Ibrahim Kaypakkaya est la principale figure du communisme en Turquie au début des années 1970.
Né en 1949 – à une date inconnue – il est mort très jeune, le 18 mai 1973, sous la torture alors qu’il était le dirigeant du Türkiye Komünist Partisi/Marksist-Leninist (TKP/ML, Parti Communiste de Turquie / Marxiste-Léniniste) qui avait généré une organisation armée, la Türkiye İşci ve Köylü Kurtuluş Ordusu (TIKKO, Armée Ouvrière et Paysanne de Libération de la Turquie).
Ibrahim Kaypakkaya ne révéla rien des structures du TKP/ML et de la TIKKO après son arrestation, malgré soixante jours de torture.
Issu d’une famille de paysans pauvres de religion alévie – une variante musulmane chiite libérale-sociale – du village de Gökçam, au centre de la Turquie, il réussit l’examen d’entrée de l’institut de formation des maîtres d’école du quartier de Çapa à Istanbul, puis s’inscrivit dans cette ville à l’université de physique en 1965, dont il fut exclu en novembre 1968 pour l’organisation d’une protestation contre la visite de la 6e flotte américaine en Turquie.
Il était devenu en mars de la même année le dirigeant la fédération des clubs d’idées de son université, qu’il avait rejoint en 1967 ; il rejoignit alors les rangs du Türkiye İhtilâlci İşçi Köylü Partisi (TIIKP, Parti Révolutionnaire des Ouvriers et des Paysans de Turquie) qui formait une composante d’orientation « pro-chinoise » de ce mouvement.
Cependant, le TIIKP ne parvenait pas à s’arracher à la tendance dominante dans le mouvement étudiant, qui était de considérer que, somme toute, la Turquie avait connu une réelle indépendance dans le prolongement de l’effondrement de l’empire ottoman, et que les problèmes réels ne surgissent qu’après 1945, avec la domination américaine.
Le mouvement étudiant contestataire qui émergeait de manière massive dans les années 1960 se donnait ainsi comme tâche la « Révolution nationale démocratique » : il fallait finir le travail commencé par Mustafa Kemal lorsqu’il « instaura » la République de Turquie en 1920.
Tel n’était pas le point de vue d’Ibrahim Kaypakkaya, qui considérait que le kémalisme des années 1920 ne correspondait pas à un mouvement d’officiers et d’intellectuels, mais exprimait la prise de contrôle du pays par des couches sociales relevant de la bourgeoisie commerçante vendue à l’impérialisme et des grands propriétaires terriens.
Considérant, avec justesse, que la direction du TIIKP convergeant avec la ligne de la « Révolution nationale démocratique », Ibrahim Kaypakkaya forma une ligne rouge en son sein, qui donna naissance au Türkiye Komünist Partisi/Marksist-Leninist (Parti Communiste de Turquie / Marxiste-Léniniste) au début de l’année 1972.
Ibrahim Kaypakkaya en écrivit les documents fondamentaux : la Critique générale – origine et développement des différences entre le révisionnisme de la Şafak et nous (75 pages au format A4 environ), la Critique du projet de programme du TIIKP (31 pages au format A4 environ), La question nationale en Turquie (32 pages au format A4 environ), Vues sur le kémalisme (33 pages au format A4 environ).
Il faut également mentionner deux autres documents précédant ceux-là : Apprenons correctement l’enseignement du président Mao Zedong quant à l’édification du pouvoir rouge, et les Décisions du DABK, c’est-à-dire de la fraction rouge au sein du TIIKP.
On retrouve l’état d’esprit, et la ligne en tant que telle d’ailleurs, de Charu Mazumdar avec le Parti Communiste d’Inde (Marxiste-Léniniste) ; on y trouve la même analyse d’un pays bloqué par le féodalisme formant un verrou anti-démocratique et anti-populaire, on y trouve la même perspective de révolution agraire par la lutte armée comme solution.
On a naturellement également la considération que l’ouverture d’un tel front dans son pays correspond à la situation révolutionnaire mondiale, avec laquelle il faut être en adéquation, ou plus exactement en conjonction.
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