Gauche Prolétarienne: Sur la question de la ligne de démarcation en matière syndicale (1969)

[Supplément au Bulletin intérieur n°11 de la Gauche Prolétarienne.]     

Après notre détour par la ligne « syndicaliste prolétarien » nous nous sommes rendus à l’évidence: il ne suffit pas d’avoir des formes d’action nouvelles et dures pour se démarquer des revisos-réformistes quand on garde le même esprit syndicaliste, ou la même revendication isolée prise dans le programme de la CGT.

On ne réussit qu’à prendre quelques jours d’avance, et l’appareil syndical a tôt fait de tout récupérer en fin de compte.

Notre problème, depuis que des camarades ont essayé de constituer des programmes  » revendicatifs  » reste le même : la ligne de démarcation doit être radicale et elle ne l’est toujours pas; le vieil esprit syndicaliste traîne toujours dans tous ces programmes de lutte, et pourtant nous devons avancer et nous soucier des conditions de vie et de travail immédiates des plus larges couches ouvrières.

Nous croyons, camarades, qu’il faut non seulement révolutionnariser nos esprits, mais aussi notre langage : car qu’on le veuille ou non : revendications, syndicats et toutes ces listes de revendications sentent la litanie réformiste.

En effet ce sont les révisionnistes qui ont banalisé, abruti ces mots d’ordre à force de les répéter sans contenu, de même qu’ils avaient autrefois dénaturé le nom de « social-démocrate ».

Pour des militants travailleurs l’éternelle liste de revendications au bout de chaque tract, de chaque affiche, est devenue comme un attribut de la CGT, au même titre que son sigle.

Au lieu de faire progresser la conscience des masses ces listes constamment rabattues amusent le populo et font vivre le syndicat.

Quand aux luttes passées et à leurs victoires elles constituent le bagage juridique du syndicat : pour être un bon délégué ou permanent il faut avoir son bagage juridique : telle est devenue la soi-disant tradition de lutte syndicale : une tradition législative ou légalo-bourgeoise.

A tous les coups, le réflexe syndicaliste préfère l’argument juridique à la lutte :  » j’ai quinze ans de travail dans la boîte, donc j’ai droit à la prime d’ancienneté « .

Il faut détruire l’esprit syndicaliste, il ne s’agit pas de faire « mieux  » que la CGT, de  » demander  » par exemple 5% d’augmentation de plus qu’elle, car pour les travailleurs cela ne fait qu’une organisation de plus qui  » demande « . Il s’agit de contester les salaires pas de demander au patron.
En effet ce n’est pas la liste des revendications passives qui mobilisera les travailleurs.

A Olibet Bordeaux, comment des camarades ouvriers ont-ils brisé des cadences insupportables?

En cassant délibérément pour 300 000 AF de biscuits.

Ces camarades n’ont rien mendié mais l’accélération des cadences a cessé.

Ça c’est la lutte qui s’oppose aux  » revendications  » synonymes de  » discussion « . Car c’est la parlotte qui aurait permis au patron de détourner le problème, en augmentant les salaires ou en donnant comme à Dassault une prime de technicité tout en conservant le même rythme.

La  » revendication  » est le frein légal entre le patron et les ouvriers, elle mène à la participation et a pour but d’empêcher de poser les problèmes à fond, d’aller à la racine du mal.

Voici ce qu’on peut entendre par exemple de la bouche même d’un magouilleur expérimenté, ancien journaliste et théoricien du PCF :  » On ne peut pas toujours mettre à la fin de chaque article qu’on veut renverser le Capital, qu’on est pour la révolution. « 

C’est en effet lassant pour la bourgeoisie et pour ceux qui n’y croient plus : telle est la démarche d’esprit qui conduit tout droit au révisionnisme : le but est trop loin alors au lieu de nous en approcher, enlisons-nous dans le présent et l’immédiat.

Quand ce sont des revendications qui ne veulent pas en être (comme on en trouve souvent et c’est inévitable dans nos tracts) : ça donne des ambiguïtés, des détours ( » si le pouvoir était aux travailleurs « ) qui ne sont pas clairs.

Le syndicat actuellement c’est comme les Conseils d’UER, purement et simplement de la participation.

Les camarades qui commencent à lutter contre la hiérarchie des salaires sont souvent tombés dans ce piège : le problème est-il entre augmentation, diminution ou modification?

Alors qu’on laisse en premier accepter l’idée que la hiérarchie est nécessaire, alors qu’on ne conteste ni son principe ni sa grille elle-même (pourtant on ne peut plus arbitraire).

Se battre sur le terrain de la bourgeoisie ou sur celui du prolétariat? Adopter la conception de la vie bourgeoise ou la conception de la vie prolétarienne? Préférer le syndicalisme-participation-intégration à la lutte pour la révolution?

Car le syndicalisme est bien une variante du révisionnisme :  » le mouvement syndical est tout, le but révolutionnaire n’est rien « .

Le terrain juridique est le terrain du savoir et des formes de lutte bourgeoises.

Quand un délégué syndical ou tout autre l’adopte il devient le spécialiste prélevé par le Capital à sa classe; pour le contrôler il faut devenir comme lui : un parvenu de l’aristocratie ouvrière.

D’ailleurs dans la majorité des cas, personne ne le contrôle car personne ne comprend plus rien à ses calculs.

A Labaz près de Bordeaux on a fait venir un permanent PCF-CGT pour faire reprendre le travail en période de paix électorale.

Son grand art a été de camoufler une défaite par des chiffres, de confondre ce que tous auraient obtenu sans faire grève et ce qu’on leur accordait.

Autre exemple il y a deux ans à Dassault : plus la lutte durait moins les ouvriers comprenaient pourquoi ils se battaient. Partie sur la parité des pourcentages avec Paris la lutte a débouché sur des pourcentages d’augmentation.

Pourtant les méthodes de lutte étaient dures, mais quand les ouvriers n’ont pas la direction politique de leur grève, quand leur objectif concret leur est incompréhensible ils perdent pied. En fait seuls 200 inconditionnels restaient à la fin du mouvement déterminés à se battre pour se battre.

Ce qui est sûr maintenant c’est qu’on doit faire preuve d’imagination, inventer des nouvelles formes de lutte en s’appuyant sans réserve sur l’initiative des masses, mais surtout accepter un langage nouveau pour exprimer les aspirations des masses.

Il faut détruire l’esprit syndicaliste et le jargon syndical et le remplacer par un esprit dynamique, révolutionnaire et nouveau.

C’est par ce changement radical que nous construirons sur le cadavre syndicaliste, un programme de contestation révolutionnaire.

Nous proposons que dans cette direction tous les camarades rivalisent.

A BAS LE SYNDICALISME-PARTICIPATION
A BAS LES REVENDICATIONS BIDONS

Pour une nouvelle forme de contestation !
Dans un esprit révolutionnaire militant !

Vive le Maoïsme

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