas son contenu. Il en va de même pour l’anticipation, même si c’est évidemment un aspect essentiel également. Que le capitalisme ne soit pas prévoyant est une chose critiquable, mais il serait faux de considérer cela comme l’aspect principal.
L’aspect principal d’une crise sanitaire est toujours avant tout celle des moyens – si par moyens on entend bien non seulement les capacités matérielles des structures sanitaires, mais également les être humains et leurs choix, leurs décisions, leurs orientations.
C’est en cela que la crise sanitaire est, par définition, politique. Au-delà de savoir comment les choses sont faites, ou même prévues, il faut déterminer de manière précise ce qui est fait.
La crise sanitaire reflète une crise étatique
Étant donné que la bourgeoisie est la classe dominante dans les capitalismes belge et français, c’est elle qui dirige l’État, non pas de manière mécanique, mais en tant que celui-ci comme condensation de la lutte des classes. Nous sommes terriblement choqués de voir à quel point il y a eu, de part et d’autres dans le mouvement d’opposition au capitalisme, des réactions anarchistes faisant de l’État un simple monstre qui serait mécaniquement au service d’une bourgeoisie manipulatrice.
Le capitalisme n’est pas une tyrannie, à moins de se retrouver dans le cas du fascisme dans une situation ultra-agressive et ultra-monopoliste. La preuve que cela n’est nullement le cas, c’est que les États ont été obligés dans chaque pays de se mouvoir dans la protection de la santé en général, et non pas uniquement pour la bourgeoisie. Il s’agissait d’une réelle tentative de protection de la population et non pas d’une opération masquée de répression des masses.
Cette protection des masses, et c’est là précisément l’aspect critiquable, n’a pas été à la hauteur en Belgique et en France, alors qu’elle l’a bien plus été dans un pays impérialiste comme l’Allemagne. Ces trois pays connaissent pourtant des situations sociales et politiques relativement proches, au moins dans leurs traits généraux. C’est là que se lit une crise étatique et, dans son noyau, une crise du mode de production capitaliste dans son aspect national, ici belge d’un côté, français de l’autre.
La crise sanitaire en Belgique et en France est une crise étatique en Belgique et en France, et exprime, renforce la crise du mode de production capitaliste en Belgique et en France.
Tel est, selon nous, la véritable analyse révolutionnaire qui est nécessaire.
La crise sanitaire et l’échec de l’État français
Le 7 mars 2020, le média conservateur-populiste BFMTV pouvait encore donner à un de ses articles le titre « Emmanuel et Brigitte Macron au théâtre pour inciter les Français à sortir malgré le coronavirus ». L’État français est effectivement passé littéralement à travers dans sa réponse à la crise sanitaire et c’est d’autant plus marquant que la France est un pays très puissant dans le domaine de la santé, que ce soit avec les infrastructures ou bien avec les recherches, les monopoles pharmaceutiques ou encore le soutien ouvert et efficace de l’État.
Il est clairement apparu que le mode de production capitaliste en France a tellement pressurisé et fragmenté ce domaine de la santé qu’il a été incapable de réagir de manière déterminée et structurée au défi de la crise sanitaire. Malgré le nombre de savants, de chercheurs, d’ingénieurs, d’entités collectives tant universitaires que directement capitalistes, aucun avertissement ne s’est produit. Il faut bien utiliser le terme de produit car il s’agit ici d’un produit relevant des forces de production.
L’un des exemples les plus terribles est celui d’Agnès Buzyn, médecin, enseignante et chercheuse en médecine, ministre des Solidarités et de la Santé depuis mai 2017. Elle a démissionné de son poste afin d’être nommé le 16 février 2020 candidate à la mairie de Paris, le candidat initial du parti présidentiel ayant démissionné à la suite d’un scandale également révélateur, puisqu’il s’agit de l’envoi de vidéos à caractère sexuel dans une relation extra-conjugale.
