Émile Claus et le «luminisme»

Il est évident qu’avec une base si précaire, la peinture naturaliste belge était particulièrement poreuse au subjectivisme, à l’impressionnisme. La dégradation des quelques éléments du réalisme était inévitable, au-delà même d’une lecture réductrice de la réalité comme celle de Constantin Meunier.

Ainsi, Émile Claus s’éloigna d’un naturalisme marqué par le réalisme pour passer dans une forme ouverte d’impressionnisme. Le vieux Jardinier, de 1885, est un exemple de naturalisme tentant une forme de réalisme, au sens de quelque chose de typique ; on retrouve néanmoins ce goût de l’expérimentation allant pratiquement au pittoresque comme chez Émile Zola.

Voici Vlaswieden in Vlaanderen (Désherbage manuel du lin en Flandre), de 1887, qui est dans le même esprit.

Hanengevecht in Vlaanderen (Combat de coqs en Flandre) illustre bien ce regard incapable d’arriver à une dignité universelle, de dépasser le particulier.

N’étant pas en mesure d’assumer un réalisme national, la perspective d’Émile Claus fut happé par le subjectivisme élaboré en France. Camille Lemonnier écrivit un ouvrage sur Émile Claus ; il y souligne l’influence parisienne pour ce peintre qui va devenir un tenant du « luminisme ».

« Paris avait été pour lui l’éveilleur. Il y vient d’abord, en passant des Salons où il expose ; puis ses séjours se prolongent.

En 1889, il loue un atelier au boulevard des Batignolles ; il s’y sent à l’étroit et s’installe rue Dautencourt : chaque hiver, pendant trois ans, l’y ramène après ses tranquilles et laborieux étés d’Astene.

Cette vie de fièvre et de passion l’exalte, il y trouve l’exemple de la leçon des maîtres. Il revit les heures héroïques de l’art des Manet, des Monet, des Sisley, des Pizzarro, des Renoir. Ceux-ci déjà à cette époque sont entrés dans la gloire et triomphent, mais sans cesser de combattre (…).

La lumière qui, dans la nature, fait vivre l’homme, les faunes et les végétaux, n’avait commencé à vivifier le paysage qu’avec Manet, Cézanne, Monet, Sisley, Pizzarro (…).

Tout cela, certes, n’alla pas sans des critiques assez vives : on voulut y voir un art plus paradoxal que spontané : on parut regretter à la fois une perversion de l’optique usuelle et une altération du sens du paysage selon la tradition. »

Émile Claus assuma ainsi le « luminisme », c’est-à-dire un néo-impressionnisme.

Voici, comme illustration de cette tendance allant de la vision naturaliste à la lecture par « impression », Jeunes paysannes marchant sur les bords de la Lys, de 1887, ainsi que De Bietenoogst (La Récolte des betteraves), de 1890.

Voici, témoignant de cette vision par « éclairage », Zomer (L’été), de 1893, Vaches traversant la Lys / Passage des vaches de 1899, ainsi que Le portrait de Madame Claus, de 1900, et Portret van Jenny Montigny (Portrait de Jenny Montigny, sa nièce, qui deviendra elle-même peintre), de 1902.

Voici également Zonnige dag (Jour ensoleillé) de 1895, De vlasoogst (La récolte du lin) de 1904, Hooiberg (Meule de foins), de 1905.

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