Gonzalo et l’affirmation du positif

Le Parti Communiste du Pérou (PCP) a toujours insisté sur l’importance symbolique de valoriser l’aspect positif, à rebours de l’aspect négatif. C’est là l’application des enseignements de la Grande Révolution Culturelle Chinoise.

Pour cette raison, le PCP a toujours souligné qu’il ne fallait pas célébrer les décès, seulement les naissances. Il n’y a ainsi de ce fait aucune raison de saluer Gonzalo à l’occasion de sa mort le 11 septembre (2021). Si on veut le saluer, on le fait à l’occasion de sa naissance, le 3 décembre (1934).

Il en va de même pour Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas honorer les morts. Il existe une vidéo où la direction du PCP salue le décès d’Augusta « Norah » la Torre, dans une chambre décorée en rouge, frappée du marteau et de la faucille.

Cependant, la mort n’a de sens que par rapport à la vie ; elle n’est jamais l’aspect principal. Si on regarde la position du PCP lors du massacre dans les prisons péruviennes en juin 1986, ce qui est mis en avant, c’est le prolongement de la vie des prisonniers révoltés à travers leur mort dans un combat héroïque.

C’est pour cela que le 16 juin a été défini comme « le jour de l’héroïsme » – celui de la victoire de la vie malgré, à travers la mort.

Dans la même perspective, le PCP a toujours rejeté le principe de la grève de la faim, car « le prolétariat ne se suicide pas ».

Il ne faut naturellement pas considérer cette affirmation comme une fin en soi simplement, comme le simple reflet de l’aspect idéologique du Communisme comme avenir. Il y a également une dimension politique. Le PCP a toujours souligné l’importance de la conquête de l’opinion publique, de la transformation des esprits.

C’est la raison pour laquelle le Mouvement Populaire Pérou, organisme généré par le PCP à l’étranger, a toujours produit ses documents à l’encre rouge. C’était fort difficile et fort cher d’imprimer à l’encre rouge dans les années 1990, et ce n’est pas discret non plus.

Il est également malaisé de lire de longs textes imprimés en rouge au lieu d’en noir. Toutefois, c’était considéré comme un acte politique, ayant une fonction en termes d’impact.

Dans le même ordre d’idée, le Mouvement Populaire Pérou n’a jamais utilisé d’images où l’on voit Gonzalo en tenue de bagnard dans la cage où on l’avait placé pour le présenter aux médias après son arrestation. C’était considéré comme une atteinte à la dimension positive qu’on doit accorder à la révolution.

De manière plus anecdotique, un exemple de célébration du PCP est connue par une vidéo rendue publique de la part du vieil État péruvien, avant l’arrestation de Gonzalo. Elle le présente en train de faire la fête avec le Comité Central, dont le point culminant est une danse grecque, le sirtaki, dont l’arrière-plan est le film Zorba le grec (1964).

Cette dimension célébrative profite naturellement de l’arrière-plan quechua, de la vision amérindienne du monde soulignant de manière panthéiste l’univers et son cours. Cependant, le panthéisme amérindien est intrinsèquement dualiste.

La démarche amérindienne associe systématiquement la vie à la mort, le bien au mal, le bonheur au malheur, etc. Même les divinités représentant un de ces deux aspects marchent par deux, avec un homme et une femme. C’est une dialectique pétrifiée dans le dualisme.

Précisons bien ici que la contradiction hommes-femmes n’était pas considérée par Gonzalo comme une dualité, mais bien comme une dialectique. Dans le PCP, il était possible d’être homosexuel, cela relevait du domaine intime, cependant il était considéré que l’homosexualité disparaîtrait avec le Communisme. Ce dernier est en effet l’affirmation de la vie et la vie est productive, dialectique.

On retrouve cette conception précisément dans le mot d’ordre Arborer, défendre et appliquer, principalement appliquer le marxisme-léninisme-maoïsme, principalement le maoïsme.

Ce qui est célébré, au moyen du « principalement », c’est la dignité du réel, l’aspect matériel immédiat. Sans le « principalement », la célébration perdrait en incarnation.

De manière très intéressante, on trouve le même souci dans l’épître de Paul aux Corinthiens (1:13) :

« En somme, trois choses demeurent : la foi, l’espérance et l’amour, mais la plus grande d’entre elles, c’est l’amour. »

La dimension sensible, dans sa réalité désintéressée immédiate, est l’aspect principal du mouvement de la vie. Pour le PCP, il s’agit non seulement de reconnaître la dialectique des choses, mais également de toujours se focaliser sur l’aspect positif, de manière principale.