Agnès Buzyn avait auparavant expliqué le 24 janvier 2020 que « le risque d’importation [du covid-19] depuis Wuhan est pratiquement nul », que « le risque de propagation est très faible » – tout cela pour expliquer après sa défaite électorale que les élections avaient été une « mascarade » et qu’elle aurait prévenu le gouvernement sur la crise sanitaire, le risque d’une épidémie « tsunami » dès le 11 janvier 2020.
C’est évidemment incohérent et, par conséquent, foncièrement mensonger. Cela reflète tout un état d’esprit inconséquent et parasitaire prédominant à la tête du domaine de la santé, ayant intégré de manière complète leur intégration dans le mode de production capitaliste et incapable de tout recul.
C’est de fait un échec du domaine de la santé, mais donc de l’État puisque c’est à lui que revient la responsabilité de celle-ci.
La crise sanitaire et l’échec de l’État belge
L’État belge s’est également retrouvé en porte-à-faux avec les besoins nécessaires pour faire face à la crise sanitaire. C’était inévitable au niveau structurel, puisqu’il y a en Belgique huit ministres s’occupant du domaine de la santé, se chevauchant à des niveaux fédéral, régional et communautaire. Les centres hospitaliers universitaires connaissent une séparation entre francophone et néerlandophone, ainsi qu’entre ceux relevant de l’État et ceux relevant de l’Église catholique.
On ne saurait donc s’étonner que Sciensano, l’Institut scientifique de santé publique, n’avait par conséquent aucun plan de réponse à une éventuelle pandémie. La différence d’avec la situation française, c’est que l’État français, centralisé et disposant de moyens immenses et coordonnés dans la santé, aurait pu disposer d’un tel plan, alors que du côté belge, la dispersion l’empêchait par définition même.
Cela aboutit au déni et Steven Van Gucht, président du Comité scientifique et chef du service Maladies virales de Sciensano, dit à la Chambre le 3 mars 2020 : « Nous sommes bien préparés, « Dans le pire des scénarios, et toutes proportions gardées, (…) dans neuf semaines (…) nous nous situons dans le même ordre de grandeur qu’une grosse épidémie de grippe » (en cinq semaines les chiffres étaient déjà le double de cette prévision).
C’est l’arrière-plan menant la ministre de la Santé publique Maggie De Block à dénoncer les alertes de médecins le 28 février 2020, définissant ceux-ci comme des « dramaqueens (tragédiennes) » devant cesser de « pleurnicher ». À la Chambre, elle expliqua le 5 mars qu’« il s’agit d’une grippe d’un type nouveau, mais doux (NdlR : milde griep), qui poursuivra son chemin sur notre planète avant de devenir une grippe saisonnière ». Le 9 mars elle annonçait un premier décès du au coronavirus, pour le démentir à peine quelques minutes plus tard.
Et c’est bien entendu l’arrière-plan du grand trouble le 23 mars quant aux parts dans la distribution de masques pour la Wallonie, la Flandre et Bruxelles… alors qu’on apprenait le même jour que plusieurs millions de masques de protection de type FFP2 avaient été détruits en 2017 car considérés comme périmés et cinq jours plus tard qu’une commande de trois millions de ces masques avaient été annulés pour des raisons de bureaucratie.
Deux échecs montrant que l’État est en décalage avec la société
La crise sanitaire reflète dans sa substance la contradiction société / État, due à la nature de l’État actuel comme condensation de la lutte des classes avec la domination de la bourgeoisie tant en Belgique qu’en France.
Nous voulons souligner l’importance qu’il y a à prendre en considération cette contradiction. Il y a eu en effet une réaction primaire anti-État d’ultra-gauche, tant de la part d’anarchistes que de « marxistes-léninistes », voire de gens se revendiquant du maoïsme. Ne maîtrisant pas les enseignements du marxisme-léninisme-maoïsme, ils n’ont pas compris la nature de l’État qui a un double caractère : comme organe de répression et comme instance sociale.
Ils ont cru que le confinement était une opération de contrôle à peu de frais, voire un complot. Ils ont considéré que toutes les positions de l’État belge et de l’État français étaient par définition réactionnaires, ce qui est anti-dialectique. C’est là l’expression d’une peur petite-bourgeoise du monstre étatique.
