Front populaire : le gouvernement de Camille Chautemps

La dévaluation et les hausses des impôts ont donné immédiatement le ton du gouvernement de Camille Chautemps. L’un des exemples marquants de sa ligne, pourtant censée relever du Front populaire, est sa position sur les conventions collectives.

Celles-ci, lorsqu’elles devaient se terminer d’ici la fin de l’année, sont gelées pour six mois par la loi du 18 juillet 1937. La CGT proteste vigoureusement, le gouvernement tente de temporiser et d’obtenir de nouvelles négociations. Néanmoins, la Confédération générale du patronat français, reconnue comme représentant officiel des organisations patronales par le Conseil national économique en janvier 1937, refuse.

Cette même CGPF est issue de la Confédération générale de la production française qui a signé les accords de Matignon : elle a été considérée comme discréditée chez les patrons et il a fallu la remplacer par une nouvelle structure. Son président est Claude-Joseph Gignoux, un intellectuel passé au service du milieu des affaires, un anticommuniste fanatique, auteur justement en 1937 d’un ouvrage intitulé « Patrons, soyez des patrons ! ».

Camille Chautemps s’appuie, dans les faits, surtout sur Georges Bonnet, l’ambassadeur aux États-Unis appelé en catastrophe pour devenir ministre des Finances. C’est un radical, de l’aile droite des radicaux : il est resté à l’écart du Front populaire ; avec le gouvernement de Camille Chautemps, c’est lui qui prend les décisions les plus rudes en tant que ministre des Finances.

Georges Bonnet

Il y a l’économiste libéral Jacques Rueff, qui s’occupe du Trésor, et Jean Jardel, directeur du budget. Il y a le haut fonctionnaire Pierre-Eugène Fournier, nommé gouverneur de la Banque de France. Il avait justement établi un rapport sur le réseau ferré français, indiquant ses faiblesses, et c’est au titre de son poste à la Banque de France qu’il prend la tête de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) mis en place le 31 août 1937 par un décret-loi.

L’État ne possède pas tout le capital, mais 51 % des parts (achetés à peu près pour 700 millions de francs payables en 45 annuités) ; grosso modo, les dirigeants des anciennes sociétés centralisées restent en place.

C’est avec cette équipe que le gouvernement de Camille Chautemps tente de stopper l’inflation. Il n’a pas d’autres choix ici en juillet 1937 que de geler les prix en prenant comme règle ceux du 28 juin 1937. Sont également mis en place des commissions départementales du coût de la vie contrôlées par une Commission supérieure.

C’est dans ce contexte de gouvernement à la base précaire que, le 11 septembre 1937, deux explosions se produisent non loin de la place de l’Étoile à Paris. Sont visés par de puissants explosifs les sièges de la Confédération générale du patronat français et l’Union des industries métallurgiques de la région parisienne. Le premier bâtiment, de quatre étages, est largement éventré, avec un nuage de poussières de cent mètres de hauteur. Deux policiers furent même ensevelis par les décombres.

La presse de droite se déchaîne immédiatement sur le Front populaire, mais très vite il est compris que c’est une provocation, qu’a mise en place la Cagoule, surnom donné par la presse à l’Organisation secrète d’action révolutionnaire nationale. C’est une structure armée mise en place en 1934 par des dissidents de l’Action française, menant divers provocations anticommunistes, commettant plusieurs meurtres, se procurant des poisons et des stocks très importants d’armes en liaison avec l’Italie fasciste et l’Espagne franquiste.

La Cagoule tente alors le tout pour le tout, cherchant à manipuler l’armée pour parer à un pseudo coup d’État communiste dans la nuit du 15 au 16 novembre 1937. L’armée ne suit pas, mais on s’aperçoit que l’Élysée devait être pris par la Cagoule par ce coup monté. La répression s’abat immédiatement sur elle, avec l’arrestation de 120 membres, des découvertes de planques, de dépôt d’armes et d’explosifs, de différents plans des points névralgiques tels les ministères et de faux papiers pour s’y introduire, également de plans des égouts afin de les utiliser pour l’opération, etc.

Le ministre de l’Intérieur qui a mené l’opération, Marx Dormoy, sera victime d’un attentat d’anciens de la Cagoule en 1941, alors qu’il avait été mis en résidence surveillée par le régime de Pétain.

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