Gonzalo, le Front uni et l’Internationale Communiste

Dans le document du Parti Communiste du Pérou « La ligne internationale », datant de 1988, il est expliqué la chose suivante :

« A l’intérieur de l’IC (Internationale Communiste) se présentent, vers les années 20, deux problèmes qui auront de grandes répercussions : le problème de l’Allemagne, c’est-à-dire de la révolution dans un pays avancé et le problème de la Chine, c’est-à-dire de la révolution dans un pays arriéré.

Postérieurement, la situation s’aggrave avec l’apparition et le triomphe du fascisme et de la manière dont on doit concevoir le Front.

Togliatti et Thorez avec des critères révisionnistes essayent de soutenir l’ordre établi et de ne pas le détruire, se centrant uniquement sur la lutte contre le fascisme.

Pour les communistes et pour notre Parti, faire le bilan de l’Internationale Communiste, spécialement celui de son VIIe Congrès avant la seconde guerre mondiale et au rôle du camarade Staline, représente une tâche impérative. »

Dans ces lignes, écrites par Gonzalo, nous trouvons les idées suivantes :

a) le « front uni » est une nécessité, valable à la fois pour un pays avancé et pour un pays arriéré, c’est-à-dire pour un pays impérialiste et un pays semi-colonial semi-féodal ;

b) les révisionnistes ont limité le front à l’antifascisme seulement, et ont de cette manière « oublié » la tâche de la révolution socialiste ;

c) les communistes ont comme tâche de comprendre ce processus entier, en particulier le VIIe et dernier congrès de l’Internationale Communiste et le rôle que Staline a joué ici.

Il y a quatre séries de documents que nous avons produit qui analysent ces questions :

a) la série sur le 6 février 1934, c’est-à-dire la tentative de coup d’Etat fasciste en France et la réponse populaire antifasciste qui a suivi, produisant le Front populaire ;

b) la série quant à Maurice Thorez et sa conception du Front populaire à travers les années 1930 ;

c) la série sur les démocraties populaires en Europe de l’Est après 1945, en particulier de 1945 à 1956 ;

d) la série sur l’histoire de l’Internationale Communiste.

Nous pouvons conclure les choses suivantes de ces séries:

1. Le Front uni contre le fascisme a été un échec dans la mesure où il s’est arrêté à moitié ; il n’y a pas eu de lutte culturelle et idéologique. La ligne opportuniste a considéré que face à la menace fasciste, face au pouvoir des monopoles, il y aurait un mouvement mécanique des masses et des « classes moyennes » pour s’unir.

Cette tendance serait organisée dans le cadre de la république bourgeoise, afin de ne pas effrayer la bourgeoisie libérale. L’Etat tendrait à s’effondrer sous la pression des monopoles, mais les démocrates lui permettraient de se maintenir, dans une forme « démocratique ».

Une telle ligne avait une cohérence en Espagne, où le Parti Communiste était faible et où il y avait déjà une lutte armée contre le coup d’État fasciste conduit par Franco. Ce n’était certainement pas le cas dans un pays comme la France, où l’État était bourgeois et ainsi devait être détruit.

La ligne opportuniste, de Maurice Thorez à Prachanda, nie la nécessité de la destruction du vieil Etat – sur tous les plans : militairement, culturellement, idéologiquement. Cela reflète la non-compréhension de l’aspect guidant de l’idéologie dans un pays, la non-compréhension de la nécessité de la pensée, comme reflet guidant les tâches de la matière en développement.

2. Il est très important de voir que Thorez a trahi le principe de la révolution ininterrompue. Il a reconnu qu’il y avait des étapes, mais il a considéré que l’étape où l’Etat bourgeois est détruit pourrait être évité.

Cela a permis au trotskysme d’être très fort dans notre pays, avec une critique opportuniste de la révolution ininterrompue, au nom de la « révolution permanente », qui nie les étapes et ainsi la nécessité d’un Front uni antifasciste.