En réalité, l’État gère le système de santé tant pour maintenir le fonctionnement du mode de production capitaliste en soignant les gens pour qu’ils travaillent que parce qu’il n’a de légitimité que comme vecteur d’un certain progrès historique. Les travailleurs d’un pays capitaliste du 21e siècle ont une conscience aiguë des acquis dans le domaine de la médecine et aucun régime bourgeois ne pourrait tenir s’il n’était pas à la hauteur sur ce plan, ce qui fait que l’impérialisme américain a fait face à un défi politique majeur qui le fait vaciller dans ses fondements.
Nombre de gens ont vu de par le monde la contradiction entre les moyens de la médecine et l’incapacité à disposer d’une mobilisation mondiale unifiée profitant pleinement de la science. Cela pose la question de l’orientation générale de la société, et donc de l’État, de l’humanité et donc d’un État mondial. Les États actuels ne sont pas en mesure d’assurer ce qui est une exigence universelle de santé – un besoin de communisme.
Les États belge et français en faillite devant un phénomène nouveau
Il y a lieu de souligner que la crise des États belge et français est d’un nouveau type, car aucun État n’a jamais eu à faire face à un phénomène comme le covid-19. C’est un phénomène nouveau répondant à des conditions nouvelles : celles résultat d’une contradiction devenue explosive entre l’humanité et la nature sauvage.
C’est une contradiction qui se déroule au sein du mode de production capitaliste, l’État étant lui-même en soi une contradiction au sein du mode de production capitaliste de par son rôle social d’un côté, anti-social de l’autre. Il est pour cette raison entièrement faux de dire, comme le fait le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada qu’« il n’y a rien de fondamentalement nouveau et de surprenant à ce que nous révèle la pandémie sur le capitalisme » (COVID-19 : La concurrence internationale au cœur de la crise actuelle).
On reconnaît ici que cette organisation, qui se prétend maoïste, rejette le matérialisme dialectique, Staline, la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. En effet, tout est au contraire fondamentalement nouveau. Il s’agit d’une crise mondiale, ayant des conséquences mondiales, de manière claire pour les masses mondiales. C’est un phénomène nouveau historiquement, annonçant la période des grands bouleversements à l’échelle mondiale.
C’est précisément cet aspect qui fait vaciller les États.
Les États face au défi d’une contradiction mondiale
La crise sanitaire est née comme fruit d’une activité de dimension planétaire et par conséquent elle pose une question dont la réponse ne peut être elle-même qu’une activité de dimension planétaire.
Les États ne peuvent, par définition, pas être en mesure de répondre à la crise sanitaire de manière adéquate, de par leur définition même. Même si l’on admet que la Chine a répondu sur son territoire de manière efficace – ce qui reste à prouver – on peut voir que ce pays a été incapable d’empêcher la propagation du covid-19. L’humanité apparaît ici comme relevant d’un seul et même processus mondial et aucun pays n’est indépendant de cette chaîne planétaire.
Il y a ici une contradiction explosive, car les États n’ont pu répondre à la crise qu’en fermant les frontières, ce qui est le contraire de leur démarche jusqu’à présent qui les ouvre pour permettre le renforcement dans tous les domaines du mode de production capitaliste.
Le covid-19, résultat du mode de production capitaliste régnant de manière planétaire de manière unifiée, provoque un retour en arrière de celui-ci. Et les divisions nationales au sein du mode de production capitaliste, dans le cadre de la tendance à la guerre, poussent chaque pays à retourner au plus vite à l’efficacité, à se replier sur soi-même, renforçant la crise.
Nous ne prétendons pas ici dresser la liste de toutes les contradictions qui ont émergées ou qui se sont renforcées avec la crise du covid-19. Nous disons cependant : comprendre la nature planétaire de cette crise est la clef pour en avoir une compréhension révolutionnaire.
Il n’y aura pas de « jour d’après » ni de retour à la normal. Nous avons ici affaire à un saut dialectique dans la crise – un saut qui correspond au besoin de communisme à l’échelle mondiale.
Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique
Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)
Avril 2020