Quelles étaient les thèses formulées dans Les changements dans l’économie du capitalisme comme résultat de la seconde guerre mondiale ?
Eugen Varga publia le premier chapitre de l’ouvrage dans la revue de l’Institut, en juillet 1944. Puis, quatre autres chapitres furent publiés par la suite, jusqu’en septembre 1945.
Il faut déjà en voir le fond, à savoir l’intérêt énorme qu’accorde Eugen Varga à la question de l’économie de guerre. Sa première étude d’envergure fut en 1918 L’argent, sa domination en temps de paix et son effondrement durant la guerre. Son interprétation du capitalisme en crise après 1918 s’appuie sur l’interprétation des modifications causées par la guerre.
Pendant la guerre mondiale, Eugen Varga avait aussi écrit de nombreux articles sur la politique et l’économie des pays protagonistes, et avait particulièrement porté son attention sur les économies de guerres mises en place, notamment en Allemagne.
On est ici dans le prolongement d’une telle démarche « objectiviste », cette fois dans le contexte d’après 1945, alors que l’URSS a été l’alliée de pays impérialistes.
Les changements dans l’économie du capitalisme comme résultat de la seconde guerre mondiale se veut d’ailleurs un ouvrage sans aucune analyse politique, celle-ci étant repoussée à un hypothétique second ouvrage. Ses thèses se veulent pour ainsi dire « pures », « neutres », « objectives ».
La première grande thèse d’Eugen Varga était qu’en raison des nécessités propres à la guerre, en termes de gestion, de prévision, d’encadrement, l’État était intervenu de manière massive et avait bouleversé le fonctionnement du capitalisme. Il en avait ainsi surtout neutralisé certains aspects, poussant à une rationalisation, en lieu et place du chaos propre au capitalisme.
De plus, en agissant ainsi, l’État se faisait le vecteur des intérêts généraux du capitalisme, non plus simplement des monopoles. Cette tendance l’amenait même à s’ouvrir aux intérêts de la classe ouvrière.
Ce positionnement de l’État durant la guerre allait, selon Eugen Varga, inévitablement se prolonger après la fin de celle-ci, d’une manière ou d’une autre. Cela allait forcément être vrai sur le plan de la régulation et de la prévision dans le domaine de l’économie.
La seconde thèse, déduite de la précédente, est qu’il existerait par conséquent un espace pour la classe ouvrière pour prendre le contrôle de l’État. La lutte des classes allait désormais consister en un affrontement entre la bourgeoisie et le classe ouvrière pour le contrôle de l’État. L’État apparaissait, de fait, comme une entité désormais « neutre ».
La troisième thèse, strictement parallèle aux deux premières, était que le colonialisme était profondément affaibli, la situation étant marquée par une vraie affirmation du capitalisme dans les colonies. Eugen Varga soulignait particulièrement la situation indienne, où il considérait qu’un vrai capitalisme est désormais lancé : il ne serait donc selon lui plus possible de dire que l’Inde serait au sens strict une colonie britannique.
La quatrième thèse, tout à fait similaire dans sa substance, était que les pays de l’Est européen séparés du marché mondial capitaliste étaient sans importance économiquement et que cela ne jouerait pas dans le sens d’une crise des pays capitalistes. Qui plus est, leur situation était ambivalente selon Eugen Varga, qui les considérait comme ne relevant ni du capitalisme, ni du socialisme. Cette interprétation sous-entendait l’existence d’un terrain « neutre » entre le capitalisme et le socialisme, qu’Eugen Varga qualifiait de « capitalisme d’État ».
La cinquième thèse était que les États-Unis n’étaient plus orientés vers la guerre impérialiste, mais vers la relance de leur économie. Eugen Varga considérait que les États-Unis, l’Asie et l’Europe de l’Ouest allaient connaître environ deux ou trois années de croissance, puis une dizaine d’années de stabilisation, avant de revenir à une situation de crise.
Cependant, et c’était là la vraie substance de cette thèse même si ce n’était pas ouvertement dit, les pays capitalistes ne seraient pas tournés vers l’agression, mais uniquement vers leur propre croissance.