Au nom de la « révolution permanente », le trotskysme agissait comme la cinquième colonne du fascisme, usant de la démagogie gauchiste pour apparaître radical, avec comme but en réalité de briser le front uni, de stopper l’intégration des antifascistes sincères qui pouvaient être religieux, bourgeois libéraux, réformistes, etc.

Un tel rôle a été joué par le POUM en Espagne, par exemple, durant la guerre civile.

3. Le Front uni contre le fascisme est une nécessité absolue face au fascisme. Comme Mao Zedong l’a rappelé dans le document « Sur le gouvernement de coalition » :

« C’est une loi du marxisme comme quoi le socialisme ne peut être atteint que par l’étape de la démocratie. »

Avant la révolution socialiste, il y aura une démocratie populaire contre la menace fasciste ou le fascisme lui-même – mais cela signifie la destruction du vieil Etat, cela ne peut pas se produire dans le cadre de l’Etat bourgeois.

La voie pratique pour cela doit encore être élaborée ; c’est la tâche du PCMLM [France]. Dans l’Est européen, les démocraties populaires ont pu exister en raison du succès de l’armée rouge contre l’Allemagne nazie et ainsi du fait que soit brisée toute réaction armée par la suite. Comment ce processus de démocratie populaire existera-t-il dans un pays où le vieil État doit être écrasé par la guerre populaire ?

4. Le VIIe congrès de l’Internationale Communiste ne peut pas être compris sans le VIe congrès. En fait, le problème a été le manque de compréhension matérialiste dialectique de la social-démocratie.

Il a été correct de comprendre la social-démocratie comme un jumeau du fascisme – dans l’esprit du VIe congrès. Mais il était également correct de voir la social-démocratie comme un allié nécessaire contre le fascisme – dans l’esprit du VIIe congrès.

La social-démocratie a deux aspects : les communistes doivent comprendre l’importance de chacun des deux congrès de 1928 et 1935 de l’Internationale Communiste. Les changements dans la social-démocratie, suivant l’aspect principal dans une société donnée, doivent être compris d’une manière politique correcte, ou la construction du Front sera impossible –  soit en raison de l’opportunisme de gauche et le sectarisme tendant au trotskysme, soit en raison de l’opportunisme de droite et de la trahison de la révolution socialiste.

5. Sur le rôle du Camarade Staline : Staline n’a pas joué un grand rôle dans la question présente. Il n’a pas été présent durant le VIIe congrès de l’Internationale Communiste où Georgi Dimitrov a formulé la ligne du « front populaire » comme valable contre le fascisme dans les pays impérialistes.

Il n’a pas vu la lutte de deux lignes qui était en train d’apparaître entre la ligne rouge et la ligne noire sur cette question, permettant à Maurice Thorez d’appliquer une ligne très opportuniste, suivi ensuite par Palmiro Togliatti et tous les révisionnistes après 1945 en Europe de l’Est.

Il a correctement vu la déviation du titisme, qu’il a combattu d’une manière correcte. La lutte a ici été mené correctement en Europe de l’Est contre la déviation nationaliste bourgeoise.

Mais il n’y a pas eu de lutte pratique contre la ligne révisionniste qui considérait la démocratie populaire comme une nouvelle forme rendant « caduque » la dictature du prolétariat. La ligne révisionniste en Europe de l’Est a été une grande aide pour les khrouchtchéviens.

Il faut également noter que Staline n’a pas procédé à la critique de l’opportunisme de Maurice Thorez d’une manière pragmatique parce que l’URSS tentait de gagner la France comme alliée militaire. C’était à une perspective à courte-vue, une déviation pragmatique-machiavélique du camarade Staline, même s’il faut dire qu’en France le Parti Communiste n’était en réalité qu’une social-démocratie authentique, équivalente à celle en Allemagne à la fin du 19e siècle.

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